AVANT LA SORTIE AU THÉÂTRE
Le mot de l’auteur – lecture et réflexion
Jean-Rock Gaudreault, avec son mot de l’auteur, crée un pastiche. Il s’amuse à adresser, dans
un style qui rappelle celui de l’époque, un message provocateur et un brin impertinent au Roi
Louis XIV.
Passez cette page et la suivante aux élèves. Faites la lecture du texte, puis prenez le temps (en
équipes ou en grand groupe), de questionner le sens de chaque paragraphe. Certains des
termes marqués d’une * méritent sans doute une explication. C’est un bon moment pour les
chercher et en découvrir le sens ensemble. (L’auteur fait mention de « l’affaire Tartuffe », qui
sera expliquée brièvement à la page 6. Bien sûr, on pourra aussi effectuer une recherche plus
approfondie sur cette « affaire » si le temps le permet...)
EN GUISE DE PRÉAMBULE, L’AUTEUR ADRESSE CE PLACET* AU FANTÔME DU ROI-SOLEIL.
Sire,
Il peut vous sembler étrange ou malséant* qu’un auteur de votre ancienne colonie d’Amérique
vous interpelle en préambule d’une œuvre dramatique contemporaine*. Mon intention n’est pas
de quémander votre patronage*, ce qui serait franchement anachronique*, et le souvenir du
personnage titre de cette pièce mérite d’être affranchi* une fois pour toutes de l’agrément royal.
Je voudrais toutefois me faire humblement votre complice en vous imitant sur une échelle
infiniment plus réduite. L’usage que vous fîtes de l’œuvre de Molière dans l’affaire du Tartuffe
pour contrer le parti des dévots* m’a inspiré de conscrire ce personnage illustre et de m’en
servir comme caution* pour m’adresser aux enfants sur des sujets qui, encore à mon époque,
s’avèrent délicats.
Car, s’il est permis de tout dire aux adultes et de provoquer à tous les vents notre société
moderne, les règles changent dès qu’il s’agit d’inciter notre progéniture* à la libre pensée. Avec
les meilleures intentions du monde, les parents et les pédagogues veulent à tout prix préserver
nos enfants-rois de discours trop affranchis.
Les libertins* de votre époque, ancêtres des penseurs des Lumières, sont aujourd’hui atteints
d’un relativisme* qui permet à la science de cohabiter sans s’émouvoir avec un créationnisme*
qui ne scandalise plus.
Derrière Molière, je m’abrite, comme si, par-delà la mort, il menait sa bataille pour la liberté de
conscience encore une fois. Certes, l’étendue de son génie sera immanquablement limitée par
ma plume, mais je me réjouis de le faire incarner sur scène devant des enfants nés après le
deuxième millénaire. Comme vous, Majesté, la lâcheté m’incommode moins si je peux me
vanter d’un procédé astucieux.
Je vous laisse aux lentes méditations des morts.
Et vous remercie d’avoir soutenu et applaudi, dans votre jeunesse éclairée qui précéda votre
vieillesse mesquine*, celui dont notre langue porte le nom.
L’auteur, Jean-Rock Gaudreault
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