Psychologie Québec 䡲Septembre 2007
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Editorial
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A RECHERCHE d’efficacité est plus que légitime, en
psychologie comme ailleurs. Celui qui a recours à
un service est en droit de s’attendre à ce qu’il
donne des résultats. D’ailleurs, qui voudrait offrir un ser-
vice sans se préoccuper de son efficacité ? Mais qui vou-
drait choisir son intervention avec un client donné en se
basant exclusivement sur des résultats de recherches ?
Sûrement pas un professionnel responsable.
Je salue les efforts déployés pour choisir les
meilleures pratiques professionnelles en tenant compte
des données disponibles. Je souhaite cependant que les
données soient interprétées avec rigueur, ce qui implique
de ne pas leur faire dire ce qu’elles ne disent pas, notam-
ment ne pas généraliser à outrance des résultats spéci-
fiques. La tendance à vouloir réduire l’offre de traitement à
certaines techniques, en se basant sur une seule portion
de la littérature en psychologie, appelle à toute notre vigi-
lance. L’article de Martin Drapeau dans le présent numéro
nous invite d’ailleurs à être rigoureux non seulement en se
tenant au courant des recherches sur la psychothérapie,
mais en développant aussi notre sens critique vis-à-vis ce
qui est publié.
L’articulation entre la recherche et la clinique
demeure un défi qui, heureusement, préoccupe de plus en
plus tant les chercheurs que les cliniciens. Les uns ont
besoin des autres pour poser les bonnes questions, choisir
les hypothèses à vérifier, recueillir les données pertinentes,
interpréter les résultats et en limiter la généralisation de
manière à la fois sérieuse et utile. Ensemble, il nous faut
travailler à développer de meilleures lunettes pour voir la
réalité psychologique plutôt que de limiter notre compré-
hension à ce que les instruments les plus facilement dispo-
nibles actuellement nous permettent de mesurer.
La cueillette de données sur l’efficacité de nos inter-
ventions ne devrait pas être la responsabilité exclusive des
chercheurs. Le travail du clinicien l’amène quotidienne-
ment à faire de multiples observations et les dossiers cli-
niques sont riches en données qui ne seront jamais
publiées. Et c’est fort dommage. La formation en psycholo-
gie est pourtant fortement axée sur la recherche (certains
diront même trop). Peut-on rêver du jour où celle-ci sera
mise au service de la clinique? Peut-on rêver du jour où les
informations recueillies quotidiennement par les cliniciens
seront regroupées et traitées de manière à constituer un
bassin de connaissances qui serviront à guider et à enri-
chir la pratique? Où la clinique bénéficiera davantage des
données probantes qu’elle contribuera à produire?
Par ailleurs, la recherche d’efficacité qui pousserait le
professionnel à ne pas prendre le temps de bien évaluer
manquerait sûrement sa cible. Car c’est l’évaluation qui
est garante de la justesse de l’intervention. C’est l’évalua-
tion qui permet de passer de la théorie à la pratique, de
choisir parmi les connaissances générales ce qui s’ap-
plique à un client donné et comment. De plus, l’évaluation
permet d’identifier les cibles d’intervention et les résultats
attendus qui sont les guides ultimes du traitement et la
mesure de son efficacité.
Notre domaine exige des outils divers qui permettent
de bien évaluer une réalité difficile à saisir à l’œil nu. L’éva-
luation qui s’appuie sur des observations de plusieurs
sources (entrevue, observation directe, psychométrie) exige
plus de temps mais augmente de beaucoup la fiabilité du
diagnostic psychologique, la justesse de l’intervention qui
en découle et, bien sûr, son efficacité réelle pour un client
donné. Pourrait-on mieux en prendre la mesure ?
L’Ordre vous invite, le 27 septembre prochain, à une
journée de formation et de discussion sur les données pro-
bantes qui promet d’être riche en contenu et en échanges.
Les psychologues sont bien placés pour être des interlocu-
teurs crédibles en cette matière. Donnons-nous tous les
moyens d’approfondir nos connaissances et de prendre la
parole auprès des décideurs pour trouver des solutions
concernant l’offre de traitement.
Vos commentaires sur cet éditorial sont les bienvenus à :
Par
Rose-Marie Charest
M.A., PRÉSIDENTE
Évaluer : une mesure efficace