Baromètre cancer 2010
Sous la direction de
François Beck
Arnaud Gautier
Préface de
Agnès Buzyn et Thanh Le Luong
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Les auteurs
Norbert Amsellem, sociologue, département sciences
humaines et sociales, Institut national du cancer (INCa)
Raphaëlle Ancellin, nutritionniste, département
prévention, Institut national du cancer (INCa)
Pierre Arwidson, médecin, directeur des affaires scientifiques à
l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes)
François Beck, statisticien, responsable du département
enquêtes et analyses statistiques, Institut national de
prévention et d’éducation pour la santé (Inpes)
Tarik Benmarnhia, ingénieur sanitaire, direction des
affaires scientifiques, Institut national de prévention
et d’éducation pour la santé (Inpes)
Antoine Deutsch, économiste, département
prévention, Institut national du cancer (INCa)
François Eisinger, médecin, département d’anticipation
et de suivi du cancer, Institut Paoli-Calmettes
Hélène Escalon, économiste, direction des affaires scientifiques,
Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes)
Julie Gaillot de Saintignon, biologiste, département
prévention, Institut national du cancer (INCa)
Anne Garnier, médecin, département dépistage,
Institut national du cancer (INCa)
Arnaud Gautier, biostatisticien, direction des affaires scientifiques,
Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes)
Romain Guignard, statisticien, direction des affaires scientifiques,
Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes)
Christophe Léon, statisticien, direction des affaires scientifiques,
Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes)
Martine Lequellec-Nathan, médecin, directrice générale adjointe,
directrice de la santé publique à Institut national du cancer (INCa)
Patrick Peretti-Watel, sociologue, chargé de recherche à l’Institut
national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)
Jean-Baptiste Richard, statisticien, direction des affaires scientifiques,
Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes)
Isabelle Tordjman, pharmacien biologiste, département
prévention, Institut national du cancer (INCa)
Jérôme Viguier, médecin, responsable du département
dépistage à Institut national du cancer (INCa)
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La maladie grave par excellence,
et dont personne nest à l’abri
Invités à citer les trois maladies
qu’ils jugent les plus graves, la quasi-
totalité des enquêtés mentionnent
spontanément le cancer, loin devant
le sida (49 %) et les maladies cardio-
vasculaires (30 %), et ce de manière
encore plus massive qu’en 2005.
En outre, presque tous les enquê-
tés (95 %) estiment que personne
n’est à l’abri du cancer. Les deux
tiers d’entre eux (66 %) jugent éga-
lement que le cancer nest pas une
maladie comme les autres, cette opi-
nion ayant progressé depuis 2005.
Une maladie souvent perçue
comme héréditaire
Une majorité d’enquêtés (52 %), en
baisse par rapport à 2005, consi-
dère que le cancer est souvent
héréditaire. Cette opinion est plus
fréquente parmi les plus diplômés,
les femmes, et les personnes qui ont
eu un proche atteint d’un cancer.
Seuls 6 % des personnes interrogées
croient à la contagiosité de certains
cancers.
Comportements, environnement,
psychologie : beaucoup de
causes jugées possibles
S’agissant des facteurs pouvant
favoriser le cancer, comme en 2005,
deux comportements se détachent
nettement, le tabagisme et l’ex-
position au soleil sans protection :
respectivement 98 % et 97 % des
enquêtés jugent que ces comporte-
ments favorisent certainement ou
probablement le cancer, auxquels
s’ajoute en 2010 le fait de man-
ger des aliments traités avec des
produits chimiques (93 %), lequel
apparaissait nettement moins iden-
tifié en 2005 (8 points de moins).
Viennent ensuite des facteurs envi-
ronnementaux comme la pollution
de l’air (94 %), la proximité d’une
centrale nucléaire (79 %), mais
aussi des facteurs comportemen-
taux (avoir recours aux cabines
UV, boire plus de trois verres d’al-
cool par jour, fumer du cannabis)
et même psychologiques (subir
le stress de la vie moderne). On
retrouve ensuite des facteurs consi-
dérés comme des causes de cancer
par environ sept enquêtés sur dix :
avoir été fragilisé par des expé-
riences douloureuses ainsi que le
manque d’activité physique.
Enfin, deux autres facteurs étaient
envisagés comme des causes cer-
taines ou probables de cancer : être
aigri à cause de déceptions affec-
tives ou professionnelles et ne pas
arriver à exprimer ses émotions. Ces
deux facteurs sont moins souvent
considérés comme cancérigènes que
les autres mais sont tout de même
perçus comme tels par quatre per-
sonnes sur dix. Chacun de ces fac-
teurs apparaît soit stable, soit en
hausse par rapport à 2005, signe
d’une perception globale accrue des
facteurs de risque de cancer.
Quatre grands profils de
perception des causes de cancer
S’agissant des opinions relatives aux
causes présumées de cancer, quatre
profils de réponses se dégagent. Le
profil dominant (42 % des enquêtés)
est enclin à penser que tous les fac-
teurs proposés, qu’ils soient environ-
nementaux, comportementaux ou
psychologiques, sont cancérigènes.
Le second profil (30 %) incrimine
également les deux premiers types
de facteurs, mais ne croit pas à des
causes psychologiques. Un troisième
profil (24 %) se caractérise par des
risques perçus plus faibles et plus
incertains. Enfin, le dernier profil
ne regroupe que 4 % des enquêtés,
moins enclins à juger cancérigènes
les facteurs proposés, quels qu’ils
soient ; ce dernier profil se carac-
térise par un niveau d’études in-
rieur au bac et le fait de pas avoir de
proche atteint d’un cancer.
Entre 2005 et 2010,
des opinions de plus en plus
socialement différenciées
De façon générale, les personnes les
moins diplômées, les moins aisées,
ainsi que celles qui se trouvent au
chômage sont plus enclines à adhé-
rer à des opinions qui dévalorisent les
personnes atteintes, et elles perçoi-
vent moins les effets cancérigènes du
tabac et de l’exposition non protégée
au soleil. Entre 2005 et 2010, la diffé-
renciation sociale des opinions rela-
tives au cancer s’est amplifiée.
Ce que les Français pensent du cancer
Opinions, risques perçus et causes présumées
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DES OPINIONS
QUI REPRÉSENTENT UN ENJEU
POUR LA PRÉVENTION
ET LE DÉPISTAGE…
L’étude des attitudes et des représenta-
tions vis-à-vis du cancer a fait l’objet de
nombreuses recherches, que ce soit sur la
façon dont les malades se représentent leur
maladie [1-4] ou, plus rarement, sur la façon
dont la population générale se représente
le cancer [5]. Ces représentations déter-
minent en partie l’attitude des patients face
aux traitements et aux soignants, et peuvent
donc avoir une incidence sur l’évolution de
leur état de santé [1], mais elles sont égale-
ment susceptibles de constituer des leviers
ou, au contraire, des freins à la préven-
tion. Par exemple, penser que personne
n’est à l’abri du cancer, ou que celui-ci
peut être causé par de multiples facteurs
de risque présents dans l’environnement,
peut conduire à un certain fatalisme et,
par ailleurs, si l’on juge que le cancer est
toujours héréditaire, ou qu’il touche unique-
ment les personnes fragiles psychologique-
ment, pourquoi se soumettre à un dépistage
lorsqu’on n’a pas soi-même d’antécédents
familiaux ?
… MAIS AUSSI POUR LE QUOTIDIEN
DES PERSONNES ATTEINTES
Les perceptions du public à l’égard du
cancer peuvent aussi avoir des consé-
quences négatives pour les personnes
atteintes. Par exemple, attribuer un cancer
à des « faiblesses psychologiques », penser
que le cancer est toujours provoqué par
de « mauvais » comportements (fumer,
boire…), revient à imputer une responsabilité
au malade, voire à prononcer une condam-
nation morale à son égard [6]. Enfin, penser
que le cancer est contagieux peut évidem-
Ce que les Français
pensent du cancer
Opinions, risques perçus et
causes présumées
Patrick Peretti-Watel
Norbert Amsellem
François Beck
INTRODUCTION
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48 Baromètre cancer 2010
ment entraîner des conduites d’évitement et
de ségrégation des personnes malades. La
façon dont chacun se représente le cancer,
ses causes comme ses conséquences, ainsi
que la perception de sa propre vulnérabi-
lité à l’égard de cette maladie, peuvent donc
s’avérer stigmatisantes pour les personnes
atteintes et générer une souffrance supplé-
mentaire.
DES OPINIONS PROFANES
QUI PEUVENT ÊTRE TRÈS
HÉTÉROGÈNES
La perception du risque de cancer pour
soi-même dépend bien sûr du mode de vie
et de l’exposition aux facteurs de risque les
plus connus et elle varie donc nécessaire-
ment avec les conduites et les situations
individuelles. En outre, pour appréhender
le monde qui nous entoure, nous forgeons
des « représentations sociales », c’est-à-dire
des connaissances socialement élaborées
et partagées, qui permettent à chacun de
s’orienter et de guider ses actes au sein d’un
cadre cohérent [7, 8]. Cette connaissance
est aussi ancrée dans l’expérience, en même
temps qu’elle lui donne sens. Cet ancrage
dans l’expérience signifie que la représenta-
tion porte la marque du sujet, de son histoire
individuelle, ce qui explique qu’il existe des
représentations du cancer.
Les anthropologues ont ainsi montré
que nous ne partageons pas tous la même
conception de notre corps : certaines
personnes pensent que leur corps est une
forteresse imprenable, capable de s’adapter
à toutes les agressions de l’environnement ;
tandis que d’autres ont le sentiment que leur
corps est fragile et perméable à toutes sortes
d’agents pathogènes [9]. Evidemment, la
vulnérabilité perçue face au cancer ne sera
pas la même suivant que l’on adhère à
l’une ou l’autre de ces conceptions, et cette
adhésion elle-même dépend de notre éduca-
tion, de nos valeurs, de nos expériences et
de notre environnement social et culturel ;
par exemple, une personne qui a connu des
situations de grande précarité matérielle,
affective ou professionnelle, pourra nourrir
un sentiment diffus de vulnérabilité et juger
son corps plus « perméable ». De même,
nos opinions à l’égard du cancer et de ses
facteurs de risque supposés ne seront pas
les mêmes selon le crédit que nous accor-
dons ou non aux autorités scientifiques et
médicales qui listent ces facteurs.
OPINIONS SUR le CANCER
OU les CANCERS ?
Pourquoi parler du cancer lorsque les experts
soulignent l’extrême diversité des cancers ?
Parce qu’il semble justement que la logique
profane tende à penser cette maladie au
singulier.
D’ailleurs, cette tendance à unifier les
cancers se retrouve chez les personnes
atteintes de pathologies cancéreuses très
diverses qui ont au final une expérience
en partie commune : qu’il soit atteint d’un
cancer de la peau, du colon ou des poumons,
un malade ferait face, pour partie, aux
mêmes réactions, se heurterait aux mêmes
difficultés relationnelles, dans son entou-
rage affectif, dans son cercle familial et dans
son milieu professionnel [10].
C’est d’ailleurs en partie autour de ces
difficultés que s’est articulée la campagne de
l’INCa « Je suis une personne, pas un cancer’.
Changeons de regard » au printemps 2011.
Sont également révélateurs la symbolique
et les usages métaphoriques du mot cancer.
Quelle que soit sa localisation, le cancer
est la maladie du désordre interne, il se
caractérise par une prolifération de cellules
dans l’organisme, prolifération jugée à la
fois anarchique, incontrôlée et finalement
mortelle [11, 12]. À ce titre, le cancer est la
métaphore privilégiée pour décrire des
problèmes sociaux : corruption, chômage,
racisme, violence, drogue, chacun de ces
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