dessins, textes, vidéos et enregistrements sonores ce qui constitue le point de départ du livre : une société urbaine
confrontée à une crise, provoquant famine et désespoir dans laquelle les parents, face à leurs enfants ne trouvent
d’autre solution que de les tuer pour leur éviter la souffrance. Des enfants se rebellent et se rassemblent. C’est eux
que nous présenterons au travers de leur histoire individuelle. Enfin, nous éditerons un livre, en collaboration avec
les auteurs du roman graphique, Philippe Dupuy et Loo Huiphang que nous donnerons à l’entrée aux spectateurs,
un carnet qui les accompagnera durant le voyage et que nous convoquerons à des moments précis pour un moment
de lecture. Dans cette première partie le livre permettra au spectateur de repérer quelques endroits dissimulés,
visibles à travers un trou dans la paroi servant de support à l’exposition, et présentants, sous forme d’installations
miniatures et films d’animation, les raisons qui ont poussé ces enfants à fuir.
Deuxième partie, la plaine ou la fuite vers un paradis
La fin du musée emmène les spectateurs dans la salle. Sur le plateau, nous retrouvons un monde en modèle réduit,
avec ses collines, son marais, sa cabane, quelques arbres morts. Tout est présent. Le groupe d’enfants entame
sa traversée depuis un bord et très vite on comprend qu’il en sera sorti en atteignant l’autre bord. Le spectateur
peut donc envisager les obstacles avant même qu’ils ne se présentent aux enfants. Cette traversée de la plaine
suit un rythme invariable au gré des jours : une marche diurne, ponctuée par la musique de Jonas, cet adolescent
charismatique qui fait office de guide et les bivouacs nocturnes. Je suivrai ce rythme en alternant les échelles de
représentation. La journée, nous verrons le groupe déambuler sur ce grand plateau, pâles silhouettes lointaines
dans la tourmente de leur fuite et la nuit, une caméra posée à l’endroit du bivouac retranscrira en gros plan sur
un écran placé derrière les visages et les enjeux des discussions qui ont lieu autour du feu. Ainsi, technique
marionnettique et vidéo se rejoignent pour la réalisation d’un film d’animation réalisé et doublé en direct.
Dans cette partie se jouent plusieurs évènements essentiels sur le plan dramatique. Tout d’abord le renforcement
du pouvoir de Jonas, le guide violoniste. Ce pouvoir, petit à petit, s’accompagne d’excès qui vont l’effriter. Un
groupe de contestataires voit alors le jour et la scission du groupe réduit alors leur chance de survie. Petit à petit
les enfants meurent, les plus faibles en premier. Seul Thomas, le premier à résister à Jonas, survivra et sortira de
la plaine, à bout de forces.
Troisième partie, la forêt
Thomas parvient donc à s’extraire de la plaine, rejoignant enfin la forêt tant désirée. Plutôt qu’une réalité concrète,
la forêt semble représenter, comme dans la littérature médiévale, un au-delà mystérieux et menaçant. La forêt
exprime un aspect visuel, un état moral, une expérience vécue, lieu de folie et symbole de la nature animale de
l’homme.
Nous interprétons cette épreuve qui s’impose à Thomas comme un nécessaire rituel de passage. Il se retrouve
confronté à une sorte de double animal, un cerf, lui aussi un des topoï de la littérature médiévale manifestant la
présence du merveilleux, agissant comme garde bienveillant et guide.
Cette forêt est donc une épreuve. Les spectateurs la subiront également. Il s’agit d’une partie brève et
exclusivement sensorielle. Le toucher, la vue seront des repères incertains. Une courte performance. Un passage
obligé vers l’ailleurs.
Quatrième partie, ailleurs ou nulle part
La forêt laisse place à un espace parsemé de corps d’enfants pétrifiés. Nous aurons définitivement quitté la réalité
de la plaine pour un monde subjectif déssiné par l’expérience de Thomas. Une femme étrange, flottant entre deux
airs, telle un fantôme de gorgone vient à la rencontre de Thomas. Sa robe démesurément longue recouvre petit
à petit tout le plateau et l’engloutit. C’est une dernière épreuve qui advient. Résister à cette femme, qui tente
de l’étouffer par sa douceur pour le sauver de ce monde inhospitalier. Un jeu de cache-cache entre l’extérieur et
l’intérieur de sa robe, tour à tour représenté par une marionnette et de la vidéo. Nous comprenons que Thomas
résiste. Nous nous accrochons, avec lui. Et nous remarquons, surgit de nulle part, le cerf, bienveillant et immobile,
en arrière plan. Petit à petit la femme et son monde disparait. Le cerf reste seul. Il entre dans la salle et rejoint les
spectateurs, bousculant les codes de la représentation.