Suite logique du nouveau
programme d’histoire de 6e, celui
de la classe de 5e, essentiellement
orienté vers l’étude des grandes civi-
lisations entre le VIIe siècle et la fin du
XVIIe siècle – oui, mais lesquelles ? –
entre vigueur en septembre. Le chan-
gement de cap et de contenu est radical
par rapport à l’ancien programme
qui couvrait l’histoire de l’Europe
occidentale (du IXe au XVIe siècle),
avec des sujets centrés sur les IXe,
XIIIe et XVIe siècles. Il contenait trois
grandes parties et de nombreuses
sous-sections : de l’Empire romain
au Moyen Âge (l’Empire byzantin,
le monde musulman, l’Empire caro-
lingien), la chrétienté occidentale
(l’Église, les cadres politiques et la
société, le royaume de France entre
le Xe et le XVe siècle et l’affirmation
de l’État), la naissance des temps mo-
dernes (Humanisme,
Renaissance, Réfor-
mes ; l’Europe à la dé-
couverte du monde ;
le royaume de France
au XVIe siècle et la
difficile affirmation
de l’autorité royale).
La présentation du
monde musulman devait présenter
Mahomet, le Coran, la diffusion de
l’ Is la m et de sa civil isat ion .
Les nouveaux programmes
s’ouvrent sur la naissance de l’islam,
en tant que religion, et se poursuivent
avec la civilisation de l’Islam médié-
val. « Les musulmans, précise le Bulle-
tin officiel (BO) spécial n° 6 du 28 août
2008 de l’Éducation nationale, sont
abordés dans le contexte de la conquê-
te et des premiers empires arabes,
dans lequel la tradition islamique est
é c r i t e ( V I I e-IXe siècle). » Quelques-uns
des récits de la tradition musulmane,
tirés du Coran, sont étudiés comme
fondement de l’islam. « L’extension et
la diversité religieuse et culturelle de
l’Islam médiéval sont présentées au
temps des Omeyyades, ou des Abbas-
sides », précise le texte officiel. Une
thématique qui vient donc compléter
l’étude des débuts du judaïsme et du
christianisme de l’année précédente.
Si l’on comprend la volonté de faire
découvrir aux élèves les fondements
des trois religions monothéistes dans
une volonté de tolérance mutuelle, les
enseigner dans des établissements
laïques et dans le cadre de cours d’his-
toire, supposé ouvert à la réflexion et
à la critique, n’est pas une tâche facile
pour les enseignants.
Puis les élèves abordent un mo-
dule consacré à l’Occident féodal, du
XIe au XVe siècle, traité en deux par-
ties : « Paysans et seigneurs », d’une
part ; « Féodaux, souverains, pre-
miers États », d’autre part. La France
est le cadre privilégié de l’étude ainsi
que le note le BO. Cela signifie que,
si les empires byzantin et carolin-
gien sont brièvement évoqués en 6e,
le baptême de Clovis (496), acte fonda-
teur du royaume de France, est passé
à la trappe. Si l’on considère la den-
sité du programme d’histoire de 6e,
il semble peu probable que les pro-
fesseurs aient le temps d’en parler. Il
n’est d’ailleurs pas même mentionné
dans les recommandations du BO.
Quant à la guerre de Cent Ans (1337-
1453) et la chevauchée de Jeanne d’Arc
(1429-1431), elles disparaissent corps
et biens de la classe de 5e.
Ce thème de l’Occident féodal
est suivi par une nouvelle approche in-
titulée « Regards sur l’Afrique » – l’in-
novation essentielle du programme. Il
s’agit de l’étude des civilisations afri-
caines médiévales entre le VIIIe et le
XVIe siècle. Cette histoire est mécon-
nue sinon ignorée des Occidentaux et
il est intéressant de montrer que des
royaumes se sont développés sur ce
continent comme en Occident. L’en-
seignant doit choisir parmi les quatre
d’Afrique subsaharienne : le Ghana ;
le Mali ; le Songhaï ; le Monomotapa
(Grand Zimbabwe). La naissance et le
développement des traites négrières
orientales, transsaha riennes et in-
ternes à l’Afrique, est étudiée à partir
de l’exemple, au choix, d’une route ou
d’un trafic des esclaves vers l’Afrique
du Nord ou l’Orient. Elle doit s’ap-
puyer sur une carte des courants de la
traite avant le XVIe siècle. La conquê-
te et l’expansion arabo-musulmane
figurent aussi parmi les repères à
connaître. Cette évocation de l’Afri-
que précoloniale a le mérite d’ouvrir
des horizons et de valoriser les élèves
venus des ancien nes colonies. Mais il
est à craindre que l’évocation de l’his-
toire africaine ne soit qu’un modeste
survol. Au détriment de grands faits
de l’histoire de France.
Le dernier chapitre (40 % du
temps), le plus important du program-
me en volume, couvre une période
allant de la fin du XVe au X V I Ie siècle.
Et le siècle de Louis XIV dans tout
cela ? Il est relégué à l’extrême fin de la
dernière partie, fai-
sant de la Renaissan-
ce et du XVIIe siècle
un seul module. Et
encore, le Roi-Soleil
est-il inclus dans une
thématique intitulée
« L’émergence du “roi
absolu” ». Comme le
préconise le BO, « le château de Ver-
sailles et la cour sous Louis XIV, ainsi
qu’une œuvre littéraire ou artistique
de son règne, au choix, sont étudiés
pour donner quelques images (sic) du
“roi absolu” et de son rôle dans l’État. »
Il est conseillé aux professeurs de
« raconter une journée de Louis XIV
à Versailles révélatrice du pouvoir
du roi ». En auront-ils le temps en fin
d’année ? Bien sûr que non. Autant
dire que Louis XIV est, comme Clovis,
c o nd a m n é à l ’o ub l i . L a F r a n c e to u r n e -
rait-elle le dos à son passé ?
On peut s’interroger sur la co-
hérence de ces nouveaux programmes
qui font l’impasse sur la civilisation
du Nil en 6e et glissent ces « regards
sur l’Afrique » entre l’Occident féodal
et l’évolution vers la modernité en Eu-
rope. Il est difficile de lutter en même
temps contre l’ethnocentrisme fran-
çais et européen et donner à l’histoire
de France la place qu’elle mérite. Un
véritable casse-tête. L
Glisser un peu de Zimbabwe entre
l’Occident féodal et la modernité en
Europe va relever du casse-tête !
par Véronique Dumas
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