2. Toutes les traductions de Smith dans cet article ont été effectuées par les auteurs. Selon l’usage
courant, les références indiquent les ouvrages de Smith en donnant leurs paragraphes et leurs pages,
soit « LRBL » (Lectures on Rhetoric and Belles Lettres), « TMS » (The Theory of Moral Sentiments), « LJ »
(Lectures on Jurisprudence), « WofN » (The Wealth of Nations), « EPS » (Essays on Philosohical Subjects)
et « COR » (Correspondance of Adam Smith).
bonheur des populations. Smith a différemment proposé des réformes
légales et éthiques qui pourraient bien nous inspirer aujourd’hui.
LA RÉGULATION DES BANQUES SELON SMITH
Plusieurs auteurs ont, depuis peu, armé que Smith préconisait une
régle mentation stricte des banques et de la finance (Carey, 2009 ;
Charolles, 2006 ; Chavagneux et Martimache, 2012 ; Mussa, 2009 ;
Rockoff, 2011 ; Sen, 2009 ; Walsh, 2014). S’appuyant sur une étude
minu tieuse des écrits de Smith, et non seulement sur un petit nombre de
paragraphes pris hors contexte, ces auteurs ont établi que Smith préco -
nisait six types de régulation.
Bien évidemment, ces régulations ne peuvent s’appliquer de façon
littérale dans notre système actuel. Par exemple, il n’existait pas à l’époque
de Smith de transactions automatiques dites de hautes fréquences, à partir
d’algorithmes mathématiques et de systèmes informatiques, représentant
actuellement près de 70 % des transactions financières. De même, le rôle
des médias, la pratique de la démocratie ou la fiscalité des personnes et des
entreprises étaient fort différents à son époque. Pour prendre un dernier
exemple, notre système d’entreprises, cotées en bourse, lui était étranger
puisqu’en son temps les compagnies par action à responsabilités limitées
ou les joint stock companies, comme il les appelait, étaient « établies par édit
royal ou par un acte du parlement » (WofN, V.i.e. 15 : 740)2et non,
comme aujourd’hui, par le simple dépôt de formulaires.
Cependant, et comme nous le verrons, certains principes généraux
posés par Smith demeurent aujourd’hui fort pertinents. La mise en garde
qu’il fit, par exemple, au sujet du fait qu’on ne peut espérer la même pru -
dence de personnes qui gèrent leur propre argent, quand elles sont
compa rées à celles qui jouent « avec l’argent des autres » (WofN, V.i.e. 18 :
741), fut à la base de la théorie de la propriété privée proposée par Adolf
ADAM SMITH AU-DELÀ DE SA CARICATURE NÉOLIBÉRALE
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