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Le romantisme est ainsi à son tour assimilé à la Révolution de 1789. Il met fin au classicisme,
comme la Révolution mit fin à l’Ancien Régime. Les allusions à la révolution sont nombreuses :
Hugo dit avoir fait «
souffler un vent révolutionnaire
» : «
Je mis un bonnet rouge au vieux
dictionnaire
». Personnifié, le dictionnaire, jusqu’ici gardien de la séparation des mots, est enrôlé
du côté de la révolution, les discriminations qu’il imposait s’effondrent : «
Plus de mot sénateur !
Plus de mot roturier
». Les termes métaphoriques «
sénateur
» et «
roturier
» en antithèse
marquent les deux classes sociales abolies par cette révolution des mots. Cette dernière
débouche sur la proclamation de l’égalité des mots, sur une sorte de Déclaration Universelle des
Droits des Mots : «
et déclarai les mots égaux, libres, majeurs
», justifiée par le fait que chaque
mot peut exprimer une idée universelle (vers 29-32).
Cette révolution prend enfin un caractère épique, par l’héroïsme libérateur de V.Hugo qui la
mène seul. Son apparition est un coup de théâtre, qui coïncide avec le passage du texte au passé
simple «
Alors, brigand, je vins
». Le lexique de la violence est présent, il doit d’opposer aux
« bataillons d’alexandrins carrés », et compare la violence de ses audaces à celle des barbares, à
celles de «
Tous les envahisseurs et tous les ravageurs, / Tous ces tigres, les Huns, les Scythes et
les Daces
». La présence, métaphorique et hyperbolique, des éléments naturels déchaînés sert
également la dimension épique de l’extrait :
« Je fis souffler un vent révolutionnaire
», «
Je fis
une tempête au fond de l’encrier.
»
Ainsi, c’est bien à un rapprochement entre histoire politique et histoire littéraire que se livre le
texte. Mais ce rapprochement ne va pas sans humour et sans provocation de la part d’Hugo.
III] Humour et provocation
Humour et provocation sont perceptibles d’abord dans la présentation satirique de la tradition
classique. Hugo tourne en dérision des autorités reconnues et critique l’archaïsme d’institutions
littéraires dont ses accusateurs sont nostalgiques. C’est ainsi avec désinvolture qu’il traite les
nobles personnages tragiques, en traitant leurs noms propres comme des noms communs par
antonomase : «
les Phèdres, les Jocastes, les Méropes
». A travers ces personnages, ce sont aussi
des auteurs comme Racine ou Voltaire, dont l’autorité pèse encore sur le paysage littéraire de
son époque, qu’il égratigne. Le grammairien Vaugelas devient un responsable du «
bagne
lexique
», Racine et Voltaire paraissent arrogants par leur mépris des mots du peuple, et
Corneille, s’il paraît plus progressiste, n’ose rien répondre à ceux qui lui reprochent ses libertés
de style : «
Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi
». La réaction des classiques face aux