ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE D’ALFORT Année 2013 ÉMERGENCES ZOONOTIQUES BACTÉRIENNES ET VIRALES LIÉES À LA PROMISCUITÉ ENTRE L’HOMME ET LES RONGEURS THÈSE Pour le DOCTORAT VÉTÉRINAIRE Présentée et soutenue publiquement devant LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL le…………… par Marianne Marie Juliette PEIFFER Née le 5 novembre 1988 à Laxou (Meurthe-et-Moselle) JURY Président : Pr. Professeur à la Faculté de Médecine de CRÉTEIL Membres Directeur : Madame Nadia HADDAD/HOANG-XUAN, Professeur à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort Assesseur : Madame Sophie LE PODER, Maître de conférences à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort REMERCIEMENTS Au Professeur de la faculté de Médecine de Créteil, Qui m’a fait l’honneur d’accepter la présidence de mon jury de thèse, Hommage respectueux. À Madame Nadia HADDAD, Professeur à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, Pour m’avoir guidée dans la réalisation de cette thèse, Pour sa disponibilité, sa gentillesse, sa réactivité et son soutien, Qu’elle trouve ici l’expression de mes sincères remerciements et de ma reconnaissance. À Madame Sophie LE PODER, Maître de conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, Pour ses conseils et l’attention portée à l’examen de ce travail, Sincères remerciements. À mes parents, Pour l’amour qu’ils me donnent, pour ne vouloir que mon bonheur, Pour leurs paroles réconfortantes, leur soutien sans faille et leur confiance en moi, C’est à vous que je dois tout, je ne saurais jamais vous remercier pour tout ce que vous faites pour moi. À ma sœur, Pour sa volonté à me faire plaisir, pour son attitude protectrice, Pour toutes les situations dans lesquelles elle s’est démenée pour pouvoir être présente, Pour la motivation et le sourire qui la caractérisent. À mon frère, Pour tous les rires et les jeux d’enfants qui n’appartenaient qu’à nous, Pour son sens de l’humour qui rend les moments partagés uniques, Pour sa patience et son sens de la pédagogie. À ma grand-mère « de Loudrefing », Pour toute sa générosité et sa tendresse distribuées sans limite, Pour m’avoir donné goût au monde de la ferme et à celui de la pâtisserie. À ma grand-mère « de Château », Pour sa gentillesse et sa générosité, Pour les moments de partage et de joie passés ensemble. À mes grands-pères, Qui n’auront jamais connu mon parcours dans les études supérieures, mais qui auraient certainement été fiers de moi, Pour leur gentillesse, leurs encouragements et leur soutien, Vous me manquez. À mes oncles, tantes et cousins, Pour tous les instants passés ensemble, et toute la bonne humeur qui les accompagne ! En particulier, merci à René et à Sébastien, pour m’avoir permis de me mettre sur le «devant de la scène». À Jérôme, mon chéri, Pour sa tendresse et sa douceur, pour prendre soin de moi et vouloir mon bonheur, Pour tous ces moments uniques où le temps semble s’arrêter, Merci d’être là, tu es mon soleil. À tous mes amis et amies de la promo 2013, Pour ces années hors du commun passées ensemble, Pour les liens d’amitié créés, et les hobbys partagés. À tous mes amis et amies Sarrebourgeois, Et en particulier à Aurélie, mon amie depuis toujours, voilà plus de vingt ans! TABLE DES MATIÈRES Liste des abréviations Liste des figures Liste des tableaux Liste des annexes p.9 p.13 p.16 p.17 INTRODUCTION p.19 Première partie : Les émergences zoonotiques, des préoccupations de plus en plus d’actualité p.21 1) Définition des termes a. Zoonose b. Émergence c. Zoonose émergente et émergence zoonotique p.21 p.21 p.22 p.23 2) Les rongeurs, réservoirs potentiels a. Définition i. Éléments de classification et d’anatomie ii. Historique de leur peuplement des espaces terrestres et aquatiques iii. Distinction des différentes catégories de rongeurs b. Relation Homme-rongeurs c. Un Ordre tantôt méprisé tantôt respecté d. Éléments contribuant à placer les rongeurs au cœur des problèmes d’émergences zoonotiques p.25 p.25 p.25 3) Un contexte initiateur d’émergences et de ré-émergences a. Un climat favorable i. Observations antérieures ii. Données actuelles p.37 p.37 p.37 p.37 b. L’Homme en tant qu’acteur i. Augmentation démographique ii. Contexte socio-économique et socio-politique iii. Globalisation iv. Détention d’animaux v. Influence de la culture et des croyances 1 p.26 p.30 p.33 p.34 p.36 p.40 p.40 p.41 p.41 p.43 p.45 c. L’Homme en tant qu’initiateur de rencontres i. Exercice professionnel ii. Loisirs iii. Statut immunitaire et la notion de YOPI p.45 p.45 p.45 p.46 d. Influence de la biodiversité animale i. Les vecteurs : l’importance des tiques 1. Point de systématique 2. Cycle de vie ii. Impact de la biodiversité sur les risques de transmission d’agents zoonotiques 1. Effet bénéfique ? 2. Effet néfaste ? p.47 p.47 p.47 p.47 e. Les agents pathogènes i. Facilités diagnostiques : connaissances accrues et avancées technologiques ii. Particularités liées aux agents pathogènes 1. Agents viraux 2. Agents bactériens iii. Barrières d’espèces p.49 Deuxième partie : Zoonoses émergentes ayant comme réservoir principal les rongeurs 1) Zoonoses virales a. Hantaviroses i. Historique ii. Caractéristiques des virus 1. Description et systématique a. Structure b. Résistance c. Diversité virale et diversité des réservoirs 2. Facteurs de virulence et pathogénicité iii. Épidémiologie 1. Descriptive 2. Analytique a. Sources de contamination b. Facteurs de risque c. Modes de transmission iv. Étude clinique v. Diagnostic et dépistage de laboratoire 2 p.48 p.48 p.49 p.49 p.50 p.50 p.51 p.52 p.55 p.55 p.55 p.55 p.56 p.56 p.56 p.58 p.58 p.60 p.61 p.61 p.62 p.62 p.63 p.63 p.64 p.65 vi. Moyens de lutte 1. Traitements 2. Mesures prophylactiques vii. Découvertes ou événements récents b. Poxvirus (virus Monkeypox et Cowpox) i. Historique ii. Caractéristiques des virus 1. Description et systématique a. Diversité virale b. Structure c. Résistance 2. Facteurs de virulence et pathogénicité iii. Épidémiologie Épidémiologie relative au CPXV 1. Descriptive 2. Analytique a. Sources de contamination b. Facteurs de risque c. Modes de transmission iv. v. vi. vii. Épidémiologie relative au virus MPXV 1. Descriptive 2. Analytique a. Sources de contamination b. Facteurs de risque c. Modes de transmission Étude clinique Cas du CPXV Cas du MPXV Diagnostic et dépistage de laboratoire Moyens de lutte 1. Traitement Cas du CPXV Cas du MPXV 2. Mesures prophylactiques a. Prophylaxie médicale b. Prophylaxie sanitaire Découvertes ou événements récents c. Arenavirus (Virus la fièvre de Lassa) i. Historique ii. Caractéristiques du virus 1. Description et systématique a. Diversité virale b. Structure c. Résistance 2. Facteurs de virulence et pathogénicité 3 p.67 p.67 p.68 p.69 p.70 p.70 p.72 p.72 p.72 p.73 p.75 p.75 p.76 p.76 p.76 p.77 p.77 p.77 p.78 p.78 p.78 p.80 p.80 p.80 p.81 p.81 p.82 p.82 p.85 p.86 p.86 p.86 p.87 p.87 p.87 p.88 p.88 p.89 p.89 p.90 p.90 p.90 p.92 p.92 p.93 iii. Épidémiologie 1. Descriptive 2. Analytique a. Sources de contamination b. Facteurs de risque c. Modes de transmission iv. Étude clinique v. Diagnostic et dépistage de laboratoire vi. Moyens de lutte 1. Traitements 2. Mesures prophylactiques vii. Découvertes ou événements récents p.93 p.93 p.94 p.94 p.95 p.95 p.96 p.98 p.99 p.99 p.100 p.100 d. Flavivirus (Encéphalites à tiques) i. Historique ii. Caractéristiques des virus 1. Description et systématique a. Diversité virale b. Structure 2. Facteurs de virulence et pathogénicité iii. Épidémiologie 1. Descriptive 2. Analytique a. Sources de contamination b. Facteurs de risque c. Modes de transmission iv. Étude clinique v. Diagnostic et dépistage de laboratoire vi. Moyens de lutte vii. Découvertes ou événements récents p.101 p.101 p.101 p.101 p.101 p.103 p.103 p.104 p.104 p.105 p.105 p.106 p.106 p.108 p.109 p.110 p.111 2) Zoonoses bactériennes a. La peste i. Historique ii. Caractéristiques de la bactérie 1. Description et systématique a. Structure b. Diversité bactérienne c. Résistance 2. Facteurs de virulence et pathogénicité iii. Épidémiologie 1. Descriptive 2. Analytique a. Sources de contamination b. Facteurs de risque c. Modes de transmission p.112 p.112 p.112 p.114 p.114 p.114 p.115 p.115 p.115 p.119 p.119 p.121 p.121 p.121 p.122 4 iv. Étude clinique v. Diagnostic et dépistage de laboratoire vi. Moyens de lutte 1. Traitements 2. Vaccination 3. Mesures sanitaires de prévention vii. Découvertes ou événements récents p.124 p.126 p.130 p.130 p.131 p.132 p.133 b. Autres yersinioses i. Historique ii. Caractéristiques bactériennes 1. Particularités structurales 2. Facteurs de virulence et pathogénicité iii. Épidémiologie 1. Descriptive 2. Analytique a. Sources de contamination b. Facteurs de risque c. Modes de transmission iv. Étude clinique v. Diagnostic et dépistage de laboratoire vi. Moyens de lutte vii. Découvertes ou récents p.134 p.134 p.135 p.135 p.135 p.136 p.136 p.137 p.137 p.137 p.138 p.138 p.140 p.141 p.142 c. Tularémie i. Historique ii. Caractéristiques bactériennes 1. Description et systématique a. Structure b. Diversité bactérienne c. Résistance 2. Facteurs de virulence et pathogénicité iii. Épidémiologie 1. Descriptive 2. Analytique a. Sources de contamination pour l’Homme b. Facteurs de risque c. Modes de contamination iv. Étude clinique v. Diagnostic et dépistage de laboratoire vi. Moyens de lutte 1. Traitements 2. Mesures préventives vii. Découvertes ou événements récents p.143 p.143 p.143 p.143 p.143 p.143 p.144 p.145 p.146 p.146 p.147 p.147 p.148 p.148 p.149 p.151 p.153 p.153 p.153 p.154 d. Leptospirose i. Historique p.155 p.155 5 ii. Caractéristiques bactériennes 1. Description et systématique a. Diversité bactérienne b. Structure c. Résistance 2. Facteurs de virulence et pathogénicité iii. Épidémiologie 1. Descriptive 2. Analytique a. Sources de contamination b. Modes de transmission c. Facteurs de risque iv. Étude clinique v. Diagnostic et dépistage de laboratoire vi. Moyens de lutte 1. Traitements 2. Prophylaxie vii. Découvertes ou événements récents p.155 p.155 p.155 p.156 p.156 p.157 p.158 p.158 p.159 p.159 p.160 p.161 p.161 p.164 p.166 p.166 p.166 p.167 e. Maladie de Lyme i. Historique ii. Caractéristiques bactériennes 1. Description et systématique a. Diversité bactérienne b. Structure 2. Facteurs de virulence et pathogénicité iii. Épidémiologie 1. Descriptive 2. Analytique a. Vecteurs et réservoirs b. Modes de transmission c. Facteurs de risque iv. Étude clinique v. Diagnostic et dépistage de laboratoire vi. Moyens de lutte 1. Traitements 2. Prophylaxie vii. Découvertes ou événements récents p.168 p.168 p.168 p.168 p.168 p.169 p.169 p.170 p.170 p.172 p.172 p.173 p.174 p.174 p.177 p.178 p.178 p.179 p.179 f. Tuberculose due à Mycobacterium microti i. Historique ii. Caractéristiques bactériennes 1. Description et systématique a. Structure b. Diversité bactérienne c. Résistance 2. Facteurs de virulence et pathogénicité p.180 p.180 p.181 p.181 p.181 p.181 p.181 p.182 6 iii. Épidémiologie 1. Descriptive 2. Analytique a. Sources de contamination b. Modes de transmission iv. Étude clinique v. Diagnostic et dépistage de laboratoire vi. Moyens de lutte 1. Traitements 2. Prophylaxie vii. Découvertes ou événements récents Troisième partie : Implication des différents acteurs dans la protection de la Santé Publique vis-à-vis des émergences liées aux rongeurs p.182 p.182 p.183 p.183 p.183 p.183 p.185 p.186 p.186 p.187 p.187 p.189 1) Les acteurs et leur rôle a. Au niveau international i. Acteurs actuels ii. La riposte mondiale face aux émergences/ré-émergences b. Au niveau européen i. Acteurs et rôles ii. La riposte européenne face aux émergences/ré-émergences c. Au niveau national dans le cas de la France d. Aux niveaux régionaux et départementaux dans le cas de la France e. Les acteurs de proximité p.189 p.189 p.189 p.191 p.191 p.191 p.192 p.192 p.194 p.195 2) Mesures de surveillance et de contrôle a. Définition b. Systèmes de surveillance mis en place i. Surveillance passive ii. Surveillance active iii. La surveillance de la faune sauvage en France p.196 p.196 p.198 p.198 p.198 p.199 3) Autres actions intervenant dans les systèmes de surveillance a. Systèmes d’alerte i. Définition ii. Alerte dans le cas où existe un système de surveillance iii. Alerte sans existence préalable d’un système de surveillance p.199 p.201 p.201 p.203 p.203 4) Recommandations et mesures de prévention a. Attitudes et précautions collectives i. Lutte contre les réservoirs ii. Lutte contre les vecteurs p.204 p.204 p.204 p.205 7 iii. Lutte contre les agents pathogènes iv. Sensibilisation de l’Homme b. Attitudes et précautions individuelles 5) Outils de communication a. Presse écrite et affiches informatives b. Radio et télévision c. Internet p.205 p.206 p.206 p.207 p.208 p.208 p.208 CONCLUSION p.211 Bibliographie Annexes p.213 p.229 8 LISTE DES ABRÉVIATIONS - AAR : Acido-alcoolo-résistant ACA : Acrodermatite Chronique Atrophiant ADN : Acide Désoxyribonucléique AFSSA : Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation AFSSAPS : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé AFSSET : Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail AHFV : Virus de la fèvre hémorragique Alkhurma ALAT : Alanine aminotransferase AMM : Autorisation de Mise sur le Marché AMR : Virus Amur ANDV : Virus Andes ANSES : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ARN : Acide Ribonucléique ARS : Agences Régionales de Santé ASAT : Aspartate transaminase B. : Borrelia BAYV : Virus Bayou BCCV : Virus Black Creek Canal BCNV : Virus Bear Canyon CDC : Centers for Disease Control and Prevention (USA) CE : Commission Européenne CEI : Communauté des Etats Indépendants CEV : Cell-associated Enveloped virus Cire : Cellules inter-régionales d’épidémiologie CNR : Centre National de Référence CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique CORRUSS : Centre opérationnel de réception et de régulation des urgences sanitaires et sociales CPXV : Virus Cowpox CVAGS : Cellule de veille, d’alerte et de gestion sanitaires DGS : Direction Générale de la Santé DO : Déclaration obligatoire DOBV : Virus Dobrava-Belgrade DUS : Département des Urgences Sanitaires ECM : Rash érythémateux chronique migrant ECP : Electrophorèse en champs pulsés EEA : European Economic Area EEV : External Enveloped Virion ELISA : EnzymeLinked Immunosorbent Assay 9 - EM : Erythème migrant EMEA: European Medicines Agency EMPRESS : Emergency Prevention System for Transboundary Animal and Plant Pests and Diseases F. : Francisella FAO : Organisation de l’alimentation et de l’agriculture FAS : Federation of American Scientists FDA : Food and Drug Administration FH : Fièvre Hémorragique FHSR : Fièvre Hémorragique avec Syndrome Rénal FISH : Sondes nucléiques fluorescentes G-CSF: Granulocyte Colony Stimulating Factor GGYV : Gadgets Gully virus GLEWS : Global early warning system GTOV : Guanarito virus HFDS : Haut Fonctionnaire de défense et de sécurité Hms : Hemin storage HPI : High-Pathogenicity Island HPS : Hantavirus Pulmonary Syndrome HPST : Hôpital Patients Santé territoire HTN : Hantaan HTV : Hantavirus IFA : Indirect Fluorescent Antibody IFI : Immunofluorescence indirecte IFNγ : Interferon gamma Ig : Immunoglobulines IHR : International Health Regulations IL : Interleukine IL-1ra : IL-1 receptor antagonist IMV : Intracellular Mature Virus INRS: Institut national de recherche et de sécurité InVS : Institut National de Veille Sanitaire IRM : Imagerie par résonance magnétique ISID : International Society for Infectious Diseases ISW-TBE: International Scientific Working Group on Tick-Borne Encephalitis JUNV : Virus Junin KFDV : Virus de la maladie de la forêt Kyasanur KHF : Korean Hemorrhagic Fever KSIV : Virus Karshi K/T : Crétacé/Tertiaire L. : Leptospira LASV : Virus de la fièvre de Lassa LBP : Lipopolysaccharide binding protein LCMV : Virus de la chorioméningite lymphocytaire LCS : Liquide Cérébro Spinal LD : Lyme Disease (maladie de Lyme) LDAV : Laboratoires départementaux d’analyses vétérinaires 10 - Len : Endostatin-like protein LGTV : Virus Langat LIV : Virus Louping ill LPS : Lipopolysaccharide de paroi M. : Mycobacterium MACV : Virus Machupo (ex) MARC : Maladies réglementées de catégorie 1 MAT : Test de micro-agglutination microscopique MPXV : Virus Monkeypox MTBC : Mycobacterium Tuberculosis Complex NAC : Nouveaux Animaux de Compagnie NYV : Virus New York OIE : Organisation mondiale de la santé animale OHFV : Virus de la fièvre hémorragique d’Omsk OMC : Organisation Mondiale du Commerce OMS : Organisation Mondiale de la Santé ONCFS : Office nationale de la Chasse et de la Faune Sauvage ONU : Organisation des Nations Unies OPV : Orthopoxvirus ORF : Open Reading Frame PACE : Pan African Programme for the Control of Epizootics PCR : Polymerase Chain Reaction PGRS : Poly GC Rich Sequences PHA : Hémagglutination passive des globules rouges de mouton Plateforme ESA : Plateforme nationale de surveillance épidémiologique en santé animale PMM : Pro MED-mail PNUD : Programme des Nations Unies pour le développement PO : Per os POWV : Virus Powassan PRNT : Plaque reduction neutralization test ProMed : Program for Monitoring Emerging Diseases PUUV : Virus Puumala pYV : Plasmid for Yersinia Virulence RADISCON : Regional Animal Disease Surveillance and Control Network RFLP : Restriction Fragment–Length Polymorphism RFV : Virus Royal farm RMISP : Réseau mondial d’information en santé publique RNSP : Réseau National de Santé Publique RT-PCR : Reverse Transcription-PCR SABV : Virus Sabia SEOV : Virus Seoul SNV : Virus Sin nombre SRAS : Syndrome Respiratoire Aigu sévère STE : Éléments tubulaires de surface TACV : Virus Tacaribe TAMV : Virus Tamiami 11 - TBE : Tick-Borne Encephalitis (encéphalite à tiques) TBEV: Tick-Borne Encephalitis virus (virus de l’encéphalite à tiques) TBEV-Eu : Tick-Borne Encephalitis virus- Europe (virus de l’encéphalite à tiques européen) TBEV-Fe : Tick-Borne Encephalitis virus- Far east (virus de l’encéphalite à tiques de l’extrême est) TBEV-Sib : Tick-Borne Encephalitis virus –Siberian (virus de l’encéphalite à tiques sibérien) TGFβ : Transforming growth factor β TNFα : Tumor Necrosis Factor alpha TPMV : Virus Thottapalayam UE : Union Européenne USFDA: US Food and Drug Administration VEGF: Vascular Endothelial Growth Factor VHF : Viral hemorragic fever VNTR : Variable-Number Tandem-Repeat VV : Vaccinia virus (virus de la vaccine) WCS : Wildlife Conservation Society (La Société pour la Conservation de la faune sauvage) WWAV: Virus Whitewater Arroyo Y.: Yersinia YOP : Yersinia Outer membrane Proteins YOPI : Young, Old, Pregnant, et Immunocompromised Ypm : Yersinia Pseudotuberculosis-derived Mitogen 12 LISTE DES FIGURES Figure 1. Facteurs influençant l'émergence et la réémergence de zoonoses (CUTLER et al., 2010). Figure 2. Insertion des muscles masticateurs chez les différents sous-ordres (GRASSE, 1955). Figure 3. Carte paléogéographique des terres émergées au Paléocène, -60 millions d’années (modifiée d’après SCOTESE, 1997). Figure 4. Carte paléogéographique des terres émergées au Pliocène, -3 millions d’années (modifi ée d’après SCOTESE, 1997). Figure 5. Températures annuelles moyennes (1960-2009) et incidence de la TBE à Arkhangelsk Oblast (1980-2009) (TOKAREVICH et al. 2011). Figure 6. Illustration des cinq stades d’évolution d’un agent pathogène (WOLFE et al., 2007). Figure 7. Apodemus agrarius Coreae (source internet google image). Figure 8. Schéma de la réplication des virus de la famille des Bunyaviridae (MERTZ et al., 1998 ). Figure 9. Distribution géographique des zones endémiques (en marron) et des foyers endémiques (en vert) des infections humaines à l'Hantavirus Puumala (STRADY et al., 2005). Figure 10. Carte du monde montrant la localisation des Hantavirus connus associés à leurs hôtes (GUO et al., 2013). Figure 11. La main de Sarah NELWES (EYLER, 2003). Figure 12. Structures schématisées des formes IMV (à gauche) et EEV (à droite) d'un Poxvirus (source: Swiss Institute of Bioinformatics, 2008). Figure 13. Répartition géographique des personnes atteintes par le virus MPXV en 2003 (DI GIULIO et al., 2004 ). Figure 14. Présentation clinique typique d'une infection par le MPXV chez une fillette de 7 ans en RDC (RIMOIN et al., 2010). Figures 15 et 16. Lésions provoquées par le virus Cowpox chez une jeune fille de 17 ans ayant eu uniquement des contacts avec son rat de compagnie (MANCAUXA et al., 2011). 13 Figure 17. Virus de Lassa observés au microscope électronique (RUSSIER et al., 2012). Figure 18. Organisation des particules virales et du génome du virus de Lassa (RUSSIER et al., 2012). Figure 19. Étendue de la fièvre de Lassa en Afrique de l'Ouest (RICHMOND et al., 2003). Figure 20. Observation au microscope électronique du Virus de l’encéphalite à tiques (STIASNY et al., 2007). Figure 21. Structures schématisées d’un Flavivirus (source: Swiss Institute of Bioinformatics, 2010). Figure 22. Zones géographiques où l'encéphalite à tiques est endémique, ou a été détectée (PETRI et al., 2010). Figure 23. Nymphes d'Ixodes ricinus sur un mulot sylvestre (A. sylvaticus) (MANSFIELD et al., 2009). Figure 24. Les différents modes de transmission de la TBE (MANSFIELD et al., 2009) Figure 25. Courbe biphasique de l'infection par le TBEV (HOLZMANN, 2003). Figure 26. Étendue historique des différentes vagues pandémiques de peste (PRENTICE et al., 2007). Figure 27. Colonie de Y. pestis photographiée au microscope électronique. L'échelle représente 500 nm (Source: Institut Robert Koch, Berlin). Figure 28. Modèle évolutif de l'acquisition des facteurs de virulence, et de pathogénicité de Y. pestis (PRENTICE et al., 2007). Figure 29. Recensement géographique des cas de peste de 1958 à 2008 (RAOULT et al., 2013). Figure 30. Modes de transmission des cas sporadiques humains de peste à partir d’animaux infectés (RAOULT et al., 2013). Figure 31. Modes de transmissions des cas humains durant les pandémies de peste (RAOULT et al., 2013). Figure 32. Bubon cervical chez une personne atteinte de peste bubonique à Madagascar (PRENTICE et al., 2007). Figure 33. Tableaux cliniques simplifiés des différentes formes de peste (SORABJEE, 2005). Figure 34. Aspect caractéristique d'une culture liquide de Y. pestis (DERBISE et al., 2011). 14 Figure 35. Aspect des colonies de Y. pestis cultivées pendant 72h sur boîte LB-hémine à 28°C (DERBISE et al., 2011). Figure 36. Représentation schématique de Y. pestis et des différentes cibles vaccinales testées pour leur effet protecteur contre la peste (DEMEUREA et al., 2009). Figure 37. Répartition par classes d'âge des infections intestinales à Y. enterocolitica en France (SAVIN et al., 2008). Figure 38. Schéma illustrant le mode d'invasion et de multiplication de F. tularensis au sein des macrophages (PECHOUS et al., 2009). Figure 39. Cas répertoriés de tularémie de 1993 à 2001 dans les départements français (GUIHOT et al., 2005). Figure 40. Photographie de Leptospira spp. au microscope à fond noir (ADLER et al., 2010). Figure 41. Variations saisonnières du nombre de cas déclarés de leptospirose humaine en France métropolitaine de 2006 à 2011 (PICARDEAU, 2013). Figure 42. Transmissions possibles entre les différents hôtes de Leptospira (ADLER et al., 2010). Figure 43. Évolution schématique de la leptospirose (BONTEMPS, 2012). Figure 44. Cinétique de l’infection dans le sang et de la réponse immunitaire (PICARDEAU, 2013). Figure 45. Photographie de Borrelia burgdorferi au microscope electronique à balayage et traitement couleur de l'image. Sources: Janice Harrey Carr (CDC). Figure 46. Répartition géographique des vecteurs de Borrelia burgdorferi (STANEK et al., 2012). Figure 47. Le cycle infectieux des espèces de Borrelia burgdoreferi sensu lato en Europe (STANEK et al., 2012). Figure 48. Illustration de l’aspect de l’EM (source : internet, CDC, 2011). Figure 49. Lésions granulomateuses multiples dues à M. microti, visibles dans des poumons de campagnol (MCCLURE, 2012). Figure 50. Cadavre de campagnol ayant une lésion ulcérative cutanée (entourée d’un cercle noir), caractéristique d'une infection à M. microti (CAVANAGH et al., 2002). Figure 51. Le système français de surveillance des maladies infectieuses (CHE et al., 2002). Figure 52. Cheminement du signalement : de l’information à l’action (CHE et al., 2007). 15 LISTE DES TABLEAUX Tableau 1. Diversité et classification des principaux petits mammifères de l’ordre des rongeurs. Quelques exemples de nom d’espèces sont parfois donnés (BOUSSARIE, 2003 ; WILSON et REEDER, 2005 ; FABRE, 2011). Tableau 2. Principales espèces de NAC rencontrées en clientèle et animaux exotiques détenus par certains particuliers (PRAUD, 2009). Tableau 3. Distribution géographique, rongeurs réservoirs et forme clinique de la maladie associée aux différentes souches virales (JONSSON et al., 2010). Tableau 4. Distribution géographique, hôtes et réservoirs des Poxviridae pathogènes pour l’Homme (ESSBAUER et al., 2010). Tableau 5. Premières publications d'entités cliniques ressemblant à la fièvre de Lassa telle que définie actuellement (MONATH, 1975). Tableau 6. Arenavirus de l’ « Ancien et du Nouveau Monde » (adapté de HOWARD C.R., 2005). Tableau 7. Les différents stades cliniques de la fièvre de Lassa (RICHMOND et al., 2003). Tableau 8. Tiques vectrices et aires géographiques des différents Flavivirus à tiques retrouvés chez les mammifères (MANSFIELD et al., 2009). Tableau 9. Ré-émergence récente de la peste dans des foyers que l'on croyait définitivement éteints (DEMEUREA et al., 2009). Tableau 10. Localisation géographique et niveau de virulence des principales espèces de Francisella, et des sous-espèces de F. tularensis (OYSTON, 2008). Tableau 11. Motifs d’hospitalisation des cas de leptospirose (ABGUEGUEN et al., 2008). 16 LISTE DES ANNEXES Annexe 1. Table chronologique synthétique des évènements tectoniques, climatiques et biotiquesmajeurs en lien avec l’histoire des mammifères (modifiée d’après ZACHOS et al., 2001 ; VIGNEAU-HERMELLIN, 2000). Annexe 2. Échelle simplifiée des temps géologiques (RAUPP, 1993). Annexe 3. Distribution géographique des Hantavirus du « nouveau monde ». Les Hantavirus connu comme étant pathogènes sont écrits en rouge (PAPA et al., 2012). Annexe 4. Évolution du nombre de cas humains infectés par un Hantavirus en Allemagne (1), en Belgique (2), et en France (3) (HEYMAN et al., 2012). Annexe 5. Répartition mondiale des formes HPS et FHSR (JONSSON et al., 2010). Annexe 6. Différents hôtes possibles du virus Cowpox (ESSBAUER, 2010). Annexe 7. Tableau récapitulatif des principales épidémies dues au virus Monkeypox de 1970 à 2005 (REYNOLDS et al., 2012). Annexe 8. Résultats de la recherche de l’éventuelle présence du virus de Lassa chez différentes espèces de petits mammifères capturés dans trois villages d’Afrique de l’ouest (FICHET-CALVET et al., 2007). Annexe 9. Lien entre la saisonnalité et la prévalence de cas humains de LASV (FICHET-CALVET et al., 2007). Annexe 10. Caractères biochimiques et phénotypiques de Y. pestis et Y. pseudotuberculosis (DERBISE et al., 2011). Annexe 11. Incidence annuelle de la leptospirose à travers le monde (PAPPAS et al., 2008). 17 18 INTRODUCTION De nos jours, les zoonoses constituent une des préoccupations majeures des autorités et des services de santé publique. En effet, les données disponibles estiment que les agents pathogènes émergents touchant l’Homme sont à 60% d’origine zoonotique, dont 71% provenant de la faune sauvage. Cette dernière représente un réservoir de nombreux agents zoonotiques, qui sont ainsi à l’origine de maladies dites émergentes, et ont donc un impact pouvant être très important sur la santé de l’Homme (CHOMEL et al., 2007 ; CUTLER et al., 2010). Les événements sanitaires de ces dernières décennies montrent à quel point la population mondiale est concernée par les zoonoses, notamment du fait de l’inquiétude qu’elles suscitent quant à leur impact sanitaire et économique. Historiquement, certaines zoonoses ont été à l’origine d’épidémies voire de pandémies dont les répercussions ont marqué les mémoires, notamment la peste Noire au Moyen-âge, qui en constitue un des exemples les plus connus et les plus tragiques et dont l’agent a des rongeurs pour réservoirs, le rat (Rattus rattus et Rattus norvegicus) principalement. Les rongeurs, qui constituent pour l’Homme le principal réservoir animal d’agents zoonotiques, sont des espèces dotées de capacités exceptionnelles d’adaptation, de prolifération et de dissémination des agents pathogènes (RAOULT et al., 2013). A cela, s’ajoute le fait qu’elles ont toujours côtoyé l’Homme, et sont même parfois amenées à pénétrer son foyer. Il est donc pertinent et important de consacrer une thèse à la problématique des zoonoses émergentes dont l’agent a pour réservoirs des rongeurs. Actuellement, on peut distinguer trois situations d’émergences, ou de ré-émergences de maladies. La situation la plus simple correspond à celle où le rôle des rongeurs en tant que réservoir est déjà connu, la deuxième concerne des maladies provoquées par des agents identifiés mais pour lesquels on découvre l’implication des rongeurs, la troisième correspond à la situation où les agents sont d’apparition nouvelle ou n’ont pas encore pu être identifiés, et qui se révèlent zoonotiques, avec comme réservoirs des rongeurs. Le sujet traité ici s’ancre dans une problématique actuelle, impliquant l’ensemble de la population mondiale. Depuis les révolutions industrielles, les sociétés sont en mutation, les comportements évoluent, les habitudes également. C’est pourquoi les phénomènes d’émergences semblent, en partie, dûs à l’influence que peut jouer l’Homme, mais peuvent également être la résultante d’autres facteurs indépendants de ses actions. Nous tâcherons dans le travail qui suit, de définir les termes du sujet, d’envisager les différents facteurs favorisant les émergences zoonotiques des rongeurs, de détailler certaines d’entre elles, puis, nous nous attarderons sur les différentes mesures mises et à mettre en place pour limiter ces émergences. 19 20 Première partie : Les émergences zoonotiques, des maladies de plus en plus d’actualité 1) Définition des termes a. Zoonose Le terme « zoonose » a été proposé par VIRCHOW au XIXème siècle à partir des racines grecques zôon, signifiant animal et nosos signifiant maladie (HADDAD et al., 2012). Si l’on se réfère à la définition des zoonoses donnée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 1959, il s’agit de « Maladies et/[ou] infections qui se transmettent naturellement des animaux [vertébrés] à l’homme et vice- versa ». Le terme « infection », en langue anglophone, englobe les maladies d’origine virale, bactérienne, mais également d’origine parasitaire. C’est donc dans ce sens qu’il faut le comprendre. L’emploi des termes « maladie », correspondant à l’expression clinique, celui d’ « infection », pouvant se référer à une forme sub-clinique ou inapparente, excluent par ailleurs les maladies non infectieuses, ou encore celles s’exprimant uniquement chez l’Homme et dont les animaux ne sont que de simples véhicules passifs (ou mécaniques). Puisqu’il est question de « transmissibilité », la définition exclut les maladies pouvant être communes à l’Homme et aux animaux, sans que l’animal joue un rôle dans la transmission à l’Homme. Par ailleurs, la définition restreint les animaux aux vertébrés, et tient compte du caractère « naturel » et non « expérimental » de la transmission qui peut aussi bien se faire de l’animal à l’Homme que de l’Homme à l’animal (car « vice-versa ») (HADDAD et al., 2012). En 1999, TEUFEL nous donne une autre définition de ce que représente une zoonose, en ne s’attachant qu’aux agents étiologiques de celles-ci. « Les agents responsables de zoonoses sont des agents transmissibles – qui ne sont pas inféodés à un seul hôte – et qui peuvent provoquer une infection (avec ou sans tableau clinique) chez au moins deux espèces de vertébrés dont l’homme » (SAVEY et DUFOUR, 2004). Cette définition semble davantage correspondre à nos acquis scientifiques. Néanmoins elle a le désavantage majeur de ne pas prendre en compte le rôle central de l’animal dans la transmission à l’Homme. Les zoonoses qui nous intéressent sont celles dont les agents se transmettent de l’animal à l’Homme, avec ou sans possibilité de transmission à l’animal. En effet, dans certains cas, l’Homme représente un hôte accidentel, cul-de-sac de la maladie (HADDAD et al., 2012), et, même s’il ne l’est pas, la rétro-transmission à l’animal est loin d’être obligatoire. 21 Comme déjà évoqué en introduction, l’incidence de certaines zoonoses ne cesse de croître, et dans certains cas, cela leur vaut d’être qualifiées de maladies « émergentes ». b. Émergence De prime abord, une émergence semble évoquer l’arrivée d’un phénomène encore non connu jusqu’alors. Mais celle-ci peut s’avérer être une ré-émergence, correspondant alors à la réapparition de quelque chose qu’on pensait éteint, et qui, finalement, n’était qu’endormi. Par ailleurs, il peut s’agir de l’amplification d’un phénomène déjà visible, mais qui ne se produisait que de façon beaucoup plus limitée. On peut donc s’interroger sur les différentes notions qu’implique le terme « émergence », et quelles définitions le monde scientifique lui consacre. Développé par Charles NICOLLE dès 1930 dans son livre « Naissance, vie et mort des maladies Infectieuses », le concept de « maladie émergente » n’est pas nouveau. Néanmoins, c’est au cours des années 90 qu’il prend de son importance. En 1995, MORSE définit les maladies émergentes comme des « infections récemment apparues dans une population ou qui ont existé mais dont l’incidence ou la zone géographique augmente rapidement ». En 2001, FEHRI a complété la définition de MORSE comme suit : « Il s’agit de maladies transmissibles nouvellement identifiées, d’extension rapide, susceptibles de poser des problèmes de santé publique à l’échelle locale, régionale ou internationale. Il convient de souligner que les maladies d’origine toxique, nutritionnelle, métabolique ou immunologique ne font pas partie des maladies émergentes au sens strict du terme». Il indique par ailleurs que « Selon Morse, les maladies émergentes couvrent une large gamme de situations dont : - Des maladies dues à des agents d’apparition nouvelle ; - Des maladies dont la gamme d’hôtes réceptifs s’est étendue ; - Des maladies dont l’agent responsable est nouvellement identifié alors qu’elles étaient déjà largement répandues» (TOMA et THIRY, 2003). L’émergence peut aussi bien se rapporter à l’installation d’une maladie nouvelle, inconnue, qu’à la résurgence de la maladie qu’on estimait être éradiquée ou contrôlée. Enfin, si on se réfère à MORSE, il faut ajouter aux situations proposées par FEHRI celle où l’incidence d’une maladie déjà présente augmente significativement. Cette définition amène à se pencher sur les notions d’émergence vraie et d’émergence apparente. On peut donc envisager une maladie émergente comme une maladie dont l’incidence réelle augmente de manière significative dans une population donnée, d’une région donnée et durant une période donnée, par rapport à la situation épidémiologique habituelle de cette maladie. Avec cette définition, on s’attache au concept d’émergence vraie, qui permet d’exclure les biais liés à une augmentation apparente de l’incidence (TOMA et THIRY, 2003). Il est complexe de savoir pourquoi on a pu assister à une incidence faible voire nulle de la maladie par le passé: s’agit-il d’une absence réelle de présence antérieure ? D’une absence de moyens de détection ? Ou bien d’une entité encore méconnue ? Les biais sont donc nombreux étant donné les nombreuses possibilités de détection qui nous sont 22 offertes. C’est donc sur la performance des outils de dépistage, des laboratoires spécialisés ainsi que des réseaux d’alerte et d’épidémiovigilance, (c’est-à-dire leur pertinence, sensibilité et spécificité) que repose la détection d’émergences vraies. Un autre concept se réfère à l’émergence médiatique, qui est une fausse émergence, puisqu’elle résulte de l’importance que les médias veulent lui accorder (MOUTOU et al., 2003). c. Zoonose émergente et émergence zoonotique A présent que les termes « zoonoses », « émergence » et « ré-émergence » ont pu être explicités, nous allons nous attacher à définir les notions d’émergence zoonotique et de zoonose émergente. La définition d’une émergence donnée par l’OMS en 2004, en concertation avec l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et l’Organisation de l’alimentation et de l’agriculture (FAO), est la suivante : « Il s’agit d’un (agent) pathogène nouvellement isolé, évoluant récemment ou étant apparu précédemment mais ayant entrainé une augmentation de son incidence, de son étendue géographique ou touchant un éventail plus important d’hôtes et de vecteurs. » (CUTLER et al., 2010). Lorsqu’on y adjoint la définition d’une zoonose, on peut donc considérer qu’une « zoonose émergente » est une zoonose, c’est-à-dire une maladie ou infection correspondant aux définitions envisagées précédemment, qui, par son retentissement, entraîne un bouleversement en termes de santé publique, puisqu’elle touche un nombre grandissant d’êtres vivants, de zones géographiques, voire d’êtres vivants encore non atteints jusqu’à sa survenue. La nuance que l’on peut apporter avec l’expression « émergence zoonotique » est la notion de « zoonose » qui ici, n’intervient que de façon secondaire. En effet, une émergence zoonotique semble correspondre à la survenue d’un phénomène émergent, qui, par la suite, par des études épidémiologiques et l’emploi d’outils diagnostiques, sera démontré comme comportant un caractère zoonotique c’est-à-dire une source animale. Ainsi, les maladies actuellement émergentes sont plus rapidement diagnostiquées comme étant zoonotiques du fait des connaissances qui ont progressé en termes de diagnostic clinique, d’examens complémentaires immédiats ou encore grâce aux avancées technologiques pour l’isolement des agents pathogènes. Dans cette situation, il peut être rapidement question de zoonose émergente. A l’inverse, par le passé, les zoonoses émergentes ont plutôt été considérées comme des maladies émergentes, secondairement avérées être zoonotiques, et la notion d’émergences zoonotiques est préférable. Certains auteurs ont inclus ce caractère actuel dans la définition, plus générale, qu’ils ont pu donner d’une maladie émergente. Ainsi la revue Emerging Infectious Diseases d’avril 2003, publie sur son site la définition donnée par le Centre de Contrôle des Maladies d’Atlanta, USA, (ou Centers for Diseases Control (CDC)): « Les maladies infectieuses émergentes sont des maladies infectieuses dont l’incidence chez l’Homme a augmenté au cours des deux dernières décennies ou qui menace d’augmenter dans un avenir proche». On constate alors qu’il est question davantage de zoonoses émergentes dans un contexte actuel, mais bien souvent, celles-ci ont pu être considérées comme émergences zoonotiques initialement. De ce fait, on s’intéressera dans les parties qui suivent à des émergences 23 zoonotiques, qu’elles aient été connues par le passé et réémergentes, ou revêtant un caractère nouveau et préoccupant pour notre avenir. Ce phénomène d’émergence zoonotique, qui traduit l’apparition d’une maladie animale transmissible à l’Homme, nouvelle ou réapparaissant de nouveau, est la résultante de l’implication de multiples facteurs inhérents à l’Homme, aux animaux réservoirs ou relais, à l’environnement et aux agents pathogènes (figure 1) (CUTLER et al., 2010). Nous détaillerons ces différents aspects dans un prochain chapitre. Figure 1. Facteurs influençant l'émergence et la réémergence de zoonoses (liste non exhaustive) (CUTLER et al., 2010) Changements Accroissement climatiques Animal démographique de compagnie Tourisme, échanges internationaux Animaux exotiques Maladie chez l’Homme et/ou Comportement, culture et croyances de l’Homme l’animal Nourriture exotique, hygiène alimentaire Changement dans Modifications les dans pratiques l’utilisation et l’exploitation du milieu d’élevage Acquisition de nouvelles Adaptation caractéristiques pathogènes (virulence accrue) par les nouvelles pathogènes hôtes 24 des à de espèces 2) Les rongeurs, réservoirs potentiels a. Définition i. Éléments de classification et d’anatomie Les rongeurs, Rodentia ou Simplicidentés désignent un ordre, et appartiennent au superordre des Glires, lui-même inclu dans la classe des Mammifères. Les rongeurs regroupent 2277 espèces connues, soit 42% de la totalité des espèces appartenant à la classe des Mammifères (VIANEY-LIAUDA et al., 2011). En 2007, REEDER et al. ont relevé l’importance du nombre d’espèces connues et nouvellement découvertes de rongeurs (REEDER et al., 2007). En effet, entre les éditions de 1993 et 2005 du « Mammal Species of the World. A Taxonomic and Geographic » des auteurs WILSON et REEDER (qui constitue un répertoire de toutes les espèces de mammifères à travers la planète), on note un gain de 262 nouvelles espèces de rongeurs dans le monde. Ces observations mettent en avant le fait que cet ordre possède des capacités d’expansion comme aucun autre de la même classe, et que très certainement, de nombreuses espèces nous sont encore inconnues. Il existe de nombreux sous-ordres appartenant à l’ordre des rongeurs (que nous détaillerons plus loin), se distinguant les uns des autres, notamment, par des différences dans l’insertion de leurs muscles masticateurs (GRASSE, 1955) (figure 2). Figure 2. Insertion des muscles masticateurs chez les différents sous-ordres: A= Aplodontida, B= Myomorphes, C=Sciuromorphes, D= Hystrichomorphes (GRASSE, 1955) 25 Les rongeurs possèdent avec les Lagomorphes, certains critères : - Ils appartiennent tous deux au super ordre des Glires. - Ils adoptent une démarche semi-plantigrade ou plantigrade. - Ils possèdent peu d’incisives, à croissance continue - Ils ont un diastème (c’est-à-dire un intervalle sans dents) entre les incisives et les dents jugales - Ils n’ont pas de canines. Les rongeurs présentent cependant certains critères de reconnaissance particuliers. En effet, ils ne possèdent qu’une seule paire d’incisives sur chaque mâchoire, d’où leur nom de Simplicidentés. D’autres différences sont notables au niveau du crâne, des mandibules et de la dentition. Les incisives sont à croissance continue, et sont recouvertes d’email uniquement sur leur face antérieure. Leurs mandibules travaillent suivant deux positions : soit avec les incisives, soit avec les dents jugales. Par ailleurs, leur système digestif est en rapport avec leur régime végétarien : leur tube digestif est long et leur caecum volumineux mais simple (alors qu’il est spiralé chez les Lagomorphes) (GRASSE, 1955 ; BARONE, 1968). Pour Gilles ESCARGUEL, maître de conférences en Paléontologie à l’Université Claude Bernard de Lyon, « le rongeur est un placentaire généraliste, au squelette post-crânien primitif, au crâne et à la dentition hautement spécialisée » (ESCARGUEL, 2009). ii. Historique de leur peuplement des espaces terrestres et aquatiques Depuis l’apparition des premiers êtres vivants jusqu’à nos jours, on répertorie de nombreux événements tectoniques et climatiques qui ont eu un impact sur l’évolution des différentes espèces, ayant provoqué pour certaines leur diversification, pour d’autres, leur extinction (voir annexe 1). Les mammifères représentent une classe apparue il y a environ 220 millions d’années, ayant vécu aux côtés des dinosaures, et n’ayant acquis une importance qu’au moment de l’extinction de ces derniers (BECKER et RAUBER, 2007). Cette époque, celle du Crétacé, elle-même appartenant au Mésozoïque, est pauvre en fossiles de mammifères, étayant le fait qu’ils étaient des acteurs secondaires durant cette période (SEN, 2013). Il est même considéré que le Mésozoïque est l’ « âge des Reptiles », et que le Cénozoïque, celui qui débuta voilà plus de 66 millions d’années, est l’ « âge des Mammifères ». Nous nous attacherons exclusivement aux événements en rapport avec les populations de rongeurs. Il faudra cependant veiller à ne pas perdre de vue l’importance des nombreuses autres espèces impliquées dans les faits que nous allons relater. Par ailleurs, les données fossiles restent lacunaires, notamment en Europe, contrastant avec l’Amérique du Nord pour laquelle les données sont les plus abondantes (GHEERBRANT, 2003). Même si les événements survenus vont être décrits de manière chronologique, il est important de garder en référence une échelle des temps géologiques, placée en annexe 2. 26 Il y a 140 millions d’années, durant le Jurassique supérieur, coexistent au sein de la classe des Mammifères, les marsupiaux et les placentaires. Ces derniers, 40 millions d’années plus tard, comprennent deux clades principaux : les Afrothéria et les Boréoeuthéria. Là encore, quelques quinzaines de millions d’années plus tard les Boréoeuthériens se scindent en deux clades, les Laurasiathériea et les Euarchontoglires (ESCARGUEL, 2009). Ce dernier clade sera évoqué ultérieurement. L’événement marquant la fin de l’ère des dinosaures est généralement appelé crise Crétacé/Tertiaire (K/T). Ce bouleversement s’est produit il y a environ 65 millions d’année, et a vu près de 70% des êtres vivants peuplant le globe disparaître. De nombreuses niches écologiques ont alors été vacantes, et ont permis aux espèces survivantes de reconquérir ces territoires. Par ailleurs les données disponibles évoquent un climat en faveur d’une « radiation mammalienne ». La planète à cette période est bien différente de l’actuelle : en effet, les continents de l’hémisphère Nord sont séparés de ceux du sud par l’océan Téthys (figure 3) (BECKER et RAUBER, 2007). Grâce à l’obtention de données moléculaires, il a été constaté que durant la fin du Crétacé, les Ordres actuels de placentaires vont diverger les uns des autres (ESCARGUEL, 2009). Figure 3. Carte paléogéographique des terres émergées au Paléocène, -60 millions d’années (modifiée d’après SCOTESE, 1997). Durant les 10 premiers millions d’années de l’ère Tertiaire, période appelée Paléocène, cohabitent des sous-classes dites « archaïques », c’est-à-dire ayant préexisté avant la crise K/T, et qui disparaîtront progressivement durant l’Eocène (-56 à -34 millions d’années), et les représentants des principaux sous-ordres « modernes », apparus quant à eux seulement après la crise K/T (BECKER et RAUBER, 2007). 27 Durant le Paléocène, on assiste à une réelle diversification de plusieurs lignées de placentaires, due à la fois à une évolution propre (spéciation) et aux différentes immigrations. Par ailleurs, c’est à cette période que l’on assiste à plusieurs transformations morphologiques importantes. Ainsi, les super-ordres des Glires et des Euarchonta issus des Euarchontoglires apparaissent. Les Glires ont la particularité de regrouper des espèces pour lesquelles deux paires de grandes incisives coupantes se développent. Ils partagent également, en commun avec d’autres espèces, un « email décussé » c’est-à-dire un email dentaire plus résistant. A ce moment, ils sont représentés par les Anagalides et les Mixodontes, ancêtres respectifs des rongeurs qui apparaîtront à la fin du Paléocène, et des lapins à l’Eocène (GHEERBRANT, 2003). Les fossiles des différents ordres actuels de placentaires sont ainsi essentiellement retrouvés autour de la limite Paléocène-Eocène, c’est-à-dire il y a 55,5 millions d’années lors d’une période correspondant à un événement climatique global appelé « maximum thermique Paléocène-Eocène » (BECKER et RAUBER, 2007). Ces changements climatiques provoquent d’importants mouvements de migration et de dispersion des espèces, conduisant à une homogénéisation générale des faunes nordaméricaines, européennes et asiatiques (GHEERBRANT, 2003). Un temps encore en lien avec le continent asiatique, l’Europe se retrouve ensuite totalement isolée des autres terres, et une population endémique se développe. HOOKER, en 1987, puis LUTERBACHER et al. en 2004, par des études stratigraphique et paléontologique identifient une zone correspondant à l’intervalle -42,8 à -42,4 millions d’années, particulièrement riche en diverses espèces de mammifères, dont des rongeurs (Theridomyidae, Pseudosciuridae et Gliridae) sur le continent européen. La transition de l’Eocène à l’Oligocène, il y a près de 34 millions d’années, est marquée par une nouvelle crise, liée à la dérive des continents ainsi qu’à des bouleversements climatiques importants : la température baisse, ainsi que le niveau des océans, et une calotte glaciaire apparait au pôle sud. Cet épisode marquant est connu sous le nom de « the Terminal Eocene event » (TEE et MILLER, 1992). L’Europe et l’Asie vont à nouveau être connectées par de nouveaux ponts terrestres. A cette occasion, les différentes espèces migrent et s’implantent dans de nouvelles zones. C’est notamment l’Europe qui pâtit de l’appropriation de son territoire par une faune sauvage, « moderne et adaptée » parmi elles, des hamsters et des écureuils (BECKER et RAUBER, 2007). Cette période est l’une des plus importantes concernant les vagues migratoires d’Afrique en Eurasie. Le continent africain, séparé des autres terres par l’océan Téthys, était considéré, comme « l’île Afrique ». Les études menées sur sa faune endémique indiquent bien cet état d’isolement du Crétacé inférieur au début du Miocène. Mais ces vagues migratoires ne sont pas seulement la résultante de bouleversements tectoniques, mais sont également imputables aux changements climatiques ayant modifié l’environnement, favorisant ou non l’implantation d’espèces dans des zones qui leur étaient adaptées (SEN, 2013). Ainsi, les changements fauniques avec l’implantation de nombreuses espèces en Eurasie, sont tels que, au début du XXème siècle, le paléontologue Hans Georg STEHLIN, attribue à cette crise l’expression « Grande Coupure ». Mais des changements ont également lieu dans les Amériques Nord et Sud. 28 Après ces événements, le climat évolue encore, passant de tropical, à subtropical. Certains auteurs évoquent même un climat à tendance tempérée en Europe (SCHULER, 1990 ; BECKER, 2003). Une transition s’opère ensuite entre l’Oligocène et le Miocène, et là encore, une expression anglo-saxonne marque cet épisode, en la nommant « The Terminal Oligocene Crisis». Les changements climatiques bouleversent à nouveau la faune et la flore. Concernant les petits mammifères, les Gliridés (Rodentia) semblent davantage présents dans les zones forestières. Des événements successifs vont entraîner des migrations d’espèces. Il y a 18 millions d’années, les plaques afro-arabiques se rapprochent ; cet épisode est appelé « Proboscidean Datum Event » car il correspond à l’arrivée des premiers proboscidiens en Europe. Puis six millions d’années plus tard, les impacts climatiques avec une baisse brutale des températures, créent une baisse du niveau des océans et accentuent l’étendue de la calotte glaciaire. Le climat en Europe occidentale devient quant à lui tempéré, et l’Amérique du nord est reliée à l’Eurasie par la Béringie. Les Amériques du Nord et du Sud, réunies il y a 3 millions d’années (figure 4), permettent aux mammifères Sud et Nord américains, d’entrer en contact. D’importantes vagues migratoires ont lieu, et cet événement sera appelé « The Great American Interchange » (MARSHALL, 1988). Figure 4. Carte paléogéographique des terres émergées au Pliocène, -3 millions d’années (modifiée d’après SCOTESE, 1997). Des études stratigraphiques datées du Pliocène, et réalisées dans les Alpes, montrent la présence de petits mammifères tels que des campagnols (Mimomys), des mulots (Apodemus) et des hamsters (Kowalskia, Baranomys), proches de la faune de l’Europe 29 centrale actuelle, et très différents de la faune méditerranéenne. Grâce aux espèces retrouvées, il a été alors possible de penser qu’à cette période, le climat était plutôt humide (par la présence de Soricidés), riche en espaces forestiers (par la présence de Gliridés) et dense (par la présence d’Apodemus). L’époque du Quaternaire débute avec le Pléistocène il y a 1,8 millions d’années. Ce temps est également celui du développement du genre Homo, de la disparition des différentes espèces d’Hommes, sauf celle d’Homo sapiens. Il s’agit de la période durant laquelle celui-ci colonise les espaces (Afrique, Asie, Europe, Amériques, Océanie). Il y a 11 500 ans, ce temps était révolu et nous entrions dans l’Holocène, période dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Les paysages auraient alors été essentiellement constitués de steppes froides et arides, peu fournis en arbres et buissons, dans lesquels vivaient des rongeurs tels que des lemmings (Lemmus sp.) et des campagnols (Arvicola sp.). Ces petits mammifères, adaptés à ces zones ouvertes, sont de plus des indicateurs d’un climat potentiellement humide. Les mammifères se sont énormément développés durant le Cénozoïque, et plus de 25% des genres de placentaires présents appartiennent à l’ordre des rongeurs. Ces espèces ont dû affronter des bouleversements climatiques importants. Puis il y 10 000 ans, a eu lieu l’« Extinction de la mégafaune glaciaire» durant laquelle de nombreux mammifères de grande taille ont péri, tandis qu’un certain nombre d’autres espèces, dont les rongeurs, sont parvenues à survivre et à coloniser les divers milieux de la planète (BECKER et RAUBER, 2007 ; SEN, 2013). Durant ces épisodes de glaciation, les espaces forestiers étaient principalement situés sur le pourtour méditerranéen. Les espèces de petits mammifères à la recherche de territoires boisés quittèrent leurs anciens habitats pour rejoindre cette zone confinée. Cette migration a permis leur survie, menacée par les températures extrêmes des périodes glaciaires. La recolonisation par la végétation des espaces d’Europe centrale et du nord durant les périodes de post-glaciation s’est accompagnée du repeuplement de ces zones par les rongeurs quittant leurs abris. Selon les caractéristiques environnementales, la disponibilité en nourriture, et les prédateurs, certaines espèces de rongeurs se sont plus ou moins développées (HEYMAN et al., 2012). iii. Distinction des différentes catégories de rongeurs Un point de classification, que nous évoquerons encore par la suite, est essentiel pour pouvoir situer phylogénétiquement les rongeurs. Nous avons précédemment donné quelques éléments de classification que nous allons compléter, et nous tâcherons de savoir quelles catégories de rongeurs sont distinguées. L’ordre des rongeurs regroupe 33 familles, 481 genres et 2 277 espèces connues. La classification présentée dans le tableau 1 de la page suivante est bien sûr simplifiée, mais elle nous permet tout de même de voir, d’un point de vue strictement taxonomique, quels groupes principaux peuvent être décrits. 30 Tableau 1. Diversité et classification des principaux petits mammifères de l’ordre des rongeurs. Quelques exemples de noms d’espèces sont parfois donnés (BOUSSARIE, 2003 ; WILSON ET REEDER, 2005, FABRE, 2011). Classe : Mammifères Super Ordre : Glires Ordres : Rongeurs ou Simplicidentés Sous Ordre : Sciuromorphes Famille : Sciuridés Ecureuils (Tamia striatus, Eutamia sibiricus…), chien de prairie (Cynomys ludovicianus) Famille : Gliridés Lérot (Eliomys quercinus…), muscardin, loir (Muscardinus avellanarius…) Sous Ordre : Castorimorphes Famille des Castoridés Castor fiber Sous Ordre : Myomorphes Famille : Muridés Sous famille : Gerbillinés Gerbilles (Meriones unguiculatus…) Sous famille : Murinés Souris, dont la domestique (Mus musculus domesticus), rats, dont le domestique (Rattus norvegicus), mulot (Apodemus spp.) Sous famille : Sigmodontinés Famille : Dipodidés Gerboises (Jaculus jaculus…) Famille : Cricétidés Sous famille des Cricétinés Hamsters (Mesocricetus auratus, Phodopus spp.) Sous famille des Arvicolinés Campagnols (Arvicola spp., Microtus spp., Myodes spp.) Sous Ordre : Caviomorphes ou Hystricomorphes Famille : Caviidés Cobaye ou cochon d’Inde (Cavia porcellus) Famille : Chinchillidés Chinchillas (Chinchilla lanigera spp.) Famille : Octodontidés Octodon ou dègue du Chili (Octodon degu) Famille : Hydrochoeridae Famille : Eréthizontidés Famille : Myocastoridés Ragondin (Myocastor coypus) 31 Comme toute classification, celle des rongeurs n’est pas figée, et les auteurs ne sont pas parvenus à en donner une de référence. De plus, de nouvelles espèces sont découvertes chaque année. Nous citerons notamment les travaux de CARLETON et MULLER, de 2005, qui ont permis d’établir une nouvelle classification, partiellement revue et enrichie. En France, et dans le monde entier, le sous ordre des Myomorphes est le plus représenté, avec les familles des Muridés (rats, souris, surmulots) et des Cricétidés (campagnols) (MOUTOU, 2001 ; WILSON, 2005). Néanmoins, les Muridés sont ceux revêtant la plus grande importance en termes de santé publique (BACHAR et al., 2012). Les rongeurs représentent plus de 40% des espèces de placentaires présentes à la surface du globe, et sont retrouvés dans le monde entier. Ils ont atteint une grande diversité à tous les niveaux, tant par leurs caractéristiques morphologiques, leurs aptitudes physiques, que par les différents milieux qu’ils occupent (SOUTTOU et al., 2012). Par exemple, leur morphologie crânienne et mandibulaire est très variable d’une espèce à l’autre. En effet, leurs orbites et foramen infra-orbitaires sont de différentes tailles selon le sous-ordre d’appartenance, tout comme d’autres aspects anatomiques (plaques zygomatiques par exemple). On distingue également une forte diversité dans les types de morphologies dentaires, qui peuvent être bunodontes (retrouvées chez les Sciuridés), lophodontes (chez les Chinchiliidés), buno-lophodontes (chez Rattus spp.) et bien d’autres… Les rongeurs ont pu conquérir de multiples espaces et s’adapter de façon exemplaire. En effet, en lien avec les types de morphologies dentaires, on retrouve les régimes granivores (chez certains Dipodidés), frugivores (chez certains Muridés), herbivores (chez certains Caviidés), omnivores (chez certains Sciuridés), folivores (chez certains Chinchillidés), insectivores (chez certains Sigmodontinés) et même carnivores (chez certains Muridés). D’autre part, leur conquête de l’espace leur à valu une omniprésence dans tous les milieux. Ainsi, selon les espèces, on les retrouve dans les écosystèmes aquatiques (comme le ragondin), terrestres, forestiers, savanicoles ou rupestres. Il est possible également de les retrouver, même temporairement, dans les airs (tels les écureuils volants (Petaurista spp.) ! Un autre aspect que l’on peut évoquer quant à la diversité des espèces de rongeurs, est leur taille. En effet, le plus petit d’entre eux, Micromys minutus, ne pèse que 4 g alors que le cabiai (Hydrochoerus hydrochoeris), pèse 70 kg ! (ESCARGUEL, 2009). Une distinction des rongeurs en groupes est faite à partir des relations établies entre eux et l’Homme, ainsi: - Les rongeurs domestiques, sont ceux qui partagent avec l’Homme son habitat. Ils représentent de ce fait un facteur de risque pour sa santé, sa nourriture et ses biens. Les espèces Rattus rattus et Mus musculus sont les plus connues dans cette catégorie. - Les rongeurs commensaux ou péri-domestiques sont ceux vivant à proximité des habitations, et envahissant celles-ci pour se nourrir. Ils bénéficient d’importantes relations avec d’autres espèces, étant à la fois proches de l’Homme, proches des rongeurs domestiques et des rongeurs sauvages. Ceci contribue à faciliter le portage et la transmission d’agents de maladies. Le rat domestique (Rattus norvegicus) fait partie de ce groupe. 32 - - Les rongeurs des champs, comme leur nom l’indique, ont pour espace de vie les champs et les espaces riches en végétation. Ils représentent de ce fait la catégorie de rongeurs menaçant les cultures. Les rongeurs sauvages, ne sont pas en relation directe avec l’Homme, et n’envahissent pas son habitat pour rechercher de la nourriture. Néanmoins, les activités humaines conduisent souvent à la pénétration des territoires habités par les rongeurs. Ainsi, l’Homme et ces rongeurs peuvent être amenés à rentrer en contact. Par ailleurs, les rongeurs sauvages sont les hôtes de nombreux parasites, dont les tiques notamment, vectrices d’une multitude d’agents pathogènes. Certains rongeurs peuvent n’appartenir qu’à une seule de ces catégories, tandis que d’autres sont susceptibles de se retrouver dans plusieurs de ces groupes (BACHAR, 2012). Par ailleurs, les interactions territoriales entre catégories favorisent les échanges d’agents pathogènes. Si l’on s’intéresse à leur répartition géographique, on voit bien que, compte tenu du fait que les espèces sont nombreuses, que leur forte adaptabilité leur a permis de conquérir tous les milieux, il est difficile d’évoquer une description simplifiée de leurs aires de vie. b. Relation Homme-rongeurs L’évolution de l’Homme dans son milieu l’a conduit à porter un regard différent sur la faune et la flore qui l’entourent. Initialement, l’Homme, vulnérable chasseur-cueilleur, cherchait à puiser dans l’environnement ses ressources vitales, tout en veillant à sa sécurité vis-à-vis des grands mammifères prédateurs. Avec l’apparition de l’agriculture, et la gestion d’élevages, l’Homme s’est alors lancé dans l’exploitation et la surveillance de biens devenus « durables », qu’il était nécessaire de protéger vis-à-vis d’animaux considérés dès lors comme nuisibles. Une stratégie offensive débute donc rapidement envers certaines espèces sauvages. Au fil du temps, les sociétés se sont développées, et l’impact grandissant de l’Homme sur son environnement a conduit à l’émergence de milieux de plus en plus anthropisés (LANG, 2009). L’Homme a décidé de conquérir le monde, en s’imposant, et de ce fait, en perturbant souvent son environnement. En s’appropriant des techniques, des terres, et par l’appât du gain, il a parfois introduit des espèces dans des milieux où elles étaient jusqu’alors inconnues. C’est à l’Homme que l’on doit le bouleversement de nombreux écosystèmes. Voici quelques exemples décrits concernant les rongeurs : - Le ragondin (Myocastor coypus), a été introduit en 1882 en Indre-et-Loire et occupe aujourd’hui la quasi-totalité du territoire. Cette espèce cause d’importants dégâts (berges creusées, perturbation du réseau hydraulique, broutage de la végétation des rives, à l’origine d’une baisse de la biodiversité du milieu) - Le rat (Rattus rattus), espèce invasive de longue date, possède d’importantes capacités de colonisation des milieux. Transportée par bateau, cette espèce amenée par l’Homme, a envahi plus de 80% des îles de la planète. Originaire de 33 - - l’Inde, et implanté dans de nouveaux pays, ce commensal est responsable de la disparition d’autres espèces (oiseaux et autres rongeurs notamment). Le rat du Pacifique (Rattus exulans), introduit volontairement par les colons sur l’île de Pâques vers 900, et se nourrissant de noix des palmiers, serait responsable de la déforestation du lieu. Des études mettant en avant son importante prolifération, et sa source de nourriture, considèrent que cette espèce a empêché le renouvellement de la forêt. Le rat surmulot (Rattus norvegicus), originaire d’Asie (Chine, Mongolie), est arrivé en France au début du XVIIIème siècle. Il a supplanté le rat noir, et a eu un lourd impact sur la biodiversité des milieux (baisse des populations de musaraignes, orvets et oiseaux…) (PASCAL et al., 2006). Dans les périodes les plus récentes, la prise de conscience des déséquilibres engendrés par son action a amené l’Homme à raisonner sa façon d’agir, et à prendre des mesures plus protectionnistes vis-à-vis de l’environnement. Les notions de sauvegarde de la biodiversité ont fait leur entrée dans les temps récents. Néanmoins, certaines espèces demeurent des menaces pour nos ressources et notre santé Ainsi, en France, concernant les espèces sauvages, des listes départementales dressent le nom de celles considérées comme étant des « nuisibles ». Dans ces listes figurent des mammifères parmi lesquels un certain nombre de rongeurs. De la même façon, certaines espèces sont considérées comme « chassables », ou « protégées ». Les relations entre l’Homme et l’animal ont été fortement modulées au fil du temps. De plus, on peut souligner le changement de la perception de l’animal, en tant qu’être sensible, et la prise en compte de la notion de cruauté envers lui. A présent les rongeurs, au lieu d’être expulsés des habitats, y sont parfois accueillis en tant qu’animal de compagnie. A l’heure actuelle, les avis et les sentiments restent partagés concernant les rongeurs. c. Un Ordre tantôt méprisé tantôt respecté Selon les époques, les civilisations, les observations ou encore les croyances, la place des rongeurs au sein des populations humaines a pu et peut encore, se situer à tous les niveaux possibles. Ainsi, les rongeurs peuvent aussi bien être les nuisibles à exterminer, que des êtres utiles, voire à protéger et à vénérer. Nous débuterons cette partie par la vision négative dont le rongeur fait l’objet, puis par celle qui le situe à un niveau plus élevé dans l’échelle de la considération. Le rongeur en tant qu’animal nuisible: L’Homme a de tout temps lutté contre certaines espèces, a cherché à les repousser voire à les exterminer. Les rongeurs, en occident, n’échappent pas à cette règle. Cet article de 1829, écrit par deux savants hollandais, en est l’un des témoignages : « Ne serait-on pas tenté d’attribuer à l’augmentation de la population, aux progrès de la civilisation en Europe, la destruction des animaux nuisibles, destruction à laquelle n’auraient échappé que ces petits rongeurs, auxquels leur taille, leur nombre considérable, et leur grande fécondité, permirent de lutter avec avantage contre les poursuites de l’homme » (DELORD, 2003). Cet énoncé met 34 par ailleurs l’accent sur le caractère hautement adaptatif des rongeurs, que nous avons évoqué dans un paragraphe précédent, et qui leur vaut le fait de tenir une place à part entière dans le contexte des émergences zoonotiques. Les différentes raisons expliquant ces « poursuites de l’homme » sont multiples. D’une part, les rongeurs sont des espèces propagatrices de maladies, responsables d’importantes pertes de vies humaines. La peste Noire en est un exemple frappant. Les modalités de transmission peuvent être nombreuses, directes ou indirectes (par l’intermédiaire de vecteurs arthropodes, ou par la contamination initiale d’une espèce domestique proche de l’Homme notamment). D’autre part, ces mêmes rongeurs causent d’importants dégâts dans nos lieux de production et de stockage de denrées alimentaires. En effet, à l’échelle mondiale, ils endommageraient jusqu'à 25 % des produits alimentaires que nous cultivons chaque année et 40 % des stocks de céréales. Présents dans nos maisons et nos magasins, ils s’approprient toutes sortes de récoltes, légumes et fruits, mais sont également des destructeurs de nos biens matériels et de nos constructions (SOUTTOU et al., 2012). Les deux problèmes qui viennent d’être évoqués se rejoignent dans le fait que l’invasion de nos biens entraîne leur destruction, mais également leur contamination par les urines, fèces, aérosols, poils de rongeurs, et donc, expose l’Homme à d’éventuels agents pathogènes. L’état des denrées, souillées, abîmées, pouvant être rendues impropres à la consommation, peut avoir également des répercussions économiques, en annihilant leur valeur marchande. Par ailleurs, les rongeurs représentent une menace pour d’autres espèces dont certaines élevées par l’Homme. En attaquant les nids d’oiseaux, les poulaillers, les bergeries, ils endommagent les œufs et la laine, causant des pertes économiques pour l’Homme, et l’exposant à nouveau à d’éventuels agents pathogènes (ROYAUME DU MAROC, Ministère de la sante, direction de l’épidémiologie et de la lutte contre les maladies, 2000). Le rongeur en tant qu’animal utile: Les rongeurs constituent parfois une source de nourriture pour l’Homme. En effet, des élevages existent dans certains pays, constituant une source de protéines. Les espèces les plus convoitées sont celles appartenant au sous-ordre des Hystricomorphes, puisque cellesci sont de gabarit important. Exploitées pour leur viande, elles atteignent des valeurs commerciales élevées, étant bénéfiques pour l’économie de certains pays (JORI, 2001). Les rongeurs, et notamment le rat et la souris domestique, font partie des espèces utilisées en laboratoire pour l’évaluation de certains produits (cosmétiques, médicaments…) ou pour de nombreux autres usages (étude de nombreux agents pathogènes, neurologiques…). Les tests réalisés préalablement chez ces espèces, sont nécessaires et utiles, mais pas suffisants, avant que l’on ne réalise les essais chez l’Homme. L’utilisation des rongeurs pour certaines tâches peut également permettre de sauver des vies humaines. Ainsi, au Mozambique, des rats sont dressés et employés dans la détection de mines anti personnelles. Ils sont capables de détecter des quantités infimes d’explosifs. Alors qu’un démineur humain ne peut sécuriser que 50 m² par jour, un rat est capable de couvrir 100m² en 30 min. De plus, il s’agit d’un travail sans danger pour eux puisqu’ils sont trop légers pour déclencher l’explosion des mines (FEYDEL, 2004). 35 Parmi les rongeurs, le rat est celui qui possède dans de nombreuses religions et civilisations, une place à part entière, contrastant fortement avec celle de l’animal repoussant que l’on retrouve en occident. Nous pouvons citer ainsi quelques exemples : - - En Chine, le rat, premier des 12 cycles de l’année du zodiaque chinois, représente l’intelligence, la chance et la richesse. Dans la religion bouddhiste japonaise, un rat accompagne le Daikoku, l’un des sept dieux shichi fukujin. Ensemble, ils symbolisent la fortune et l’abondance. En Inde, proche de Deshnoke, le temple Karni mata est le temple sacré des rats, dédié à leur vénération. Dans cette enceinte, les rats qui y sont nourris côtoient les fidèles. De plus, dans l’hindouisme, Ganesh, le dieu à tête d’éléphant et aux quatre bras, est véhiculé grâce à un rat, mettant ainsi en avant l’habileté et la facilité du rongeur à se déplacer. En Thaïlande, le bouddhisme est la religion pratiquée par la majorité de la population (4% sont musulmans et moins de 1% chrétiens), et le rat y est présent dans les iconographies. Mais, dans la conscience collective thaïlandaise, il représente avant tout un être vivant qu’on ne peut pas tuer, du fait des croyances dans la réincarnation, et imprégnées d’animisme (HERBRETEAU, 2007). De façon plus actuelle, les rongeurs, en tant que nouveaux animaux de compagnie (NAC), sont considérés comme de véritables animaux domestiques, devenus des êtres sources d’attachement et d’affection pour les propriétaires. d. Éléments contribuant à placer les rongeurs au cœur des problèmes d’émergences zoonotiques Nous venons de voir différents aspects concernant l’incroyable expansion des rongeurs comparée aux autres mammifères, et leur forte capacité d’adaptation dans les nombreux milieux de la planète. Dans un deuxième temps, nous avons évoqué des situations dans lesquelles la proximité de l’Homme et des rongeurs est indéniable. En effet, la probabilité de rencontre de l’Homme avec les rongeurs domestiques, commensaux et des champs est importante. Par ailleurs, certaines activités de l’Homme le confrontent aux rongeurs sauvages, mais également à l’environnement qui en découle, potentiellement infecté. Comme nous le verrons par la suite, l’Homme s’expose à certains dangers du fait de ces interrelations Homme/Animal/Vecteurs. Bien que n’appréciant généralement pas la vue ou la présence des rongeurs, l’Homme adopte dans certaines situations une attitude inverse, par ses croyances, par ses désirs. Ainsi, les sociétés occidentales actuelles sont parvenues à intégrer le rongeur jusque dans leur foyer, en tant qu’animal de compagnie. Par ailleurs, les rongeurs bénéficient d’une proximité avec de nombreuses espèces animales (domestiques, de ferme, sauvages…) et arthropodes. Ces multiples contacts peuvent accroître la probabilité de transmission inter-espèces d’agents pathogènes. 36 De tous ces éléments, il ressort que cet ordre semble particulièrement prédisposé à être porteur et disséminateur d’agents pathogènes, qui de surcroît, peuvent éventuellement s’avérer l’être pour l’Homme. Nous allons à présent nous intéresser aux différents facteurs autres que ceux « rongeursdépendants », et qui sont également susceptibles de contribuer aux phénomènes d’émergence et de ré-émergence des maladies zoonotiques. 3) Un contexte initiateur d’émergences et de ré-émergences a. Un climat favorable i. Observations antérieures Le climat se modifie et a un impact sur la faune et la flore résidentes sur Terre. Ainsi, comme nous l’avons décrit précédemment, sur des millions d’années, les changements ont été tels que des périodes de glaciation et d’autres plus clémentes pour la vie se sont succédées. Les bouleversements climatiques auxquels nous assistons, devenus une préoccupation mondiale, sont une réalité non dépendante exclusivement de l’action de l’Homme. Nous nous attacherons ici à un cas particulièrement bien étudié, celui de la peste bubonique, pour laquelle les changements climatiques pourraient expliquer en partie la survenue des vagues épidémiques tristement célèbres. Les variations climatiques affectent l’environnement en réorganisant la répartition des espèces, animales et végétales, ainsi que des vecteurs (arthropodes), et en influant sur leurs effectifs de population. La survenue de changements climatiques a été mise en évidence en Asie centrale, durant les périodes où ont eu lieu l’invasion des Huns au Vème siècle et l’expansion de l’empire Mongol au XIIIème siècle. Le climat plus chaud, plus humide, a permis la croissance d’une végétation plus fournie, tout comme la prolifération des rongeurs, réservoirs du bacille pesteux. Les premiers cas de peste seraient apparus dans ces empires, puis, suite à l’invasion vers l’Ouest, pourraient expliquer la survenue des épisodes de peste, plus tardifs, d’abord durant le règne de Justinien en 542 après J-C, puis au Moyenâge au XIVème. Le décalage existant entre les périodes de peste en Asie centrale, et celles en Europe s’expliquerait en effet par les durées nécessaires à la circulation humaine et animale. Les fluctuations de température et de précipitations auraient donc influé sur la survenue des pandémies de peste (MCMICHAEL, 2010). ii. Données actuelles Cependant, depuis les révolutions industrielles, qui ont débuté au XVIIIème siècle, l’Homme endosse une part de responsabilité dans les changements climatiques observés ces dernières décennies. De nombreux scientifiques se sont donc penchés sur l’importance que peut avoir le climat dans l’augmentation du nombre de cas chez l’Homme de certaines zoonoses. 37 L’augmentation des activités industrielles du siècle dernier, dont la pétrochimie, et la combustion des énergies fossiles notamment, a bouleversé notre planète à de multiples niveaux, dont celui du climat (SEMENZA et al., 2009). La composition atmosphérique s’est modifiée, enrichie en dioxyde de carbone, avec l’accroissement des émissions de monoxyde de carbone, de composés volatils, méthane et dérivés halogénés. Ces modifications seraient à l’origine d’une destruction partielle de la couche d’ozone et augmenteraient l’effet de serre. La température sur Terre s’est élevée d’environ 0,3 à 0,6°C durant le 20 ème siècle (HARRUS et al., 2005). Ces changements sont initiateurs d’un remodelage des écosystèmes, c’est-à-dire des cycles biologiques et de la distribution des espèces animales et végétales. D’abondantes théories ont été avancées concernant le lien entre les modifications climatiques et l’émergence des maladies infectieuses. La température et l’importance des précipitations influent notamment sur l’incidence des maladies infectieuses transmises par l’alimentation, l’eau, sur les maladies vectorielles et sur celles issues d’espèces réservoirs prolifiques (dont les rongeurs). En effet, de nombreux agents pathogènes, hôtes réservoirs ou vecteurs de ceux-ci, sont sensibles aux conditions climatiques. Les climats plus chauds, aux degrés d’hygrométrie plus élevés, sont favorables à la prolifération, à la pérennisation des habitats et à l’expansion géographique d’espèces réservoirs et d’organismes pathogènes (SEMENZA et al., 2009, SEMENZA et al., 2012). Les rongeurs, réservoirs de nombreux agents pathogènes transmissibles à l’Homme, voient leur population augmenter lorsque l’environnement est chaud et humide durant les saisons hivernales et printanières. Les zones tempérées sont donc les plus favorables, et on constate, dans les zones urbaines notamment, une augmentation des probabilités de rencontre entre l’Homme et les rongeurs. La survenue de vagues de chaleurs favorise l’invasion des habitats par les rongeurs, à la recherche d’eau généralement. La hausse des températures est également favorable à de nombreux agents bactériens et viraux. Ainsi, l’augmentation d’un degré au printemps entraînerait une hausse de 50% de la prévalence de l’infection par Yersinia pestis, le bacille de la peste, chez les rongeurs réservoirs (Rattus rattus). De nombreux exemples d’épisodes d’allure épidémique dus aux Hantavius nous montrent l’importance du climat en tant qu’élément déclenchant. Par exemple, au Nouveau-Mexique (Etats-Unis), de fortes précipitations ont permis une plus grande disponibilité en graines et végétaux, sources de nourriture pour de nombreux rongeurs. Une corrélation a été montrée entre l’accroissement des populations de souris sylvestres (Peromyscus maniculatus) grâce à l’abondance de nourriture, et l’augmentation du nombre de cas d’infection humaine par des Hantavirus dans ces mêmes régions (SEMENZA J.C. et al., 2009). De la même manière, des températures plus élevées, et des précipitations suffisantes, favorisent la survie et la multiplication des vecteurs. Les tiques par exemple, qui nous intéressent particulièrement ici étant donné leur proximité avec les rongeurs et l’Homme, et leur capacité à transmettre des agents zoonotiques, sont de plus en plus présentes et nombreuses dans des régions auparavant rudes pour leur survie et développement. Ainsi, dans des régions arctiques, où les morsures de tiques étaient encore rares jusque dans les années 60, il a pu être établi un lien évident entre l’augmentation des températures et l’incidence de l’encéphalite à tiques (TBE ou Tick borne encephalitis), provoquée par la transmission d’un Flavivirus par des tiques Ixodidés vectrices. 38 La figure 5 illustre cette corrélation dans une zone située au nord de la Russie, à Arkhangelsk Oblast (AO) (TOKAREVICH et al., 2011). Figure 5. Températures annuelles moyennes (1960-2009) et incidence de la TBE à Arkhangelsk Oblast (1980-2009). Les températures annuelles des années 1971 et 1972 sont manquantes (TOKAREVICH et al., 2011). Une étude menée durant les années 2007, 2009 et 2010, définie par la zone économique européenne (ou European Economic Area (EEA)) a inclus les 27 états membres ainsi que la Norvège, l’Islande et le Lichtenstein. Les travaux réalisés ont permis de mettre en évidence le lien existant entre l’incidence grandissante de certaines maladies et les changements climatiques. Un questionnaire a été envoyé à des organisations scientifiques compétentes et indépendantes de chaque pays. Ce questionnaire s’intéressait à 18 et 29 maladies infectieuses, respectivement pour les périodes 2007 et 2009/20010, ainsi qu’à des groupes de maladies dont l’incidence est déterminée en partie par le climat. Les résultats obtenus montrent que l’impact du climat est certain pour les maladies transmises par l’eau ou les aliments, par des vecteurs et par des rongeurs. Parmi les zoonoses émergentes que nous détaillerons plus tard, la leptospirose (avec des résultats revenus positifs pour 56% des sondés), la maladie de Lyme (résultats positifs dans 79% des cas), les encéphalites à tiques (dans 63% des cas), les hantaviroses (dans 56% des cas), et la tularémie (dans 52% des cas) font partie des maladies pour lesquelles l’influence jouée par le climat est la plus évidente (SEMENZA et al., 2012). 39 b. L’Homme en tant qu’acteur i. Augmentation démographique Parmi les facteurs contribuant à l’émergence de maladies infectieuses, ceux dépendant de l’Homme semblent prépondérants. Il en est ainsi de l’augmentation démographique, avec une population humaine mondiale, qui est passée d’un milliard d’individus en 1900 à plus de 6,5 milliards en 2006. Cette croissance « exponentielle » a inexorablement favorisé l’accroissement du nombre de contaminations (CHOMEL, et al., 2007). De manière générale, la transmission d’agents pathogènes à l’Homme est facilitée par une forte densité des populations, conduisant à l’augmentation du nombre d’individus infectés asymptomatiquement et cliniquement. Le maintien de l’infection dans la population est favorisé si une transmission interhumaine secondaire d’un agent zoonotique est possible (KA-WAI HUI et al., 2006 ; CHOMEL et al., 1998). Par ailleurs, l’augmentation démographique a conduit au bouleversement des équilibres environnementaux. En effet, par son expansion, l’Homme a dû conquérir de nouveaux espaces auparavant inhabités, et a empiété sur le territoire d’autres espèces (SONZA et al., 2011). Par ses activités d’appropriation des espaces, de déforestation et d’urbanisation, l’Homme a modifié voire détruit les habitats de la faune environnante, se mettant ainsi au contact de nouvelles espèces, réservoirs d’agents pathogènes potentiels. Lorsque l’on parle d’augmentation démographique des populations, il est alors également question d’augmentation des besoins. L’Homme a donc exploité les terres et a constitué des élevages à des fins alimentaires. Ainsi, l’agriculture, apparue il y a 11 000 ans a joué un rôle essentiel dans l’émergence d’agents zoonotiques. En effet, elle a permis de former des populations humaines plus nombreuses et regroupées et a conduit à la domestication de troupeaux, vivant au contact direct des hommes (WOLFE et al., 2007). Nous pouvons citer pour exemple l’émergence dans les années 1950 de la fièvre hémorragique survenue à l’est et au centre de l’Argentine. Son expansion a été directement liée au développement de la culture des champs de maïs. En effet, la souris « des champs » (Calomys musculinus) se servant de ces cultures comme source de nourriture, est alors entrée directement au contact de l’Homme. Les cas de transmission du virus Junin, un Arenavirus dont elle est le réservoir principal, s’en sont trouvés alors fortement augmentés (CHOMEL et al., 2007). La déforestation, quant à elle, peut représenter un facteur de risque immédiat pour les travailleurs, car elle peut les mettre en contact avec des espèces animales réservoirs ou vectrices. Ainsi, la maladie de la forêt de Kyasanur (dont le virus est transmis par morsure de tiques), connue depuis 1957, touche plus de 1000 personnes par an en Inde, notamment les travailleurs (avec un taux de létalité de 10%) responsables de la déforestation de zones destinées à l’implantation de nouvelles cultures ou de nouveaux habitats (HARRUS et al., 2005). La construction des villes a permis la prolifération de nombreuses espèces de rongeurs commensales de l’Homme, telles que les rats noirs et les souris domestiques. Cette nouvelle 40 promiscuité avec l’Homme a participé à l’adaptation et la propagation de certains agents hébergés par ces rongeurs (ROCHE et al. 2011). Des aménagements tels que la construction de barrages hydro-électriques, ou la mise en place de canaux d’irrigations, conduisent généralement à favoriser la prolifération de certains vecteurs (moustiques notamment), et peuvent ainsi faire émerger de nouvelles maladies (HARRUS et al., 2005). Les mouvements de populations, résultant de la croissance démographique, sont également initiateurs de l’émergence d’agents pathogènes zoonotiques. Les régions urbaines s’engorgent au détriment des régions rurales, et ces situations entraînent de nouveaux contacts et interactions entre des populations immunitairement différentes. Par ailleurs, dans les pays en voie de développement, les mécanismes d’urbanisation désorganisés et incontrôlés sont à l’origine d’une détérioration des infrastructures (bâtiments publics, sanitaires, approvisionnement en eau…), ainsi que d’une mauvaise gestion du stockage et de l’évacuation des déchets (HARRUS et al., 2005). L’envahissement de ces zones par certaines espèces de rongeurs s’en trouve facilité, et ainsi, les risques de transmission d’agents pathogènes à l’Homme sont accrus. ii. Contexte socio-économique et socio-politique De nombreux pays sont agités par des conflits internes (guerres civiles…) voire par des confrontations impliquant d’autres pays. Eux, ou d’autres, peuvent être affectés par la pauvreté ou touchés par des catastrophes naturelles. Dans ces contextes, la mise en place de mesures préventives ou interventionnistes en termes de santé publique, telles que le contrôle des réservoirs et vecteurs, les campagnes vaccinales et l’accès aux soins, sont difficilement réalisables. Ainsi, les populations sont rendues davantage vulnérables aux infections, et la transmission d’agents infectieux émergents ou réémergents s’en trouve facilitée (HARRUS et al., 2005). iii. Globalisation Les mouvements de personnes, de nourriture ou de biens se font actuellement à travers toute la planète, et à une rapidité telle qu’ils contribuent à la dissémination à grande échelle d’agents pathogènes. Par ailleurs, du fait de l’amélioration des moyens de transports (aériens, maritimes…), des moyens de communication (internet…), de l’assouplissement des barrières commerciales, conjointement aux faibles coûts de production dans certains pays étrangers, et des lois de l’offre et la demande, on assiste récemment à l’émergence d’un marché florissant de l’animal de compagnie, avec la vente d’espèces exotiques de plus en plus diversifiées et nombreuses. Cette nouvelle tendance, du fait de la « globalisation » n’est pas sans risque. 41 Des guides sur le commerce des animaux et produits animaux ont été créés par l’OIE et une libéralisation du commerce des produits issus de l’agriculture a été plébiscitée. Des négociations ont permis la création en 1994 de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et dans le même temps, s’est effectuée une réduction tarifaire ainsi qu’une réduction des limites importatrices et des quotas auparavant fixés. Tout ceci a conduit à tripler les volumes de bien échangés à travers le monde entre 1985 et 2000, et à quintupler les exportations au départ de l’Asie (EHNERT et al., 2009). L’OIE a par ailleurs imposé des contrôles stricts concernant les mouvements d’animaux. En fonction du pays d’origine des animaux exotiques, des procédures de quarantaine sont appliquées, mais elles ne garantissent néanmoins pas que les espèces animales soient saines. En effet, les animaux peuvent être porteurs d’agents zoonotiques non identifiés. De nombreux cas d’émergences zoonotiques trouvent d’ailleurs leur origine dans la contamination auprès d’animaux importés, légalement ou illégalement. L’exemple récent de 2003, que nous reverrons plus tard, concerne des cas d’infection zoonotique par le virus Monkeypox aux Etats-Unis suite à l’adoption dans certains foyers de chiens de prairie. La contamination de ces derniers par des rats géants de Gambie, montre l’importance du rôle que peut jouer le commerce des animaux exotiques dans les phénomènes d’émergence zoonotique (SONZA et al., 2011). L’extraction, traumatisante, de ces animaux de leur milieu naturel et les conditions stressantes de leur transport, enfermés en surnombre, conduisent généralement en un affaiblissement du système immunitaire des animaux, facilitant l’excrétion, avec ou sans symptômes, d’éventuels agents pathogènes (CUTLER et al., 2010). Parmi eux, les virus à ARN seraient les plus fréquemment rencontrés en tant qu’agents émergents, dans le cadre du commerce d’animaux vivants. Les Etats-Unis sont par ailleurs l’un des pays les plus importateurs d’animaux sauvages et de produits animaux, 90% de ces importations étant destinées au marché de l’animal de compagnie (SMITH, et al., 2012). Les déplacements peuvent concerner les échanges commerciaux, mais également les voyages ou autres activités amenant l’Homme en divers lieux potentiellement « à risque » pour lui, dans lesquels certaines maladies sont enzootiques. A l’inverse, il peut être un « importateur » de maladie. On parle de « translocation » pour décrire l’introduction et la dissémination de germes dans des zones nouvelles, par l’arrivée de populations humaines et/ou animales infectées. Les aires et peuples d’accueil, naïfs immunitairement sont alors susceptibles de développer, et de façon plus sévère, les symptômes des maladies importées, qu’elles soient ou non zoonotiques (GUMMOW et al., 2010). D’autre part, le retour au pays peut s’accompagner de l’introduction de vecteurs ou d’agents pathogènes, exposant ainsi l’entourage ou les personnes rencontrées à ces derniers. Depuis quelques décennies, on assiste à une hausse exponentielle du nombre de voyages effectués dans le cadre du travail comme du loisir. On estime à plus d‘un million le nombre de personnes effectuant des trajets internationaux chaque jour, et à 50 millions le nombre de passagers voyageant des pays développés vers des pays en voie de développement (et vice versa) chaque année. Ces situations sont donc propices à la dissémination d’agents pathogènes à travers le monde (HARRUS et al., 2005 ; CUTLER et al., 2010). Il a ainsi été clairement démontré que le tourisme (selon les régions géographiques où il s’effectue) 42 constitue un facteur de risque significatif de contamination par des agents infectieux zoonotiques, tels que les bactéries appartenant au genre Leptospira (LAU et al., 2010). D’autres cas « d’importation infectieuse » se déclarent sporadiquement chez des personnes vivant ou circulant à proximité directe des aéroports, du fait de l’introduction d’insectes vecteurs d’agents pathogènes (apparition de cas de paludisme en 2003 chez des habitants de Floride aux Etats-Unis, vivant à proximité de l’aéroport), mais aucun cas n’a concerné à ce jour, semble-t-il, de maladies dont les rongeurs sont les réservoirs. Par ailleurs, de plus en plus de voyageurs se déplacent accompagnés de leurs animaux, qui peuvent eux aussi contracter certaines maladies, et servir de réservoir de celles-ci ou bien d’hôtes de vecteurs (HARRUS et al., 2005). iv. Détention d’animaux En France : Les animaux de compagnie font partie de la vie des français. On compte en 2012, 63 millions d’animaux domestiques détenus en France. Environ un foyer sur deux possède au moins un animal. Même si les chiens et chats restent les compagnons préférés des français, on assiste ces dernières années à un engouement de certains pour les nouveaux animaux de compagnie (ou NAC) qui représentent environ 5% du nombre total des animaux présents dans les foyers français. Cette catégorie comprend en général tout animal de compagnie autre que le chien ou le chat, à savoir, essentiellement les petits mammifères, les reptiles, les oiseaux, et les poissons. Concernant les petits mammifères, il s’agit notamment des rongeurs familiers, dont le nombre en 2006 a été estimé à 3 millions. Les foyers amateurs de rongeurs augmentent régulièrement, et ceci s’explique par l’accroissement des populations urbaines pour lesquelles il est plus aisé de posséder un animal restant « enfermé » sans besoin de sortie, tout en faisant plaisir aux enfants. Néanmoins, la dernière enquête de 2012 réalisée par la FACCO et TNS SOFRES a montré une diminution de 200 000 individus possédés entre 2010 et 2012. Les chiffres peuvent cependant être biaisés par le fait que de nombreuses naissances peuvent se réaliser chez les particuliers, et que de nombreux élevages amateurs gagnent du terrain (FARJOU, 2005 ; PRAUD, 2009 ; site enquête FACCO/TNS SOFRES). Le tableau 2 de la page suivante répertorie les différentes espèces de mammifères détenus par certains particuliers. 43 Tableau 2. Principales espèces de NAC rencontrées en clientèle et animaux exotiques détenus par certains particuliers (PRAUD, 2009). Les espèces de rongeurs sont écrites en rouge. Classes NAC domestiques Mammifères -Lapin (Oryctolagus cuniculus) -Cochon d’Inde (Cavia porcellus) -Chinchilla (Chinchilla lanigera, Chinchilla brevicaudata) -Rat surmulot (Rattus norvegicus) -Souris domestique (Mus musculus) -Gerbille de Mongolie (Meriones unguiculatus) -Hamster doré (Mesocricetus auratus) -Furet (Mustela putorius furo) NAC non domestiques et animaux exotiques détenus par certains particuliers -Phalanger volant (Petaurus breviceps) -Octodon (Octodon degus) -Écureuil de Corée (Tamias sibiricus et Tamias striatus) -Chien de prairie (Cynomys sp.) -Viscache (Lagidium viscacia et Lagostomus maximus) -Souris géante (Mastomys natalensis) -Raton laveur (Procyon lator) -Moufette (Mephitis sp., Conepatus sp., Spilogale sp.) -Roussette d’Egypte (Rousettus aegyptiacus) -Magot (Macaca sylvanus) Les contacts plus fréquents avec des espèces nouvelles constituent des situations propices à la transmission d’agents pathogènes, et donc possiblement, à l’émergence de maladies zoonotiques. A l’inverse des chiens et des chats, les zoonoses issues des NAC représentent un danger moins bien connu et moins bien maîtrisé. Elles suscitent donc la crainte que les répercussions de certaines d’entre elles puissent être potentiellement très sévères pour la santé humaine (CARON et al., 2010). En Europe : De nombreux pays d’Europe apprécient également la compagnie des animaux, et, comme en France, en Irlande, au Royaume-Uni, en Autriche et au Benelux, un foyer sur deux détient un animal. La proportion augmente au Pays-Bas, en Espagne, en Italie et en Scandinavie où dans 60% des ménages, on retrouve au moins un animal de compagnie. Les NAC, et parmi eux les rongeurs y sont de plus en plus plébiscités comme en France. En Allemagne, en Grèce et au Portugal, entre un foyer sur quatre et un foyer sur trois possède au moins un animal de compagnie. Les NAC sont également plébiscités dans ces pays, avec notamment une hausse des ventes des petits mammifères et des reptiles ces dernières années, bien devant les oiseaux d’agrément (AHOUISSOUSSI, 2003 ; FARJOU, 2005). Aux Etats-Unis : Les Etats-Unis sont l’un des pays dans lequel le marché de l’animal de compagnie est le plus florissant. Plus de 58 millions de foyers américains possédaient au moins un animal, soit 58,3% des ménages en 2010, et ce nombre ne fait qu’augmenter. Là encore, l’engouement pour les NAC est présent. L’« American Pet Products Manufactures Association » annonce que près de 16,8 millions de petits mammifères sont détenus dans le pays. Ce chiffre reste élevé, même comparé aux 88,3 millions de chats et aux 74,8 millions de chiens présents dans les foyers américains, d’après le rapport d’analyse de marché de 2010 mené par le programme stratégique « cultivons l’avenir » du secteur agricole et agroalimentaire du Canada. 44 v. Influence de la culture et des croyances Comme déjà explicité dans la partie I) 5) c, les rongeurs, et particulièrement le rat, bénéficient dans certaines cultures ou religions d’une place leur permettant de vivre à proximité des Hommes. Par exemple, dans le fameux temple de Karni mata en Inde, les rats y sont nourris, y pullulent, et il est considéré comme un bienfait de toucher leur nourriture (HERBRETEAU, 2007). Dans de telles situations, la probabilité de dissémination d’agents infectieux zoonotiques est donc accrue. c. L’Homme en tant qu’initiateur de rencontres i. Exercice professionnel L’Homme, par son travail, peut s’exposer à des situations potentiellement à risque. C’est particulièrement le cas de toute personne amenée à entrer en contact avec des rongeurs, avec des hôtes relais, voire avec des vecteurs arthropodes. Il peut s’agir d’individus s’occupant de la gestion et des soins des animaux, mais aussi de l’aménagement du territoire. Ainsi, le personnel d’animaleries, de zoos, de laboratoires, les vétérinaires, les personnes travaillant à proximité d’animaux domestiques ou de rente, lesquels peuvent avoir des contacts fréquents et répétés avec les rongeurs, font partie des professionnels les plus exposés, tout comme les personnes s’occupant de l’entretien et de l’aménagement des espaces verts. Pour d’autres professions, la promiscuité avec les rongeurs ne saute pas forcément aux yeux, mais les militaires, confrontés à des milieux boisés, tout comme les gardes forestiers ou les chasseurs représentent également une population à risque. Enfin, les égoutiers sont confrontés à des milieux insalubres, où vivent des espèces de rongeurs commensales. Le nombre de cas de zoonoses professionnelles reste par ailleurs sous-estimé par rapport au nombre de déclarations, selon le rapport fait en 2009 par l’INRS, pour deux raisons : soit le lien avec la profession n’est pas établi, soit le malade ne juge pas nécessaire de faire une déclaration de maladie professionnelle, lorsque les manifestations ne sont pas trop sévères. Ceci est évidemment transposable à des zoonoses d’importance telle qu’elles sont considérées comme émergentes ou ré-émergentes. ii. Loisirs Dans le milieu du loisir, de nombreuses situations apparaissent comme pouvant être à risque de transmission d’agents zoonotiques. Les voyages, avec le tourisme qui se développe de plus en plus, parfois même dans des zones reconnues enzootiques pour certaines infections, constitue l’une des nouvelles tendances de l’Homme moderne. Ainsi, l’écotourisme pour lequel le voyage s’effectue sur un mode « aventureux » est devenu le secteur touristique le plus en croissance, avec un taux de progression de 10% par an depuis 1985. Dans ce 45 contexte, certains comportements sont parfois adoptés sans prise de conscience du danger, tels que la participation à certaines activités sportives et exploratrices du milieu (CHOMEL et al., 2007). Le choix du logement a également son importance. En effet, le camping confronte l’Homme à la nature même, et ainsi, l’expose aux potentiels rongeurs ou excrétas de rongeurs possiblement infectés. Le niveau d’hygiène est par ailleurs généralement plus faible que pour d’autres modes de logement, et l’envahissement par les rongeurs à la recherche de sources de nourriture est facilité. Une illustration très concrète du risque associé à l’écotourisme est l’épisode d’hantavirose à virus Sin Nombre, survenu dans le parc national Yosemite aux USA en août 2012 (cf. Partie II]). Lors de la participation à certaines activités sportives, l’Homme peut s’exposer à des risques de transmission d’agents zoonotiques. La chasse doit ici être rappelée puisqu’elle peut représenter non pas un travail mais un loisir pour certains. Dans ce milieu, Francisella tularensis est certainement l’agent zoonotique émergent le plus connu. Les exemples sont nombreux dans le milieu aquatique, avec notamment les infections à Leptospira, bactéries ubiquitaires, disséminées dans la nature via les urines de rongeurs et qui sont émergentes dans certaines zones et/ou responsables d’épisodes isolés mais spectaculaires. On peut citer le triathlon de 1998 de Bristol (Royaume-Uni), resté célèbre pour son nombre d’athlètes infectés par Leptospira spp. (52 personnes sur les 474 participants) (CUTLER et al., 2010). Les deux agents que nous venons d’évoquer seront traités plus en détail dans la deuxième partie. iii. Statut immunitaire et la notion de YOPI Selon la performance de ses défenses immunitaires, l’Homme va plus ou moins bien permettre l’introduction et la multiplication des germes dans son organisme. Certains individus, de par leur âge, leur situation physiologique, ou d’éventuelles maladies les fragilisant immunitairement, sont davantage réceptifs et sensibles aux agents infectieux. On parle alors de YOPI (signifiant Young, Old, Pregnant, et Immunocompromised) pour désigner cette population « fragilisée » composée des personnes jeunes, âgées, des femmes enceintes et des individus immunodéprimés. Ces derniers incluent les personnes atteintes par d’autres affections (notamment celles atteintes de SIDA), mais également celles ayant des déficits primaires ou secondaires dans la formation des lignées cellulaires myélopoïétiques, celles présentant des dysendocrinies (diabète, hyperadrénocorticisme…), celles subissant certaines thérapies (prise de médicaments, traitements de cancers…), celles transplantées, ou encore celles enclines au tabagisme et à l’alcoolisme (SATTAR et al., 1999 ; MANI et al., 2009). On assiste par ailleurs à un accroissement de cette population particulièrement sensible, comme l’attestent les chiffres des admissions dans les hôpitaux. Ce facteur, joint à la surdensité des populations, facilite encore davantage la transmission, l’expansion et les répercussions sur la santé de l’Homme de l’infection par des agents zoonotiques (SATTAR et al., 1999). 46 d. Influence de la biodiversité animale i. Les vecteurs : l’importance des tiques Lorsque l’on parle des zoonoses émergentes, on ne peut pas négliger celles transmises vectoriellement. Celles-ci font en effet partie des maladies infectieuses les plus préoccupantes, étant donné qu’il est difficile de lutter contre elles, qu’elles font généralement intervenir de nombreuses espèces, et qu’elles peuvent être cliniquement très sévères. Il apparaît donc essentiel de traiter ici des émergences zoonotiques vectorielles, pour lesquelles les rongeurs constituent un réservoir. Les tiques représentent une source de préoccupation grandissante, posant d’importants problèmes en termes d’émergence d’agents zoonotiques chez l’Homme, en jouant ce rôle « d’intermédiaires » obligés ou non entre rongeurs infectés et Homme. Si l'on tient compte à la fois des maladies transmises à l'Homme et aux animaux, ces vecteurs sont les plus importants parmi tous les arthropodes, étant donné la diversité des germes qu’ils sont susceptibles de transmettre (PEREZ-EID et al., 1998). 1. Point de systématique Les tiques appartiennent à l’embranchement des Arthropodes, au sous-embranchement des chélicérates et à la classe des arachnides. La maladie de Lyme et l’encéphalite à tique sont deux zoonoses majeures, actuellement émergentes, pour lesquelles les tiques jouent un rôle essentiel. Celles impliquées dans la transmission de ces deux zoonoses appartiennent à l’ordre des Ixodidés ou « tiques dures » et font partie du genre Ixodes. Nous nous limiterons donc à la description unique de celles-ci (CASATI, 2005). 2. Cycle de vie Ces tiques sont des parasites temporaires, c’est-à-dire se développant et survivant dans le milieu extérieur mais ayant besoin de se fixer à des organismes hôtes afin de se nourrir du sang de ceux-ci. Elles effectuent trois repas au cours de leur existence. Suite à la ponte par la femelle, les œufs, après éclosion, atteignent le deuxième stade : le stade larvaire. C’est au cours de celui-ci que le premier repas est pris, pendant environ 3 jours, sur un premier hôte, préférentiellement un micromammifère. Les rongeurs ont de ce fait un rôle majeur en tant que réservoirs d’agents pathogènes pour l’Homme, pour peu qu’il y ait transmission transtadiale de cet agent pathogène. D’autre part, d’autres espèces peuvent être contaminées, et servent alors de relais pour l’homme. Ainsi, dans le cas où une tique au stade nymphal est bactériémique pour un animal, la transmission d’agents pathogènes à une autre nymphe non infectée peut se produire. Cette dernière sera alors vectrice de germes, et infectera possiblement l’Homme. Les repas sanguins s’effectuent par ailleurs en deux temps : une phase de gorgement lente, suivie d’une rapide. Le deuxième repas a lieu au stade nymphal, et dure environ 5 jours. Enfin, concernant le dernier repas, d’une durée d’environ 7 jours, seules les femelles se gorgent. Les mâles vont éventuellement se nourrir, 47 mais ne jamais se gorger. Entre ces stades, la tique quitte l’hôte parasité, et effectue sa mue. On qualifie ainsi Ixodes spp. de tiques triphasiques, du fait des trois repas sanguin, pris à des stades différents. On parle aussi d’espèces télotropes (ou polytropes) c’est-à-dire n’ayant pas de sélectivité dans le choix de l’hôte (CASATI, 2005 ; STANEK et al., 2012). La femelle s’étant gorgée, et s’il y a eu fécondation avec le mâle, quitte son hôte, et pond au sol près de 2000 œufs. Dans le cas où la femelle n’est pas fécondée, elle se gorge partiellement ; on parle alors de diapause trophique virginale. La durée de vie d’une tique est estimée à 2 ans environ. Elle est dépendante de multiples facteurs. En effet, les organismes hôtes doivent être disponibles, le phénomène de diapause peut provoquer des décalages dans le cycle, et le climat doit être favorable pour la persistance environnementale de la tique. Pour leur développement, les tiques nécessitent, entre autres, un environnement humide, avec une hygrométrie d’environ 80% (BHATE et al., 2011 ; STANEK et al., 2012). ii. Impact de la biodiversité sur les risques de transmission d’agents zoonotiques 1. Effet bénéfique ? Lors de la transmission d’un agent pathogène à une espèce, cette dernière peut représenter un hôte accidentel « cul-de-sac ». Ce cas se produit lors d’infection par un agent non suffisamment adapté à l’espèce qui, par la suite, ne pourra pas être transmis à un autre individu. Ainsi, si l’abondance des espèces « culs-de-sac » augmente avec le nombre total d’individus, tandis que celui des hôtes réservoirs ou relais diminue, alors la diversité des espèces hôtes peut réduire voire bloquer la transmission de la maladie. C’est ce que l’on appelle l’effet de dilution (ROCHE et al., 2011). La maladie de Lyme, transmise par morsure de tique illustre l’importance du rôle protecteur joué par la conservation des espèces et par cet effet de dilution. Les populations de cerfs et de chevreuils constituent des hôtes préférentiels pour les tiques, et représentent des espèces « cul-de-sac » vis-à-vis de l’agent de cette borréliose. La disponibilité de ces hôtes pour les tiques permet donc de diminuer le nombre de tiques infectées, et diminue de surcroit les risques de transmission de la borréliose à l’Homme (STANEK et al., 2012). La biodiversité, qui influe sur les interactions entre hôtes et agents pathogènes, joue un rôle dans la prévalence de certaines maladies, possiblement émergentes ou ré-emergentes. La théorie de l’effet de « dilution » est cependant controversée par certains, qui estiment, à l’inverse, qu’il existerait plutôt un effet d’ « amplification ». Selon cet autre principe, l’augmentation de la prévalence de l’infection par des agents pathogènes est en corrélation avec l’accroissement du nombre d’espèces, du fait de rencontres plus nombreuses entre hôtes et des possibilités accrues de transmission à des hôtes dits relais. Cet effet d’amplification a été observé en Bavière (Allemagne), où une augmentation de la prévalence de l’infection chez l’Homme par le virus Puumala (PUUV) s’est faite conjointement à celle de la diversité des espèces de rongeurs. Néanmoins, dans la majorité des études, l’effet de 48 dilution semble prépondérant. Il a été démontré, dans le cas d’infections par certains Hantavirus (Sin nombre, Choclo et Laguna negra virus) et par des leptospires, que la diminution de la biodiversité de mammifères accroît l’incidence de la maladie chez l’Homme (HEYMAN et al., 2012). 2. Effet néfaste ? La biodiversité au sens large inclut également celle des agents pathogènes. De nos jours, environ 5000 espèces virales sont connues, mais le chiffre pourrait s’élever à 130 000 selon certaines estimations. En prenant en compte également l’importance du nombre d’espèces réservoirs potentielles de rongeurs, 2277, soit 42% des espèces de mammifères identifiées, on peut se poser la question de savoir si cette biodiversité préserve (par effet de dilution), ou n’exposerait pas davantage l’Homme à des agents zoonotiques, plus nombreux, plus variables, du fait de cette diversité d’hôtes. Le débat reste ouvert (PASTORET, 2009). e. Agents pathogènes i. Facilités diagnostiques : connaissances accrues et avancées technologiques Les progrès des connaissances dans de multiples domaines scientifiques, surtout durant les dernières décennies sont des outils précieux dans le cadre de la suspicion, de l’investigation épidémiologique et de la confirmation du rôle étiologique chez l’Homme et l’animal, de tel ou tel agent responsable d’un tableau clinique observé (HARRUS et al., 2005). De nos jours, nous pouvons identifier plus aisément la nature des agents à l’origine d’une maladie émergente. D’un point de vue historique, c’est à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, que de nombreuses émergences ont été décrites, et identifiées comme étant d’origine bactérienne ou dues à des protozoaires. Les travaux de Pasteur ont fortement contribué à la naissance de la microbiologie en tant que science, ainsi que, bien sûr, à celle de la vaccinologie moderne. Actuellement, l’accès à des outils épidémiologiques et à des techniques perfectionnées, permet d’identifier plus rapidement les agents pathogènes suspectés d’être responsables de la maladie observée. L’emploi de programmes informatiques permet d’établir des modèles prédictifs d’analyse de risque, en tenant compte par exemple, des modifications climatiques, et éventuellement, de mieux planifier les mesures de contrôles et de surveillance. Par ailleurs, le développement de méthodes sophistiquées, notamment moléculaires (tests PCR (Polymerase Chain Reaction), séquençage haut débit, typage…) présentent généralement une bonne sensibilité et une bonne spécificité, et permettent l’obtention de résultats rapides (HARRUS et al., 2005). Si l’on prend l’exemple des Hantavirus, ceux responsables de la forme pulmonaire sont les premiers agents responsables d’une maladie émergente, alors inconnue, qui aient été identifiés par PCR (CHOMEL et al., 1998). 49 ii. Particularités liées aux agents pathogènes Les cas d’émergences peuvent également s’expliquer par la variabilité et le pouvoir adaptatif des agents pathogènes eux-mêmes. 1. Agents viraux La majorité de ceux à l’origine des maladies infectieuses émergentes et réémergentes possède un matériel génétique de type ARN. Ceci s’explique par le fait qu’ils sont davantage enclins à muter. Cette capacité leur permet d’évoluer rapidement et de s’adapter à l’environnement ainsi qu’à leurs hôtes. Trois mécanismes peuvent se produire lors de l’évolution du génome viral : - - - La mutation ponctuelle : les virus à ARN présentent un taux élevé de mutations. Ceci s’explique par le fait que l’ARN polymérase ARN dépendante est dépourvue de fonction de relecture, ce qui induit un nombre d’erreurs plus élevé que dans le cas de la réplication d’un ADN viral par l’ADN polymérase. Il se produit en moyenne 1 erreur tous les 103 à 105 nucléotides copiés (alors que le taux d’erreur des virus à ADN est plutôt de l’ordre d’1 tous les 10 7 à 108 nucléotides). Les mutations génétiques entraînent alors la synthèse de nouvelles protéines virales ou l’absence de synthèse de ces protéines en cas de codon stop. Même avec une variabilité minime d’un ou de deux acides aminés, on peut observer des modifications phénotypiques importantes, telles qu’une résistance vis-à-vis de molécules antivirales initialement efficaces. Des modifications des structures protéiques antigéniques de surfaces entraînent l’absence de reconnaissance par les anticorps de l’hôte précédemment synthétisés, soit à l’occasion d’une infection, soit, d’une vaccination. On parle alors de « dérive antigénique » (antigenic drift). La recombinaison se fait par l’échange entre deux copies du génome viral de certaines séquences de virus semblables, infectant la même cellule. La polymérase passe alors d’un brin à l’autre au cours de la réplication. Ce mécanisme donne naissance à un hybride génomique, et donc à un nouveau sous-type. Si les échanges concernent les séquences codant les protéines externes, le virus recombiné peut disposer d’une nouvelle structure antigénique. On parle alors de substitution antigénique. Les taux de recombinaison sont d’autant élevés que la taille du génome est importante. Le réassortiment consiste en une forme particulière de recombinaison, lorsque le génome de chacun des virus infectant une même cellule est segmenté. Les différents segments des virus d’origine peuvent alors se mélanger et faire émerger de nouveaux variants. Les termes de « cassure génétique » et de « cassure antigénique » (antigenic shift) sont aussi employés. Les virus sont donc des agents présentant d’incroyables capacités d’évolution, notamment ceux dont le génome est constitué de plusieurs segments d’ARN (KA-WAI HUI, 2006). 50 2. Agents bactériens Les agents bactériens possèdent également d’énormes facultés évolutives. Si l’on s’intéresse aux taux de mutations, on dénombre une erreur tous les 10 3 à 1010 nucléotides par division cellulaire. A celles-ci, s’ajoutent les recombinaisons génétiques résultant de la présence de séquences répétées et/ou de l’acquisition de structures génétiques nouvelles par transduction et/ou par acquisition de transposons, lesquelles structures peuvent conduire à l’intégration dans le génome de gènes de virulence voire d’îlots de pathogénicité. D’autres transferts horizontaux, liés à l’acquisition de plasmides non intégratifs, aboutissent aussi à l’émergence de variants. L’apparition de mutations peut avoir des conséquences neutres, désavantageuses ou bénéfiques pour la survie et la propagation des agents. Pour les populations clonales, de simples mutations ponctuelles peuvent avoir de fortes répercussions sur les propriétés biologiques des bactéries. En règle générale, l’acquisition de nouveau matériel génétique tend à conférer de nouveaux avantages adaptatifs. L’ensemble des variations ainsi produites rend possible l’émergence d’agents mieux adaptés, plus résistants, voire dotés d’une virulence plus élevée. Certains génotypes nouveaux vont parvenir à survivre et à se multiplier s’ils bénéficient d’avantages adaptatifs extrinsèques, tels que le fait d’émerger dans des populations naïves immunitairement ou intrinsèques, tels des facteurs de virulence particuliers conférés par l’acquisition de plasmides. C’est ce que l’on observe dans un grand nombre de cas d’émergence zoonotique chez l’Homme, et même plus largement, d’émergence d’agents infectieux. Francisella tularensis et Yersinia pestis sont de bons exemples illustrant les capacités adaptatives de certaines populations clonales bactériennes, qui ont acquis à un moment donné des gènes de virulence supplémentaires par rapport à un ancêtre beaucoup moins virulent. Ces deux agents émergents représentent une menace pour la santé publique, et sont parmi les agents les plus dangereux, susceptibles d’être utilisés en tant qu’armes biologiques. Il est possible de définir quatre états nécessaires à la survenue d’endémies, d’épidémies voire de pandémies. Une description brève de chaque stade, est faite en référence à F. tularensis et à Y. pestis : - - - - L’émergence : d’après l’étude de leurs structures, ces espèces bactériennes sont relativement récentes, et chacune d’elle résulterait de souches plus anciennes, ayant subi peu de phénomènes évolutifs. L’expansion : ces espèces renferment différents groupes clonaux et monophylétiques au sein desquels on distingue plusieurs sous-espèces. Parmi elles, une partie seulement est parvenue à se répandre sur de nombreux continents et au sein de multiples populations. L’établissement : La présence de certaines espèces de rongeurs aurait favorisé la persistance de ces agents bactériens. Néanmoins, les causes à l’origine de cette persistance environnementale, comme nous l’avons vu, sont plus complexes. L’adaptation : les caractéristiques d’une population clonale sont dépendantes des interactions entre les agents pathogènes qui la composent et son environnement (dont ses hôtes). Le fait d’acquérir un avantage génétique (sous forme de plasmide, de substitution génétique, de phage…) peut faciliter la survie et la propagation du germe. Les capacités adaptatives sont majoritairement perçues 51 sous l’angle des propriétés des facteurs de virulence, alors que de nombreux agents pathogènes s’adaptent suite à l’acquisition d’autres propriétés, ne faisant souvent pas l’objet de recherches approfondies, et qui pourtant semblent avoir un impact sur leur émergence (KEIM, 2009). L’un des problèmes majeur posé par les agents bactériens, en médecine vétérinaire comme en médecine humaine, est le phénomène d’antibiorésistance. L’emploi judicieux et raisonné des antibiotiques est essentiel pour lutter contre ce mécanisme adaptatif bactérien. La lutte contre ces mécanismes est complexe, la baisse de l’utilisation des traitements antibiotiques ne constituant qu’une solution incomplète (KARESH et al., 2012). iii. Barrières d’espèces Plus la distance phylogénétique séparant deux individus est importante, plus la barrière d’espèces augmente, et, a fortiori, le risque de transmission d’agents zoonotiques s’amoindrit (WOLFE, 2007). Cinq stades sont définis, permettant d’évaluer le degré d’évolution d’un agent pathogène d’origine animale. Initialement exclusivement limité à des transmissions entre espèces animales (stade 1), l’agent peut être transmissible à l’Homme (stade 2), transmissible (mais rarement) entre les hommes (stade 3), ou bien doté de facultés de transmission interhumaine élevées (stade 4), voire ne se transmettant plus qu’exclusivement entre les hommes (stade 5). L’accès au stade 5 peut avoir des répercussions dramatiques sur la santé humaine, et peut atteindre la population mondiale ; c’est le cas du virus du SIDA. La figure 6 illustre cette notion d’évolution et d’accès à différents stades des agents pathogènes initialement d’origine animale (WOLFE et al., 2007). Les mécanismes expliquant l’évolution d’un stade à l’autre ne sont pas complètement connus. Néanmoins, l’évolution du stade 1 au stade 2 repose sur l’augmentation du nombre d’individus de l’espèce réservoir, associée à un accroissement du nombre de rencontres avec l’Homme, ainsi qu’à des modifications des caractéristiques propres à l’agent pathogène qui vont avoir un impact sur ses interactions avec l’Homme (augmentation qualitative et quantitative de la virulence, variabilité génétique, échappement aux réponses immunitaires…). Sur l’ensemble des zoonoses, une grande partie provient des rongeurs, puisque, malgré l’éloignement phylogénétique avec notre espèce, les rongeurs sont des animaux très abondants, avec lesquels les probabilités de rencontres sont élevées. L’évolution du stade 2 au 3 ou 4 est un événement beaucoup plus rare. Ceci s’explique notamment par les modes et les facilités de transmission (cas d’un agent pathogène se transmettant par morsure, mais l’homme ne mordant pas ses congénères, ce dernier représente un cul-de-sac). Cependant, les sociétés actuelles, du fait des zones à forte densité, des modalités de soins (transfusion sanguine…), du commerce mondial de produits animaux, des voyages, de 52 l’augmentation du nombre de sujets à risque (personnes immunodéprimées, personnes âgées…) cumulent les facteurs favorables à l’émergence de nouveaux agents pathogènes (WOLFE et al., 2007). Figure 6. Illustration des cinq stades d’évolution d’un agent pathogène, initialement présent chez l’animal (stade 1), pouvant ensuite être transmissible à l’Homme (stade 2), puis transmissible (mais rarement) entre les hommes (stade 3), doté de facultés de transmission interhumaine élevées (stade 4), voire ne se transmettant plus qu’exclusivement entre les hommes (stade 5) (WOLFE et al., 2007). 53 54 Deuxième partie : Zoonoses émergentes ayant comme réservoir principal les rongeurs 1) Zoonoses virales a. Hantaviroses i. Historique Durant la guerre de Corée (1951-1953), dans la zone de la rivière Hantan en Corée du Sud, des troupes de soldats américains manifestent des symptômes fébriles, associés dans les cas les plus sévères à des myalgies, une insuffisance rénale, des hémorragies, des troubles vasculaires allant parfois jusqu’ à un arrêt cardiaque. À cette époque, ce syndrome est appelé « Fièvre hémorragique Coréenne » (« Korean hemorrhagic fever » ou KHF) (MERTZ et al., 1998 ; CLEMENT, 2003). Même si l’agent en cause demeure inconnu durant les décennies qui suivent, l’apparition de cas similaires dans d’autres pays (Russie, Chine, pays Scandinaves...) laisse supposer qu’il existe un lien entre les agents responsables. L’OMS décide alors de considérer ces manifestations comme étant des « Fièvres hémorragiques avec syndrome rénal » (FHSR), ou « Hemorrhagic fever with renal syndrome » (HFRS) en anglais (MERTZ et al., 1998). Etant donné les conditions de vie des soldats, confrontés à des espèces sauvages et tout particulièrement aux rongeurs, l’hypothèse d’un agent viral encore inconnu chez ces hôtes est rapidement suspectée. C’est ainsi qu’en 1976, LEE et al. isolent des antigènes Figure 7. Apodemus agrarius Coreae viraux en analysant les poumons d’un mulot rayé de (source internet google image) Corée, Apodemus agrarius coreae (figure 7). A partir du sérum d’un Homme atteint de FHSR, LEE et al. parviennent l’année qui suit à isoler et caractériser l’agent causal, baptisé virus Hantaan. En réalité, le tout premier Hantavirus fut isolé en Inde, en 1964, chez une espèce de musaraigne (Suncus murinus). Mais à cette date, ce virus, nommé Thottapalayam virus (TPMV), n’était pas encore classé comme Hantavirus ; il a fallu attendre 1989 pour cela (GUO et al., 2013). Après l’acquisition de ces connaissances, les cas s’apparentant à des FHSR, survenus durant les guerres antérieures (notamment première et seconde guerres mondiales, chez des soldats britanniques, allemands et français), décrits sous les noms de « néphrite de guerre » ou de « néphrite des tranchées » par les auteurs militaires, pourraient bien avoir eu la même origine zoonotique que la KHF (CLEMENT, 2003). En mai 1993, une nouvelle maladie apparait aux Etats-Unis, se manifestant par des atteintes essentiellement pulmonaires de type œdème aigu, et pouvant conduire à des insuffisances cardiaques. Le lien phylogénétique entre l’agent causal et les Hantavirus est clairement 55 démontré. Du fait des symptômes engendrés, on parle de « Syndrome pulmonaire à Hantavirus » ou « Hantavirus Pulmonary Syndrome » (HPS). Le taux de létalité est supérieur à celui de la FHSR, 50% contre 10% (MERTZ et al., 1998 ; CLEMENT, 2003). Des études rétrospectives montrent en réalité une apparition plus précoce de cette forme clinique sur le continent sud américain, car des cas au Chili et en Argentine datant de 1975 ont été confirmés par la suite comme étant des manifestations pulmonaires provoquées par un Hantavirus (PALMA et al., 2012). ii. Caractéristiques des virus 1. Description et systématique Le genre Hantavirus appartient à la famille des Bunyaviridae. Au sein de celle-ci, les Hantavirus sont les seuls qui ne soient pas transmis par des arthropodes, mais directement par les petits mammifères qui en sont les réservoirs, particulièrement les rongeurs (GUO et al., 2013). Jusqu’en 2006, tous les Hantavirus répertoriés étaient issus de rongeurs muroïdes. Mais depuis, plus de 22 nouveaux virus ont été identifiés à partir de Soricomorpha, ordre de mammifères insectivores (musaraignes, taupes…) à travers le monde. Par ailleurs, on a mis en évidence un portage d’Hantavirus par des chauves-souris d’Afrique de l’Ouest. Toutes ces nouvelles découvertes nous indiquent que de nombreux virus demeurent inconnus, et sont hébergés par une faune plus importante que celle que nous estimions. La diversité des Hantavirus connus nous indique également que des passages chez des hôtes différents (« jumping host ») se sont produits (GUO et al., 2013). Nous ignorions donc un vaste pan de la diversité des Hantavirus, de celle de leurs hôtes, de la virulence des différents virus, ainsi que des possibles émergences futures. Nous nous attacherons dans les paragraphes qui suivent à décrire les principaux agents viraux, leur structure, leur diversité, leur pathogénicité ainsi que leurs facteurs de virulence. a. Structure Les Hantavirus sont des virus enveloppés, mesurant entre 80 et 120 nm de diamètre, dont le génome est composé de trois segments d’ARN simples brins, enfermés dans une capside sphérique. Ces trois segments sont nommés segments L, M et S pour Large, Medium et Small. Chacun de ces segments code pour des protéines bien spécifiques (voir la figure 8 pour la structure du virus). 56 Figure 8. Schéma de la réplication des virus de la famille des Bunyaviridae. Les étapes sont : 1) Fixation des protéines G1 et/ou G2 à des récepteurs cellulaires. 2) Entrée du virion dans la cellule. 3) Réplication où il y a synthèse d’ARNc à partir du génome d’ARNv. 4) Transcription où ARNm est synthétisé à partir du génome d’ARNv. 5) Réplication où ARNv synthétisé à partir d’ARNc. 6) Translation : les segments L,M se fixent à des ribosomes et le M se translate dans le RER. 7) Transport des segments L, M et S dans l’appareil de Golgi, de même que les protéines N. 8) Assemblages des particules du virions au sein de l’appareil de Golgi. 9) et 10) Transport des virions au sein de vésicules golgiennes jusqu’à la membrane plasmique. 11) Fusion avec la membrane et relarguage de virions dans l’organisme. Pour les abréviations non rencontrées jusqu’à présent : vRNA= ARN viral; cRNA= ARN complémentaire; mRNA= ARN messager; RER= Reticulum Endoplasmique Rugueux; PM= Membrane Plasmique (MERTZ et al., 1998) 57 - Le segment S code pour les protéines nucléaires (N) constitutives de la capside. Le segment M code pour les précurseurs des glycoprotéines de surfaces G1 et G2 qui permettront la fusion puis l’entrée du virus dans les cellules de l’hôte. Le segment L code pour l’ARN polymérase jouant un rôle de replicase (permettant la réplication), de transcriptase (permettant la transcription), d’endonucléase (permettant de cliver les segments d’ARN viraux), et même d’hélicase (MERTZ et al., 1998 ; PAPA et al., 2012). Tous les Hantavirus possèdent une zone conservée dans les portions 3’ et 5’ de leur génome, bien spécifique du genre (PAPA et al., 2012). b. Résistance Les Hantavirus peuvent être inactivés s’ils sont soumis à des températures supérieures à 60°C pendant au moins 30 min. Ils sont également sensibles au pH acide (<5). D’autre part, plusieurs désinfectants s’avèrent efficaces pour les détruire : l’hypochlorite de sodium à 1%, le glutaraldéhyde à 2%, ou bien encore l’éthanol à 70%, (CNRS, 2006). c. Diversité virale et diversité des réservoirs Sur le continent eurasien, on retrouve le virus Hantaan (HTN), premier Hantavirus isolé, à l’origine du nom de la famille, principalement retrouvé à l’Est de l’Asie. Le virus Seoul (SEOV) a une répartition mondiale. En Europe (du Nord essentiellement), on retrouve le virus Puumala (PUUV), tandis que le virus Dobrava-Belgrade (DOBV), dont la découverte est plus récente (première description en 1992), sévit notamment en Europe du Sud-Est. Le virus Amur (AMR) quant à lui, se rencontre à l’Est de la Sibérie. Dans les années 80, avant la découverte de DOBV, un autre Hantavirus, nommé virus Porogia, fut découvert en Grèce. Les analyses menées plus tard grâce aux méthodes PCR ont permis de démontrer qu’il s’agissait d’un virus proche du virus Hantaan. La découverte de ce virus en 1986 est néanmoins importante puisqu’il s’agit du premier Hantavirus isolé en Europe. En Amérique du Nord, nous citerons le virus Sin nombre (SNV), le virus Black Creek Canal (BCCV), le virus New York (NYV) et le virus Bayou (BAYV), quatre Hantavirus distincts, tous responsables de syndromes de type HPS (MERTZ et al., 1998 ; PAPA et al., 2012). De nombreux autres variants génétiques ont été isolés dans d’autres zones géographiques (PAPA et al., 2012). La carte de l’Amérique placée en annexe 3, situe géographiquement les zones où sévissent différentes souches d’Hantavirus, reflétant bien la diversité de cette famille. Une des théories avancées initialement était qu’à chaque sérotype viral correspond une espèce de petit mammifère hôte. Même si cette suggestion n’est plus d’actualité, on conviendra, avec la distinction de virus et d’espèces hôtes entre l’ « ancien » et le « nouveau » monde, qu’il existe trois groupes de virus selon la classification taxonomique de leurs principaux hôtes (MERTZ et al., 1998). 58 Il est communément admis que les Hantavirus découverts dans l’ « ancien » monde (désignant l’Europe et l’Asie), sont véhiculés par des rongeurs appartenant aux sous-familles des Murinae et Arvicolinae, tandis que ceux découverts dans le « nouveau monde » sont retrouvés chez des rongeurs de la sous-famille des Sigmodontinae (tableau 3) (JONSSON et al., 2010). Tableau 3. Distribution géographique des Hantavirus, rongeurs réservoirs et forme clinique de la maladie associée aux différentes souches virales (JONSSON et al., 2010). 59 2. Facteurs de virulence et pathogénicité Les mécanismes intervenant dans la pathogénicité ne sont que partiellement connus. Les paragraphes suivants vont donc relater ce qui se rapporte à la majorité des souches virales identifiées pour l’instant. Les protéines G1 et G2 de l’enveloppe virale (figure 8 p.57) vont se fixer sur des intégrines de la membrane plasmique des cellules hôtes. D’après les études récentes, selon que la souche virale est ou non pathogène, la fixation a lieu sur des intégrines de différents types : les β3 lorsque le virus est pathogène et les β1 dans le cas contraire. Ceci a bien une incidence sur le tableau clinique puisque les β3 sont retrouvées sur les plaquettes et les cellules endothéliales. La fixation des souches virulentes sur ces cellules peut donc entraîner des modifications dans la perméabilité vasculaire, l’activation ou encore l’adhésion plaquettaire (MACNEIL A. et al., 2011). La réplication virale a ensuite lieu dans les cellules hôtes, puis les virions quittent les cellules, induisant une réaction immunitaire de l’organisme atteint. Outre les cellules déjà citées, les cellules cibles du virus sont les cellules épithéliales, lymphocytaires, dendritiques et les macrophages (JONSSON et al., 2010). Le virus entraîne l’activation des macrophages et des lymphocytes. Les macrophages activés libèrent des cytokines pro-inflammatoires, telles que TNFα (Tumor Necrosis Factor alpha), et des interleukines (IL-1 et IL-6). Les lymphocytes T4 (LT4), quant à eux, après stimulation par les antigènes viraux, se différencient en cellules T helper 1 et 2 (Th1 et Th2). Ces dernières vont produire des médiateurs de l’inflammation: interferon gamma (IFNγ) et TNFα par Th1, IL-4 et IL-5 par Th2. Les cellules helper permettent également la différenciation des lymphocytes B en plasmocytes, sécréteurs d’anticorps. Dans les HPS et HFRS, ce sont des Ig M et Ig G, dirigés contre la protéine N, qui vont être produits. Les cellules T produisent également de l’IL-10 et des TGFβ (Transforming growth factor β), ayant un rôle important dans la régulation du système immunitaire et donc dans la manifestation de l’infection. Un taux élevé d’IL-10 est détecté dans le sérum de patients durant la phase aiguë de HPS. Tous ces médiateurs jouent un rôle dans le tableau clinique observé. Ainsi, on constate que l’IL-6, en tant qu’inotrope négatif, a un effet dépressif sur la fonction cardiaque et est responsable en partie des hypotensions constatées chez les personnes atteintes. De même, des taux élevés d’IL-12 et de TNFα semblent corrélés à la prépondérance de l’hypotension, ainsi qu’au phénomène d’hémoconcentration observable chez les personnes atteintes du HPS. L’activation des Th2 semble moins fréquente, néanmoins, la combinaison des deux schémas, Th1 et 2, intervient dans le processus immunitaire suite à l’infection à Hantavirus. Dans le cas de la FHSR, on retrouve des antigènes viraux dans les reins, le foie et la rate, ainsi qu’une forte infiltration de cellules immunitaires et de médiateurs de l’inflammation (surtout des LT8). Ces observations sont identiques à celles faites lors de néphropathies endémiques, pour lesquelles la réponse immunitaire se déroule dans les tissus atteints. Il existerait par ailleurs une prédisposition des personnes de type génétique HLA B8, DQ2 et DR3, à l’expression de formes sévères de FHRS (JONSSON et al., 2010). 60 iii. Épidémiologie 1. Descriptive Les Hantavirus sont présents sur toute la surface du globe, et sont même les virus les plus largement distribués que l’on connaisse parmi ceux issus de la faune sauvage (KALLIO et al., 2009). Nous avons déjà évoqué cette omniprésence en citant les cas décrits durant les guerres en Asie et en Europe au XXème siècle (zones où des cas existent toujours), les cas plus récents de ces dernières décennies en Amérique du Nord et du Sud, ainsi que les dernières découvertes témoignant de l’importante diversité des virus et des hôtes encore non connus. Dernièrement des cas ont été découverts en Afrique (MACKENZIE et al., 2013). Des espèces comme le rat brun ou surmulot (Rattus norvegicus), présents dans la quasitotalité des pays du monde, sont responsables de la survenue de nombreux cas sporadiques, et expliquent la forte étendue géographique des Hantavirus (SIMMONS et al., 2002). On dénombre entre 150 000 à 200 000 cas de hantavirose par an dont la majorité se manifeste dans les pays en voie de développement. Les taux de mortalité sont variables, dépendant de l’espèce ou du sérotype viral ainsi que du terrain immunitaire des personnes atteintes. On retrouve essentiellement le tableau clinique de type FHSR en Asie et en Europe, et le HPS en Amérique (PAPA et al., 2012) (voir la répartition mondiale des formes HPS et FHSR en annexe 5). Ainsi, en Amérique, on dénombre seulement 200 cas par an mais un taux de mortalité de 40%, alors que dans la majorité des cas, les taux de mortalité n’excèdent pas 12% (MACKENZIE et al., 2013). L’Europe est donc concernée par ce problème, et le nombre de cas dénombrés ces dernières années nous prouve qu’il s’agit d’un problème de santé publique grandissant (en annexe, évolution du nombre des cas en France, Allemagne et Belgique). Si l’on s’intéresse au cas particulier de la France, le virus est essentiellement situé dans le Nord-Est, la région d’île-de-France et la Savoie (STRADY et al., 2005). La figure 9 illustre la répartition des cas en France, concentrée dans le quart Nord-Est. 61 Figure 9. Distribution géographique des zones endémiques (en marron) et des foyers endémiques (en vert) des infections humaines à l'Hantavirus Puumala (STRADY et al., 2005). 2. Analytique a. Sources de contamination Les Hantavirus sont donc présents sur tous les continents, dans tous les milieux et, comme nous l’avons évoqué précédemment, ont pour réservoirs de nombreux hôtes : rongeurs, chauves-souris, et autres petits mammifères insectivores. La figure 10 montre d’une part l’importance de l’étendue géographique des Hantavirus, et d’autre part, le nombre élevé (non exhaustif) des petits mammifères hôtes réservoirs existants (GUO et al., 2013). Figure 10. Carte du monde montrant la localisation des Hantavirus connus associés à leurs hôtes (GUO et al., 2013) 62 b. Facteurs de risque Il est communément admis que la majeure partie des infections s’effectue en milieu rural. Cependant on constate que le SEOV, ayant pour réservoir principal le rat, a essentiellement un impact en milieu urbain (MACKENZIE et al., 2013). On différenciera ainsi les contaminations en milieu rural, où les principales victimes humaines sont des hommes, d’âge compris entre 20 et 50 ans (principales personnes concernées par les travaux en milieu extérieur), celles en milieu urbain, où les deux sexes sont touchés, à tous les âges (rongeurs infestant les maisons dans lesquelles tous les membres de la famille sont exposés), et les personnes travaillant au contact des rongeurs ou se retrouvant involontairement confrontées à ces espèces (personnels de laboratoire, d’animalerie, vétérinaires, chasseurs, militaires…) (selon les données du CNRS et CASTILLO et al., 2007). A ceux-ci, s’ajoutent les touristes dans les zones endémiques, les personnes adeptes de camping ou d’autres loisirs de plein air (en milieu forestier notamment) (CASTILLO et al., 2007), comme en témoigne l’épisode associé au virus Sin Nombre aux USA durant l’été 2012, où 6 cas de SPH à hantavirus, dont 2 mortels ont été rapportés chez des visiteurs du Parc National de Yosémite en Californie, selon le relevé épidémiologique hebdomadaire de l’OMS de septembre 2012. c. Modes de transmission La transmission du virus entre les rongeurs peut se faire par morsure, griffure, ce qui se produit essentiellement lors des luttes agressives pour le territoire, mais également lors de l’ingestion ou l’inhalation de produits d’excrétion (salive, urine, fèces…) contaminés. Ce dernier mode est le plus fréquemment décrit (MERTZ et al., 1998). La transmission à l’Homme se fait essentiellement par l’inhalation d’aérosols contenant des agents viraux excrétés par les rongeurs (via les fèces, l’urine, la salive). Les cas de transmission par morsure sont rapportés mais restent rares. Par ailleurs, la contamination est essentiellement associée à la faune sauvage, et le risque de contracter une hantavirose via les animaux de compagnie est extrêmement faible (CLEMENT et al., 2003). La transmission d’Homme à Homme existe, même si les cas rapportés sont exceptionnels. L’Amérique du Sud présente la particularité de posséder une zone regroupant une partie du Chili et de l’Argentine, où l’on recense les seuls cas avérés de transmission interhumaine. Le virus à l’origine de ces infections est le virus Andes (ANDV) (MACNEIL et al., 2011 ; PALMA et al., 2012). 63 iv. Étude clinique La plupart du temps, les animaux sont asymptomatiques. Chez l’Homme, on distingue deux syndromes : Le syndrome FHSR: Le temps d’incubation dure trois semaines en moyenne (des observations ont montré que cette durée peut s’étaler de 10 jours à 6 semaines). La gravité clinique est très variable d’un patient à l’autre, puisqu’on peut aller d’une forme sub-clinique à une maladie mortelle. Cette différence tient à l’état de santé de la personne, mais également à la souche virale en cause. Ainsi, on a pu constater en Europe, que les formes de FHSR dues au SEOV sont moins sévères que celles provoquées par DOBV, HTNV ou le virus Amur (taux de létalité de 15%), moins sévères encore que celles engendrées par PUUV (taux de létalité inférieur à 0,1%) (JONSSON et al., 2010). Cinq stades sont généralement décrits (MERTZ et al., 1998 ; JONSSON et al., 2010), même si cette évolution est très variable selon l’agent étiologique : - une première phase fébrile avec de la fatigue, de la fièvre, et des douleurs musculaires dans 100% des cas, associées chez la moitié des personnes environ, à des maux de tête, des nausées, des vomissements, des rashs au visage et des douleurs abdominales. Dans environ 30% des cas, des douleurs lombaires, la présence de pétéchies et l’apparition de conjonctivites sont constatées. Cette phase dure de 3 à 7 jours. - Une deuxième phase, apparaissant en moyenne chez 25 % des personnes ayant eu la première phase, est essentiellement marquée par divers troubles cardiopulmonaires dont le principal observé est l’hypotension, mais on peut voir apparaître également une dyspnée (80% des cas), de la toux (50%), et une tachycardie (pourcentage non estimé). Durant ce stade, débutent certaines manifestations hémorragiques. - La troisième phase, s’observe chez environ 50% des personnes ayant manifesté un syndrome fébrile. Elle se manifeste par une défaillance rénale, avec des signes d’oligurie pendant 3 à 7 jours. Cette phase oligurique est présente dans environ la moitié des cas qui s’avèreront mortels. Les analyses sanguines et urinaires montrent une azotémie et une protéinurie. Des manifestations hémorragiques sont par ailleurs observées dans 50% des cas, plus sévères que celles rencontrées dans la deuxième phase, avec hémoptysie, épistaxis, hématurie, hématémèse, voire hémothorax. L’hypertension semble succéder à l’hypotension de la deuxième phase. Enfin, des œdèmes pulmonaires avec épanchement pleural se produisent dans 15% des cas. - La quatrième phase est atteinte lorsque le patient ne présente plus d’oligurie, mais une polyurie. Il s’agit en quelque sorte du début de la guérison si le patient atteint ce stade. Cependant, du fait d’une émission d’urine élevée, les personnes 64 risquent de subir divers troubles électrolytiques et hémodynamiques. Cette phase peut durer de quelques jours à plusieurs semaines. - La cinquième phase est la période de convalescence dans le cas où l’évolution est favorable. Dans le cas contraire, la mort survient à cause des complications suite à l’insuffisance rénale, à un état de choc, ou à la survenue d’hémorragies trop importantes. Cette phase dure au minimum trois mois, et des troubles persistent en cas de survie, tels qu’une anémie ou une hyposténurie (STRADY et al., 2005 JONSSON et al., 2010). Le syndrome HPS : L’expression clinique se fait sur un mode sévère aigu, avec, dans les 1 à 3 jours après l’apparition des troubles respiratoires, une défaillance respiratoire suivie d’un choc cardiogénique. Dans l’évolution des symptômes, on retrouve une forte ressemblance avec la FHSR, sauf que tout est accéléré en termes de temps d’apparition, et la défaillance ne se situe pas au niveau du même organe. En effet, on observe des atteintes au niveau des poumons pour le HPS tandis que l’insuffisance est surtout rénale dans la FHSR. Le temps d’incubation est en moyenne de 15 jours (10 à 33 jours selon les études). Comme dans les cas de la FHSR, la phase fébrile débute ensuite, avec de la fièvre (dans 79% des cas), des myalgies (dans 60% des cas), des sensations de faiblesse et de fatigue (dans 21% des cas), des maux de têtes, des douleurs lombaires et des douleurs abdominales, accompagnés de troubles intestinaux dans 35% des cas. Cette phase ne dure généralement pas plus de 5 jours. Les personnes atteintes manifestent ensuite des troubles cardio-pulmonaires avec une dyspnée (81% des cas), et de la toux (44% des cas), suivies de tachycardie (81% des cas) et d’hypotension (dans 56% des cas). Un patient sur cinq présente une cyanose des muqueuses dans les 6 jours après le début des symptômes. Chez près de la moitié des personnes atteintes à ce stade, la pression sanguine continue de baisser, et une personne sur trois sera en état de choc. L’insuffisance rénale est présente chez la moitié des personnes atteintes. Quant aux diverses manifestations hémorragiques, on les retrouve chez la moitié des patients, dès 3 à 5 jours après les premiers signes de l’infection (JONSSON et al., 2008 ; MACNEIL et al., 2011). v. Diagnostic et dépistage de laboratoire Le diagnostic ou le dépistage d’une infection virale à Hantavirus peut se faire par culture sur cellules, analyses moléculaires et/ou sérologiques. Isolement et culture : L’isolement du virus permet le diagnostic de certitude. Les cellules Vero E6 (ATCC 1008) permettent l’isolement de tous les virus de Fièvre Hémorragique (FH). Cependant, d’autres 65 lignées sont plus favorables à la multiplication de certaines souches virales. Le caractère positif de la culture est ensuite démontré par l’emploi de l’immunofluorescence avec des anticorps polyclonaux, voire monoclonaux (ZELLER, 2000). Les tests sérologiques: Pour des raisons de commodité, la détection sérologique des anticorps IgM et/ou des IgG, demeure la méthode diagnostique ou de dépistage la plus souvent utilisée en laboratoire lors d’une suspicion d’infection à Hantavirus, qu’elle soit de type HPS ou FHSR. En cas de suspicion de FHSR en Europe et en Asie, on utilise un test d’immunofluorescence, des méthodes immunoenzymatiques (ELISA ou enzyme-linked immunosorbent assays) ou un Western blot. La méthode ELISA est le test sérologique le plus fréquemment employé, tout comme un test d’ELISA capture, ne concernant cette fois que les IgM. Ce test présente l’avantage d’être très rapide (4 à 6h). Comme il existe de nombreuses espèces de Hantavirus, il est nécessaire que le test soit à la fois sensible et spécifique d’espèce. Le Westernblot (par l’emploi d’antigènes recombinants ainsi que de complexes spécifiques des isotypes des IgG et IgM) et les techniques de séroneutralisation peuvent être utilisés dans le but d’identifier le type viral. La neutralisation des plages de lyses, appelée PRNT (pour plaque reduction neutralization test) est la méthode la plus efficace pour la détermination du typage viral. Cette méthode comporte néanmoins des inconvénients : la spécificité s’est avérée moindre lorsque le test était réalisé à partir de sérum de personnes manifestant des signes aigus de FHSR ou de HPS. De plus, il ne s’agit pas d’un test rapide, et sa réalisation doit être menée dans un local P3. Même si ces tests sérologiques demeurent un bon outil diagnostic, ils restent, pour la majorité, tardifs, et cela représente un réel problème en cas d’HPS puisque celle-ci est d’évolution rapide, et peut en l’espace de peu de temps entraîner une insuffisance respiratoire. Actuellement le diagnostic repose également sur des méthodes moléculaires, qui fournissent un résultat rapide (SIMMONS et al., 2002 ; JONSSON et al., 2010). Les méthodes moléculaires : Elles sont d’une sensibilité plus élevée que les tests sérologiques, et sont basées sur la détection du génome viral, par Reverse transcription-PCR (RT-PCR) à partir de sang, de sérum, ou de tissus. Cette détection se fait dès les premiers jours de la maladie, voire même avant l’apparition de ces symptômes. L’ARN viral étant présent en faible quantité, les techniques de RT-PCR employées sont de type emboîté (« nested » PCR), afin d’augmenter la sensibilité de cette technique (SIMMONS et al., 2002 ; JONSSON et al., 2010). 66 vi. Moyens de lutte 1. Traitements Traitement anti-viral : Les premiers essais thérapeutiques conduits en Chine avec la ribavirine, ont montré que si l’anti-viral était administré dans les sept premiers jours des symptômes, il permettait de réduire de façon importante le taux de mortalité (MERTZ et al., 1998 ; CHARREL et al., 2011). Mais ces résultats ont été contredits par les essais ultérieurs réalisés chez des patients atteints d’HPS, quels que soient la forme clinique et le stade d’évolution (MERTZ et al., 1998 ; MACNEIL et al., 2011). Dans les années 80, l’interféron alpha fut testé en Chine, sans constater de baisse du taux de létalité, mais seulement une baisse de la fréquence des manifestations hémorragiques (MERTZ et al., 1998). Une nouvelle molécule a récemment fait ses preuves. Il s’agit de l’ETAR (1-beta-dribofuranosyl-3-ethynyl-[1,2,4] triazole). Cet antiviral agit par d’autres mécanismes que ceux de la ribavirine (CHARREL et al., 2011). Traitement basé sur de l’immunothérapie : Les premières observations reposent sur les différences entre les tableaux cliniques sévères de patients ayant un taux faible en anticorps neutralisants, et ceux, plus modérés, des patients ayant des taux élevés de ces anticorps (JONSSON et al., 2010). Mais aucun essai clinique corroborant l’hypothèse d’une amélioration clinique chez des patients à forte réponse en anticorps neutralisants, ou immunisés passivement n’a été publié (CHARREL et al., 2011). Les connaissances actuelles sur ce sujet ne reposent que sur des études faites chez l’animal, dont les résultats semblent prometteurs. Il reste également à démontrer que l’administration d’anticorps en quantité suffisante suite à une exposition à des rongeurs potentiellement infectés pourrait, le cas échéant, conférer une protection immunitaire vis-à-vis de plusieurs souches virales (JONSSON et al., 2010). Etant donné qu’il n’existe pas de traitement spécifique approuvé par la FDA aux USA (US Food and Drug Administration), ni par l’EMEA (European Medicines Agency) dans les cas de HPS et de FHSR, le traitement de la HPS est essentiellement un traitement de soutien. Les patients atteints doivent être pris en charge dans des centres de soins intensifs, qui surveillent particulièrement leur fonction cardio-pulmonaire. Le monitoring est donc primordial, ainsi que l’apport en oxygène. Les patients sont parfois amenés à être intubés et à recevoir une ventilation mécanique. Des traitements puissants sont administrés aux patients souffrant d’arythmie cardiaque et/ou d’œdème pulmonaire. Lors de FHSR (et certains cas de HPS), il est nécessaire de maintenir la fonction rénale. La dialyse est parfois nécessaire, elle est réalisée dans 40% des cas de HTNV, et 20% des SEOV (JONSSON et al., 2010). 67 2. Mesures prophylactiques Vaccination préventive : La production de vaccins à base de virus inactivé ne peut être permise étant donné les risques encourus lors de la culture précédant l’inactivation. Une telle fabrication à grande échelle nécessiterait des locaux de type P4, alors que rien ne certifie qu’il soit efficace (JONSSON et al., 2010). Toutefois, les tentatives de mise au point de vaccins à virus inactivés ont été nombreuses en Asie. Ainsi, un premier vaccin à virus inactivé, l’Hantavax©, dérivé de cultures cellulaires à partir d’encéphales de rongeurs a été développé et administré en Chine et en Corée du Sud. Néanmoins, les procédés de fabrication n’étaient pas considérés comme acceptables, et les résultats restaient médiocres. Des essais ultérieurs avec un vaccin à virus inactivé bivalent (souche de HTNV et SEOV) ont été menés en Chine, et ont donné de meilleurs résultats (CHARREL et al., 2011). Plusieurs laboratoires ont tenté de développer des vaccins à base d’antigènes viraux, ou des vaccins recombinants. Ainsi, un vaccin constitué des segments génomiques S et M de HTNV, vectorisés par le virus de la vaccine, entraîne la production d’anticorps neutralisants. Mais cet effet est moindre si le système immunitaire de la personne vaccinée réagit au virus de la vaccine. D’autres constructions ont été réalisées avec des segments génomiques de PPUV, SNV, ANDV et même de SEOV. Actuellement, des vaccins potentiellement efficaces contre la forme FHSR sont en cours d’essais cliniques à l’initiative de l’Institut de Recherche Médicale des Maladies Infectieuses de L’Armée des Etats-Unis. Il a par ailleurs été mis en évidence chez le hamster qu’une infection par n’importe quel Hantavirus le protège vis-à-vis d’une infection ultérieure par l’ANDV (souvent létale dans le cas d’une infection primaire). Pourtant, aucun anticorps neutralisant anti-ANDV n’est retrouvé. Ces observations suggèrent que l’immunité à médiation cellulaire serait suffisante pour prémunir l’organisme contre des infections par un autre Hantavirus. Mesures sanitaires : Elles consistent à éviter les intrusions de rongeurs dans des zones qui ne leur sont naturellement pas dédiées, telles que les maisons, les lieux de stockage de nourriture. En cas d’envahissement, il sera nécessaire de les expulser et de nettoyer leurs excrétions avec précautions (port de gant, de masque, aération des lieux…). D’autre part, l’Homme doit éviter de s’exposer aux populations sauvages, comme c’est le cas en cas de tourisme, de camping ou de chasse (CASTILLO et al., 2007). 68 vii. Découvertes ou événements récents En Europe : - Au Royaume-Uni : Après la survenue de cas d’insuffisance rénale aiguë chez l’Homme au Royaume-Uni en 2012, le SEOV a été recherché et identifié chez les patients ainsi que chez de nombreux rongeurs sauvages (Apodemus sylvaticus, Rattus norvegicus et Myodes glareolus). Le virus serait très certainement responsable de pathologies rénales chez l’Homme pour lesquelles son implication n’a pourtant pas été suspectée initialement (JAMESON et al., 2013). Dans le même temps, POUNDER et al., (2013), ont analysé 485 échantillons issus de rats, de mulots, de souris et de campagnols capturés à travers l’Angleterre, recueillis entre septembre 2009 et novembre 2011. Un nouvel hantavirus a ainsi été mis en évidence au sein des populations de campagnols agrestes. Celui-ci a été nommé Tatenale virus. - En France : En 2012, le premier cas d’hantavirose au virus Seoul a été décrit chez une femme enceinte. Identifié pour la première fois en France en 2003, le SEOV reste considéré comme un virus peu répandu, pour lequel la distinction avec le PUUV est délicate. Comme pour le RoyaumeUni, le nombre de cas reconnus d’hantaviroses à SEOV est sans doute largement sousestimé. En effet, la recherche de l’agent pathogène est loin d’être routinière (MACE et al., 2013). Aux Etats-Unis : Dans son relevé épidémiologique hebdomadaire de septembre 2012, l’OMS rapporte des cas de SPH survenus chez des visiteurs du Parc National de Yosemite en Californie. Le virus Sin Nombre (ayant pour hôte réservoir principal les souris du genre Peromyscus) était à l’origine de ces symptômes. 69 b. Poxviroses (virus Monkey et Cowpox) i. Historique Les poxviroses font parties des viroses les mieux et les plus anciennement connues. Il peut donc sembler paradoxal qu’elles figurent parmi des émergences ou réémergences virales. Et pourtant, on assiste depuis quelques années à la déclaration sporadique de cas de poxviroses pour lesquels les rongeurs ont une implication avérée. Des virus apparemment spécifiques d’autres espèces, auraient en fait des rongeurs réservoirs comme source directe ou indirecte des cas humains. Leur nom provient de l’anglais ancien « pock » signifiant pustule, décrivant ainsi l’un des symptômes majeurs de la maladie. Tout commence avec l’un des virus de cette famille, le Smallpox, ou virus de la variole (qui lui, a une transmission strictement interhumaine), qui posa, d’après les faits historiques, de très sérieux problèmes de santé publique. Les premiers cas connus d’infection par le virus Smallpox sont ceux survenus à l’époque pharaonique. En effet, l’examen de momies égyptiennes semble indiquer l’expression cutanée de poxviroses. L’hypothèse a alors été émise, que les infections provoquées par le Smallpox se seraient initialement propagées à partir de l’Egypte et de la Mésopotamie jusqu’en Inde et en Chine. Des manifestations cliniques évoquant des infections à Smallpox ne sont rapportées en Europe qu’au XIème et XIIème siècle, lors des Croisades. La virose serait devenue endémique en Europe du Nord au XVème siècle. Elle aurait profondément atteint les populations d’Europe, jusqu’aux sphères de la royauté. Ainsi, on impute à la variole la mort de la reine Marie d’Angleterre et de son fils, celle de l’empereur d’Autriche Joseph I, du roi d’Espagne Louis I, du tsar de Russie Pierre II, ou encore celle du roi de France Louis XV. On dénombrerait environ 400 000 morts par an dans les pays d’Europe de l’Ouest durant le XVIIIème siècle. La variole représente probablement la maladie la plus mortelle apportée par les Espagnols et leurs esclaves africains aux peuples d’Amérique au XVIème siècle. En effet, la maladie était particulièrement grave chez ces populations « naïves » immunitairement. Au XVIIIème siècle, en Europe de l’Ouest, les scientifiques sont informés par des voyageurs que des inoculations ou « variolisations » sont pratiquées dans les pays asiatiques et du Proche-Orient pour lutter contre la maladie. Il s’agissait d’inoculer à des personnes saines, des particules croûteuses issues de lésions cutanées de personnes en période de rétablissement suite à une infection supposée être due au virus de la variole. Dès 1700, les Anglais pratiquèrent ces méthodes préventives, réalisées de façon plus progressive dans le reste de l’Europe. Les personnes ayant reçu ces inoculations manifestaient généralement des symptômes moins sévères, et les survivants présentaient une protection efficace en cas de réinfection. Néanmoins, de nombreux décès sont rapportés, souvent à cause des infections dues à l’absence d’emploi de matériel stérile, ou encore par le prélèvement de lésions infectieuses provoquées par d’autres agents pathogènes. Une idée vint alors à Edward JENNER, médecin en Angleterre, après avoir constaté que les personnes vivant en zone rurale, à proximité des troupeaux bovins, et ayant contracté une forme proche de celle de la variole, manifestaient des signes cliniques fortement atténués 70 par rapport à l’infection par le virus Smallpox. Dans son célèbre livre publié en 1798, intitulé « Inquiry Into the Causes and Effects of Variolae Vaccinae, », JENNER décrit les nombreux cas de transmission du virus que lui-même a réalisés, par inoculation du contenu de pustules humaines provoquées par la maladie animale, à des enfants. Le cas resté célèbre est celui de l’inoculation de James PHIPPS en 1796, à partir de pustules d’une femme, Sarah NELWES, travaillant à la ferme (figure 11). Il nomma cette technique variolae vaccinae (sous entendu le virus Smallpox de la vache, connu actuellement sous le nom de virus cowpox). La formule fut reprise et appelée « vaccination » (EYLER, 2003). Figure 11. La main de Sarah NELWES (EYLER, 2003) Le bénéfice l’emportant sur le risque lié à la vaccination. La méthode expérimentée par JENNER fut approuvée (on déplora néanmoins des cas mortels, chez des enfants pourtant vaccinés, montrant que la vaccination mise en place n’était pas suffisante, peut-être à cause d’une durée de protection trop faible). En 1959, la 12ème réunion de l’OMS décide de mener un programme de vaccination à grande échelle afin d’éradiquer le virus Smallpox. Ce n’est qu’en 1966 que des fonds sont alloués pour la campagne de lutte. A cette époque, Smallpox reste endémique au Brésil, en Indonésie, en Afrique sub-saharienne, en Inde, au Pakistan, en Afghanistan, au Bengladesh et au Népal. Les derniers cas de forme majeure de Smallpox persistèrent jusqu’en 1975. Le dernier cas répertorié de la forme mineure fut déclaré en Somalie en 1977. En mai 1980, l’OMS déclare l’éradication mondiale du virus Smallpox (EYLER, 2003 ; GEDDES, 2006). Les autres Poxviridae nous sont moins connus, et pourtant certains d’entre eux sont des agents de zoonoses, caractérisés par des phénomènes actuels d’émergence qui en traduisent la réalité et l’importance. Dans les paragraphes qui vont suivre, nous nous attacherons tout particulièrement aux Poxviridae connus comme étant transmissibles à l’Homme par les rongeurs, et posant actuellement des problèmes de santé publique. 71 ii. Caractéristiques des virus 1. Description et systématique a. Diversité virale Tous les Poxvirus ne sont pas zoonotiques : seuls certains de ceux appartenant à la sous famille des Chordopoxvirinae ont ce potentiel. Il s’agit d’Orthopoxvirus (OPV), de Parapoxvirus et de Yatapoxvirus (ESSBAUER et al., 2010). Le tableau 4 précise les différents genres et espèces appartenant à la famille des Poxviridae, pathogènes pour l’Homme. Tableau 4. Distribution géographique, hôtes et réservoirs des Poxviridae pathogènes pour l’Homme (ESSBAUER et al., 2010) Genres et virales Orthopoxvirus espèces Distribution géographique Hôte(s) Réservoir(s) Virus de la variole Virus Monkeypox éradiqué Afrique, USA Homme Homme, Primates Virus Cowpox Europe et Asie de l’ouest Virus de la vaccine Répartition mondiale Homme, chat, bovins, éléphant, autres animaux de zoo Homme, bovins, buffles, lapin Aucun Ecureuil, loirs, rat géant de gambie, hérisson, opossum, castors Nombreux rongeurs Parapoxvirus Virus Orf Virus de la stomatite papuleuse bovine Virus Pseudocowpox Parapoxvirus des phoques Parapoxvirus des cariboux Molluscipoxvirus Virus Molluscum Contagiosum Yatapoxvirus Virus Tanapox Virus apparenté à celui responsable de la maladie de Yaba Virus tumoral Yaba du singe Répartition mondiale Nombreux rongeurs Inconnu Répartition mondiale Homme, mouton, chèvre, artiodactyles, ruminants Homme, bovins Répartition mondiale Répartition mondiale Homme, bovins Homme, phoque Inconnu Inconnu Finlande Homme, caribou Inconnu Répartition mondiale Homme Aucun Afrique Afrique Homme Primates Rongeurs ? Moustiques ? Inconnu Afrique Primates Inconnu 72 Inconnu Etant donné l’absence de données actuelles disponibles concernant les Parapoxvirus et Yatapoxvirus (réservoirs et vecteurs inconnus entre autres (tableau 4)), nous nous limiterons dans les paragraphes suivants aux Orthopoxvirus. Parmi ces derniers, ceux ayant comme réservoir connu les rongeurs sont les virus Monkeypox (MPXV), Cowpox (CPXV) et le virus de la vaccine (VV). Ce dernier est généralement considéré comme un variant du virus cowpox, mais leur parenté reste encore discutée. Certains auteurs considèrent qu’il s’agit d’une souche sans origine animale connue, semblant résulter d’une combinaison entre les virus Smallpox, Cowpox, Horsepox (du cheval) et d’autres possiblement. Quant au virus Buffalopox, il ne représente pas, à part entière, une espèce virale, mais est considéré comme étant un virus du même type que celui de la vaccine (HEILBRONNER et al., 2004 ; ESSBAUER et al., 2010). Les parties qui vont suivre seront consacrées aux virus Cowpox et Monkeypox, du fait de leur importance grandissante en termes de santé publique. Nous allons les décrire de façon distincte, hormis dans les cas où les deux espèces possèdent des points communs. b. Structure Les virus Monkeypox et Cowpox (genre Orthopoxvirus) mesurent environ 140-260 nm de largeur sur 220-450 nm de longueur. Leur taille importante les rend facilement observables au microscope électronique. Ces virus possèdent un double brin d’ADN, contenu dans un nucléosome (ou nucléoïde). Ce nucléoïde est en forme d’haltère, et se trouve entouré par deux corps latéraux. Quant à l’ADN, il possède une séquence unique, en position centrale, hautement conservée, constituant les 4/5ème du génome viral, codant pour des facteurs impliqués dans la réplication de l’ADN viral et l’assemblage du virus. Des séquences répétées, situées aux extrémités du génome, codent pour des facteurs de virulence et de restriction d’hôte. La structure du virus présente la particularité de se présenter sous deux formes possibles : soit une forme simplement enveloppée dite IMV (pour Intracellular Mature Virus), soit une forme doublement enveloppée dite EEV (pour External Enveloped Virion). Cette enveloppe est acquise à partir des membranes de l’appareil de Golgi ou d’endosomes. Dans les formes EEV, il existe des éléments tubulaires de surface (STE) placés entre les deux enveloppes, formant un treillis (figure 12) (DURAFFOUR et al., 2008). 73 Figure 12. Structures schématisées des formes IMV (à gauche) et EEV (à droite) d'un Poxvirus (source: Swiss Institute of Bioinformatics, 2008) Les Poxviridae ont la particularité de se répliquer uniquement dans le cytoplasme des cellules hôtes. Tout d’abord le virus se fixe à la membrane cellulaire. Le processus d’entrée du virion dans la cellule n’est pas encore complètement élucidé, et diffère selon que la forme virale soit à enveloppe unique IMV ou à double enveloppe EEV. Pour les IMV, on suppose que l’entrée du virus se réalise par fusion, ou par internalisation après désorganisation de la membrane cellulaire formant des « pseudopodes ». Pour les EEV, un mécanisme préalable permettant l’élimination de l’enveloppe la plus externe intervient. Il semblerait que ce soit une intéraction moléculaire entre les surfaces membranaires et virales, et notamment par les glycosaminoglycanes de la cellule infectée, qui permet la rupture de l’enveloppe la plus externe. Il s’agit d’un mécanisme propre aux Poxviridae, non retrouvé dans les autres familles virales. Le nucléoïde est alors libéré dans le cytoplasme. Ce nucléoïde, renferme le génome viral et différentes protéines, dont l’ARN polymérase virale ADN-dépendante. Cet atout permet la synthèse précoce d’ARNmessager (ARNm). La transcription des gènes codant pour les protéines nécessaires à la réplication (dont l’ADN polymérase) et des protéines immunomodulatrices débute dans un premier temps. La membrane du nucléoïde s’ouvre alors, le génome viral est libéré dans le cytoplasme, et la transcription des gènes « intermédiaires », codant les facteurs de transcription des gènes « tardifs » se produit. Les gènes « tardifs » sont ceux codant les facteurs de virulence et d’échappement à la réponse immunitaire de l’hôte. S’ensuivent alors les étapes de maturation des virions. D’abord « crescents », c’est-à-dire en forme de croissant, ils deviennent des virions immatures non infectieux, puis des IMV après clivage de protéines et condensation du nucléoïde. Ils peuvent être libérés de la cellule en la lysant, ou par bourgeonnement à partir de sa membrane. Néanmoins, de nombreux IMV poursuivent leur maturation, s’enveloppant d’une membrane à partir de l’appareil de Golgi ou d’endosomes. Le virion migre au niveau de la membrane cellulaire, fusionne avec elle, devient un CEV (Cell-associated enveloped virus) s’il reste fixé à elle, ou un EEV s’il se détache (REYNOLDS et al., 2012). 74 c. Résistance Bien qu’ils soient enveloppés, ils sont relativement résistants dans le milieu extérieur (la première enveloppe offre aux virus cette persistance environnementale). Ils sont inactivés par la chaleur, lorsque la température est supérieure à 50°C, à l’exposition aux UV, aux rayons X, aux solvants et aux désinfectants (DURAFFOUR et al., 2008). 2. Facteurs de virulence et pathogénicité L’infection virale par les Orthopoxvirus fait intervenir de multiples processus permettant de circonvenir les défenses de l’hôte. Leur génome renferme deux gènes codant pour des protéines appelées VACV A46 et A52, ayant plusieurs fonctions, dont celle d’inhiber une cascade de synthèses permettant l’activation de la transcription du facteur nucléaire kappa B (NF-κB), essentiel à l’expression efficace du système immunitaire inné. De même, les cytokines, l’interféron de type 1 et le complément, sont neutralisés par des protéines produites par le virus (REYNOLDS et al., 2012). Cas particulier du virus Monkeypox : Ce virus aurait une action spécifiquement dirigée contre les LT, en étant capable de supprimer la possibilité pour ces cellules de reconnaître les monocytes infectés via leurs récepteurs (REYNOLDS et al., 2012). Actuellement, deux groupes de MPXV, dits topotypes, ont été mis en évidence. Ils diffèrent de par leur pathogénicité, et leur localisation géographique. On distingue celui d’Afrique de l’Ouest (topotype ouest africain), et celui d’Afrique centrale et de l’Est (topotype centre africain). Ce dernier présente une virulence plus élevée, se transmettant plus aisément entre les hommes, et causant des atteintes plus graves (CHASTEL, 2009). Cas particulier du virus Cowpox : JOHNSON et al. (2011) se sont intéressés aux variations des paramètres immunologiques, biochimiques et sanguins suite à une infection expérimentale par le CPXV chez des singes Cynomolgus. La production des molécules de l’inflammation, notamment IL-6, IL-8 et MCP-1 avait fortement augmenté, avec comme conséquences d’importants troubles de la coagulation. 75 iii. Épidémiologie Épidémiologie relative au CPXV : 1. Descriptive Les premières descriptions du virus Cowpox concernent l’infection qui se manifestait essentiellement chez les exploitants laitiers, suite au contact des mains avec les éventuelles lésions pustuleuses du trayon (LEVIN, 2013). Ces observations lui ont valu son nom de virus Cowpox (de la vache), pourtant, il est finalement peu présent chez les bovins (MANCAUXA et al., 2011). Le premier cas humain décrit de transmission du CPXV à l’Homme par un rongeur s’est produit aux Pays-Bas en 2002 suite à une morsure de rat (MANCAUXA et al., 2011). Les infections provoquées par le virus Cowpox restent relativement rares, avec actuellement environ 150 cas répertoriés. Le virus est présent sur une zone s’étendant de l’Europe de l’Ouest à l’Asie centrale et Asie du Nord. La majorité de ces cas ont eu lieu en Grande-Bretagne, et à un degré moindre, en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas, en France, en Suède, en Finlande, en Norvège et en Russie. Des cas ont également été relevés en Israël, au Turkménistan et en Egypte. A contrario, certains pays n’ont jamais signalé de cas, tels les Etats-Unis (ESSBAUER et al., 2010). Récemment, en 2009, 5 cas humains d’infection par le CPXV ont été rapportés en Allemagne. Les personnes atteintes avaient été contaminées par des rats (Rattus norvegicus) d’une même portée, achetés dans une animalerie de Munich en 2008. Ces rats, ne présentant aucun symptôme, provenaient de Bavière, et aux dires du vendeur, avaient été maintenus séparés des autres espèces. Des enquêtes menées chez le distributeur bavarois ont mis en évidence des lésions cutanées chez 4 rats, et aucune chez les rongeurs des autres espèces. Des tests ont révélés une séropositivité au CPXV chez 31 rats (CAMPE et al., 2009). La même année, 4 cas humains se sont déclarés dans le nord de la France, suite à des contacts directs avec des rats (Rattus norvegicus). Des lésions cutanées sont apparues chez les propriétaires venant d’acquérir des rats de compagnie. Deux d’entre eux ont manifesté une lymphangite associée. Les autorités de santé ont pu localiser les animaleries incriminées, et remonter le circuit d’acheminement des rats, depuis leur élevage d’origine, jusqu’en France. Les rongeurs initialement regroupés dans un même élevage en République Tchèque, s’y étaient infectés les uns les autres (JEANNEY, 2009). Des cas se sont donc déclarés sporadiquement en France et dans d’autres pays européen, faisant suspecter une expansion virale plus importante que celle estimée (NINOVE et al., 2009). 76 2. Analytique a. Sources de contamination De nombreuses espèces peuvent êtres infectées par le virus Cowpox et constituer une source de virus (voir tableau en annexe 6) (ESSBAUER et al., 2010). Les rongeurs sont quant à eux connus comme les principaux réservoirs du virus Cowpox : parmi eux les campagnols (Clethrionomys glareolus, Microtus agrestis), les mulots (Apodemus sylvaticus), les souris (Mus musculus), les lemmings (Lemmus lemmus) et les rats (Rattus norvegicus). En Irlande, les données actuelles indiqueraient une absence du virus sur le territoire, du fait de l’inexistence d’une espèce de rongeur (un campagnol), jouant un rôle essentiel dans la survie de la souche virale (MANCAUXA et al., 2011). Les espèces domestiques peuvent être également infectées, et sources de contamination pour l’Homme. C’est notamment le cas des chats chasseurs de rongeurs, ou accessoirement des vaches. b. Facteurs de risque Ces dernières décennies, peu de cas d’infections par le CPXV chez l’Homme ont été dénombrés. Néanmoins, la prévalence de la maladie s’est accrue récemment, et on assiste de façon plus fréquente, mais encore sporadique, à la survenue d’épisodes impliquant plusieurs individus (CAMPE et al., 2009). La présence du virus dans une même zone géographique est très variable au sein des différentes espèces. Ainsi, malgré son nom, le virus Cowpox n’est que rarement isolé chez les bovins, qui se contamineraient accidentellement à partir des rongeurs réservoirs. En Angleterre par exemple, la prévalence est de 0,7% chez les bovins, alors qu’elle est de 20% chez le mulot, et 33% chez le campagnol agreste (HEMMERA et al., 2010 ; MANCAUXA et al., 2011). Dans d’autres pays, les chiffres s’affolent, avec une prévalence de près de 64% chez les campagnols en Belgique par exemple (MANCAUXA et al., 2011). Les informations dont nous disposons concernant l’impact de l’infection chez chacune des espèces de rongeurs restent limitées. On sait néanmoins qu’elles sont réceptives et souvent porteuses asymptomatiques. Chez l’Homme, les personnes atteintes sont préférentiellement les jeunes. Ceci s’explique d’une part par une immunité plus faible vis-à-vis de ce virus s’expliquant par l’abandon de la vaccination antivariolique, et d’autre part par les contacts plus fréquents avec les animaux éventuellement porteurs, du fait de l’engouement pour les rats NAC. Néanmoins, il faut garder à l’esprit la vulnérabilité d’autres catégories de personnes, telles que les immunodéprimés, présentant des symptômes plus sévères. Certaines professions présentent un risque d’exposition plus important : vétérinaires, personnels de zoos, gardes forestiers, égoutiers... Par ailleurs, l’infection virale touche les deux sexes en proportions égales (LEVIN et al., 2013). 77 c. Modes de transmission Les espèces animales se contaminent entre elles par contact, léchage, griffure ou morsure. La transmission à l’Homme peut se faire selon ces mêmes modalités. Ainsi que cela a déjà été précisé, des contaminations fréquentes résultent du contact avec des chats contaminés. Néanmoins, avec l’engouement actuel pour les NAC, de plus en plus de cas décrits résultent directement d’une contamination à partir des rongeurs, comme dans l’épisode européen récent d’origine tchèque (LEVIN et al., 2013). Épidémiologie relative au virus MPXV: 1. Descriptive Le virus a été tout d’abord isolé chez des singes Cynomolgus (Macaca fascicularis) vivant en captivité dans un zoo de Copenhague (Danemark) en 1959. Il n’est isolé pour la première fois chez l’Homme qu’en 1970, chez un enfant de 9 ans, en République Démocratique du Congo (RDC) (SALE et al., 2006). Les cas d’infection de l’Homme par le MPXV restaient rares, apparaissant de façon sporadique depuis les années 70. Ils étaient alors essentiellement répertoriés dans les zones arboricoles de Centre Afrique et d’Afrique de l’Ouest. Le réservoir naturel n’était pas identifié de façon certaine, mais l’implication des animaux sauvages, surtout les singes, fut fortement suspectée (présents en grand nombre, et chassés par les hommes). A cette époque, les services de santé et de sécurité sanitaire ne se sont pas alarmés (EDMISTON et al., 2003). Mais en en 1996 et 1997, deux épidémies dues au MPXV se succèdent en RDC. Le bilan fait état de 511 personnes authentifiées, principalement âgées de moins de 25 ans (dont 85% de moins de 16 ans) (EDMISTON et al., 2003 ; DI GIULIO et al., 2004 ; CHASTEL, 2009). Lors de cet événement, la possibilité d’une transmission inter-humaine a été fortement suspectée. Cette hypothèse expliquerait en partie, selon ses promoteurs, le fait que le nombre de personnes infectées par le MPXV ait augmenté ces dernières décennies dans de nombreux pays (voir le tableau en annexe 7 récapitulant les différents pics épidémiques répertoriés de 1970 à 2005) (REYNOLDS et al., 2012). Parmi eux, les Etats-Unis, où, en mai 2003, les services de santé du Wisconsin sont informés de l’apparition soudaine de symptômes (notamment fièvre et inflammation cutanée), encore non rattachés à une maladie connue, chez une fillette de trois ans. L’anamnèse recueillie apporte l’information qu’elle a été mordue par un chien de prairie. L’animal a présenté des signes le même jour que celui où les symptômes de l’enfant se sont déclarés. Des analyses sont menées après prélèvement d’un nœud lymphatique sous-mandibulaire hypertrophié du chien de praire, sans résultat probant. Deux semaines plus tard, la mère de la fillette est atteinte par le même tableau clinique, et cette fois-ci, des prélèvements réalisés à partir des lésions cutanées sont analysés. La présence de Poxvirus est mise en évidence par observation en microscopie électronique. Dans le même temps, plusieurs 78 services de santé sont informés de l’apparition d’autres cas similaires. Le 30 juin 2003, 72 cas suspectés ou confirmés atteints par le MPXV (par tests sérologiques, PCR et séquençage génomique) sont signalés dans les états du Wisconsin, de l’Illinois et de l’Indiana. Toutes les personnes atteintes avaient été récemment en contact avec des chiens de prairie. L’enquête menée a permis de remonter à un distributeur d’animaux dans l’Illinois, qui avait laissé des rongeurs du Ghana (rats de Gambie géants), à proximité directe des chiens de prairie. Ces rats de Gambie avaient été importés aux USA par un importateur Texan, qui avait reçu neuf espèces de mammifères dont six étant des rongeurs africains (figure 13) (LIGON et al., 2004). Selon un article intitulé « Monkeypox », publié par l’OIE en collaboration avec le Center for food security and public health en 2009, l’embargo sur l’importation de toutes les espèces confondues de rongeurs en provenance de l’Afrique a été imposé après l’identification du circuit de distribution, et sur ordre du secrétaire du département de santé des Etats-Unis. Figure 13. Répartition géographique des personnes atteintes par le virus MPXV en 2003 (DI GIULIO et al., 2004 ). Sur le planisphère figurent en bleu les régions dans lesquelles des infections par le MPXV chez l’homme ont été rapportées. Sur la carte des Etats-Unis, les états concernés par la survenue soudaine de personnes atteintes par le MPXV sont indiqués en rouge, les nombres de cas suspectés et confirmés, entre parenthèses, sont précisés à l’intérieur des états. La flèche noire indique le parcours de distribution des chiens de prairie. 79 Actuellement, le MPXV est considéré comme le plus infectieux des Orthopoxvirus pour l’Homme (RIMOIN et al., 2010). Des études ont alors été menées en 1979 en RDC, afin de déterminer quels sont les éventuels réservoirs sauvages, par la recherche d’anticorps anti-orthopoxvirus (CHASTEL, 2009). 2. Analytique a. Sources de contamination Les résultats obtenus sont positifs chez de nombreuses espèces de rongeurs (représentant une source de nourriture activement chassée en Afrique centrale). Les écureuils arboricoles, (Funisciurus anerythrus et Heliosciurus rubobrachium) sont trouvés séropositifs dans un premier temps, puis c’est au tour de l’écureuil arboricole de Kuhl (F. congicus), du rat de Gambie (Cricetomys emini) et du rat à trompe tétradactyle (Petrodromus tetradactylus). Il est alors suspecté que ces espèces de rongeurs constituent un réservoir du virus, tandis que les autres espèces animales, tels que les singes ou les antilopes, retrouvés positifs également, auraient plutôt un rôle amplificateur du virus (CHASTEL, 2009). b. Facteurs de risque La réceptivité et la sensibilité de l’homme à l’infection par le MPXV semble s’être accrue au fil du temps. On pense que l’arrêt de la vaccination, ayant entraîné une baisse de l’immunité antivariolique, explique cette recrudescence du nombre de personnes atteintes. Néanmoins, ce n’est sans doute pas une cause unique, mais plutôt la conjonction de divers facteurs qui permet cette émergence zoonotique. Les régions les plus touchées, en Afrique, doivent faire face à des problèmes socio-politico-économiques, et les populations sont souvent amenées à se déplacer, entrant plus facilement en contact avec la faune sauvage forestière lors de la recherche de nourriture par exemple. Les revaccinations n’ont jamais été réalisées, étant donné les risques d’effets secondaires, et en raison du contexte sanitaire et infectieux de la région avec des risques de transmission accidentelle d’agents pathogènes autres, tels que le virus Ebola, le VIH… (CHASTEL, 2009). Lors de l’épisode des Etats-Unis en 2003, première fois où le MPXV s’échappait de ses foyers infectieux africains, seuls deux cas sur les 81 identifiés (dont 40% confirmés par le laboratoire), auraient résulté d’une infection secondaire (SALE et al., 2006). Les personnes atteintes étaient principalement celles âgées de 3 à 43 ans, tous sexes confondus, et s’étant contaminées suite à des contacts avec des chiens de prairie (CHASTEL, 2009). Les professions et activités présentant les risques d’exposition aux Orthopoxvirus les plus élevés sont ceux en lien avec la santé (médecins sans frontières, vétérinaires…), avec le transport, la distribution et la vente d’animaux, ainsi qu’avec le contrôle et la possession de ces derniers (gardiens de zoos, propriétaires d’animal de compagnie), ou encore toute activité de plein air, que ce soit dans le domaine du loisir (camping…) que dans celui du travail (militaire…) (ESSBAUER et al., 2010). 80 c. Modes de transmission La transmission du MPXV se produit entre les différentes espèces animales, soit par contact avec leurs fluides corporels (sang…) ou avec leurs lésions (sécrétions purulentes provenant des lésions vésiculopustuleuses cutanées, oculaires ou buccales), soit par les aérosols. Chez l’Homme, ces mêmes modes de contamination sont possibles. Par ailleurs, de nombreuses flambées de cas en Afrique sont imputables à la contamination lors de la manipulation d’animaux pour la préparation des repas, et/ou par ingestion de ceux-ci. Lors de l’épisode qui s’est produit aux Etats-Unis, la contamination semble s’être faite par contact cutané avec les rongeurs infectés, voire par morsure et/ou griffure (d’après la revue « Monkeypox » de l’OIE et du Center for food security and public health, 2009). La question de la transmission interhumaine s’est par ailleurs posée. Dans les années 80, furent distingués les modes de contaminations dits « primaires », à partir d’un animal porteur du virus, de ceux dits « secondaires », c’est-à-dire à partir d’un être humain contaminé. À cette période, les infections secondaires sont rares, mais présentes. La comparaison des souches isolées chez des patients touchés durant les derniers épisodes en RDC et aux Etats-Unis, à celles isolées dans les années 70, ne montre que de très faibles variations génétiques, ne pouvant expliquer l’acquisition de mutation(s) facilitant la transmission d’Homme à Homme. Cependant, lors des flambées de cas en RDC en 1996 et 1997, seulement 22% des cas ont été expliqués par une contamination primaire. La contamination interhumaine est alors considérée comme principale responsable de la propagation virale, même si d’autres études émettent un certain doute quant aux agents pathogènes en cause. En effet, lors des épidémies de RDC de 1996 et 1997, de nombreux cas considérés comme étant dus au MPXV, auraient été en réalité provoqués par des infections concomitantes, dues au virus Chickenpox, autrement dit le virus responsable de la varicelle et du zona (VZV) (DAMON, 2011). On ne niera cependant pas la réalité de la transmission interhumaine. En effet, celle-ci est peut être moins importante que ce qu’affichent certaines études, mais elle demeure un mode de transmission avéré. Par ailleurs, cette transmission secondaire du MPXV a également été observée à Brazzaville (en RDC), en milieu hospitalier, en 2003 (CHASTEL, 2009). iv. Étude clinique Le MPXV, comme le virus de la variole, infecte initialement les macrophages des muqueuses de l’oropharynx et de l’appareil respiratoire. Le virus entame alors une réplication active à ce niveau, mais se multiplie également en parallèle dans les organes hématopoïétiques, entraînant alors l’apparition d’une première virémie. Les virus gagnent ensuite les ganglions lymphatiques puis les différents organes par les vaisseaux sanguins. A ce stade apparaît la deuxième virémie. La phase d’état débute ensuite, avec l’apparition de signes généraux et de signes évocateurs de l’infection à Poxvirus. 81 L’infection par le CPXV reste quant elle modérée et localisée, sans envahissement de la sphère respiratoire. Les lésions cutanées sont néanmoins plus intenses (DURAFFOUR et al., 2008). Cas du CPXV : - Chez les rongeurs : Les informations que nous possédons, en lien avec l’expression des symptômes chez les rongeurs, restent faibles. Elles semblent par ailleurs très variables selon les espèces. Des études ont permis de montrer que l’infection peut avoir une expression subclinique, ou ne mettant pas en jeu le pronostic vital. Ainsi le potentiel de fécondité se retrouve perturbé chez certaines espèces, comme c’est le cas chez le mulot et le campagnol roussâtre, tandis que l’infection peut fortement affecter d’autres espèces, comme le campagnol agreste, qui présenterait un tableau clinique beaucoup plus sévère, avec une issue souvent mortelle (HUEMER et al., 2012). Un rat de compagnie, ayant transmis le CPXV à une jeune femme, a par ailleurs montré des signes d’abattement, avec de l’hyperthermie, des éternuements, suivis d’une mort rapide (en moins de 3 jours) (MANCAUXA et al., 2011). Ceux responsables des cas humains de 2009 dans le nord de la France ont présenté des atteintes respiratoires, avec parfois du jetage, de l’épistaxis et des hémorragies conjonctivales. Ils sont tous morts rapidement (dans les 4 à 6 jours après le début des symptômes) (NINOVE et al., 2009). - Chez l’Homme : La période d’incubation dure de 7 à 12 jours. Les premiers symptômes sont cutanés, avec l’apparition de lésions inflammatoires maculeuses puis vésiculeuses et enfin nécrotiques, essentiellement localisées sur les membres, le cou ou le visage (MANCAUXA et al., 2011). Des conjonctivites sont également rapportées (STEWART et al., 2000). Dans certains cas, l’infection peut se généraliser, engendrant initialement des signes non spécifiques de type grippal, avec de plus, la survenue d’une lymphangite et d’adénites satellites. Généralement, les lésions disparaissent dans les 3 mois. Souvent des séquelles de type cicatriciel persistent (HEMMERA et al., 2010). Cas du MPXV : Pour la description des symptômes engendrés par le MPXV, nous distinguerons les tableaux cliniques décrits en RDC de ceux d’Afrique de l’Ouest et des Etats-Unis. - Chez les rongeurs : Chez les chiens de prairie, les principaux symptômes retrouvés sont un abattement, de l’hyperthermie, de l’anorexie associée à une perte de poids, du jetage ainsi que de la toux, et une dépression de la fonction respiratoire. Un rash cutané se manifeste, localisé initialement à la tête et aux extrémités des membres, puis s’étendant au tronc. Il s’agit de macules évoluant en vésicules puis en pustules avant de ne devenir qu’une croûte. Des ulcères buccaux peuvent également apparaître. Les lymphadénopathies sont rapportées dans la 82 littérature mais beaucoup d’études expérimentales ne sont pas parvenues à les observer après inoculation de chiens de prairie par le MPXV. Les manifestations cliniques sont nombreuses et l’évolution de la maladie variable. Ainsi, certains animaux infectés expérimentalement se sont avérés asymptomatiques, et sont pourtant morts 1 à 2 semaines après l’inoculation du virus, tandis que certains ne présentent qu’une conjonctivite, et d’autres encore, malgré la manifestation de signes cliniques, se rétablissent de l’infection (LIGON, 2004). Les études ayant porté sur les manifestations cliniques d’autres rongeurs que les chiens de prairie, ont montré : - que chez la souris, on observe des symptômes frustres, avec surtout une léthargie marquée, une posture algique, une déshydratation et des conjonctivites ; l’évolution est souvent mortelle. - que chez le rat, les symptômes sont aigus : rhinite, conjonctivite, dyspnée, toux, amaigrissement. L’évolution est là encore souvent fatale. - que chez l’écureuil, les premiers signes sont la léthargie et l’anorexie. Des hémorragies nasales peuvent se manifester, ainsi que des troubles respiratoires dans les cas les plus graves. - Chez l’Homme : L’infection par le MPXV en RDC représente la forme la plus sévère, la plus virulente, du fait notamment que dans ce cas, la transmission inter-humaine est avérée. La période d’incubation est de 7 à 17 jours (moyenne de 12 jours) pour la forme retrouvée en Afrique, alors qu’elle est de 4 à 24 jours (moyenne de 15 jours) pour la forme américaine (NALCA N. et al., 2005). Les premières manifestations s’apparentent à celles d’un syndrome grippal avec abattement, myalgies, hyperthermie, frissons, maux de tête, et toux sèche. Une lymphadénopathie peut apparaître, mais n’est trouvée que chez 55% des Américains tandis qu’elle est plus fréquente en Afrique. L’hypertrophie des nœuds lymphatiques est surtout localisée au niveau sous mandibulaire, cervical et inguinal. Les atteintes cutanées, appelées éruptions varioliformes, apparaissent rapidement. En Afrique, comme aux Etats-Unis, elles sont constantes. Les lésions initiales, de type macules et papules (figure 14 page suivante), se manifestent notamment au niveau des extrémités, du visage, et du torse. Elles évoluent ensuite en ombilifications puis en croûtes. Plus rarement, elles se développent au niveau des muqueuses, des régions palmaires des mains, plantaires des pieds, et des zones génitales. 83 Figure 14. Présentation clinique typique d'une infection par le MPXV chez une fillette de 7 ans en RDC (RIMOIN et al., 2010) Des troubles digestifs de type nausées et vomissements, ainsi que l’apparition de conjonctivites peuvent secondairement apparaître. Dans les cas les plus sévères, des troubles de la coagulation apparaissent, ainsi que des problèmes respiratoires de type dyspnée. Plus rarement, des personnes ont été victimes d’encéphalite, voire même de défaillance multi-systémique. La durée de la maladie est de 2 à 4 semaines, et les lésions cutanées disparaissent généralement en 2 à 3 semaines. Dans certains cas néanmoins, les patients gardent des séquelles : cicatrices, hypo- ou hyperpigmentation cutanées. Aux Etats-Unis, les symptômes étaient plus modérés : une lymphadénopathie moindre, des lésions cutanés moins nombreuses et moins étendues (souvent localisés exclusivement aux extrémités), et des symptômes généraux atténués. Il est important de noter que certaines manifestations rares sont anéruptives ou pauciéruptives et peuvent ainsi compliquer le diagnostic (CHASTEL, 2009). 84 v. Diagnostic et dépistage de laboratoire Bien que les symptômes provoqués par une infection par un Poxviridae semblent assez évocateurs (notamment avec l’apparition des lésions papuleuses), il s’agit d’une maladie mal diagnostiquée. En effet, le tableau clinique est parfois plus original que celui décrit dans le chapitre précédent. Ainsi, des lésions cutanées peuvent être très localisées à des endroits peu évocateurs (au niveau palpébral par exemple), voire être uniques. Des atteintes par le virus Chickenpox ou le virus Herpes simplex, voire des phlegmons, sont souvent suspectées dans un premier temps (SHCHELKUNOV et al., 2011). Les tests diagnostiques actuellement disponibles vont donc être essentiels dans la perspective de la prise en charge des patients. Pour les analyses de laboratoire, les prélèvements doivent être de bonne qualité. Il s’agit du liquide de vésicules ou de pustules, de croûtes, ou d’autres liquides biologiques (sang, sécrétions retrouvées dans l’aire oropharyngée) ou tissus, qui doivent être acheminés au laboratoire dans les conditions adéquates, ce qui n’est pas toujours le cas en milieu tropical. Par ailleurs, les prélèvements doivent être acheminés de façon sécurisée, après déclaration aux autorités sanitaires, pour éviter toute propagation du virus. L’examen histologique des lésions peut aider au diagnostic (observation d’inclusions intracytoplasmiques éosinophiliques dans des cellules épidermiques, dégénérescence nécrosante de l’épiderme…). Par ailleurs, les Poxvirus ont la particularité d’être des virus de grande taille, et sont ainsi facilement observables au microscope électronique à partir de biopsies de lésions cutanées. Enfin, il est possible par immunohistochimie d’identifier antigéniquement les Orthopoxvirus au moyen d’anticorps polyclonaux antipoxvirus, ou encore d’inoculer différents types de cultures cellulaires avec des tissus provenant d’individus infectés (CHASTEL, 2009). Néanmoins, ces techniques ne permettent pas d’identifier la souche virale. On leur préfère l’emploi de méthodes sérologiques ou moléculaires. Méthodes sérologiques : Dans le sérum de patients convalescents, la présence d’IgM anti-Orthopoxvirus est recherchée par méthode ELISA, mais la spécificité du test est médiocre. Des réactions croisées entre les différentes souches peuvent avoir lieu. L’emploi de l’immunofluorescence, du test d’inhibition de l’hémagglutination ou du Western blot permettent ensuite de distinguer les souches. Méthodes moléculaires : L’identification de la souche peut être réalisée par PCR suivie du typage par mise en évidence du polymorphisme des fragments de restriction (restriction fragment–length polymorphism (RFLP)). Le séquençage d’un segment du gène de l’hémagglutinine virale est également réalisable (MANCAUXA et al., 2011). 85 vi. Moyens de lutte 1. Traitement Cas du CPXV : Lors d’une atteinte par le CPXV, on constate dans la majorité des cas une bonne évolution clinique suite à la mise en place de traitements symptomatiques (antipyrétiques et antalgiques notamment), et de soins locaux (soin des lésions cutanées avec usage de chlorhexidine ou d’autres antiseptiques). Cependant, l’étendue et la sévérité de lésions cutanées peuvent être telles qu’il est alors nécessaire d’intervenir chirurgicalement. Les photos ci-dessous (figures 15 et 16), présentent les lésions d’une jeune fille française de 17 ans ayant contracté le CPXV suite à des contacts (absence de morsure ou griffure rapportées) avec un rat de compagnie (Rattus norvegicus), acquis une semaine avant l’apparition des signes. Le rat avait présenté un abattement marqué et était mort 3 jours plus tard (MANCAUXA et al., 2011). Figures 15 et 16. Lésions provoquées par le virus Cowpox chez une jeune fille de 17 ans ayant eu uniquement des contacts avec son rat de compagnie (MANCAUXA et al., 2011). Photographie de gauche : lésion maculopapuleuse supraclaviculaire ombiliquée, à centre nécrotique, avec lymphangite satellite. Photographie de droite : aspect à 6 semaines après l’excision chirurgicale des tissus nécrotiques. Des cas plus graves, rapportant des abcès des fosses nasales chez de jeunes enfants, ont démontré l’utilité de la mise en place de séances répétées d’oxygénothérapie hyperbare dans le processus de guérison (PAHLITZSCH et al., 2006). 86 Que l’infection soit due au CPXV ou au MPXV, il est recommandé que les personnes immunodéprimées soient placées en chambre d’isolement, et prennent un traitement antibiotique afin de prévenir les éventuelles surinfections des lésions cutanées, ou le développement d’autres maladies opportunistes (MANCAUXA et al., 2011). Cas du MPXV: Actuellement, nous disposons de différents anti-viraux dont le cidofovir (Vistide©), qui, administré expérimentalement chez les singes Cynomolgus (Macaca fascicularis), montre une efficacité importante, en bloquant la synthèse de l’ADN viral. Ce traitement est également utilisé dans les rétinites à cytomégalovirus (CMV) chez les patients porteurs du virus d’immunodéficience humaine (VIH). Néanmoins, les résultats probants sont obtenus après administration intra-trachéale, et l’on ne connait pas son efficacité chez l’Homme infecté par le MPXV, puisqu’aucun essai n’a permis de l’évaluer pour l’instant. De plus, l’utilisation de ce traitement requiert une technique de préparation et d’administration difficile à mettre en place, et il présente une néphrotoxicité importante. D’autres antiviraux, le HPMPO-DApy, proche du cidofovir, et le ST-246, en inhibant l’apparition de formes enveloppées du virus, se montrent efficaces lorsqu’ils sont employés expérimentalement chez le singe. Ils présentent par ailleurs l’avantage d’être administrables par voie orale. Il reste donc à approfondir nos connaissances sur l’action de ces molécules chez le modèle humain (CHASTEL, 2009). Les essais cliniques actuellement en cours montreraient par ailleurs une bonne tolérance chez l’Homme (MANCAUXA et al., 2011). Pour ces raisons, les personnes atteintes par le MPXV, reçoivent un traitement principalement de « soutien ». 2. Mesures prophylactiques a. Prophylaxie médicale On peut envisager de prime abord la vaccination par le virus de la vaccine dans la lutte contre les infections par les virus MPXV et CPXV. Cependant, de nombreux effets indésirables provoqués par le vaccin ont été rapportés, et son efficacité n’est pas de 100%. De plus, les populations des zones endémiques ne sont pas vaccinées systématiquement. Des études ont tout de même montré une efficacité pouvant atteindre 85% chez des personnes infectées par le MPXV (DI GIULIO et al., 2004). Il reste une solution en tant que traitement de post-exposition en cas de contact avec des espèces infectées ou susceptibles de l’être (NALCA N. et al., 2005). 87 b. Prophylaxie sanitaire Afin de lutter plus efficacement contre le problème d’émergence actuelle, il est essentiel de mettre en place des mesures de prévention. Ainsi, dans les zones endémiques, protéger et soigner des blessures cutanées demeure la mesure la plus importante à instaurer, notamment chez les personnes amenées à être en contact avec des animaux réservoirs (nombreuses espèces dont principalement les primates et les rongeurs). Des mesures d’hygiène doivent être prises, telles que le fait de se laver les mains, de laver et désinfecter les locaux et matériels susceptibles d’avoir accueilli des espèces animales réservoirs du MPXV. Quant aux personnes travaillant directement au contact de ces animaux (vétérinaires notamment), le port de gants, de masques (équipés de filtres) et de lunettes est fortement recommandé (NALCA N. et al., 2005). Idéalement, les personnes infectées devraient être isolées des personnes saines, ainsi que des espèces animales connues comme hôtes potentiels du virus. vii. Découvertes ou événements récents EMERSON et al. (2013) nous rapportent la survenue d’une forme infectieuse de poxvirose chez des chauves-souris (Eptesicus fuscus) reçues dans un centre de soins de la faune sauvage aux Etats-Unis entre 2009 et 2011. Celles-ci présentaient des lésions graves d’ostéomyélite et d’arthrite. Les analyses menées à partir des liquides synoviaux articulaires et des os mirent en évidence la présence de Poxviridae. Les analyses les plus poussées ont montré que le virus, encore inconnu, présentait une forte proximité génétique avec le virus Cotia (ce dernier a été isolé pour la première fois au Brésil en 1961). L’infection au sein des populations de chauves-souris est sans doute sous-estimée. En effet, la survenue de symptomes tels que ceux décrits n’entraîne pas nécessairement la recherche d’un agent viral étiologique. Par ailleurs, l’approche de ces espèces reste limitée étant donné qu’elles sont incriminées dans l’émergence de nombreuses maladies (Lyssavirus, Henipavirus, Coronavirus (SRAS, MERV-CoV), Filovirus) (EMERSON et al., 2013). 88 c. Arenavirus (Virus de la fièvre de Lassa) i. Historique Dès les années 20, des personnes manifestent des symptômes évocateurs du typhus en Afrique équatoriale française. Dans les années 30, la maladie d’étiologie encore inconnue caractérisée par ces signes cliniques est appelée « typhus de la savane » par les travailleurs français, ce qui suggère par analogie l’implication de Rickettsiales. Les connaissances acquises ultérieurement, associées aux analyses de laboratoire, permettent de montrer qu’il s’agit en fait d’une toute autre maladie. En 1969, Dr JORDI CASALS de l’Université de Yale, découvre l’étiologie virale de cette maladie, qu’il baptise fièvre de Lassa, car il a isolé un virus, le virus de Lassa (LASV), chez deux infirmières en mission dans la ville de Lassa, dans l’Etat de Borno au Nigeria. La survenue de certains pics épidémiques, tels que celui ayant touché la Sierra Leone en 1955-1956, semble résulter de la propagation interhumaine secondaire de ce virus (voir le tableau 5 répertoriant des cas imputables rétrospectivement au LASV avant sa découverte) (MONATH, 1975 ; ADEWUYI et al., 2009). Tableau 5. Premières publications d'entités cliniques ressemblant à la fièvre de Lassa telle que définie actuellement (MONATH, 1975) Année 1935 Référence CULLE T., W. Afr. Med. J., 8 :15-16 (1935) Principaux signes cliniques Missionnaires de Makurdi (Nigeria). Commémoratifs de fièvre, rash, bradycardie, céphalées, gonflement du visage. Suspicion clinique de typhus 1938 LEGAC P., Bull. Soc. Path. Exot., 39 : 86-94, 97-103 (1946) Epidémie de cas à Oubangui-Chari, ressemblant à la fièvre de Lassa. Des études menées plus tardivement (GIROUD et al., Bull. Soc. Path. Exot., 44 : 571-579, 1951) avancent l’hypothèse d’une étiologie bactérienne (Rickettsia) 1952 HENDERSON et al., Trans. Roy. Soc. Trop. Med. Hyg., 66 :409-416 (1972) Missionnaires de Rahama (Nigeria). Fièvre prolongée, déficit auditif. Anticorps anti-virus de Lassa détectés en 1970 1955-1956 ROSE J.R., Lancet, 2 :197 (1956) ; 2 : 914-916 (1957) Epidémie dans la province de l’est en Sierra Leone. Epidémiologie et aspect clinique en faveur d’une fièvre de Lassa 89 Dans les années 70 et 80, des études sont conduites en Afrique de l’Ouest (surtout au Sierra Leone et au Nigeria) pour évaluer l’impact du virus sur les populations humaines et animales. Des recherches sont également menées pour déterminer les éventuels facteurs écologiques favorisant la survenue des cas. Dans le même temps, John FRAME se penche sur certains cas survenus chez des missionnaires en Afrique de l’Ouest, et suspecte une plus grande étendue de la maladie que celle envisagée jusqu’alors (SOGOBA et al., 2012). D’autres flambées de cas surviennent encore, notamment à Panguma-Tongo, en Sierra Leone, entre 1970 et 1972 (MONATH, 1975). Des cas apparus au Liberia, en Guinée, au Mali, au Sénégal, ainsi qu’au Nigeria sont également documentés. La fièvre de Lassa s’est manifestée dans d’autres pays de façon sporadique chez des voyageurs de retour au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Pays-Bas (RICHMOND et al., 2003). L’ensemble de ces constatations fait de la fièvre de Lassa une préoccupation majeure dans les pays d’Afrique, voire dans le reste du monde, en tant que maladie émergente d’origine zoonotique. ii. Caractéristiques du virus 1. Description et systématique a. Diversité virale Le virus de Lassa (LASV) appartient à la famille des Arenaviridae. D’un point de vue phylogénétique, les Arenavirus sont proches de virus appartenant aux Bunyaviridae et aux Orthomyxoviridae. Ces trois familles partagent des caractéristiques communes, comme le déroulement de leur cycle de réplication. Parmi les Arenavirus, on distingue deux groupes : - celui du « Nouveau monde », dans lequel se trouvent les virus circulant en Amérique du Nord (parmi lesquels les virus Whitewater Arroyo (WWAV), Tamiami (TAMV), et Bear Canyon (BCNV)) et en Amérique du Sud (parmi lesquels les virus Tacaribe (TACV), Junin (JUNV), Machupo (MACV), Guanarito (GTOV), et Sabia (SABV)). - et celui de l’ « Ancien monde », qui comprend les virus présents en Afrique, en Europe et en Asie (parmi lesquels le virus de Lassa (LASV) et le virus de la chorioméningite lymphocytaire (LCMV)) (YUN et al., 2012). Le LCMV, du fait de sa faible prévalence, n’est à l’heure actuelle pas considéré comme un virus émergent (HANNACHI et al., 2011). Néanmoins, le LCMV est géographiquement présent sur une étendue plus vaste que ce que l’on estimait initialement. Le tableau 6 de la page suivante expose quelques caractéristiques des Arenavirus du « Nouveau » et de « l’Ancien monde ». Le tableau permet également de voir que seuls le LASV, le LCMV, le JUNV, le MACV, le GTOV, le SABV, le virus Chapare, et le WWAV sont actuellement connus comme étant pathogènes pour l’Homme. 90 Tableau 6. Arenavirus de l’ « Ancien et du Nouveau Monde ». Le virus de Lassa est présenté dans un cadre rouge. Les cadres bleus mettent en évidence les Arenavirus pathogènes pour l’Homme (adapté de HOWARD C.R., Arenavirus. Viral Hemorrhagic Fevers, Perspectives in Medical Virology, 2005, vol. 11). 91 b. Structure Le LASV mesure entre 70 et 150 nm de diamètre. Il est enveloppé, et comprend deux segments d’ARN monobrins : les segments S (small) et L (large). Son enveloppe est constituée de glycoprotéines, GP1 et GP2, formant des complexes tétramériques. Quant aux segments d’ARN, le segment S contient deux gènes codant pour la nucleoprotéine NP (ou N), et les protéines GP1 et GP2 (initialement GPC, qui est clivé dans un deuxième temps). Le segment L renferme deux gènes codant pour les protéines L (polymérase) et Z, dont la fonction n’est actuellement pas élucidée (ADEWUYI et al., 2009). Par ailleurs, observé au microscope cryo-électronique, ce virus peut montrer d’importantes variations structurales. Ainsi, il renferme parfois des granules s’apparentant aux ribosomes des cellules hôtes. Ces constatations sont d’ailleurs à l’origine du nom de la famille virale à laquelle il appartient, puisque « arena » est un dérivé du mot « sable » (OGBUA et al., 2007) (figures 17 et 18). Figure 17 et 18. (RUSSIER et al., 2012) A droite ci-contre, virus de Lassa observés au microscope électronique. Ci-dessous, organisation des particules virales et du génome du virus de Lassa (on peut généraliser aux Arenavirus). c. Résistance Le virus de Lassa est inactivé lorsqu’il est soumis à une température supérieure à 56°C, à des rayons ultra-violets, à une irradiation aux rayons gamma, ou à un pH compris entre 5,5 et 8,5. Des agents chimiques tels que l’hypochlorite de sodium (eau de Javel) à 0,5%, le phénol à 0,5% ou encore le formol à 10% sont efficaces pour inactiver le virus (OGBUA et al., 2007). 92 2. Facteurs de virulence et pathogénicité Les facteurs de virulence du virus sont principalement les protéines NP, GP1, GP2 et Z. Durant la phase initiale, lorsqu’apparaissent les premiers symptômes, débute la production d’anticorps. Il s’agit d’IgM puis d’IgG spécifiques de GP1, de GP2, du NP, et de la protéine Z. Dans les premiers stades de l’infection, aucun anticorps neutralisant n’est synthétisé. Ils apparaissent des mois après la phase aiguë de la maladie, après le rétablissement des individus atteints. Leur taux augmente de plus en plus, indiquant une constante stimulation des lymphocytes B, par la présence à un degré faible de particules virales. L’apparition de ces anticorps neutralisants étant très tardive, l’impact de l’immunité humorale dans l’évolution favorable de la maladie est quasi-inexistant (KHANA et al., 2008). A contrario, de nombreuses études mettent en évidence, chez les individus en cours de rétablissement, des concentrations élevées en lymphocytes T activés cytotoxiques. On peut donc envisager l’immunité cellulaire comme étant impliquée dans l’élimination de l’agent viral de l’organisme (YUN et al., 2012). Le LASV provoque une augmentation de la perméabilité vasculaire, et des troubles des mécanismes hémostatiques. Comme cela a déjà été évoqué, ceci explique le fait que la maladie qu’il entraîne appartienne aux fièvres hémorragiques virales (FHV). La fièvre de Lassa, dans sa forme la plus grave, résulte de l’interaction du virus directement avec les macrophages, les cellules dendritiques ou indirectement via des molécules médiatrices. Suite à cela, un mécanisme s’apparentant à un choc septique se produit, avec libération de facteurs de l’inflammation et de molécules vasoactives, à l’origine d’un dysfonctionnement cellulaire, et donc d’une défaillance multi-systémique (KHANA et al., 2008). iii. Épidémiologie 1. Descriptive Chaque année, on estime entre 100 000 et 300 000 le nombre de personnes atteintes par le LASV, et à 5 000 le nombre de morts. Le taux de létalité chez les individus hospitalisés est d’environ 15 à 20%. Cependant, lors des différentes épidémies, ce taux aurait atteint 50%, et serait de 90% chez les femmes au dernier trimestre de grossesse (BRANCO et al., 2011 ; YUN et al., 2012). Le taux de mortalité dans la population générale atteint quant à lui 1 à 2%, nettement plus faible que pour les personnes hospitalisées. Cela peut s’expliquer par la variabilité des tableaux cliniques, et donc par le fait que les plus sévères, menaçant le plus le pronostic vital, nécessitent logiquement une hospitalisation (RICHMOND et al., 2003). En général, 80% des personnes atteintes vont manifester des signes modérés tandis que les 20% restants présenteront des symptômes plus sévères (ADEWUYI et al., 2009). La maladie est endémique en Afrique, avec des taux de prévalence en anticorps anti-virus de Lassa variant selon les études, entre 8 et 52% chez les habitants de Sierra Leone, entre 4 et 55% chez ceux de Guinée et environ 21% chez ceux du Nigeria. Des cas apparaissent hors de l'aire traditionnelle d'endémie de la fièvre de Lassa, puisque l’on recense des personnes 93 séropositives en République Centre africaine, en République du Congo, au Sénégal et au Mali (figure 19). En prenant en compte les principaux pays endémiques (Sierra Leone, Guinée et Nigeria), on estime que la population, actuellement séronégative, mais susceptible d’être infectée, est d’environ 59 millions (RICHMOND et al., 2003). Figure 19. Etendue de la fièvre de Lassa en Afrique de l'Ouest. Les épidémies correspondent aux points rouges, les séropositivités retrouvées hors des zones connues endémiques correspondent aux points bleus (RICHMOND et al., 2003). 2. Analytique a. Sources de contamination La fièvre de Lassa est une maladie découverte relativement récemment, dotée d’un caractère émergent. L’hypothèse d’un réservoir animal a été suggérée compte tenu des modes de transmission à l’Homme déjà connus pour les autres Arenavirus. Dans ce contexte, les rongeurs et les chauves-souris ont été la cible principale des recherches sur ce sujet. Ce n’est qu’en automne 1972 que le LASV est isolé pour la première fois chez Mastomys natalensis, lors de la survenue d’une flambée de cas en Sierra Leone. Le rôle de réservoir de ce rongeur dans la propagation de l’agent viral a ensuite été confirmé par d’autres études réalisées au Nigeria. Quant aux chauves-souris, tous les résultats sérologiques obtenus se sont révélés négatifs (MONATH, 1975). 94 La découverte de Mastomys natalensis, un rongeur proche du rat, comme hôte principal de LASV a confirmé le caractère zoonotique de cette maladie alors émergente. Il s’agit d’une des espèces de rongeurs les plus fréquemment rencontrées en Afrique tropicale, notamment dans les zones rurales habitées d’Afrique de l’Est, de l’Ouest et du Centre (RICHMOND et al., 2003). Des études, menées en 2007 par Elisabeth FICHET-CALVET et al., dans trois villages d’Afrique de l’Ouest, ont encore davantage renforcé la certitude que ce petit mammifère constitue le réservoir principal du LASV. En effet, il est le seul chez qui les tests RT-PCR se sont révélés positifs (voir tableau annexe 8) (FICHET-CALVET et al., 2007). b. Facteurs de risque Les habitations des villages africains, ouvertes, et donc propices au passage de certaines espèces animales, les conditions sanitaires généralement mauvaises, et l’absence de protection des denrées alimentaires, augmentent fortement la probabilité de contact entre l’Homme et les rongeurs, contribuant à faciliter la transmission d’agents pathogènes entre espèces (MONATH, 1975). Les études mettent par ailleurs en avant le lien entre les flambées de cas et la saisonnalité. En effet, la maladie est, dans la plupart des cas, plus présente durant la saison sèche (c’est-àdire de janvier à mars) que durant la saison humide (de mai à novembre) (MONATH, 1975 ; RICHMOND et al., 2003). Plusieurs facteurs pourraient expliquer ces observations : les voyages se réalisent plus difficilement durant la période humide, les activités de chasse sont plus importantes durant la période sèche… Néanmoins, les cas épidémiques en Sierra Leone en 1970-1972, se sont déclarés essentiellement durant la saison humide. Apparemment, c’est la dynamique des populations de rongeurs qui aurait été en cause, puisque ces derniers auraient davantage cherché à se refugier dans les habitations humaines (MONATH, 1975). Il a été montré, lors d’une étude menée sur deux années (2003 et 2004), l’absence de lien entre saisonnalité et populations de rongeurs, avec une occurrence des cas sur toute l’année (voir le graphe en annexe 9). La cause de la flambée des cas est multifactorielle (FICHETCALVET et al., 2007). Les individus de tout âge peuvent être atteints, et l’infection touche autant les hommes que les femmes (OGBUA et al., 2007). c. Modes de transmission Les rongeurs infectés par le LASV le resteront durant toute leur vie, sans manifester le moindre symptôme. Ils excrètent les agents viraux par la salive, les sécrétions de l’appareil respiratoire supérieur, l’urine et le sang (OGBUA et al., 2007). La transmission d’animal à animal peut donc se faire par le contact avec ces excrétions, par morsure, mais également par l’inhalation d’aérosols transportant des particules d’excrétions. En effet, le LASV est stable lorsqu’il est transporté sous forme d’aérosol, et cette voie de contamination entre rongeurs a été démontrée expérimentalement. Il 95 semblerait que la transmission verticale ait également une part importante dans les cas de contamination entre rongeurs (YUN et al., 2012). La transmission de l’animal à l’Homme peut avoir lieu également par l’inhalation de ces particules ou bien lors de contact avec les excrétas infectés de rongeurs énumérés ci-dessus, sur un mode de transmission fécal-oral, ou par contact avec une peau abîmée (OGBUA et al., 2007). On s’est aperçu que les contaminations se produisaient souvent suite à des activités telles que la chasse des rongeurs réservoirs (avec les modes décrits ci-dessus, à savoir contact et inhalation), mais également suite à la consommation de leur viande (YUN et al., 2012). En Afrique, les rongeurs sont considérés comme une source de nourriture à la chair délicate, et peuvent être consommés par près de 90% de la population dans certaines zones (RICHMOND et al., 2003). La transmission inter-humaine est avérée, nettement observée en milieu hospitalier durant les épidémies de LASV en Afrique. En effet, de nombreux cas nosocomiaux sont par ailleurs survenus, associés à des taux de létalité élevés, de 36% à 65% (OGBUA et al., 2007 ; YUN et al., 2012). Là encore, il s’agit des mêmes modes de contamination que ceux décrits précédemment, auxquels se surajoutent la transmission par voie vénérienne, et la transmission transplacentaire (OGBUA et al., 2007). Des cas de transmission par le lait maternel ont par ailleurs été observés (ADEWUYI et al., 2009). A partir du moment où l’Homme est infecté, il représente une réelle menace pour les individus qui lui sont proches. Les virus sont excrétés au minimum pendant 30 jours (selon les produits de sécrétion) après la contamination, et sont présents dans le sang, l’urine, les selles, l’appareil respiratoire supérieur, la salive, le sperme… (OGBUA et al., 2007). La persistance virale est variable selon les sécrétions/excrétions : jusqu’à neuf semaines dans les urines, et jusqu’à trois mois dans le sperme par exemple (RICHMOND et al., 2003). iv. Étude clinique Les cellules dendritiques ainsi que les cellules de la lignée monocytaire sont les premières dans lesquelles se répliquent les virus juste après l’inoculation dans les études menées chez l’animal. La réplication a ensuite lieu localement au site d’inoculation (voie d’entrée par effraction cutanée, ou voie respiratoire…) ainsi que dans les nœuds lymphatiques régionaux. La dissémination dans l’organisme s’effectue alors par les voies lymphatique et sanguine via les monocytes infectés, atteignant les nœuds lymphatiques ainsi que de nombreux organes tels que le foie, la rate, les reins, les surrénales, le pancréas, le placenta dans le cas de la femme enceinte, les organes génitaux… (KHANA et al., 2008). Le foie est par ailleurs l’organe le plus touché, même si l’on observe une grande variabilité dans le degré d’atteinte des patients. Différentes phases sont décrites, de l’atteinte cellulaire, à l’hépatite proprement dite incluant la dégénérescence hépatocytaire, la nécrose et l’infiltration phagocytaire, jusqu’à la phase dans le meilleur des cas, de guérison hépatique. Néanmoins, lors des différentes études, aucune corrélation n’a été mise en évidence entre la clinique et les bilans hépatiques (YUN et al., 2012). 96 Des hémorragies peuvent survenir, suite à la libération de facteurs inhibant l’agrégation plaquettaire induite par le virus de Lassa. Une analyse sanguine met souvent en évidence une neutrophilie ainsi qu’une augmentation du nombre de cellules mononucléés, et une thrombocytopénie (KHANA et al., 2008). La maladie chez l’animal : Les données dont nous disposons montrent un portage viral asymptomatique chez les espèces réservoirs, c’est-à-dire les rongeurs. Les primates sont les seuls animaux chez qui l’on retrouve les mêmes symptômes que ceux manifestés par l’Homme. Ce sont donc ces espèces qui servent de modèle dans l’étude de la pathogénie du virus. La maladie chez l’Homme : L’incubation dure de 3 à 21 jours. L’évolution de la maladie se caractérise par différentes phases (voir le tableau 7). Les premiers symptômes correspondent à une phase fébrile avec une fatigue importante, des myalgies, de la toux, des maux de tête et des maux de gorge se manifestant chez un tiers des personnes et s’accompagnant généralement d’une pharyngite exsudative. Des troubles digestifs tels que nausées, vomissements, diarrhées, constipation et douleurs abdominales sont fréquemment observés (RICHMOND et al., 2003). Tableau 7. Les différents stades cliniques de la fièvre de Lassa (RICHMOND et al., 2003) Stade 1 (entre 1 et 3 jours) 2 (entre 4 et 7 jours) 3 (après 7 jours) 4 (après 14 jours) Symptomes Fatigue générale, malaises, fièvre élevée (>39°C) persistante, avec des pics à 10-41°C Maux de gorge (avec expectoration de lambeaux blanchâtres), céphalées, douleurs abdominales, à la poitrine, sur les côtés, au dos, conjonctivite, nausée et vomissements, diarrhées, toux productive, protéinurie, hypotension (pression systolique<100mmHg), anémie. Œdème facial, convulsions, saignements au niveau des muqueuses (bouche, nez, yeux), saignement interne, confusion mentale Coma et mort Des saignements surviennent chez moins d’une personne sur trois et assombrissent généralement le pronostic. La fièvre de Lassa fait par ailleurs partie des fièvres qualifiées d’hémorragiques. Le processus évolutif de la maladie entraîne une augmentation de la perméabilité vasculaire, responsable d’œdème facial, d’épanchement pleural, tous deux signes d’un pronostic sombre (KHANA et al., 2008 ; ADEWUYI et al., 2009 ; YUN et al., 2012). Bien qu’ils soient retrouvés chez environ un tiers des personnes infectés, les saignements, les œdèmes, les conjonctivites et pharyngites sont des symptômes fortement évocateurs de 97 la fièvre de Lassa, comparés aux signes observés dans les autres pathologies ayant un tableau initial identique (phase fébrile) (RICHEMOND et al., 2003 ; ADEWUYI et al., 2009). Des déficits auditifs allant jusqu’à la surdité se manifestent chez environ 29% des cas confirmés, et chez les individus présentant une surdité soudaine, la prévalence du taux d’anticorps s’élève à 81%. Ce signe clinique ne présage cependant en rien de la sévérité de la maladie, et de son évolution clinique (RICHEMOND et al., 2003 ). v. Diagnostic et dépistage de laboratoire On peut assez aisément isoler le LASV dès l’apparition des premiers symptômes jusqu’à plus de deux semaines plus tard, à partir du sang ou du sérum. Le virus est observable en microscopie électronique, et la présence des fameux « grains de sable » peut faire suspecter davantage qu’il s’agit d’un Arenavirus, et possiblement du virus de Lassa, compte tenu de l’anamnèse recueillie. Néanmoins, d’autres méthodes doivent être utilisées afin de mettre en évidence l’agent étiologique, et ainsi, de poser le diagnostic. Les méthodes sérologiques : La mise en évidence de la présence d’anticorps est une méthode fiable, pouvant être utilisée dès les premiers signes cliniques, jusqu’à très tardivement. La méthode ELISA permet de détecter la présence de l’antigène viral, ou bien la présence d’anticorps avec une sensibilité de 88% et une spécificité de 90%. Comparée à l’Immunofluorescence indirecte (IFI), la méthode ELISA paraît plus fiable puisqu’elle permet de détecter plus précocement et plus longtemps les anticorps (ADEWUYI et al., 2009). Par ailleurs, l’IFI ne permettrait d’identifier que 52% des personnes atteintes (RICHEMOND et al., 2003). Les méthodes moléculaires : La RT-PCR permettant la détection de la présence d’ARN viral, représente la technique la plus sensible (ADEWUYI et al., 2009). En effet, les études montrent que le diagnostic est confirmé chez 100% des patients dès le troisième jour de l’expression des symptômes (RICHEMOND et al., 2003). 98 vi. Moyens de lutte 1. Traitements Sitôt qu’une personne est suspecte d’être atteinte par la fièvre de Lassa, elle doit être isolée du reste de la population, placée dans des locaux hospitaliers appropriés, prenant en charge l’évacuation et la destruction de tous ses fluides et excrétas, en évitant qu’ils ne soient au contact d’autres personnes. Le personnel hospitalier doit mettre en place les mesures nécessaires au bon isolement du patient : port de masque, de lunettes, de gants… De plus, même après leur rétablissement, les patients continuent d’excréter le virus dans les urines et le sperme. Ainsi, des mesures de désinfection des toilettes et de protection du partenaire sexuel doivent êtres appliquées afin d’éviter les contaminations (ADEWUYI et al., 2009). Le traitement médical instauré réside essentiellement en une molécule, la guanosine, un analogue de la Ribavirine©. L’instauration de ce traitement permettrait de réduire le taux de mortalité de 55 à 5% lorsqu’il est administré par voie intraveineuse dans les six jours après la déclaration des premiers symptômes. Néanmoins, ces données proviennent d’une étude unique, publiée en 1986 (KHANA et al., 2008). Quant à la Ribavirine© elle-même, son efficacité vis-à-vis du LASV a été démontrée en 1979 par Joe MCCORMICK. Là encore, le succès du traitement réside dans l’administration la plus précoce possible, par voie intraveineuse, estimée comme étant trois fois plus efficace que la voie orale (KHANA et al., 2008 ; ADEWUYI et al., 2009). Le traitement par voie orale, reste, quant à lui, le traitement prophylactique de choix suite à un risque potentiel d’exposition. Cependant, il entraîne un nombre important d’effets secondaires et présente une efficacité faible (HADI et al., 2010). Dans le cas où une femme enceinte est atteinte, l’avortement doit être pratiqué afin de fournir à la mère toutes les chances de survie, puisque le fœtus, quant à lui, a un risque de 90% de mourir. Ceci s’explique par le fait que le virus présente une très forte affinité pour tous les tissus richement vascularisés et le placenta. La mère reçoit ensuite un traitement identique à toute autre personne infectée (ADEWUYI et al., 2009). Le coût du traitement médical à base de Ribavirine© par voie veineuse étant élevé pour les habitants d’Afrique, il a été décidé en 2007 de le faire figurer parmi la liste des médicaments de l’OMS, facilitant ainsi sa disponibilité et son utilisation dans les zones endémiques d’Afrique de l’Ouest (KHANA et al., 2008). Des traitements à base de différentes molécules (comme le ST-193) ou d’interféron sont actuellement expérimentés, avec des résultats expérimentaux encourageants (ADEWUYI et al., 2009). Un traitement de soutien doit être mis en place, incluant une bonne hydratation, la prise d’analgésiques de type opioïde, la transfusion de plaquettes, et d’autres éléments selon les résultats des analyses. Le monitorage est important pour la surveillance de la pression sanguine. Ainsi, en cas de choc, la transfusion de fluides (de type cristalloïdes) doit être prudemment contrôlée afin d’éviter toute augmentation de pression, et le risque de survenue d’un œdème pulmonaire. 99 2. Mesures prophylactiques Aucun vaccin n’est disponible actuellement (ÖLSCHLÄGER et al., 2013). Certaines précautions sont à prendre, et certaines attitudes à adopter afin de limiter les risques de contamination. Ainsi il conviendra d’éviter les déplacements dans les zones à risque, et de prévenir toute blessure. Il n’existe pas de moyen permettant de limiter la dissémination et la persistance virale au sein des réservoirs animaux. Ainsi, seules quelques instructions sont données aux populations, comme maintenir les rongeurs hors des habitations et des lieux de stockage de nourriture, ou de mettre en place de bonnes mesures d’hygiène (ADEWUYI et al., 2009). vii. Découvertes ou événements récents ÖLSCHLÄGER et al., 2013, pointent du doigt le problème posé par l’émergence de la fièvre de Lassa, et mettent en exergue les traitements qu’ils jugent prometteurs, et les démarches cliniques qu’il serait intéressant d’instaurer. Ainsi, l’un des vaccins les plus intéressants est la chimère ML-29, virus recombinant, composé du segment S du LASV et le segment L du MOPV. Ce vaccin a montré son efficacité et une bonne innocuité lors d’essais chez des primates non humains (absence d’élévation des paramètres hépatiques après vaccination puis infection par le LASV…). Les auteurs précisent qu’il est possible de mener des essais cliniques à grande échelle chez l’Homme: le LASV concerne des pays tropicaux parmi les plus pauvres de la planète, ayant d’énormes problèmes socio-économiques, incapables de financer des vaccinations. Ceci illustre le peu de profit que les industries pharmaceutiques peuvent espérer ; l’aide financière devrait donc selon ces auteurs être apportée par des organisations internationales non gouvernementales (ÖLSCHLÄGER et al., 2013). 100 d. Flavivirus (Encéphalites à tiques) i. Historique C’est au début des années 1930, dans des chantiers de défrichage en Sibérie que sont survenues les premières épidémies d’une maladie se manifestant par des atteintes du système nerveux central. Dans le même temps, des formes similaires sont décrites en Europe (Autriche notamment). Rapidement la maladie est reconnue comme une « encéphalite à tiques », étant donné les signes cliniques, et le lien établi avec les morsures de tiques (DE MARVAL et al., 1994). SCHNEIDER, est le premier, en 1931, à décrire cette pathologie en lien avec la saisonnalité. À partir de 1937, des recherches sont menées, et ZILBER parvient à isoler l’agent étiologique (DÖRRBECKER et al., 2010). En 1948, des chercheurs tchèques mettent en évidence le virus à partir du sang de patients et de tiques de l’espèce Ixodes ricinus, responsables de la transmission de l’encéphalite à tiques (TickBorne Encephalitis ou TBE en anglais) d’Europe centrale (DE MARVAL et al., 1994). La TBE a pris de l’importance en termes de santé publique depuis les années 1990. En effet, l’incidence annuelle ne cesse de croître dans de nombreux pays, et la maladie touche désormais des zones auparavant épargnées. Compte tenu de cette évolution, notamment en Europe, la Commission Européenne des maladies transmissibles a décidé le 5 septembre 2012 d'inscrire l'encéphalite à tiques sur la liste des maladies à déclaration obligatoire de l'Union Européenne (KUNZ, 2013). ii. Caractéristiques des virus 1. Description et systématique a. Diversité virale Le virus de l’encéphalite à tiques (TBEV) appartient à la famille des Flaviviridae et au genre Flavivirus. Ce genre comprend de nombreux virus transmis par les arthropodes (dont beaucoup par les moustiques), mais le TBEV, transmis par les tiques, demeure le plus important en termes de virulence avec un tropisme pour le système nerveux central humain. Couramment, on subdivise le genre en groupes selon l’espèce d’arthropode responsable de la transmission. Celui des Flavivirus à tiques regroupe de nombreuses espèces virales (tableau 8), avec deux subdivisions: les espèces virales principalement retrouvées chez les oiseaux et celles retrouvées chez les mammifères (SUSS, 2011). Dans cette dernière catégorie, on trouve le TBEV, mais également le virus du « louping ill » (LIV), le virus Powassan (POWV), le virus de la maladie de la forêt Kyasanur (KFDV), le virus de la fièvre hémorragique Alkhurma (AHFV), le virus Langat (LGTV), le virus Royal farm (RFV), le virus Karshi (KSIV), le virus Gadgets Gully (GGYV), ainsi que le virus de la fièvre hémorragique d’Omsk (OHFV). On désigne cet ensemble comme étant le sérocomplexe TBEV. Certains de ses membres sont connus pour provoquer des atteintes du système nerveux central de l’Homme et des animaux : TBEV, LIV et POWV, d’autres des manifestations hémorragiques : 101 OHFV, KFDV et AHFV, tandis que pour ceux qui restent, aucun cas d’affection connue chez l’Homme n’a été rapporté (MANSFIELD et al., 2009). On connaît 3 sous-types de TBEV, l’européen (TBEV-Eu), l’extrême oriental (TBEV-Fe) et le sibérien (TBEV-Sib). Les souches de TBEV-Fe et TBEV-Sib sont beaucoup plus diversifiées que celles de TBEV-Eu, néanmoins, les différentes souches de TBEV sont homogènes génétiquement (MANSFIELD et al., 2009). Les tiques vectrices varient selon le sous-type (en rapport avec la situation géographique). Différentes espèces de tiques peuvent transmettre le TBEV, mais deux principales ont été identifiées : Ixodes ricinus pour le TBEV-Eu, et I. persulcatus pour le TEBV-Fe et le TEBV-Sib (SUSS, 2011). Tableau 8. Tiques vectrices et aires géographiques des différents Flavivirus à tiques retrouvés chez les mammifères (MANSFIELD et al., 2009). Espèce virale Abréviation Virus de l’encéphalite à tiques (sous-type européen) Virus de l’encéphalite à tiques (sous-type sibérien) Virus de l’encéphalite à tiques (sous-type extrême oriental) Virus du louping ill Virus de l’encephalomyélite espagnole ovine Virus de l’encéphalite turque ovine Virus de l’encéphalite grecque caprine Virus Powassan Virus Kadam Virus de la fièvre hémorragique d’Omsk Virus de la maladie de la forêt Kyasanur TBEV-Eu Principale(s) vectrice(s) I.ricinus TBEV-Sib I.persulcatus Europe centrale et de l’ouest, pays scandinaves, Corées Russie, Finlande TBEV-Fe I.persulcatus Russie, Asie (Chine, Japon) LIV SSEV I.ricinus I.ricinus R-U, Irelande, Norvège Espagne TSEV I.ricinus Turquie GGEV I.ricinus Grèce POWV KADV OHFV Etats-Unis, Canada, Russie Ouganda, Arabie saoudite Ouest de la Sibérie Virus de la fièvre hémorragique Alkhurma Virus Langat Virus Karshi Virus Royal farm Virus Gadgets Gully AHFV I.cookei, I.marxi Rhipicephalus pravus Dermacentor reticulatus (D.marginatus) Haemaphysalis spinigera (Ixodes spp., Dermacentor spp., Haemaphysalis spp.) Ornithodorus savignyi LGTV KSIV RFV GGYV I.granulatus Ornithodorus papillipes Argas hermanni I. uriae Malaisie, Thaïlande, Sibérie Ouzbékistan Afghanistan Ile macquarie KFDV 102 tique(s) Distribution géographique Inde Arabie saoudite b. Structure Le TBEV est un virus de petite taille, de 40 à 60 nm de diamètre, de forme sphérique, et enveloppé (figure 20). Son génome est constitué d’un ARN simple brin. L’ORF (open reading frame) code pour trois protéines de structures : la protéine C de la capside, la protéine M membranaire (prM) et la glycoprotéine E de l’enveloppe (figure 21), et sept autres non structurales : NS1, NS2A, NS2B, NS3, NS4A, NS4B et NS5 (MANSFIELD et al., 2009). Figure 20 (ci-contre). Observation au microscope électronique du virus de l’encéphalite à tiques (STIASNY et al., 2007). Figure 21 (ci-dessous). Structures schématisées d’un Flavivirus (source: Swiss Institute of Bioinformatics, 2010). 100 nm 2. Facteurs de virulence et pathogénicité À ce jour, c’est essentiellement sur la glycoprotéine de surface E que se focalisent les études sur la virulence. Elle se présente sous la forme de dimères aplatis, parallèles à la membrane virale, dont la partie transmembranaire intervient dans la formation des nouveaux virions. Il s’agit du plus important déterminant antigénique viral (DE MARVAL et al., 1994). La protéine NS5 qui possède plusieurs activités nécessaires à la réplication virale (polymérase, méthyltransférase…), constitue également un antagoniste de l’interféron. Une fois que le virus est entré dans l’organisme, les premières cellules infectées sont les cellules épithéliales (DÖRRBECKER et al., 2010). Initialement, le virus se lie à des récepteurs membranaires de la cellule hôte, dont notamment l’héparane sulfate, par sa protéine E. Le virus est ensuite endocyté dans la cellule, au sein d’une vacuole constituée de clathrines, puis dans une vacuole prélysosomiale. Un pH bas au sein des endosomes, va permettre le changement de conformation de la protéine E, d’une forme dimérique à trimérique, initiant ainsi la fusion des membranes virale et endosomale par interaction protéique (MANSFIELD et al., 2009). La nucléocapside est alors libérée dans le cytoplasme de la cellule hôte, permettant ensuite la réplication de l’ARN viral dans la région périnucléaire de la cellule hôte, puis la synthèse des différentes protéines constitutives des nouveaux virions. Une fois devenus matures au sein de vésicules intracytoplasmiques, ces derniers sont relargués après 103 fusion avec la membrane plasmique de la cellule hôte, tout en induisant l’apoptose de la cellule infectée (RUZEK et al., 2010). L’infection virale entraîne initialement la mise en place des mécanismes d’immunité innée. Il s’ensuit des perturbations dans les systèmes de libération d’IFN (interféron), permettant la multiplication virale. Des cellules présentatrices d’antigènes migrent dans l’organisme via les vaisseaux lymphatiques notamment. Le TBEV se multiplie alors dans les nœuds lymphatiques, puis se répand par voie hématogène dans l’organisme. Les mécanismes d’immunité humorale se mettent en place, et, s’ils se révèlent insuffisants, le TBEV parvient à envahir le système nerveux central. La réaction immunitaire de type Th1 s’enclenche, responsable de dommages cellulaires importants par les cellules cytotoxiques (DÖRRBECKER et al., 2010). Le TBEV induit l’apoptose cellulaire, aboutissant à une nécrose tissulaire, accompagnée d’un état fortement inflammatoire. L’étude de RUZEK et al. (2010), a permis de mettre en évidence le rôle clé de l’immunité cellulaire dans le processus immunopathologique du TBE. En effet, les LT CD8 permettent l’installation des atteintes organiques, tandis que les LT CD4 participeraient à l’entretien et au développement de la pathologie. A l’inverse, les LT CD4 – Helper auraient un rôle protecteur. Cependant, l’ensemble des mécanismes n’est encore pas complètement élucidé. iii. Épidémiologie 1. Descriptive La distribution géographique du TBEV est large. La maladie est endémique dans 27 pays, s’étendant en Europe, Russie, et Asie (dont le Japon) (figure 22) (PETRI et al., 2010). Figure 22. Zones géographiques où l'encéphalite à tiques est endémique, ou a été détectée. On parle de «ceinture d’encéphalites à tiques » pour décrire l’étendue géographique observée (PETRI et al., 2010). 104 Le TBEV-Eu se rencontre dans différentes régions du Centre, du Nord et de l’Est de l’Europe, tandis que le TBEV-Fe est surtout présent en Russie, dans les états baltes, dans le Nord de la Chine, et au Japon, et le TBEV-Sib, initialement retrouvé en Sibérie, se rencontre également en Suède (PETRI et al., 2010). En Russie, Estonie, Finlande et Lituanie, on rencontre les trois sous-types, à des niveaux de prévalence variables selon les aires géographiques (PETRI et al., 2010 ; SUSS, 2011). Chaque année, en moyenne, de 10 000 à 12 000 cas de TBE sont déclarés. L’incidence est la plus élevée dans l’Ouest de la Sibérie (40 à 80 cas pour 100 000 habitants). D’une année à l’autre, peuvent s’observer d’énormes variations en termes d’incidence (jusqu’à 100%). Les cas sont globalement de plus en plus nombreux, on constate ainsi une augmentation de l’incidence de la TBE de 400% entre 1974 et 2003 (PETRI et al., 2010). Néanmoins, dans quelques pays, comme l’Autriche, on observe une diminution du nombre de cas, grâce notamment à la campagne de vaccination qui y est menée depuis 1981 (MANSFIELD et al., 2009). 2. Analytique a. Sources de contamination Le cycle de transmission du TBEV passe par la contamination de mammifères sauvages, dont principalement des rongeurs, suite à la morsure d’une tique infectée. Ainsi, Apodemus flavicollis, A. sylvaticus, et Myodes spp. sont les principaux hôtes réservoirs de TBEV-Eu, Apodemus agrarius et A. peninsula ceux de TBEV-Sib, et Myodes rufocanus et le campagnol commun (Microtus arvalis) ceux de TBEVFe (SUSS, 2011 ; JAENSON et al., 2012). Il a été montré que les tiques des stades larvaires et nymphales se nourrissent simultanément, et se logent préférentiellement au niveau des oreilles, ou d’autres régions de la tête des rongeurs (cf. figure 23 ci-contre). Ce repas sanguin « commun » favorise la transmission du virus de la nymphe infectée, à l’animal hôte, puis à la larve. Figure 23. Nymphes d'Ixodes ricinus sur un mulot sylvestre (A. sylvaticus) (MANSFIELD et al., 2009). Le chevreuil (Capreolus capreolus) représente la principale espèce sur laquelle se nourrissent et se reproduisent les tiques adultes. Par ailleurs, lors d’un repas sanguin effectué sur un chevreuil, une tique saine ne s’infecte pas. Ainsi, l’accroissement de la population de chevreuils qui a été observé il y a plus de 30 ans, a entraîné une recrudescence du nombre de tiques, mais une baisse de la pression infectieuse chez les autres espèces. 105 La dynamique de la population des chevreuils s’est ensuite inversée, déclinant depuis les années 1990, et donnant aux rongeurs une place privilégiée dans le cycle de vie de la tique (JAENSON et al., 2012). De nombreux autres mammifères sont des hôtes réceptifs et sensibles de TBEV : les caprins, les bovins et les moutons, qui constituent par ailleurs une source réelle d’infection pour l’Homme, comme nous le détaillerons plus loin. b. Facteurs de risque Plusieurs facteurs expliquent l’expansion géographique de l’agent : les changements climatiques, qui ont un impact sur la dynamique des populations de rongeurs et de tiques, le rôle des oiseaux migrateurs, porteurs de tiques infectées, et l’influence du comportement de l’Homme principalement. L’amélioration de la surveillance épidémiologique et diagnostique augmente également le nombre de cas déclarés (MANSFIELD et al., 2009). BORMANE et al., (2004), dans une étude de 1993 à 2002, ont estimé le taux moyen de tiques I. ricinus infectées par le TBEV, au stade adulte, entre 1,7 et 26,6%. Les niveaux de prévalence retrouvés chez I. persulcatus sont plus élevés, de 0 à 37,3% (SUSS, 2011). Par ailleurs, certaines conditions environnementales sont requises pour permettre le bon déroulement du cycle de vie des tiques : une hygrométrie supérieure à 85%, une température d’au moins 7°C, une disponibilité en hôtes à parasiter… Ainsi, le printemps et l’été sont les saisons les plus propices avec des conditions climatiques favorables, et une exposition de l’Homme accrue (activités de plein air nombreuses). Chez l’Homme, la sévérité de l’infection est liée à l’âge, à l’état immunitaire, et au type viral. Ainsi le TEBV-Fe est le sous-type qui induit le taux de mortalité le plus élevé (5 à 20% des cas, contre 0,5 à 2% des cas pour le TBEV-Eu) (PETRI et al., 2010). c. Modes de transmission La transmission à l’Homme et aux animaux s’effectue par morsure de tique infectée. La transmission à l’Homme peut également se faire par la consommation de lait non pasteurisé ou de produits dérivés du lait (cru) d’animaux infectés. Ce mode de contamination occupe une place croissante dans les pays d’Europe de l’Est et les états baltes (cf. figure 24 page suivante) (PETRI E. et al., 2010). 106 Figure 24. Les différents modes de transmission de la TBE (MANSFIELD et al., 2009). Œufs Larves Transmission transovarienne Prise de repas sanguins simultanés des nymphes et des larves de tiques Rongeurs sauvages Transmission à d’autres tiques adultes lors de l’accouplement Adultes Nymphes Transmission par morsure Transmission par morsure Homme Lait infecté (chèvre, brebis, vache) Grands mammifères 107 iv. Étude clinique Après la morsure de tique, le virus se retrouve dans les cellules de Langerhans puis migre via les vaisseaux lymphatiques et atteint les nœuds lymphatiques régionaux. Il entame sa réplication au sein de différentes cellules hôtes, envahit divers organes par voie hématogène, dont notamment le foie, la rate, et la moelle osseuse. Il atteint ensuite le système nerveux central en franchissant la barrière hémato-encéphalique. Les mécanismes expliquant ce passage restent pour l’instant hypothétiques : diffusion passive, transcytose, réplication dans les cellules endothéliales, passage par l’épithélium olfactif... (HAGLUND et al., 2003). Selon le sous-type viral impliqué, associé à l’état immunitaire du patient, on constate de grandes variations dans la présentation clinique, tout comme dans le pronostic (DÖRRBECKER et al., 2010). Chez l’animal : Les manifestations cliniques de la TBE chez les animaux sauvages semblent assez limitées. Quant aux animaux domestiques, ils sont en général asymptomatiques, mais sont réceptifs. En effet, des études de JUCEVICIENE et al. (2005), ont permis de mettre en évidence la présence d’anticorps anti TBEV circulants IgM et IgG chez ces derniers, corrélée au nombre de cas humains déclarés dans certaines régions d’Europe (MANSFIELD et al., 2009). Chez l’Homme : La durée moyenne d’incubation est de 8 jours (mais les observations s’étalent de 4 à 28 jours). En cas d’infection par le TBEV-Eu, responsable des formes les moins graves, on observe plusieurs phases (DÖRRBECKER et al., 2010). La première consiste en un ensemble de symptômes généraux non spécifiques de type syndrome grippal pendant 1 à 8 jours, à laquelle succède la deuxième phase asymptomatique de un jour à un mois, puis a lieu la dernière phase, avec un syndrome fébrile associé dans 20 à 30% des cas à une méningoencéphalite. Cantonnée aux méninges, l’infection déclarée reste d’un bon pronostic. A l’inverse, le pronostic est sombre si des signes, témoins d’une étendue de l’infection au cerveau (encéphalite), aux racines nerveuses (radiculite) ou à la moelle épinière (myélite), apparaissent (PETRI et al., 2010). Des infiltrations périvasculaires de cellules inflammatoires activées se produisent, et des phénomènes de dégénéréscence, nécrose et auto-lyse neuronale peuvent apparaître. Par ailleurs, on trouve dans le LCS (liquide cérébro-spinal) une pléocytose (100 à 300 cellules/µL) avec une majorité de granulocytes segmentés (60 à 70%) par rapport à la population lymphocytaire (30 à 40%) (HOLZMANN, 2003). De nombreuses cellules T activées sont présentes, et la production d’IL-10 est faible. Tout ceci met en évidence une forte réaction immunitaire, à l’origine d’une inflammation exacerbée (HAGLUND et al., 2003). Des signes de déficit de la perméabilité de la barrière hématoencéphalique sont par ailleurs observables avec un ratio d’albumine LCS/ albumine sérique augmenté. Le taux de létalité en cas d’atteinte par le TBEV-Eu est faible, autour de 1 à 2%. Si le TBEV-Fe est en cause, on observe une seule phase clinique dans 85% des cas. Les troubles neurologiques et les risques de séquelles sont bien plus élevés, et le taux de létalité peut atteindre 30% (DÖRRBECKER et al., 2010). 108 v. Diagnostic et dépistage de laboratoire La suspicion clinique doit ensuite être confirmée au laboratoire. Les prélèvements recueillis peuvent être du sang ou bien du LCS. La mise en évidence du virus peut être réalisée par observation au microscope électronique, mais cette technique est rarement utilisée, elle l’est seulement dans les cas aigus mortels en post mortem (HOLZMANN, 2003). Les méthodes sérologiques: Avec la mise en place de la réaction immunitaire humorale, la détection des anticorps IgG et IgM anti-TBEV est possible par la méthode ELISA. Les taux d’IgM sériques augmentent dans les 6 premiers jours après le début des symptômes neurologiques, diminuent après 6 semaines, tandis qu’ils atteignent un pic dans le LCS entre le 6 ème et 9ème jour après le début des signes cliniques. Pour les IgG, que ce soit dans le sérum ou dans le LCS, leur taux est maximal 6 semaines après la déclaration symptomatique (MANSFIELD et al., 2009). L’ELISA constitue la méthode de choix pour le diagnostic de la TBE (HOLZMANN, 2003). Les méthodes moléculaires: La PCR quantative à partir d’échantillons de LCS, la RT-PCR, capable de détecter l’ARN viral dans le sérum ou le LCS, avant l’apparition des anticorps ou bien la PCR multiplexe, permettant de différencier les sous-types viraux, peuvent être utilisées afin de confirmer un une TBEV, et présentent l’avantage de pouvoir être employées précocement (MANSFIELD et al., 2009). Cependant, elles restent peu utilisées puisque la suspicion est fondée sur les signes neurologiques ; or, à ce stade, le virus n’est plus présent dans le compartiment sanguin, ni dans le LCS (HOLZMANN, 2003). La figure 25 de la page suivante permet de visualiser les différentes phases cliniques, ainsi que les périodes les plus propices à l’emploi des différentes méthodes diagnostiques de laboratoire (HOLZMANN, 2003). 109 Figure 25. Courbe biphasique de l'infection par le TBEV. Les encadrés supérieurs désignent les phases de la maladie (virémie, suivie des symptômes neurologiques). Au-dessus de ceux-ci, on retrouve les méthodes diagnostiques pouvant être employées (isolement du virus (VIS pour Virus Isolation), PCR, ou tests sérologiques). Pour les courbes en rapport avec l’évolution des taux en anticorps en fonction du temps, « ab » désigne les anticorps spécifiques pour « specific antibodies » (HOLZMANN, 2003) vi. Moyens de lutte Actuellement, il n’existe pas de traitement médical efficace pour lutter contre la TBE. Seul un traitement symptomatique, à base de paracétamol, d’aspirine ou d’autres antiinflammatoires non stéroïdiens est prescrit. Dans les cas plus sévères, des corticostéroïdes sont parfois administrés, mais aucune étude n’a démontré un réel bénéfice. Enfin, dans les formes atteignant le système nerveux, l’hospitalisation avec monitorage constant des patients doit être réalisée, afin d’agir au plus vite en cas de troubles paralytiques, voire de coma (MANSFIELD et al., 2009). La vaccination préventive présente quant à elle une très bonne efficacité (entre 95 et 99%). Quatre vaccins sont actuellement sur le marché : un autrichien (FSME-Immun® de Baxter AG), un allemand (Encepur® de Novartis Vaccines and Diagnostics GmbH), produits à partir de souches de TBEV-Eu et deux russes à partir de souches de TBEV-Fe. Il a par ailleurs été constaté l’existence d’une immunité croisée entre les sous-types (MANSFIELD et al., 2009). 110 Les formules vaccinales ont été depuis leur apparition sur le marché retirées, modifiées, voire réintroduites (PETRI et al., 2010). Les administrations doivent néanmoins être répétées fréquemment pour maintenir une immunité prolongée efficace. La vaccination est à promouvoir dans les régions endémiques, ainsi que chez les populations davantage exposées (consommateurs de lait non pasteurisé, personnes ayant des activités de plein air, voyageurs…). Quant à la prévention post-exposition, l’injection d’anticorps spécifiques n’est pas encouragée, étant donné le peu de bénéfices comparés au risque de développer la maladie sur un mode plus aigu encore. Par ailleurs, certaines attitudes sont à adopter pour lutter contre le risque d’infection : comme la pasteurisation du lait, le port de vêtements couvrants, et l’usage de répulsifs vis-àvis des tiques (MANSFIELD et al., 2009). vii. Découvertes ou événements récents Récemment, en 2013, des scientifiques se sont réunis pour la quinzième fois consécutive afin de débattre des différents aspects épidémiologiques et thérapeutiques relatifs au TBEV. Si les recommandations du groupe d’experts de plus de 30 pays différents, connu sous le nom de “International ScientificWorking Group on Tick-borne encephalitis” (ISW-TBE), ont conduit à l’intégration de la TBE reconnue maladie émergente (KUNZ, 2013), dans la liste des maladies à déclaration obligatoire en septembre 2012, elle n’est cependant pas incluse dans la liste des dangers sanitaires de 2ème catégorie pour les espèces animales, qui a été précisée dans l’arrêté du 29 juillet 2013, ce qui peut être déploré. 111 2) Zoonoses bactériennes a. La peste i. Historique Lorsque l’on s’intéresse aux émergences zoonotiques, on ne peut s’empêcher d’évoquer la peste, maladie la plus mortifère de l’histoire de l’Humanité, caractérisée par des épidémies voire des pandémies successives, qui ont été responsables de pertes humaines dramatiques, et dont l’agent étiologique et le cycle de transmission sont restés longtemps inconnus. En effet, on connaît trois pandémies majeures de peste : - - - La première pandémie confirmée de peste, connue sous le nom de peste de Justinien, apparue au VIème siècle (541-767 après J.-C), a probablement débuté en Afrique centrale et aurait ensuite progressivement atteint le pourtour méditerranéen. Cet épisode stoppa la progression de l’Empire Romain (CARNIEL, 2002 ; DEMEUREA et al., 2009). La seconde, la fameuse peste noire, s’est propagée en Europe à partir du XIVème siècle. Elle serait possiblement d’origine asiatique, et se serait répandue via les principales routes commerciales. Suite à son implantation à l’est de la Méditerranée, l’extension de la maladie à l’Italie, la Grèce et la France aurait été fortement facilitée par les voyages maritimes, et la maladie se serait ensuite facilement répandue à l’intérieur des terres (CARNIEL, 2002 ; ZIETZ et al., 2004). Elle aurait tué plus du quart de la population européenne entre 1348 et 1352, et, persistant au sein du continent, aurait provoqué plusieurs vagues épidémiques jusqu’au XVIIIème siècle (DEMEUREA et al., 2009). Enfin, le troisième épisode pandémique débuta à Hongkong en 1894, et s’implanta durablement dans des régions du globe et pays encore indemnes jusqu’ici, tels que l’Amérique du Nord et du Sud, Madagascar ou encore l’Afrique du Sud. C’est notamment l’utilisation de la navigation à vapeur qui permit l’extension rapide à ces pays plus lointains. Cette peste est par ailleurs appelée peste des temps modernes (CARNIEL, 2002 ; DEMEUREA et al., 2009). En dehors de ces épisodes majeurs, des cas sont régulièrement apparus, sporadiquement, dans divers pays (ZIETZ et al., 2004). La maladie n’a jamais pu être éradiquée, et les foyers actuels sont en fait les séquelles des grandes pandémies passées (DEMEUREA et al., 2009). Par ailleurs, des faits historiques rapportés par les écrits peuvent faire suspecter d’autres épidémies antérieures à celles décrites ci-dessus, mais aucune analyse scientifique ne pouvant être réalisée en lien avec ces époques, on ne pourra émettre que des hypothèses à ce sujet. Sur la figure 26 de la page suivante, on retrouve les différentes voies de l’expansion des trois vagues pandémiques de peste (PRENTICE et al., 2007). 112 Figure 26. Etendue historique des différentes vagues pandémiques de peste (le chiffre encerclé indique la pandémie en question, et la localisation de ce cercle indique l’origine supposée de la pandémie). Nous précisons ci-dessous les biovars imputés à chacun des épisodes de peste (PRENTICE et al., 2007). 1) Biovar Antiqua en 541 après J-C. 2) « Peste Noire », biovar Medievalis en 1347. 3) Biovar Orientalis, 1894 Lorsque la peste des temps modernes atteint Hongkong en 1894, les gouvernements japonais et français envoient dans le même temps des personnes en mission, parmi lesquelles les bactériologistes Shibasaburo KITASATO et Alexandre YERSIN. Tous deux découvrent la même bactérie chez des rats morts dans les zones endémiques. KITASATO serait le premier à avoir décrit ce nouveau micro-organisme, comme l’atteste l’une de ses publications dans la revue The Lancet du 25 août 1894. Néanmoins, du fait de la description faite par YERSIN, avec toutes les précisions apportées concernant ce nouvel agent, il demeurera dans les mémoires que ce fut Alexandre YERSIN qui découvrit et identifia l’agent étiologique de la peste, et qui montra l’importance des rats en tant que réservoir de la bactérie. D’abord nommée « bacille de Yersin » puis « Pasteurella pestis », la bactérie sera définitivement appelée « Yersinia pestis » (ZIETZ et al., 2004). Paul-Louis SIMOND, du fait du tableau clinique observé, suspecte que des piqûres pourraient bien expliquer la survenue de bubons au point d’inoculation. Il démontre expérimentalement en 1898 le rôle de la puce dans la transmission de rat à rat (MOLLARET, 1991). Les travaux de YERSIN et SIMOND ont permis la mise en place de mesures de protection de la santé publique. 113 Sur le plan médical, un vaccin à bactéries vivantes atténuées, mis au point par GIRARD et ROBIC en 1934, utilisé dans les pays endémiques, a permis une diminution importante des cas de peste. Mais ce sont surtout les antibiotiques actifs contre Y. pestis, arrivés dès les années 40, qui permirent de faire chuter très fortement le taux de létalité de la maladie (DEMEUREA et al., 2009). Cependant, la maladie sévit toujours, et l’on assisterait même à une recrudescence significative des cas humains depuis une quinzaine d’années, justifiant ainsi qu’on la considère comme une maladie ré-émergente, notamment en Afrique centrale, de l’est et à Madagascar (DEMEUREA et al., 2009). ii. Caractéristiques de la bactérie 1. Description et systématique a. Structure Yersinia pestis (Y. pestis) est un bacille Gram négatif appartenant à la famille des Entérobacteriaceae et au genre Yersinia (figure 27), qui regroupe des bacilles de 1 à 3 µm de longueur sur 0,5 à 0,8 µm de largeur, à coloration Gram négatif, aérobies anaérobies facultatives, dépourvus d’oxydase, non sporulés, non capsulés, de forme variable (CRENN, 2004). Y. pestis n’est pas mobile (PRENTICE et al., 2007). Figure 27. Colonie de Yersinia pestis photographiée au microscope électronique. L'échelle représente 500 nm (source: Institut Robert Koch, Berlin). 114 b. Diversité bactérienne Ce genre regroupe au total 14 espèces dont seules Y. pestis, et certaines souches de Y.pseudotuberculosis et Y. enterolitica sont pathogènes pour l'Homme. Il existe de nombreuses souches (ou biovars) de Y. pestis. Nous en avons d’ailleurs eu un aperçu avec la carte évoquant les trois pandémies majeures, provoquées chronologiquement par les biovars Antiqua, Medievalis et Orientalis. Il existe un quatrième biovar, qui est Pestoides (ou Microtus). Seul Orientalis se trouve sur tous les continents (DERBISE et al., 2011). Néanmoins, le fait que ces biovars soient liés à chacune des vagues épidémiques respectivement est remis en cause. En effet, des analyses ADN réalisées à partir de dents de différents groupes de personnes, enterrées en tant que victimes supposées de la Peste Noire, mettent en avant l’hypothèse selon laquelle l’agent étiologique serait Y. pestis orientalis uniquement. Il en serait de même pour la peste du Justinien (PRENTICE et al., 2007 ; RAOULT et al., 2013). Par ailleurs, le typage génétique de différentes bactéries du genre Yersinia met en avant une similarité de nombreux locus entre Y. pestis et Y. pseudotuberculosis, suggérant que Y. pestis proviendrait d’un clone de Y. pseudotuberculosis ayant émergé récemment (entre 1500 et 20 000 ans). En effet, les deux espèces ont plus de 90% d’identité génomique, et 97% d’identité au niveau des séquences codantes (PRENTICE et al., 2007 ; BLANCHET, 2009). L’évolution et l’émergence de Y. pestis se seraient faites par perte de matériel génétique, inactivation de séquences codantes et acquisition de matériel génétique principalement sous forme de plasmides (BLANCHET, 2009). c. Résistance Les bactéries du genre Yersinia, présentent une bonne résistance dans l’environnement, pouvant survivre dans le sol, dans des milieux froids et humides. Leur croissance est dépendante de plusieurs facteurs (pH, température, lumière…). Elles restent sensibles à la dessiccation, à des températures élevées, et peuvent être détruites chimiquement (par l’action du phénol à 15%, du formol à 5%, du chlorure mercurique à 0,1%, de l’alcool à 75%, du chlorure de sodium à 0,58%, de la soude à 0,5 ou 1%, ou encore de la chloramine à 0,1%) (CRENN, 2004). 2. Facteurs de virulence et pathogénicité Il a été possible d’identifier les facteurs de virulence Y. pestis, et de mettre en avant les différentes étapes d’acquisition de ces derniers. La bactérie aurait acquis la possibilité d’infecter la puce, celle-ci devenant alors vectrice de la bactérie. Y. pestis après avoir été ingérée par la puce, se multiplie dans le système digestif, parvenant ainsi au proventricule, et empêchant ensuite le passage de la nourriture. La puce 115 ne peut ainsi que régurgiter, tout en tentant de continuer de se nourrir. La puce pique alors ses hôtes tout en leur injectant l’agent bactérien. Ce mode d’infection, par « blocage » de la puce et relargage de la bactérie ne se produit pas dans le cas de Y. pseudotuberculosis, et n’est possible qu’à cause de la présence de phospholipase D, codée par le gène ymt présent sur le plasmide pFRA (ou pMT1) qui sera détaillé dans le paragraphe suivant (RAOULT et al., 2013). Le génome de Y. pestis est constitué d’un chromosome et des plasmides pFRA, pPla (ou pPCP1 ou pPst),) et pYV (ou pCD1). On retrouve pYV chez les souches pathogènes de Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis tandis que pPla et pFRa sont spécifiques de Y. pestis (BLANCHET, 2009). Les plasmides présentent chacun des séquences codant pour un véritable arsenal de facteurs de virulence : - - - Le plasmide pPla joue un rôle essentiel dans le processus de dissémination de Y. pestis au sein de l’organisme hôte. Il code de plus pour une protéase Pla possédant une activité coagulase à 28°C et fibrinolytique (activateur du plasminogène) à 37°C. Le plasmide pFra est un grand plasmide qui comporte notamment les locus impliqués dans la production de la pseudocapsule peptidique (permettant de protéger la bactérie de la phagocytose par les cellules de l’hôte) constituée de polymères de l'antigène F1 ainsi que de la phospholipase D (YplA) évoquée précédemment. Cette dernière a un rôle avéré dans le blocage du proventricule de la puce (donc dans la transmission du bacille de la peste), et favoriserait par ailleurs la survie de Y. pestis dans l'intestin de la puce. Le plasmide de virulence pYV confère aux Yersinia qui le possèdent une cytotoxicité essentielle à l'expression de leur virulence. Il rend possible l’expression : o des gènes Yops (pour Yersinia Outer Proteins). Lorsque la bactérie entre en contact avec une cellule effectrice, elle injecte ainsi les Yops dans le cytosol de la cellule. Il en résulte une inhibition de la phagocytose et l'induction de la réponse inflammatoire. Ce mécanisme paralyse la réponse immunitaire innée de l’hôte qui est la première ligne de défense. Il permet aussi d’éviter la mise en place d’une réponse adaptative et favorise donc la prolifération de la bactérie dans l'hôte. Une des protéines Yop (YopM) entrainerait par ailleurs une déplétion des cellules NK. D’autres Yop (YopJ et P) seraient quant à elles impliquées dans l’apoptose des cellules cibles. o du gène YadA, qui code pour une adhésine de surface, permettant l’invasion cellulaire chez les mammifères. o du locus pil, qui est à l’origine de la synthèse de pili, permettant l’adhésion des bactéries aux cellules hôtes. o du LcrV, qui code pour un antigène de virulence intervenant dans l’échappement à la réponse immunitaire, également impliqué dans la régulation des protéines codées par les gènes Yops (CRENN, 2004). 116 Sur le chromosome bactérien se trouvent des gènes d’importance: - Le gène inv (pour invasion), code pour une protéine de la membrane externe, l’invasine, qui favorise la liaison des bactéries aux cellules épithéliales puis leur entrée dans les cellules, lors de la phase initiale de l’infection. - Le gène ail (pour attachment invasion locus), n’est retrouvé que chez les souches les plus pathogènes, et joue un rôle dans l’adhésion et la pénétration cellulaire. - Un îlot de 5 gènes nommés « îlot de haute pathogénicité » (HPI pour HighPathogenicity Island), présent chez certaines souches, est responsable d’un phénotype « haute virulence » de celles-ci. Il s’agit d’un ensemble de séquences génétiques codant pour des protéines, parmi lesquelles la yersiniabactine, un sidérophore permettant la capture du fer. Ainsi, le fer n’est pas un facteur limitant à la croissance bactérienne. Cet îlot présente d’autre part la faculté d’être « mobile » c’est-à-dire pouvant se perdre, s’intégrer à un autre locus ou encore se transmettre à une autre bactérie. Cet îlot est initialement situé dans un locus appelé pgm, contenant les gènes dits hms (hemin storage) c’est-à-dire les gènes conférant à la bactérie le caractère de pigmentation par capture d'hémine (BLANCHET, 2009). L’expression de la séquence HPI permet par ailleurs la formation d’un biofilm par l’entité bactérienne, lui facilitant d’une part la colonisation du proventricule de la puce, et lui conférant d’autre part une meilleure protection face aux interactions avec les cellules du système immunitaire des hôtes mammifères. La dissémination à partir du site d’inoculation de la piqûre de puce fait ensuite intervenir les facteurs fibrinolytiques codés par le plasmide pPLa (ou Ppst) (PRENTICE et al., 2007). La figure 28 de la page suivante permet de visualiser, schématiquement, l’acquisition des facteurs de virulence de Y. pestis. 117 Figure 28. Modèle évolutif de l'acquisition des facteurs de virulence, et de pathogénicité de Yersinia pestis (PRENTICE et al., 2007) 118 iii. Épidémiologie 1. Descriptive Même si la maladie ne présente de nos jours plus du tout le même aspect qu’à l’époque, les cas restent nombreux. Ainsi, près de 44 000 personnes atteintes ont été déclarées à l’OMS dans 26 pays au cours des vingt dernières années (DEMEUREA et al., 2009). Ce nombre est probablement sous-estimé. Des émergences ou réémergences sont par ailleurs régulièrement signalées. Nous détaillerons plus tard les différences cliniques que peut revêtir la peste, mais dès à présent, nous allons apporter quelques chiffres. La peste bubonique représente la forme la plus fréquente à travers la planète (80 à 95% des cas). En cas de traitement, son taux de létalité est de 10 à 20%, tandis qu’il est d’environ 70% dans le cas contraire. La peste se manifestant par un processus septicémique, sans apparition de bubons, plus rare, a un taux de létalité d’environ 22% avec traitement. Enfin, la forme la plus rare, pulmonaire, est aussi la plus mortifère avec un taux de létalité de 100% sans traitement, et de 50% avec traitement antibiotique (PRENTICE et al., 2007). A l’aide de modèles murins d’infection, il a été montré que l’injection d’une seule bactérie par voie veineuse, ou de moins de dix bacilles par voie sous-cutanée suffit à tuer la majorité des animaux. Ces observations, jointes au constat des conséquences de l’infection sur les populations humaines durant les siècles passés, a amené à considérer Y. pestis comme l’une des bactéries les plus pathogènes existant actuellement sur Terre (CARNIEL, 2002). Les cas de peste actuels sont recensés, pour plus de 90% d’entre eux, en Afrique. Durant l’année 2003 par exemple, 2118 cas ont été déclarés à l’OMS (dont 98,7% en Afrique), et parmi eux, 182 morts (dont 98,9% en Afrique) (SORABJEE, 2005). Les pays les plus touchés sont ceux d’Afrique centrale, de l’Est et Madagascar, viennent ensuite les pays d’Asie de l’Est et d’Asie centrale. Cependant, Madagascar représente le principal foyer endémique. À elle seule, l’île compte plus de 41% des cas répertoriés (17 000 cas répertoriés entre 1958 et 2008) (PRENTICE et al., 2007 ; RAOULT et al., 2013). Néanmoins, la bactérie reste présente dans de nombreux pays, étant donné l’environnement propice : vecteurs efficaces, pullulation des populations de rongeurs réservoirs, absence de surveillance, proximité avec l’Homme ... (PRENTICE et al., 2007). De nombreux cas récemment rapportés ont été déclarés dans le Nord de l’Afrique, en Libye et en Algérie, ainsi que dans le Sud-ouest des Etats-Unis, au Colorado, Californie, Texas et au Nouveau-Mexique (figure 29 page suivante) (RAOULT et al., 2013). 119 Figure 29. Recensement géographique des cas de peste de 1958 à 2008. Le nombre de cas est représenté par un carré, dont la taille augmente avec le nombre de cas recensés (RAOULT et al., 2013) Ainsi la peste, pourtant éteinte pendant des décennies, ré-émerge dans de nombreuses zones géographiques distinctes (tableau 9) (BLANCHET, 2009 ; DEMEUREA et al., 2009). Tableau 9. Ré-émergence récente de la peste dans des foyers que l'on croyait définitivement éteints (DEMEUREA et al., 2009) 120 2. Analytique a. Sources de contamination De nombreuses espèces de mammifères sont des hôtes du bacille de la peste, mais les rongeurs demeurent les réservoirs animaux principaux voire exclusifs (SORABJEE, 2005). b. Facteurs de risque La transmission est facilitée par le comportement adopté par l’Homme. En effet, celui-ci entre en contact avec les rongeurs via des activités telles que la chasse, l’agriculture, ou les loisirs (tourisme, camping…). La saisonnalité, les aléas climatiques (tremblements de terre, inondations, sécheresse…), les événements socio-économiques (guerres…) et les caractéristiques environnementales ont également un impact sur la prolifération des populations vectrices et réservoirs, sur leurs déplacements vers les zones urbaines et leur comportement (invasion des habitations par les rongeurs, infestation des lieux de stockage des denrées…) (SORABJEE, 2005 ; PRENTICE et al., 2007). La peste peut être considérée comme une ré-émergence zoonotique. Un élément expliquant en partie ce phénomène est la faculté qu’a la bactérie à se maintenir dans l’environnement (RAOULT et al., 2013). On considérait dans un premier temps que cette capacité était due à un portage chronique de la bactérie par certaines populations de rongeurs. Cependant, des études ont montré l’absence de la bactérie parmi les populations vectrices et mammaliennes durant ces longues périodes inter-épizootiques. De plus, aucune étude n’a pu démontrer chez les animaux réservoirs une possible « résistance » à la peste, entraînant son portage chronique sans répercussion clinique. L’explication alors avancée, serait le caractère tellurique du bacille, lui permettant de persister dans l’environnement. C’est Henri MOLLARET, médecin et biologiste français qui, en 1963, démontra expérimentalement que la bactérie est capable de survivre dans le sol (peste « endogée »), sans perdre de son pouvoir pathogène. Dès lors, apparaît une nouvelle notion, celle de « peste de fouissement », concernant la contamination des petits mammifères fouisseurs creusant leurs terriers. Une hypothèse est alors avancée, celle d’un cycle de l’agent de la peste, autre que puce/mammifère (rongeur)/puce…, qui serait sol/mammifère (rongeur)/puce/mammifère (rongeur). La contamination à partir du sol se faisant par l’inhalation ou l’ingestion de particules de terre contaminée (DRANCOURT et al., 2006). Néanmoins cette théorie est actuellement battue en brèche, car aucun autre auteur n’a démontré l’existence d’un tel cycle. Les foyers invétérés de peste seraient selon les conceptions les plus récentes uniquement tributaires d’une circulation entre des rongeurs sauvages et leurs puces. 121 c. Modes de transmission La transmission du bacille à l’Homme à partir des rongeurs, se réalise essentiellement par l’intermédiaire de la puce. La consommation de nourriture infectée (camélidés, rongeurs,…), la transmission via des blessures cutanées ou au niveau des conjonctives suite à des contacts avec des animaux infectés, sont des modes de transmission possibles, mais plus rarement décrits (DERBISE et al., 2011). Par ailleurs, ces modes de transmission sont à l’origine des différentes formes de peste, principalement la peste bubonique. En cas de peste pulmonaire, la contamination peut se faire également par l’inhalation d’aérosols contenant la bactérie. Les laboratoires dans lesquels l’agent bactérien est manipulé, représentent une autre situation à risque d’exposition (figure 30) (RAOULT et al., 2013). Figure 30. Modes de transmission des cas sporadiques humains de peste à partir d’animaux infectés (RAOULT et al., 2013) 122 La peste peut donc se transmettre par contact avec des animaux infectés (impliquant des morsures, des griffures, ou des effractions cutanées) ou par piqûre par leurs ectoparasites. De nombreuses espèces de puces (plus de 80) peuvent être vectrices de la bactérie, néanmoins, Xenopsylla cheopis, la puce du rat, reste la plus étudiée, et semble la plus efficace en termes de transmission de l’agent pathogène (DERBISE et al., 2011 ; RAOULT et al., 2013). Quant à la transmission inter-humaine, elle peut se réaliser par voie respiratoire, par l’inhalation d’aérosols (gouttelettes de Pflügge) riches en agents microbiens (mode s’avérant peu efficace, hormis lors de contacts rapprochés et répétés), ou bien se produire par l’intermédiaire de la puce de l’Homme (Pulex irritans) ou du pou de l’Homme (Pediculus humanus) (figure 31). Cette dernière voie de contamination apparaît comme étant celle expliquant les flambées de cas durant les vagues épidémiques, même si la transmission respiratoire n’y est pas étrangère (CARNIEL, 2002 ; RAOULT et al., 2013). Figure 31. Modes de transmission des cas humains durant les pandémies de peste (RAOULT et al., 2013) 123 iv. Étude clinique La peste peut revêtir les différentes formes cliniques suivantes chez l’Homme : - La peste bubonique est la plus fréquente. Lors de la piqûre par une puce infectée, le bacille est inoculé par voie sous-cutanée. La multiplication locale des bactéries peut parfois faire apparaître une phlyctène (signe inconstant mais de forte valeur diagnostique), prémice d’une croûte noirâtre nommée « charbon pesteux ». Puis se produit la migration vers les ganglions régionaux par voie lymphatique, entraînant une adénomégalie après 2 à 6 jours d’incubation. On parle alors de bubons, pour désigner ces ganglions hypertrophiés, particulièrement douloureux, d’aspect lisse, de consistance dure et de la taille d’une noix (certains peuvent néanmoins atteindre 8 à 10 cm) (SORABJEE, 2005 ; DERBISE et al., 2011). En l’espace de quelques heures, les agents bactériens se multiplient, entraînant un processus infectieux et inflammatoire se généralisant, et affectant de multiples nœuds lymphatiques. Ceux généralement atteints sont les nœuds cervicaux (figure 32), sous-maxillaires, axillaires, cruraux, et surtout inguinaux (PRENTICE et al., 2007). Figure 32. Bubon cervical chez une personne atteinte de peste bubonique à Madagascar (PRENTICE et al., 2007). Des signes généraux accompagnent ces manifestations cliniques : hyperthermie, malaises, maux de tête, troubles comportementaux, troubles digestifs… A partir des bubons, les bactéries empruntent les voies lymphatiques et sanguines, colonisant ainsi de nombreux organes (foie, rate, cerveau…), provoquant des foyers abcédés voire nécrosés. La bactériémie peut être suivie d’un processus septicémique incontrôlé, pouvant être à l’origine d’une coagulation intra vasculaire disséminée (CIVD), avec un état de choc, et une défaillance multi124 systémique (SORABJEE, 2005 ; DERBISE et al., 2011). Un purpura et des pétéchies peuvent alors apparaître, signes de troubles de la coagulation. La coloration cutanée plus sombre en résultant est à l’origine de l’appellation de « peste Noire ». Chez 10 à 20% des personnes atteintes, les bacilles migrent jusqu’au niveau des poumons, affectant fréquemment plusieurs lobes. Les répercussions cliniques sont alors l’hypoxie et la détresse respiratoire. On assiste alors à une peste pulmonaire apparue secondairement à une peste bubonique (SORABJEE, 2005). - La peste pulmonaire peut également apparaître de façon primaire. La transmission du bacille se produit dans ce cas par inhalation d’aérosols infectieux, et les agents bactériens atteignent directement la sphère pulmonaire. Cette forme clinique est très contagieuse (DEMEUREA et al., 2009). L’incubation est très courte (de quelques heures à deux jours), et les signes généraux apparaissent sur un mode très aigu : température corporelle supérieure à 40°C, altération marquée de l’état général, cyanose des extrémités, tachycardie, arythmie, céphalées, voire coma. Quant aux atteintes pulmonaires, elles apparaissent au moment de la phase d’état (après 48 h) et se traduisent par une détresse respiratoire, une forte douleur thoracique, de la toux, pouvant s’accompagner d’expectorations sanguinolentes prenant un aspect « sirop de framboises », accompagnés parfois de signes neurologiques (DEMEUREA et al., 2009 ; DERBISE et al., 2011). L’évolution vers la mort se produit dans 100% des cas en l’absence d’une antibiothérapie précoce et adaptée, et en moins de quatre jours (CARNIEL, 2002 ; DERBISE et al., 2011). La gravité des symptômes, additionnée à la possibilité de transmission de la bactérie par voie respiratoire, fait de Y. pestis un possible agent de bioterrorisme (PRENTICE et al., 2007). - La peste septicémique est moins fréquente que les deux formes précédentes, elle apparaît dans 10 à 25% des cas de peste (PRENTICE et al., 2007). Elle se manifeste suite à la transmission de bacilles directement dans le compartiment sanguin, au travers d’effractions cutanées ou à partir d’une conjonctive par exemple. Le mode d’apparition des symptômes est suraigu, avec un état de choc, une hypotension sévère, sans apparition de bubons (PRENTICE et al., 2007; DERBISE et al., 2011). L’évolution vers la mort se produit en l’espace de quelques heures seulement (DERBISE et al., 2011). - La peste méningée est une forme très rare, qui se rencontre chez des patients partiellement traités. Ses principaux signes sont d’ordre neurologique, avec essentiellement comme symptôme une méningite (SORABJEE, 2005). Le schéma qui suit (figure 33) présente les différents aspects possibles de la peste, et notamment les évolutions possibles, à partir d’une forme bubonique (SORABJEE, 2005). 125 Figure 33. Tableaux cliniques simplifiés des différentes formes de peste (SORABJEE, 2005) v. Diagnostic et dépistage de laboratoire Dans le cas de la peste, on ne réalise pas de dépistage étant donné les temps d’incubation courts, la symptomatologie aiguë de la pathologie, et son évolution rapide, le plus souvent défavorable en l’absence de mise en place d’un traitement adapté. Quant au diagnostic, il est dépendant de la forme de peste présentée par les patients. Dès l’apparition des signes évocateurs, dans un contexte épidémiologique compatible avec la manifestation d’une forme de peste, le diagnostic doit être rapidement porté, et un traitement spécifique adapté et précoce doit être instauré. Ainsi, dans le cas de la peste bubonique, les prélèvements se réalisent au niveau des bubons. Après désinfection de la peau, le ganglion est ponctionné. Le plus souvent, le volume aspiré est faible, et correspond à des sérosités ensanglantées. Dans le cas de la forme pulmonaire, les prélèvements consistent en des écouvillonnages pharyngés (le bacille étant présent en quantités importantes dans les expectorations respiratoires). Enfin, dès l’instant où le stade de la maladie est avancé, et dans le cas de la peste septicémique, la bactérie peut être isolée dans le sang périphérique. En post-mortem, il est possible d’établir le diagnostic à partir de l’analyse de pièces d’autopsie (rate, foie, poumons…) ou d’une ponction hépatique (DERBISE et al., 2011). 126 Si les analyses doivent être reportées, la conservation des échantillons doit se faire à basse température (4°C) car le bacille de la peste est sensible à la chaleur et à la dessication. De plus, l’ensemencement en gélose profonde ou en milieu de transport de Carry Blair sont parfois nécessaires (DERBISE et al., 2011). Des précautions sont à prendre vis-à-vis des éventuels risques d’exposition du personnel de laboratoire, en indiquant la nature des prélèvements, et la suspicion en cause (PRENTICE et al., 2007). Examen direct sur lame : L’examen peut être fait à partir d’un frottis sur lame, après coloration. La coloration de Gram permet de mettre en évidence le caractère Gram négatif du bacille (SORABJEE, 2005). Classiquement, on utilise les colorations Wright-Giemsa et de Wayson pour Y. pestis, permettant de mettre davantage en évidence la coloration bipolaire de la bactérie (PRENTICE et al., 2007). Identification après mise en culture: La mise en culture est possible sur les milieux gélosés et liquides usuels. Néanmoins, l’emploi de milieux sélectifs CIN (Celfsulodin, Irgasan, Novobiocin) permet d’éviter la prolifération de plusieurs types bactériens en cas de prélèvements contaminés. La prise en compte des caractéristiques de Y. pestis est essentielle pour la lecture des géloses (température de croissance optimale entre 25-28°C, colonies bien visibles seulement après 48h car temps de génération deux fois plus long comparé aux autres entérobactéries…) (figures 34 et 35). Le bacille étant fragile, et les germes contaminants pouvant inhiber sa croissance, l’inoculation des échantillons suspects d’être infectés à l’animal, peut parfois être pratiquée, afin de « filtrer » biologiquement les échantillons, qui seront eux aussi ensemencés, afin d’accroître les chances d’isoler la bactérie (DERBISE et al., 2011). Figure 34. Aspect caractéristique d'une culture liquide de Y. pestis (tube de droite) (DERBISE et al., 2011). Y. pestis se développe lentement en milieu liquide et ne trouble pas le bouillon de façon homogène : les bactéries forment un léger voile en surface et des agrégats bactériens floconneux au fond du tube. A gauche : culture liquide de Y. pseudotuberculosis. 127 Figure 35. Aspect des colonies de Y. pestis cultivées pendant 72h sur boîte LB-hémine à 28°C (DERBISE et al., 2011). Elles peuvent présenter un aspect polymorphe. NB : A 24h, les colonies sont à la limite de la visibilité. La distinction entre Y. pestis et Y. pseudotuberculosis est essentielle et parfois complexe. En effet, les deux espèces présentent une grande homologie, et, pour certains critères, que l’on pensait spécifique à chaque type bactérien, il s’avère qu’ils sont susceptibles de fluctuer (voir les caractères biochimiques et phénotypiques en annexe 10). De plus, même si les tableaux cliniques sont parfois proches, les mesures à mettre en place, et les pronostics vitaux sont cependant totalement différents (PRENTICE et al., 2007). Identification après utilisation d’un phage lytique : Dans le diagnostic de la peste, un phage lytique pour Y. pestis peut être utilisé, notamment dans les cas où l’identification bactériologique n’est pas possible. La spécificité de cette technique est néanmoins médiocre, étant donné que le phage lyse également certaines souches de Y. pseudotuberculosis et d’E. coli (PRENTICE et al., 2007; DERBISE et al., 2011). Immunodétection : Plusieurs tests sont basés sur la détection de l’antigène F1, protéine présente dans la capsule du bacille. Des tests rapides ont été développés, basés sur le principe de l’immunochromatographie en bandelette, pouvant être réalisés directement au chevet du patient. Ce test, présentant une sensibilité et une spécificité satisfaisante, constitue une avancée majeure dans le diagnostic précoce de la peste, et peut se réaliser facilement. Il est utilisé dans des zones endémiques telles que Madagascar, la République démocratique du Congo, le Mozambique, le Malawi et la Tanzanie (PRENTICE et al., 2007; DERBISE et al., 2011). Toujours vis-à-vis de l’antigène F1, d’autres techniques ont été mises au point, telles que l’ELISA-capture, où des biosenseurs couplent l’antigène à des billes magnétiques ou à des particules de phosphore. Cependant, elles ne permettent l’obtention des résultats que 128 beaucoup plus tardivement, et nécessitent un équipement plus sophistiqué. Contrairement à la technique d’immunochromatographie en bandelette, elles ne disposent d’aucune validation (DERBISE et al., 2011). Sérodiagnostic : Il permet de mettre en évidence des anticorps circulants anti-F1. Plusieurs tests ont été développés (PRENTICE et al., 2007). Les plus couramment employées sont les techniques d’hémagglutination passive des globules rouges de mouton (PHA), la plus facile d’utilisation mais affichant une sensibilité et une spécificité médiocres, et l’ELISA. La fixation du complément et les méthodes radioimmunologique (par fixation d’antigènes radioactifs) peuvent également être employées. Les tests sont donc imparfaits, et ne peuvent affirmer le diagnostic de peste (étant donné l’existence de réactions croisées). Par ailleurs, ils peuvent être employés de 6 à 10 jours après le début de l’infection, et être renouvelés 15 jours plus tard pour conforter le diagnostic (DERBISE et al., 2011). Deux tests sérologiques en bandelettes existent, permettant une détection rapide des anticorps anti-F1 et présentant une facilité d’emploi sur le terrain, - SIgT, qui détecte les immunoglobulines totales anti-F1 chez l’homme et les animaux. - HIgM, qui permet de rechercher les IgM anti-F1 dans le sérum de l’homme, dès trois jours après l’apparition des premiers symptômes. Ils présentent néanmoins une sensibilité inferieure à celle du test ELISA (DERBISE et al., 2011). Méthodes moléculaires : Les méthodes basées sur l’amplification de l’ADN génomique sont largement employées. En effet, elles présentent l’immense avantage d’analyser simultanément un grand nombre d’échantillons, et peuvent donner un résultat positif même si les échantillons renferment des germes tués. Celles basées sur les techniques de PCR en temps réel sont de plus, extrêmement rapides, permettant une lecture des résultats en l’espace de quelques heures. La plus employée reste celle ciblant le gène cpla, situé sur l’un des plasmides (PRENTICE et al., 2007). Cependant, ces techniques restent encore peu employées dans les zones endémiques, et les prélèvements biologiques polycontaminés, contiennent souvent des inhibiteurs de la réaction PCR. Une nouvelle technique, qui n’affiche cependant pas de très bons résultats actuellement, permet de détecter les ARNm de l’antigène F1 par hybridation in situ à l’aide de sondes nucléiques fluorescentes (FISH). Quant au typage de l’espèce, certaines méthodes moléculaires peuvent apporter une aide à l’identification précise du biovar. Une des premières méthodes employées, repose sur le ribotypage, c’est-à-dire sur l’analyse des gènes codant les ARN ribosomaux. Cependant, la méthode est insuffisamment discriminante. L’électrophorèse en champs pulsés (ECP), à l’inverse, est une technique beaucoup plus fine pour la différenciation des souches. Les méthodes les plus fiables demeurent celles basées sur l’analyse des profils d’hybridation de l’ADN bactérien avec des séquences d’insertion (3IS-RFLP) ou d’amplification de courtes séquences répétées polymorphes, les VNTR (technique MLVA) (DERBISE A. et al., 2011). 129 Certaines méthodes seront donc, selon le contexte, plus facile à mettre en œuvre, d’autres seront privilégiées en termes de rapidité de résultats (PRENTICE et al., 2007). Cependant, un pronostic favorable ne peut être obtenu que si un traitement a été mis en place le plus tôt possible. C’est pourquoi, sitôt la mise en évidence de la présence de bactéries Gram négatif dans un prélèvement de bubon, le patient est immédiatement mis sous traitement antibiotique. En effet, il existe très peu d’espèces bactériennes Gram négatif capables d’engendrer de telles hypertrophies ganglionnaires. Par ailleurs, le tableau clinique, additionné à l’anamnèse, aux examens complémentaires et à la mise en évidence de l’agent (même sans typage précis), sont de bons indicateurs d’une infection par le bacille de la peste. Ainsi, même si le diagnostic n’est pas établi avec une certitude de 100%, le traitement initié à titre préventif, peut finalement s’avérer l’être à titre curatif (RAOULT et al., 2013). vi. Moyens de lutte 1. Traitements Les traitements pouvant être instaurés en cas d’infection avérée ou supposée par Y. pestis sont de trois types : préventif, curatif et vaccinal. Le premier, d’ordre prophylactique, est mis en place lorsqu’un individu est entré en contact récent avec une personne connue comme atteinte de peste, ou lorsque cet individu se trouve dans une zone épidémique (CARNIEL, 2002). Le traitement actuel consiste en une prise orale d’antibiotiques, des sulfamides ou des cyclines (DERBISE et al., 2011 ; RAOULT et al., 2013). Le cotrimoxazole représente une autre alternative (DEMEUREA et al., 2009). Le traitement curatif, intervient quant à lui lorsque l’individu est reconnu comme pestiféré, notamment d’après la symptomatologie. L’efficacité du traitement étant tributaire de la rapidité de sa mise en place, l’instauration du traitement se fait le plus précocement possible, même sans diagnostic de laboratoire de certitude. Lors de la prise en charge des patients pestiférés, on considérait globalement, que tous les antibiotiques actifs contre les bactéries Gram négatif, l’étaient contre Y. pestis. Néanmoins, l’OMS préconise que le traitement soit basé sur trois antibiotiques, plus efficaces, utilisés seuls ou en association selon l’intensité des symptômes (CARNIEL, 2002 ; DEMEUREA et al., 2009) : - la streptomycine administrée en IM (intramusculaire) deux fois par jour, avec un relais par voie orale de sulfamides ou de cyclines, dès amélioration de l’état du patient. - les tétracyclines administrées en PO (per os). - le chloramphénicol, dans les formes méningées, administré en IV (intraveineuse) puis en PO. Dans le cas des formes évoluées, avec manifestation d’une insuffisance respiratoire, et/ou la survenue d’un état de choc septique, les patients doivent être monitorés en service de soins intensifs, avec mise en place d’un traitement de soutien (DEMEUREA et al., 2009). 130 D’autres antibiotiques, comme les fluoroquinolones ou la gentamicine, affichent une bonne efficacité dans les modèles expérimentaux, mais restent encore insuffisamment évalués chez l’Homme, du fait de leur utilisation à petite échelle dans les seuls cas où les molécules préconisées par l’OMS sont indisponibles (DEMEUREA et al., 2009 ; DERBISE et al., 2011). L’apparition de phénomènes de résistance n’épargne cependant pas le bacille de la peste. En 1995, une souche résistante à la streptomycine a été isolée chez un malade atteint de peste bubonique à Madagascar. Toujours à Madagascar, dans le même temps, chez un autre patient, une autre souche multirésistante a été identifiée (RAOULT et al., 2013). Le point commun entre ces deux souches est la présence d’un plasmide conjugatif différent, porteur des déterminants génétiques de résistance, acquis par transfert horizontal (DEMEUREA et al., 2009). Apparemment, ceux-ci sont très répandus chez les entérobactéries d’origine alimentaire isolées aux Etats-Unis, et certainement dans de multiples endroits à travers le monde. Des études ont par ailleurs montré que l’acquisition par Y. pestis de ce type de plasmides se produit dans l’intestin de la puce (DERBISE et al., 2011). Ces observations, montrant la capacité du bacille de la peste à acquérir par transfert horizontal des facteurs de résistance, font craindre l’émergence de souches multirésistantes, et par la suite, les possibles répercussions en termes de santé publique (DEMEUREA et al., 2009 ; DERBISE et al., 2011). 2. Vaccination La vaccination permettrait de protéger les populations, et d’éviter l’émergence de résistances favorisées par les traitements massifs à base d’antibiotiques. Les premières tentatives vaccinales datent de 1934 (DERBISE et al., 2011). Initialement à base de vaccins à bactéries vivantes atténuées, puis à base de bactéries tués, les résultats n’ont pas été très concluants, et ont rapidement conduit à l’abandon de cette méthode de lutte : courte durée de protection, mauvaise tolérance, nombreux effets secondaires et absence d’efficacité dans les formes pulmonaires (CARNIEL, 2002). De nos jours, aucun vaccin n’est disponible, mais des essais sont en cours avec l’emploi de vaccins acellulaires constitués de protéines purifiées uniques ou en association (antigène capsulaire F1, antigènes plasmidiques V… (figure 36) ayant déjà montré leur efficacité chez les primates (DEMEUREA et al., 2009 ; DERBISE et al., 2011). D’autres approches vaccinales utilisent des souches vivantes obtenues à partir de mutants de Y. pestis rendus avirulents par délétion de gènes tels que dam, yopH ou pcm ou par insertion d’un gène d’E. coli modifiant le lipopolysaccharide. D’autres stratégies sont proposées, consistant en l’administration par voie orale d’une souche de Y. pseudotuberculosis de virulence atténuée ou d’une Salmonella avirulente exprimant les antigenes F1 et V (DEMEUREA et al., 2009). 131 Figure 36. Représentation schématique de Y. pestis et des différentes cibles vaccinales testées pour leur effet protecteur contre la peste (DEMEUREA et al., 2009). 3. Mesures sanitaires de prévention Les mesures sanitaires, même si elles sont dépendantes de la forme clinique de la peste, du caractère endémique ou épidémique, reposent, de manière générale sur : - l’application d’insecticides dans les habitations (PRENTICE et al., 2007; DERBISE et al., 2011). - l’éloignement des rats des lieux habités, en protégeant les garde-mangers, en évacuant rapidement les ordures, et en ne permettant pas leur installation (débroussaillage…), voire en menant des campagnes de dératisation en cas de pullulation des populations de rongeurs (DERBISE et al., 2011). - L’absence de manipulation d’animaux morts, dont le contact direct et l’inhalation de particules émises peuvent être responsables de la contamination de l’Homme, surtout en cas de présence de puces sur les corps infectés, fortement à risque 132 - pour l’Homme car s’y attaquant préférentiellement au détriment des animaux morts (RAOULT et al., 2013). la mise en quarantaine des individus infectés, ainsi que le port de masques, de lunettes et de gants par les individus atteints et les personnes éventuellement en contact (PRENTICE et al., 2007). La peste est à l’heure actuelle une maladie à déclaration obligatoire. vii. Découvertes ou événements récents Certains auteurs vont à l’encontre de faits pourtant considérés à l’heure actuelle comme admis dans la pensée scientifique. Ainsi, HUFTHAMMER et al., (2013) remettent en doute l’idée selon laquelle le rat noir (Rattus rattus) serait impliqué, en tant que source de Y. pestis durant les pandémies du Justinien et du Moyen-Âge. Leurs études, basées sur les événements survenus dans les pays nordiques, tendent à prouver que durant ces pandémies le bacille se serait principalement transmis de l’Homme à l’Homme par piqûre de puce (P. irritans) ou de pou (P. humanus). Ils suggèrent qu’il en serait de même pour les autres pays d’Europe, situés plus au Sud. A l’inverse, le rat noir aurait eu un rôle majeur dans les pandémies de peste survenues à partir de 1894, qui se sont manifestées par une progression plus lente comparée aux pandémies antérieures (HUFTHAMMER et al., 2013). 133 b. Autres yersinioses Parmi les autres espèces appartenant au genre Yersinia, Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis retiendront notre attention, étant donné leur pouvoir zoonotique et leur caractère émergent. En effet, on assiste depuis plusieurs années, à une hausse du nombre de cas humains atteints par ces agents pathogènes ayant comme réservoir les rongeurs. La peste constituant un cas « à part », a été traitée précédemment, mais nous traiterons les yersinioses à Y. enterocolitica et à Y. pseudotuberculosis simultanément dans les paragraphes qui suivent. i. Historique Y. pseudotuberculosis : Les premières observations d’une maladie ressemblant fortement à la tuberculose sont faites chez des cobayes en 1883 par MALASSEZ et VIGNAL. Les rongeurs avaient été inoculés avec des contenus nodulaires cutanés d’un enfant décédé de méningite tuberculeuse. Le bacille tuberculeux n’a pas été mis en évidence, mais des bactéries retrouvées « en amas » ou « zooglées » ont été décrites. Les auteurs ont parlé de tuberculose zoogléïque, tandis que communément, l’agent bactérien est évoqué sous le nom de « bacille de MALASSEZ et VIGNAL ». Des désignations diverses sont ensuite données à la pathologie observée, dont le terme de pseudotuberculeuse par ELBERTH en 1885. PREISZ, en 1894, ayant observé une plus forte incidence de la maladie chez les rongeurs, parle de « pseudotuberculosis rodentium ». Longtemps considérée comme une maladie purement animale, les premiers cas humains associés à cette maladie des rongeurs sont rapportés au début du XXème siècle. En 1910, ALBRECHT décrit la forme localisée humaine, et la même année, le germe est isolé chez l’Homme. La maladie apparaît dans les premiers temps comme étant rare, mais au début des années 50, KNAPP montre le lien entre les cas de lymphadénite mésentérique ou pseudo-appendicite, et la présence de la bactérie dans l’organisme. Grâce à MOLLARET en 1959, la maladie s’étudie plus facilement avec la mise en place de tests par intradermoréaction. A l’heure actuelle, les cas d’infections à Y. pseudotuberculosis semblent décroître, au profit des infections à Y. enterocolitica (CRENN, 2004). Y. enterocolitica : En 1923, aux Etats-Unis, les premiers cas, qui seront plus tard connus comme des manifestations cliniques dues à une infection à Y. enterocolitica sont décrits chez des enfants, victimes d’iléite ou d’entérocolite (AMOS, 2003). En 1934, McIVER et PIKE décrivent sous le nom de Flavobacterium pseudomallei le coccobacille Gram négatif qu’ils isolent d’un abcès facial chez un travailleur agricole (BOTTONE, 1999). Chez des patients atteints d’entérocolite, différentes souches bactériennes sont isolées et décrites en 1939 par SCHLEIFSTEIN ET COLEMAN. Elles semblent apparentées au bacille observé par MALASSEZ et VIGNAL, et à Actinobacillus lignieresi. A cette période, ils ne parviennent pas à nommer les organismes qu’ils observent. Mais, en 1943, ils parlent de Bacterium enterocoliticum, du fait de leur localisation entérique. FREDERIKSEN, en 1964, étudie de nombreuses souches isolées 134 chez des chinchillas, parmi lesquelles, deux Bacterium enterocoliticum. Il estime que les différences par rapport à Yersinia (ex-Pasteurella) pseudotuberculosis nécessitent de considérer cette bactérie comme une nouvelle espèce, laquelle justifie cependant d’appartenir au même genre du fait de leur proximité. Ainsi est proposé le nom de Yersinia enterocolitica (AMOS, 2003). Aux Etats-Unis, en 1976, plus de 220 enfants et employés d’un même quartier de l’Etat de New York, sont touchés par des troubles digestifs après avoir consommé à l’école un lait chocolaté contaminé par Y. enterocolitica O:8. Dès lors, la maladie a été considérée comme un problème de santé publique (BOTTONE, 1999). ii. Caractéristiques bactériennes 1. Particularités structurales Ces deux espèces se distinguent notamment de Y. pestis par la présence de flagelles péritriches leur permettant d’être mobiles à certaines températures (températures proches de 25°C, mais pas à 37°C) (BOTTONE, 1999 ; CRENN, 2004). 2. Facteurs de virulence et pathogénicité Toutes les souches de Y. pseudotuberculosis doivent être considérées comme pathogènes tandis que pour Y. enterocolitica, 5 biotypes parmi les 6 qu’elle comprend, sont désignés comme étant pathogènes, les biotypes 1B, 2, 3, 4 et 5 (SAVIN, 2010). Pour Y. enterocolitica, un concept de biosérotype est né du lien établi entre les biotypes, les sérotypes et les caractéristiques biochimiques des souches avec l’antigène O du lipopolysaccharide de paroi (LPS) bactérien. Ainsi, les biosérotypes associés à la maladie chez l’Homme sont 4/O:3, 3/O:3, 2/O:9 et 2/O:5,27 et 1B/O:8. Beaucoup d’études ont montré le rôle endotoxinique du lipide A du LPS, et son implication dans la septicémie et le choc septique (AMOS, 2003), mais les recherches plus récentes mettent en avant le rôle fondamental de l’antigène O dans la virulence bactérienne (BENGOECHEA et al., 2004). Parmi les autres facteurs de virulence, nous distinguerons ceux communs aux bactéries Y. pestis, Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis, et ceux retrouvés exclusivement chez Y. enterocolitica ou Y. pseudotuberculosis.. Comme dans le cas du bacille de la peste, on retrouve chez Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis (et toute autre souche pathogène du genre Yersinia), le plasmide pYV (AMOS, 2003 ; CRENN, 2004). Néanmoins, le gène ypkA (ou yopO) sur le plasmide pYV, a été identifié uniquement chez Y. pseudotuberculosis, et code pour une protéine kinase, impliquée dans les phénomènes de croissance et de prolifération cellulaire (CRENN, 2004). Toujours chez Y. pseudotuberculosis, mais sur le chromosome à présent, se trouve le gène ypm (pour « Yersinia Pseudotuberculosis-derived Mitogen ») qui code pour une exotoxine 135 superantigénique exerçant son action par un mécanisme dépendant des cellules T. Ce gène est rarement rencontré chez les souches européennes (CRENN, 2004 ; IWATA et al., 2008). Chez Y. enterocolitica, les différences se situent sur le chromosome, avec la présence : - du gène yst, qui code pour une entérotoxine thermostable, dont le rôle reste peu connu. - du complexe génique ure, qui permet l’expression d’une enzyme capable d’hydrolyser l’urée, et qui confère à la bactérie une tolérance vis-à-vis de l’acidité gastrique (AMOS, 2003). iii. Épidémiologie 1. Descriptive Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis, sont présentes dans le monde entier. Leurs aires de répartition géographiques se superposent. Elles correspondent quasiment à l’étendue de Y. pestis durant la peste noire de 1348 à 1720. Du fait de l’existence d’une immunité croisée entre les différentes espèces du genre Yersinia, une des hypothèses expliquant le déclin de la peste en Europe serait l’expansion géographique des nouvelles espèces Y. pseudotuberculosis et Y. enterocolitica ayant permis une protection vis-à-vis de Y. pestis (CRENN, 2004). On les retrouve notamment dans l’hémisphère Nord, en Europe centrale et de l’Ouest, où l’infection est endémique chez l’Homme et l’animal. Les maladies sont fréquemment rapportées en Australie et en Nouvelle-Zélande, avec des formes cliniques proches de celles décrites en Europe. De même, l’Asie est un continent déplorant de nombreux cas (au Japon, Corée, Russie, rarement en Inde, Vietnam et Mongolie), mais les formes cliniques diffèrent de celles de l’Europe. Sporadiquement, des cas sont décrits en Amérique du Nord, rarement en Amérique du Sud (sauf au Brésil). À partir des années 60, Y. enterocolitica a été fréquemment isolée, lui valant aujourd’hui de figurer parmi les bactéries les plus incriminées dans les manifestations aiguës de diarrhée dans les pays tempérés et froids (AFFSA, 2006). Les sérotypes de Y. pseudotuberculosis diffèrent selon les régions : O1 et O3 étant les principaux retrouvés en Europe, Amérique du Nord et Australie, O4 et O5 en Asie (CRENN, 2004). Pour Y. enterocolitica, on retrouve en Europe, au Japon, au Canada et aux Etats-Unis, essentiellement les souches du biosérotype 4/O:3. Le biosérotype 3/O:3 a été isolé au Japon et en Chine, le biosérotype 2/O:9 en Europe, quant au 2/O:5,27 il est moins spécifique géographiquement. Le biosérotype 1B/O:8 est rencontré principalement aux USA, mais certains cas sporadiques d’infection dus à des souches de ce biosérotype ont été rapportés en France, Italie et Japon (AMOS, 2003). De plus en plus de pays sont concernés par la pseudotuberculose, même si l’on retrouve néanmoins de fortes disparités. En effet, on observe dans certains pays une forte expansion de la maladie (cas du Japon), tandis que dans d’autres, une diminution du nombre des cas est observée, au profit de la yersiniose à Y. enterocolitica (CRENN, 2004). Les cas d’infection 136 à Y. enterocolitica restent toutefois peu nombreux, de 1 à 8 pour 100 000 personnes selon les pays (AMOS, 2003). Mais les chiffres qui nous parviennent sont certainement sousestimés, étant donné la symptomatologie fruste, la faible sensibilité des méthodes d’analyse, les variations considérables d’un pays à l’autre en matière de dépistage et de surveillance sanitaire, l’impact de l’immunité individuelle, la variation de fréquence des espèces réservoirs potentielles… (CRENN, 2004). 2. Analytique a. Sources de contamination Une source animale des yersinioses humaines à Y. pseudotuberculosis et à Y. enterocolitica a rapidement été suspectée. On trouve de fait de nombreux oiseaux sauvages porteurs de la bactérie, mais également de nombreux petits mammifères parmi lesquels des rongeurs. Ces derniers constituent le principal réservoir de Y. pseudotuberculosis, jouant un rôle majeur dans la dissémination bactérienne. Les rongeurs sont réceptifs et généralement très sensibles à l’infection, même si, on constate que certaines espèces, comme le rat, peuvent s’avérer de très bons excréteurs asymptomatiques. D’autres espèces sont sensibles à Y. pseudotuberculosis, parmi lesquelles les carnivores domestiques, les primates et les ongulés (CRENN, 2004). Quant à Y. enterocolitica, on la retrouve également chez les suidés (AMOS, 2003). b. Facteurs de risque Il existe un lien entre l’incidence de la maladie et le climat (et a fortiori, la saison). En effet, les yersinioses sont plus fréquentes dans l’hémisphère nord, dans les pays au climat tempéré. La plupart des cas survenant de novembre à mai, on parle de pic hivernal de la maladie (CRENN, 2004 ; AMOS, 2003). Les populations considérées les plus à risque sont les enfants de moins de 10 ans, chez qui l’on dénombre les deux tiers des infections. Tous les individus peuvent être touchés mais le taux de létalité est plus élevé chez les personnes immunodéficientes, et celles présentant des prédispositions. En effet, les personnes présentant des anomalies comme une atteinte hépatique ou une surcharge en fer, semblent plus à risque de contracter la maladie (AFFSA, 2006). Par ailleurs, les consommateurs de produits animaux mal assainis tels que le porc peu ou mal cuit ou le lait non pasteurisé ou mal conservé, ainsi que les voyageurs en zone endémique sont davantage à risque d’être contaminés par les Yersinia entéropathogènes (BOTTONE, 1999). 137 c. Modes de transmission Les animaux infectés excrètent Yersinia dans leurs fèces, et possiblement dans leurs urines, pouvant ainsi contaminer d’autres animaux ou l’Homme, de façon directe ou indirecte (CRENN, 2004). L’Homme contracte la maladie de façon « accidentelle ». La contamination se produit notamment par voie orale, lors de l’ingestion de nourriture ou d’eau contaminée, voire par l’inhalation de particules chargées en agents bactériens. De façon beaucoup plus rare, des cas survenus par contact, à l’origine de surinfection au niveau de plaies cutanées ont été décrites dans des formes atypiques (AMOS, 2003). Les causes les plus fréquentes de contamination à l’Homme demeurent la consommation de viande de porc mal cuite, et le contact avec un animal infecté (AFFSA, 2006). On constate par ailleurs une prévalence plus élevée chez les enfants, pouvant s’expliquer par des contacts plus fréquents avec des animaux domestiques, dont des rongeurs NAC (CRENN, 2004). La contamination d’Homme à Homme est décrite. Elle se réalise sur le mode fécale-orale, par contact avec une personne infectée (mains mal nettoyées…). Sans traitement, un Homme excrète en effet jusqu’à 2 à 3 mois des bactéries dans les selles. La transmission sanguine (transfusion, matériel d’injection contaminé…) est également rapportée (AFFSA, 2006). iv. Étude clinique Après ingestion, les bactéries vont se retrouver dans le tractus digestif dans la paroi duquel elles pénètrent, après adhésion aux cellules épithéliales intestinales. Elles traversent généralement les cellules M, cellules spécialisées situées dans l’épithélium associé aux follicules des plaques de Peyer, puis migrent vers d’autres organes (nœuds lymphatiques mésentériques, foie et rate notamment) (BENGOECHEA et al., 2004). Chez les rongeurs : Les données disponibles concernant les signes cliniques chez les rongeurs restent très limitées. Néanmoins, quelques informations sont disponibles. Ainsi, dans le cas d’une infection à Y.enterocolitica, il existe une grande disparité de l’expression clinique de la maladie selon l’espèce atteinte. Le rat reste généralement asymptomatique tandis que le chinchilla, dans de nombreux cas, est mortellement touché, après avoir développé une entérite et une septicémie. Globalement, les animaux sont rarement atteints cliniquement Avec Y. pseudotuberculosis, on observe plus fréquemment des atteintes cliniques, avec des formes subaiguës à chroniques caractérisées par des symptômes non spécifiques et des accès diarrhéiques. Dans les formes les plus sévères, l’issue est en générale fatale, avec l’installation d’une septicémie (AFFSA, 2006). 138 Chez l’Homme : La durée d’incubation d’une yersiniose due aux deux Yersinia entéropathogène est de 1 à 11 jours. Dans les deux cas, on retrouve une entérocolite marquée par la triade : douleurs/crampes abdominales, fièvre et diarrhée (SEDDIK et al., 2009). L’atteinte clinique est marquée par des signes généraux peu spécifiques (fièvre, céphalées, anorexie…). La principale manifestation demeure la gastroentérite aiguë, observée essentiellement chez les nourrissons, les jeunes enfants et les personnes immunodéprimées. Chez l’adolescent et l’adulte, on parle de « syndrome pseudo-appendiculaire », douloureux, suite à l’installation d’une iléocolite et d’une hypertrophie des nœuds lymphatiques mésentériques, engendrés par certaines souches (OKWORI et al., 2009). Ces symptômes persistent en général 3 à 28 jours (SAVIN et al., 2008) et la majorité des patients développent une forme qui reste localisée, se résorbant spontanément. L’abcédation des nœuds lymphatiques mésentériques ainsi que l’apparition de foyers abcédés dans certains organes peuvent parfois avoir lieu, de même que d’éventuelles complications : perforation, obstruction, invagination des anses, et dans de rares cas, l’apparition d’une insuffisance rénale aiguë (CRENN, 2004 ; OKWORI et al., 2009). Chez certaines personnes, notamment les adultes présentant un état de santé détérioré (76% des cas ont plus de 60 ans), des formes graves et disséminées de l’infection peuvent se déclarer avec la survenue d’une septicémie, d’abcès profonds, et/ou d’anévrysmes infectés. Il ne s’agit pas de cas exceptionnels, puisque ces patients présentant des localisations extraintestinales correspondent à 13% de ceux pour lesquels des souches de Yersinia entéropathogènes sont isolées au CNR (SAVIN et al., 2008). Une migration articulaire peut se produire, entraînant une arthrite dite réactionnelle secondaire. Les patients possédant l’allèle HLA-B27+ seraient plus fréquemment et plus sévèrement touchés par cette forme lésionnelle (AMOS, 2003). Même si des doutes subsistent, Y. pseudotuberculosis serait incriminée de façon injustifiée dans certaines affections, de type appendicite, processus tumoral, ou maladie de Crohn. À l’inverse, elle est susceptible d’engendrer des arthrites réactionnelles, des érythèmes noueux et d’enclencher des processus auto-immuns comme le syndrome de Kwasaki (GALINDO et al., 2011). Qu’il s’agisse d’une yersiniose à Y. enterocolitica ou à Y. pseudotuberculosis, alors que l’évolution est généralement favorable chez des sujets immunocompétents, le taux de létalité varie entre 30 et 50% parmi les immunodéprimés et les personnes présentant certaines facteurs prédisposants (diabète, affection hépatique, hémochromatose…), sujets chez qui les formes sont les plus graves (SEDDIK et al., 2009). Le tableau lésionnel diffère donc selon l’âge des patients. En effet, les yersinioses à Yersinia entéropathogènes entraînent des troubles et des douleurs intestinales chez l’enfant, tandis que chez l’adulte, on observe préférentiellement des formes « extra-intestinales » comme l’arthrite réactionnelle (figure 37) (SAVIN et al., 2008). 139 Figure 37. Répartition par classes d'âge des infections intestinales (graphe de gauche) et extra-intestinales (graphe de droite) à Y. enterocolitica en France. Les données ont été collectées par le CNR de 2000 à 2006 (SAVIN et al., 2008). Des examens d’imagerie (échographie et scanner) peuvent s’avérer utiles pour la mise en évidence d’anomalies telles qu’un épaississement des anses intestinales, des infiltrations mésentériques, voire un épanchement abdominal (SEDDIK et al., 2009). v. Diagnostic et dépistage de laboratoire Différentes techniques peuvent être employées en cas de suspicion. Les prélèvements peuvent être, selon les méthodes employées, le sang, les selles, ou des biopsies d’organes (foie ou rate notamment). Isolement après culture bactérienne : Dans un premier temps, la coproculture et plus rarement l’hémoculture peuvent aider au diagnostic, mais restent peu fiables (SEDDIK et al., 2009). Yersinia possédant un caractère psychrophile et son temps de doublement bactérien étant plus lent que celui des autres entérobactéries, sa culture se réalise sur milieux enrichis à froid. L’isolement des colonies à partir d’un prélèvement polymicrobien est généralement complexe, et la plupart des méthodes traditionnelles d’enrichissement ne permettent pas un isolement efficace de Yersinia. Ainsi, des milieux de culture sélectifs ont été développés spécifiquement pour l’isolement des Yersinia entéropathogènes, tel que le CIN (Cefsulodine, Irgasan, Novobiocine) pour Y. enterocolitica (SAVIN et al., 2008). L’identification passe ensuite par l’étude des caractéristiques morphologiques et biochimiques. 140 Méthodes sérologiques : Pour Y. enterocolitica, des tests existent permettant de connaître le sérotype O en présence. Néanmoins, ces techniques sont peu employées (seulement 6,5% des laboratoires d’analyse médicale en France effectuent le sérotypage lors de l’isolement de Y. enterocolitica), restant essentiellement menées dans des laboratoires hautement spécialisés, tels que le CNR en France (SAVIN et al., 2008 ; SAVIN et al., 2010). Le diagnostic sérologique s’avère utile dans les cas où la bactérie n’a pas pu être isolée, ou lorsque des complications lésionnelles apparaissent (SEDDIK et al., 2009). Dans les 2 à 7 jours après le début des symptômes, les IgM anti-Yersinia augmentent, remplacés ensuite par les IgG, et, dans le cas où des complications (de type arthrite réactionnelle) se manifestent, les IgA peuvent être présentes pendant près d’un an. Leur titrage, qui repose sur des techniques de sero-agglutination, permet de connaître la forme évolutive de la maladie, et, de confirmer l’incrimination d’une souche pathogène (IWATA et al., 2008 ; SAVIN et al., 2008). L’existence de réactions croisées avec d’autres bactéries (Salmonella et Brucella notamment) représente la limite majeure de la technique. Des méthodes comme l’ELISA et le Western blot sont actuellement développées du fait de leurs meilleures sensibilité et spécificité (BOTTONE, 1999 ; SEDDIK et al., 2009). Méthodes moléculaires : Le diagnostic moléculaire par PCR s’est fortement développé, mais la PCR en temps réel offrirait de meilleurs résultats encore. Cependant, la technique a montré d’importantes limites, du fait d’une proportion élevée de faux négatifs, imputable au polymorphisme des gènes cibles, à la perte possible de ces gènes lorsqu’ils sont portés par un élément instable, et à la présence d’inhibiteurs (dans les selles principalement). Par ailleurs, elle ne permet pas de connaître les caractéristiques de virulence de la souche. Ainsi, il s’agit d’une technique utile, mais seulement complémentaire de l’isolement et l’identification de la souche dans le cadre du diagnostic de laboratoire (SAVIN et al., 2008 ; SEDDIK et al., 2009). En pratique, la recherche de Yersinia est effectuée exclusivement sur demande du médecin traitant. Etant donné que son isolement est complexe du fait de ses particularités de croissance, et que de nombreuses méthodes s’avèrent peu sensibles, la prévalence des yersinioses à Y.enterocolitica et à Y. pseudotuberculosis est très clairement sous-estimée (SEDDIK et al., 2009). vi. Moyens de lutte Il n’existe pas de vaccin utilisable chez l’Homme. Chez l’animal, toutefois, un vaccin destiné à lutter contre la pseudotuberculose peut être administré aux animaux des parcs zoologiques (AFFSA, 2006). La gestion du patient repose sur l’instauration d’un traitement antibiotique, non systématique dans les formes modérées, mais nécessaire chez les patients à risque, dans les formes prolongées sévères, et/ou avec complications secondaires (SAVIN et al., 2008 ). 141 Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis sont en général résistantes aux pénicillines et aux céphalosporines de première et deuxième générations, car dotées d’une activité βlactamase. Elles demeurent néanmoins sensibles aux cephalosporines de 3ème generation (ceftriaxone, ceftazidime, cefotaxime, moxalactam, etc.), à la gentamicine, aux fluoroquinolones (ciprofloxacine), au sulfamethoxazole, ainsi qu'aux penemes (imipeneme, meropeneme). La réalisation d’un antibiogramme est préconisée afin d’adapter le traitement selon la souche bactérienne responsable du tableau clinique (SEDDIK et al., 2009). vii. Découvertes récentes Alors que les bactéries du genre Yersinia sont principalement retrouvées dans les pays développés, au climat tempéré ou froid, une étude de OKWORI et al. (2009) a mis en évidence la présence de certains biosérotypes de Y. enterocolitica et de Y. pseudotuberculosis au Nigeria (zone géographique pour laquelle on ignorait jusqu’alors la présence de ces bactéries). Il s’est avéré que toutes les sources de nourriture (lait, soupes…, et même poisson) étaient contaminées au moins par une souche de Yersinia entéropathogène. Le fait de trouver des bactéries dans les fèces humaines, et chez de nombreux animaux (porcs, moutons, chiens), suggère des modalités de transmission de l’animal à l’Homme et de l’Homme à l’Homme lors de la préparation des repas dans des conditions d’hygiène très faibles. L’étude pointe aussi les possibilités de pérennisation de ces bactéries dans des pays dans lesquels on n’imaginait pas qu’elles pourraient s’implanter (OKWORI et al., 2009). 142 c. Tularémie i. Historique C’est en Californie, en 1911, dans le comté de Tulare, que George MCCOY a observé une épizootie revêtant un aspect nouveau, à l’allure de pseudo-peste chez des écureuils sauvages (GUIHOT et al., 2005; FOLEY et al., 2010). CHAPIN et lui analysent des prélèvements issus de ces animaux et parviennent, en 1912, à isoler un agent bactérien, qu’ils nomment Bacterium tularense, en référence au lieu de découverte. Plus tard, WHERRY et LAMB rapportent le premier cas chez l’Homme, survenu après manipulation d’un lièvre infecté. En 1921, Edward FRANCIS réalise des études biologiques et anathomopathologiques et une description clinique de ce que lui appelle la tularémie. En hommage à ses travaux, la bactérie est renommée Francisella tularensis en 1974 (DUMAS, 2005). En France, le premier cas rapporté de tularémie est diagnostiqué par Girard en 1946 dans le Doubs (GUIHOT et al., 2005). ii. Caractéristiques bactériennes 1. Description et systématique a. Structure Francisella tularensis (F. tularensis) est un petit coccobacille à Gram négatif, immobile, mesurant de 0,2 à 0,7 µm de longueur sur 0,2 µm de diamètre. Il s’agit d’une bactérie aérobie stricte, intracellulaire facultative, qui ne sporule pas, et qui est entourée d’une fine enveloppe constituée de liposaccharides (FOLEY et al., 2010). Des formes capsulées existent, et cet état est à l’origine d’une virulence accrue. Néanmoins, toutes les sous-espèces ne possèdent pas nécessairement de capsule, et, de plus, les modifications environnementales peuvent entraîner la disparition de celle-ci (GUIHOT et al., 2005). b. Diversité bactérienne F. tularensis appartient au genre Francisella, lui-même appartenant à la classe des Gammaproteobacteria (PECHOUS et al., 2009). Le genre comprend en plus de F. tularensis, deux autres espèces qui sont F. philomiragia, et F. novicida (MEIBOM et al., 2010). F. tularensis se subdivise en trois sous-espèces principales (ou biovars), (tableau 10): - F. tularensis biovar tularensis (ou biovar A.I), hautement virulente chez l’homme et l’animal. Ce biovar n’a jamais été isolé en France, alors qu’il est le plus répandu en Amérique du Nord, ainsi que dans quelques états du sud de la Russie. En plus des caractéristiques partagées avec les autres sous-espèces, 143 - - il possède une activité citrulline uréidase. Il existe un biovar A.II présent notamment dans la région ouest des Etats-Unis, dont la virulence est moindre que le biovar A.I. F. tularensis biovar palaeartica ou holarctica (ou biovar B), moins virulente que le précédent, est présente en Europe (dont la France), en Asie, ainsi qu’en Amérique du Nord. Contrairement au biovar A, le bacille ne possède pas d’activité citrulline uréidase (GUIHOT et al., 2005). F. tularensis biovar mediasiatica, est retrouvée en Asie Centrale ainsi que dans certaines régions de la Russie. Ce biovar, à l’inverse des deux précédents, ne possède jamais de capsule. En revanche, il possède l’activité citrulline uréidase, comme F. tularensis tularensis (FOLEY et al., 2010). Le biovar B, peut être lui-même subdivisé en trois biogroupes, les biogroupes I, II, et japonica, se distinguant les uns des autres par leurs caractéristiques biochimiques. Parmi eux, seul le II résiste à l’érythromycine (DUMAS, 2005). Tableau 10. Localisation géographique et niveau de virulence des principales espèces de Francisella, et des sous-espèces de F. tularensis (OYSTON, 2008) Espèces du Francisella genre Sous-espèces Virulence estimée Distribution géographique F. novicida - faible Mondiale F. philomiragia - faible Hémisphère nord F. tularensis tularensis A.I très élevée Amérique du nord (côte est, région centrale des Etats-Unis et Californie) tularensis A.II Région ouest des Etats-Unis holarctica moyenne : moindre que subsp. holarctica (STAPLES et al., 2006) élevée mediasiatica élevée Asie centrale c. Hémisphère nord, largement répandu Résistance La bactérie survit dans des conditions de basse température (elle résiste même à la congélation), dans les milieux hydriques, les sols et les cadavres d’animaux. A l’inverse, elle présente une forte sensibilité à la chaleur, ainsi qu’à de nombreux désinfectants (GUIHOT et al., 2005). 144 2. Facteurs de virulence et pathogénicité Deux principaux facteurs de virulence ont été mis en évidence chez F. tularensis : le LPS ainsi que la capsule. En effet, les formes les plus pathogènes possèdent cette capsule, dont la perte fait diminuer fortement la virulence (GUIHOT et al., 2005). Les études menées chez les animaux montrent que la bactérie se multiplie dans les macrophages (GUIHOT et al., 2005), ainsi que dans les cellules du système des phagocytes mononucléés, les hépatocytes (FOLEY et al., 2010), les cellules dendritiques, les neutrophiles… La bactérie est en fait capable de se multiplier dans une très grande variété de cellules hôtes. Cependant, les interactions de la bactérie ont surtout été étudiées avec le macrophage (PECHOUS et al., 2009), ce qui explique pourquoi c’est ce modèle d’infection que nous allons détailler ci-après. Le système immunitaire inné est la première ligne de défense qui rentre en jeu lors d’une infection bactérienne. L’activation des cellules phagocytaires est déclenchée par l’interaction entre les protéines du LPS et l’hétérodimère TLR1/TLR2 situé sur la membrane des cellules hôtes. Il s’ensuit l’induction d’une cascade d’activations enzymatiques de molécules proinflammatoires, et l’initiation des processus phagocytaires (LE PIHIVE, 2009). D’autres protéines, notamment la métalloprotéine 9, semblent intervenir directement dans l’évolution et l’issue de la maladie. Cette protéine de l’hôte est libérée par les neutrophiles et les macrophages activés, et agit sur le recrutement des cellules de la lignée leucocytaire. Des études menées chez la souris ont permis de montrer que lorsque son taux s’élève, les animaux sont beaucoup plus sensibles à l’infection, et présentent des risques accrus de développer une forme grave de la maladie et d’en mourir (OYSTON, 2008). Quant à la phagocytose de la bactérie, elle présente la particularité de se réaliser suite à une émission asymétrique de pseudopodes par le macrophage, après interaction entre des protéines du LPS bactérien et de la membrane de la cellule hôte. La bactérie inhibe la formation d’ions superoxydes par les cellules phagocytaires, ainsi que l’assemblage de la NADPH oxydase, à pouvoir bactéricide (LE PIHIVE, 2009). Francisella est capable de survivre et de se multiplier dans le cytosol des macrophages du fait de nombreux facteurs de virulence. Parmi eux, mglA et mglB (pour « macrophage growth locus ») et l’îlot de pathogénicité de Francisella ou FPI (pour « Francisella Pathogenicity Island »). Après avoir été phagocytée, F. tularensis se retrouve dans un compartiment endosomal. La bactérie ainsi vacuolisée, parvient à inhiber la fusion avec le phagolysosome, en empêchant notamment la cathepsine D de se fixer à l’endosome. Les mécanismes intervenant dans la destruction de la membrane enveloppant la bactérie restent encore inconnus. F. tularensis s’échappant du phagosome, se retrouve alors dans le cytosol où elle entame sa multiplication. Ces étapes sont dirigées en partie sous la dépendance de gènes du FPI. Nos connaissances sur les mécanismes exacts d’invasion, de réplication et d’échappement au macrophage sont encore limitées. Néanmoins, il a été observé que F. tularensis, avant la lyse cellulaire, se trouve à nouveau dans une vacuole endosomale. Il s’ensuit alors la libération des bactéries, déclenchant l’apoptose de la cellule hôte (PECHOUS et al., 2009; FOLEY et al., 2010) (figure 38). 145 Figure 38. Schéma illustrant le mode d'invasion et de multiplication de F. tularensis au sein des macrophages (PECHOUS et al., 2009) iii. Épidémiologie 1. Descriptive L’agent de la tularémie est réparti largement dans tout l’hémisphère nord. On dénombre 200 à 300 cas par an aux Etats-Unis. Différents pays, dont des pays ex-membres de l’Union soviétique (comme le Kosovo avec une épidémie impliquant près de 330 personnes en 2000), des pays d’Asie (dont le Japon), et d’Europe, rapportent des cas annuellement (DUMAS, 2005). Néanmoins, il semble que son incidence ait baissé dans certains pays en comparaison avec les décennies passées. En effet, en 1939, 2291 cas de tularémie ont été déclarés aux Etats-Unis, tandis que ce chiffre est tombé à 125 entre 1993 et 2005 (FOLEY et al., 2010). A contrario, des cas ont été récemment recensés en Turquie, Yougoslavie, Espagne et Suisse alors que ces zones géographiques n’étaient pas connues comme étant des foyers de tularémie. Ces observations font de la tularémie une zoonose réémergente dans ces pays. Les disparités entre pays européens sont par ailleurs importantes. Alors que le RoyaumeUnis est indemne de tularémie, les pays scandinaves sont les plus largement touchés par la maladie. La plus importante épidémie s’est d’ailleurs déroulée en Suède en 1966, avec 600 personnes atteintes environ, et une seconde, déclarée en 2000, a impliqué près de 300 personnes (GUIHOT et al., 2005). 146 En France, plusieurs dizaines de cas apparaissent sporadiquement chaque année et la maladie est due au biovar F. tularensis holarctica. Certaines régions présentent néanmoins une incidence plus élevée, avec 80% des cas déclarés dans le Nord-est et le Centre du pays (cf. figure 39) (GUIHOT et al., 2005). Sur la période 2003-2006, 23 cas annuels en moyenne étaient déclarés, tandis que 48 cas ont été déclarés en 2007 et 96 en 2008. En effet, durant l’hiver 2007/2008, une augmentation inhabituelle du nombre de cas s’est produite. Etant donné qu’il est possible que la maladie ait été sous-diagnostiquée antérieurement à cette période, aucune hypothèse n’a pu être validée pour expliquer cet événement (MAILLES et al., 2010). Un suivi sur les années à venir est nécessaire pour valider ou non une tendance à l’émergence dans cette région. Figure 39. Cas répertoriés de tularémie de 1993 à 2001 dans les départements français (GUIHOT et al., 2005). En rouge : départements régulièrement atteints (10, 24, 25, 37, 38, 41, 51, 86). En vert : irrégulièrement atteints. En jaune : cas sporadiques. 2. Analytique a. Sources de contamination pour l’Homme Si le lièvre constitue l’espèce animale sensible la plus connue, F. tularensis peut cependant contaminer de nombreux organismes. En effet, elle a été isolée chez plus de 250 espèces animales dont des mammifères (principalement les rongeurs et les lagomorphes, mais aussi les renards, sangliers, chiens et chats domestiques…), poissons, oiseaux, arthropodes…. Etant donné que les rongeurs (campagnols, mulots, écureuils, rats musqués…) constituent les hôtes réservoirs principaux, et que la maladie présente, comme on le verra plus loin, un caractère réémergent, son étude dans cette thèse se justifie pleinement. Il s’agit d’une des bactéries les plus virulentes, étant donné qu’une infime quantité d’agents bactériens (de l’ordre de la dizaine), suffit à entraîner une expression clinique sévère chez l’Homme et chez de nombreuses espèces animales (MEIBOM et al., 2010). Les modalités de transmission possibles la rendent encore plus redoutable. 147 b. Facteurs de risque Les zones atteintes sont quasi exclusivement rurales. Les personnes les plus exposées sont principalement les chasseurs (en contact avec leurs cibles, les lièvres, et potentiellement avec des rongeurs), ceux manipulant les animaux morts infectés pour la préparation des plats, ainsi que les consommateurs de ces viandes possiblement peu cuites. De nombreuses professions sont exposées : vétérinaires, gardes-forestiers, gardes-chasses, cultivateurs, bouchers charcutiers… Avec la saison de la chasse (donc principalement en hiver), on assiste à une augmentation des cas (GUIHOT et al., 2005). Les hommes semblent davantage touchés que les femmes, ceci étant imputable à leur confrontation plus importante avec le milieu extérieur, et donc à de nombreuses espèces possiblement infectées, en particulier le lièvre, très sensible et très riche en bacilles (FOLEY et al., 2010). Le taux de létalité est très variable, entre 5 et 50% pour le biovar A (GUIHOT et al., 2005). c. Modes de contamination L’isolement de F. tularensis chez des chiens ou chats domestiques s’explique en partie par l’ingestion de rongeurs ou lièvres crus infectés. Quant aux arthropodes et insectes vecteurs (puces, punaises, poux, moustiques, taons et surtout les tiques), ils jouent un rôle dans la transmission de la bactérie entre les différentes espèces et sont donc des acteurs importants de la persistance de l’agent dans l’environnement. La transmission à l’Homme suite à une piqûre ou morsure d’arthropodes n’a jamais été rapportée en France à ce jour, alors qu’il s’agit d’un mode de contamination fréquent en Amérique du Nord (GUIHOT et al., 2005). Les autres modes de transmission, plus fréquemment rencontrés en Europe, sont l’inhalation d’aérosols d’agents bactériens, et la pénétration par voie intradermique. L’introduction de bactéries pouvant se faire directement à travers la peau, même en l’absence de plaie, fait de F. tularensis l’une des bactéries les plus infectantes pour l’Homme. La présence de plaies facilite la transmission. La voie conjonctivale est elle aussi possible. Quant à la contamination par morsure ou griffure par des animaux domestiques infectés, elle reste rarissime. La transmission à l’Homme est essentiellement liée à la manipulation de cadavres d’animaux infectés, particulièrement les lièvres tués à la chasse et à leur préparation en cuisine. En d’autres termes, le lièvre sert d’hôte amplificateur et d’intermédiaire entre les rongeurs réservoirs (et accessoirement d’autres espèces) et l’Homme. La consommation du gibier, quand il est peu cuit, peut être source de contamination. L’eau contaminée, notamment par les urines d’animaux infectés, représente aussi une source de Francisella. F. tularensis est capable de perdurer dans l’environnement. En effet, l’eau et les sols peuvent être contaminés par les déjections ainsi que les cadavres des animaux infectés. Ainsi, dans certaines situations telles que la manipulation de fourrages ou céréales, fréquemment envahis de rongeurs, la tonte du gazon (cause rapportée aux Etats-Unis), le travail mené par le personnel de laboratoire... des poussières peuvent être produites et être potentiellement inhalées par l’Homme (GUIHOT et al., 2005 ; FOLEY et al., 2010). 148 Au sein de la communauté animale, on retrouve les mêmes modes de transmission, avec, cependant, une plus grande proportion due aux morsures et griffures. Quant à la transmission d’Homme à Homme, elle n’a pour l’instant pas été décrite. iv. Étude clinique La plus virulente des souches est F. tularensis tularensis. Il en résulte que de nombreux cas de tularémie dus au biovar B restent sous-diagnostiqués, les manifestations cliniques étant moins sévères. Les descriptions ci-dessous se référent essentiellement au biovar le plus virulent. Chez l’animal : La maladie chez le lièvre ou les rongeurs sensibles suit généralement deux schémas possibles: soit sur un mode suraigu, avec une septicémie mortelle en 2 à 3 jours, soit sur un mode subaigu, fatal en l’espace d’une à deux semaines. L’observation des symptômes a été faite dans un cadre expérimental, étant donné la rapidité d’évolution de la maladie. On observe une hyperthermie, une polyadénomégalie, une asthénie intense, associés fréquemment à des troubles respiratoires. Au niveau cutané, un chancre est parfois visible, signant le point d’inoculation des germes. Les autopsies ayant pu être réalisées montrent une congestion généralisée des organes, une hépato-splénomégalie, ainsi que de multiples foyers de nécrose (DUMAS, 2005). Nous ne détaillerons pas les symptômes chez les autres espèces. Chez l’Homme : Les lieux de prolifération bactérienne sont principalement les nœuds lymphatiques, d’abord régionaux au(x) site(s) d’inoculation, puis s’étendant ensuite à d’autres aires lymphatiques, ainsi que de nombreux organes parmi lesquels les poumons, le foie, la rate, et les reins (CNRS, fiche tularémie, 2012). Les lésions sont suppurées, pouvant évoluer en granulomes à centre nécrotique (GUIHOT A. et al., 2005). La durée d’incubation n’est que de 1 à 3 jours en moyenne, même si des durées allant jusqu’à plus de 10 jours ont été rapportées. Les premiers signes s’apparentent à un syndrome grippal, avec un abattement marqué, de l’hyperthermie, des frissons, des maux de tête, des myalgies et arthralgies, et éventuellement des troubles digestifs (vomissements, sensations nauséeuses…) (CNRS, 2012). Une adénomégalie apparait ensuite, d’abord localisée puis plus extensive. La tularémie peut revêtir différents aspects (GUIHOT et al., 2005) : - La forme ulcéro-ganglionnaire est la plus fréquemment observée (75 à 85% des cas) (DUMAS, 2005). Elle se manifeste initialement par l’apparition de papules, concomitantes à un prurit, faisant suite à une contamination cutanée. La papule évolue en pustule, pouvant s’ulcérer, douloureusement, et prenant l’aspect d’une escarre. Les nœuds lymphatiques s’hypertrophient, devenant douloureux, et pouvant se rompre. Généralement cette forme de tularémie reste localisée, avec 149 de rares complications mais peut cependant progresser malgré la mise en place d’un traitement adapté. On peut même observer une persistance de l’adénomégalie jusqu’à trois ans après le début de la maladie (GUIHOT et al., 2005) . - La forme typhoïde ou typhique (5 à 10% des cas) : elle est marquée par l’apparition brutale d’un syndrome pseudogrippal (DUMAS, 2005). Elle implique une transmission par ingestion ou inhalation. Aucun site d’inoculation n’est décelable, aucune atteinte ganglionnaire, ulcérative ni pulmonaire. L’évolution peut néanmoins être grave, avec potentiellement un état de choc septique avec défaillance multi-systémique, détresse respiratoire, hémorragies, voire coma (GUIHOT et al., 2005). - La forme septicémique représente un risque accru de mort. Elle peut être primaire, mais est aussi une complication possible de toutes les autres formes de tularémie. On assiste, comme dans les autres cas à l’apparition de symptômes de type grippal. Généralement, les personnes atteintes sont en état de choc septique, risquant potentiellement de développer les complications les plus graves : hémorragies, CIVD, défaillance multi-systémique, détresse respiratoire, voire coma. Chez la moitié des malades, une dissociation pouls température est observée. - La forme ganglionnaire, plus modérée dans sa manifestation, mais également moins fréquente (5 à 10% des cas), se caractérise par l’hypertrophie des nœuds lymphatiques associée à un syndrome fébrile. Aucune ulcération cutanée n’est observable. - La forme oculoganglionnaire, plus rare encore (1 à 2% des cas), se manifeste après frottement des yeux avec des mains contaminées, voire après projection de matériel contaminé (VAISSAIRE et al., 2005). Des adénopathies sont observables principalement au niveau de la face et du cou, mais ce sont les atteintes oculaires qui prédominent : conjonctivite purulente, chémosis, œdème périorbitaire, apparition de nodules et d’ulcérations conjonctivaux, ainsi que d’ulcères cornéens (GUIHOT et al., 2005). La forme oropharyngée ou angineuse ou pharyngo-ganglionnaire, est observable dans les cas où l’Homme se contamine suite à l’ingestion d’eau ou de nourriture contaminées, à l’inoculation directe par les mains, ou plus rarement par l’inhalation d’aérosols. Une angine douloureuse, accompagnée d’une hypertrophie amygdalienne apparaît (DUMAS, 2005). D’autres signes peuvent apparaître, tels que des sensations de brûlures, des érosions de la muqueuse buccale, une stomatite, ou la survenue d’abcès rétropharyngés. Une adénopathie cervicale accompagne généralement cette forme clinique. Secondairement, des complications se manifestent : douleurs abdominales, nausées, vomissements et diarrhées, parfois hémorragiques (ulcération intestinale…) (VAISSAIRE et al., 2005). - 150 - La forme pulmonaire se produit après l’inhalation d’aérosols contaminés, ou dans les cas où la bactérie a disséminé dans l’organisme et a atteint les poumons. Les lésions pulmonaires sont nombreuses, et la radiographie peut être utile pour aider au diagnostic. Il s’agit d’une forme mal diagnostiquée, étant donné le tableau clinique très proche d’un syndrome grippal avec toux sèche, douleurs thoraciques, voire dyspnée. Les formes pulmonaires peuvent être secondaires, dans 10 à 15% des cas aux formes ulcéroganglionnaires, et dans 30 à 70% des cas aux formes typhiques (VAISSAIRE et al., 2005). Etant donné la variabilité des signes pulmonaires, c’est la prise en compte d’un tableau clinique complet, associé à l’anamnèse, qui orientera le diagnostic (pneumopathie atypique, lésions cutanées ulcératives, ganglions hypertrophiés, vie en milieu rural, activités…). Un traitement antibiotique adapté doit être instauré le plus précocement possible, afin d’éviter une potentielle extension de la pneumopathie en détresse respiratoire, avec septicémie, manifestations hémorragiques…pouvant entraîner rapidement la mort (GUIHOT et al., 2005). On peut observer une éruption cutanée chez 10 à 20% des cas, et, quelle que soit la forme de tularémie, une péricardite, et/ou une hépatite peuvent survenir dans les stades avancés. D’autres complications peuvent se manifester (entérite, appendicite, péritonite, méningite…), mais restent très rares (VAISSAIRE et al., 2005). Globalement, sans mise en place d’un traitement antibiotique rapide et spécifique, le taux de létalité est de 5 à 15%. Il est le plus élevé pour la forme typhoïde (30 à 50%) et le plus faible pour la forme ulcéro-ganglionnaire (4%). Sous traitement, les taux chutent à moins de 1%. Les décès résultant d’une infection par le biovar de type B sont quant à eux exceptionnels (GUIHOT et al., 2005). v. Diagnostic et dépistage de laboratoire Le diagnostic repose, comme pour Yersinia, sur des techniques bactériologiques, sérologiques, moléculaires, et éventuellement histo-pathologiques. D’autres méthodes initialement utilisées ont depuis été abandonnées, comme l’intradermoréaction (à base de tularine, un lysat bactérien), permettant un diagnostic relativement précoce, pratiquée jusqu’en 1976 en France (DUMAS, 2005). Différents types de prélèvements peuvent être utilisés : ponction ganglionnaire, prélèvement au niveau de la papule signant le point d’inoculation des germes, prélèvement d’exsudat oculaire ou pharyngé, de sang, prélèvement tissulaire… (GUIHOT et al., 2005). 151 Isolement de la bactérie : Dans le cas du diagnostic bactériologique, les prélèvements peuvent être différents liquides biologiques, voire des biopsies hépatiques ou spléniques (DUMAS, 2005). L’examen direct sur lame, après coloration de Gram, est peu praticable puisque la coloration se fait difficilement, ne facilitant pas la mise en évidence des coccobacilles Gram négatif. L’isolement de la bactérie peut se faire à partir de la mise en culture de prélèvements (rarement le sang) sur milieu enrichi. La lecture doit se réaliser après une assez longue période d’attente, étant donné que les colonies peuvent ne se développer que trois semaines après l’ensemencement. Sur gélose chocolat, on observe des colonies ayant un aspect nacré et glaireux assez caractéristique. La diagnose est basée sur la vitesse de croissance sur gélose nutritive et supplémentée, sur l’aspect des colonies, ainsi que sur divers critères biochimiques (GUIHOT et al., 2005). L’immunofluorescence directe, se réalisant à partir de coupes d’organes préalablement fixées dans du formol, ou de sécrétions, présente une très bonne sensibilité et spécificité, mais reste peu pratiquée dans les laboratoires. De la même façon, l’immuno-histochimie sur des prélèvements anatomopathologiques n’est pas une technique adoptée pour isoler Francisella (DUMAS, 2005 ; GUIHOT et al., 2005). Tests sérologiques : Ils reposent sur la mise en évidence des anticorps agglutinants, qui apparaissent 10 jours après le début de l’infection, et atteignent un titre maximal en 1 à 2 mois. Cependant, pour émettre un diagnostic de certitude, une séroconversion avec un titre multiplié par 4 doit être observée. Les examens sérologiques menés comprennent également la recherche d’une réponse sérologique vis-à-vis d’autres bactéries, puisqu’il existe de nombreuses réactions croisées (DUMAS, 2005). Méthodes moléculaires : Le test PCR permet l’obtention rapide de résultats, et présente une très bonne sensibilité et spécificité. Elle peut être réalisée précocement, lorsque la suspicion clinique est forte (GUIHOT et al., 2005). Méthodes anatomopthologiques : Enfin, la dernière méthode diagnostique repose sur l’examen nécrosique, révélant des lésions organiques, de type hépatite nécrosante multifocale. Néanmoins, ce diagnostic histopathologique est très peu spécifique (DUMAS, 2005). 152 vi. Moyens de lutte 1. Traitements Le traitement préventif est celui appliqué en cas d’attaque biologique. Un traitement antibiotique est alors instauré pour les personnes potentiellement contaminées par aérosol. Il s’agit de doxycycline, gentamicine, streptomycine ou ciprofloxacine, en prise continue pendant deux semaines (GUIHOT et al., 2005). La décision d’hospitalisation d’un patient infecté par Francisella tularensis dépend de la sévérité des symptômes développés, et du biovar isolé et des pays. En France, il est recommandé d’hospitaliser les malades, dès l’instant où ils expriment des signes cliniques. Etant donné l’absence ou l’extrême rareté de cas de transmission inter-humaine, il n’y a pas de mesure de quarantaine ou d’isolement des patients à prendre. Le traitement médical doit être instauré le plus tôt possible. Les antibiotiques de choix sont des aminosides, Les fluoroquinolones et la doxycycline. Par ailleurs, si l’état du patient, sévèrement atteint, le nécessite, le traitement est basé sur l’association d’un aminoside et une fluoroquinolone. La voie d’administration est dépendante de la forme clinique : voie orale dans les cas modérés, et voie veineuse dans les cas les plus sévères. Pourtant, les recommandations européennes reposent sur l’administration exclusive par voie parentérale (GUIHOT et al., 2005). 2. Mesures préventives Médicales : - Ciblant l’Homme : Le premier vaccin, de type vivant atténué, a été mis au point par les russes dans les années 1930. Différentes souches vaccinales ont été employées jusque dans les années 60. Cependant, la protection s’est avérée médiocre dans les formes pulmonaires. Les Etats-Unis ont développé un vaccin du même type, afin de prévenir d’éventuelles contaminations du personnel de laboratoire. Ce vaccin a montré une bonne efficacité, mais son innocuité reste mal connue, et il ne dispose pas d’AMM. En France, on ne dispose d’aucune possibilité vaccinale (VAISSAIRE et al., 2005). - Ciblant les animaux : Des mesures médicales (antibioprotection, déparasitage) sont essentielles lors de cas déclarés au sein d’élevages animaux, pour neutraliser ces foyers et limiter leur extension. 153 Sanitaires : Les mesures préventives sont basées sur différentes précautions à adopter, notamment sur le fait de ne pas manipuler les cadavres d’animaux sans gants. De la même façon, le port de ces derniers, de lunettes, et de masques est recommandé lors de la manipulation de carcasses d’animaux sauvages durant la préparation des repas. De plus, il est important que la cuisson des aliments soit suffisante. Il faut éviter toute prise de boisson à partir de sources potentiellement contaminées. Par ailleurs, les lieux susceptibles d’héberger des rongeurs, ou leur excrétas, tels que le foin, la paille, sont à éviter. Enfin, la prévention concerne également les tiques. Ainsi, il est préconisé de porter des vêtements couvrants lors des activités professionnelles et de loisirs en extérieur (GUIHOT et al., 2005). Par ailleurs, le contrôle des populations animales, la protection des locaux contre les rongeurs sauvages, l’emploi d’insecticides, la limitation des importations animales en provenance de foyers connus, la mise en place de quarantaines s’imposent, associées aux mesures médicales évoquées ci-dessus, pour prévenir l’apparition ou l’extension de foyers de tularémie. La tularémie est une maladie à déclaration obligatoire en France depuis 2002 (réintroduction de ce critère après suppression du statut en 1986) (VAISSAIRE et al., 2005), et est devenue maladie réglementée de 2ème catégorie depuis 2013 (arrêté du 26 juin 2013, site Légifrance). vii. Découvertes ou événements récents Une souche semblable à Francisella novicida a été récemment isolée chez un australien. Cette nouveauté montre alors que Francisella est peut être plus largement présent sur la planète que nous ne le pensions (PECHOUS et al., 2009). 154 d. Leptospirose i. Historique La leptospirose est la zoonose la plus répandue et la plus importante en terme d’incidence au niveau planétaire (LAU et al., 2010). Les premières observations de la leptospirose remontent à la campagne d’Egypte, en 1798, par Dominique-Jean LARREY, médecin militaire français. En France, c’est MATHIEU qui décrit la maladie, nommée alors ictère infectieux à rechute. En Allemagne, dans le même temps, WEIL s’intéresse aussi à cette maladie. La leptospirose est alors un syndrome appelé maladie de MATHIEU et WEIL (MOLLARET, 2005). Il se réfère à une pathologie sévère, se manifestant par des défaillances hépatiques et rénales, des hémorragies, ainsi que des troubles vasculaires, évoluant sur un mode aigu, et pouvant être rapidement fatale (PLANKA et al., 2000). L’isolement du germe en cause a été réalisé au Japon en 1914 par R. INADA et Y. IDO, à partir de prélèvements hépatiques d’un cobaye auquel avait été inoculé du sang d’un malade humain. Il s’agissait de Leptospira icterohemorragiae. La découverte, l’année suivante, de ce même agent pathogène par MIYAJIMA, chez des rats, fait suspecter l’implication de cette espèce animale en tant que réservoir de l’agent infectieux. La décénnie suivante, de nombreuses autres espèces de Leptospira sont isolées, dont les formes pathogènes : L. bataviae en Indonésie en 1925 et L. grippo-typhosa en Russie en 1928, chez l’Homme ; L. canicola chez le chien en 1931 ; L. pomona chez des porchers en Suisse en 1946 (MOLLARET, 2005). ii. Caractéristiques bactériennes 1. Description et systématique a. Diversité bactérienne Les Leptospiraceae, sont une famille bactérienne appartenant à l’ordre des Spirochaetales. Cette famille est subdivisée en trois genres : Leptospira, Leptonema et Turneria (PLANKA et al., 2000). Leptospira spp, qui nous intéresse ici, regroupe neuf espèces dites pathogènes et cinq espèces dites intermédiaires, parmi lesquelles on dénombre plus de 260 sérovars. D’autre part, il existe des espèces dites saprophytes, non pathogènes : L. biflexa, L. meyeri, L. yanagawae, L. kmetyi, L. vanthielii et L. wolbachii, regroupant plus de 60 sérovars (ADLER et al., 2010 ; PICARDEAU, 2013). L. interrogans est la principale espèce pathogène pour les mammifères. Par convention, on désigne directement le serovar sous la forme Leptospira + serovar (ex. L. icterohemorragiae) sans mention du nom d’espèce 155 b. Structure Leptospira spp. mesure 0,1 µm de largeur sur 6 à 20 µm de longueur. Ce sont des bactéries ayant une forme allongée, hélicoïdale, qui présentent la particularité d’être « crochues » à leurs deux extrémités (figure 40 (ADLER et al., 2010)). Néanmoins, cet aspect est souvent modifié dès lors que la bactérie a infecté une cellule hôte, pouvant être alors sphérique, voire granulaire. Par ailleurs, elle possède, à chaque extrémité, un flagelle, lui permettant d’être mobile, et intervenant dans les différentes étapes de l’infection. En effet, cette caractéristique leur permet notamment de franchir les barrières cutanéo-muqueuses, l’humeur aqueuse et le vitré, mais aussi d’échapper aux mécanismes immunitaires, humoraux et cellulaires, de l’hôte (KOSOSSEY VRAIN, 2004). Les leptospires possèdent de plus une double membrane (PLANKA et al., 2000 ; ADLER et al., 2010). Figure 40. Photographie de Leptospira spp. au microscope à fond noir (ADLER et al., 2010). Les Leptospires sont des bactéries aérobies strictes, dont la température optimale de croissance se situe entre 28 et 31°C. Elles se développent préférentiellement en milieu chaud, dans un environnement à pH neutre voire légèrement alcalin tandis qu’elles sont sensibles à la sécheresse et aux milieux salés. Elles sont néanmoins capables de survivre plusieurs mois dans des eaux fraîches ou dans les milieux telluriques et les moisissures (PLANKA et al., 2000). c. Résistance Ces espèces bactériennes sont sensibles aux températures inférieures à 4°C (la congélation les détruit) et supérieures à 40°C, tout comme aux UV, à la dessication, au savon, aux détergents, et aux environnements acides (HAZART, 2008). L’environnement propice à leur survie est neutre, voire alcalin (entre 7,2 et 7,6), avec des températures situées entre 10°C et 37°C (KOSOSSEY VRAIN, 2004). Pour leur multiplication, les leptospires, qu’elles soient pathogènes ou non, nécessitent obligatoirement un organisme hôte (HAZART, 2008). 156 2. Facteurs de virulence et pathogénicité La lipoprotéine Loa22, présente dans la membrane externe de la bactérie, a été le premier facteur de virulence identifié chez Leptospira spp. mais de nombreuses autres protéines interviennent (ADLER et al., 2010). Ainsi, les hémolysines, libérées par les Leptospira, ont le potentiel de lyser les érythrocytes (HAZART, 2008). Il s’agit de sphingomyelinases (Sph), dont notamment de SphH, capable de créer des pores dans les membranes des cellules hôtes, ou encore de Sph2, permettant d’induire des dommages membranaires aux cellules endothéliales et érythrocytaires (EVANGELISTA et al., 2010). Il en existe d’autres, et leur rôle est conforté par le fait qu’elles ne sont pas présentes chez les Leptospira non pathogènes, comme L. biflexia (ADLER et al., 2010). On retrouve de nombreuses protéines de surface, parmi lesquelles, LigA, LigB et LigC sont capables de se fixer à la fibronectine, l’elastine, le collagène, la laminine… permettant ainsi la pénétration de la barrière cutanéo-muqueuse (HAZART, 2008 ; EVANGELISTA et al., 2010). D’autres groupes protéiques possèdent ces capacités de fixation envers certains composants de façon spécifique, comme les « endostatin-like protein » (Len) se fixant à la fibronectine (EVANGELISTA et al., 2010). Le LPS, présent dans la membrane externe de la bactérie, représente le principal antigène. Il est très proche de celui que l’on retrouve chez les bactéries à Gram négatif. En se fixant à une protéine sérique, le LBP (« Lipopolysaccharide binding protein »), il facilite la liaison des bactéries à des récepteurs membranaires des macrophages et monocytes. Il en résulte un complexe, LPS-LBP-CD14, à l’origine de la libération de nombreuses molécules proinflammatoires, comme l’IL-1, l’interferon, leTNF-. Le LPS active les macrophages, les neutrophiles, ainsi que les plaquettes. Les endotoxines qui le composent seraient à l’origine d’une perturbation des systèmes protoniques (pompe Na+K+ATPases) rénaux (HAZART, 2008). Au sein de la membrane externe, se trouvent de nombreuses autres protéines, dont des lipoprotéines (LipL32, LipL21…), des porines (OmpL1), et des systèmes sécrétoires de nombreuses protéines (comme un « système de sécrétion de type II » ou T2SS) (ADLER et al., 2010). Des études ont par ailleurs montré que certaines de ces protéines (dont LipL41 et OmpL1), persistaient dans les tubules rénaux près d’un mois après l’infection, suggérant qu’elles pourraient jouer un rôle dans la persistance d’atteintes rénales leptospirosiques (néphrite interstitielle notamment) (KOSOSSEY VRAIN, 2004). Dans le secteur vasculaire, des toxines sont libérées par la bactérie, pouvant être à l’origine d’atteintes hémorragiques, de CIVD, de thrombocytopénie, d’hyperfibrinolyse…. (KOSOSSEY VRAIN, 2004). Les Leptospires possèdent la capacité de fixer les neutrophiles aux cellules endothéliales vasculaires, facilitant ainsi leur migration au sein des tissus. Plusieurs mécanismes sont à l’origine de cette adhérence cellulaire (PLANKA et al., 2000 ; KOSOSSEY VRAIN, 2004). Les Leptospires migrent ainsi dans les différents tissus, provoquant des troubles de la coagulation, ainsi qu’une hypoxie tissulaire. Les principaux organes touchés sont le foie et les reins, mais d’autres organes ne sont pas épargnés. Les poumons, le système digestif, le système nerveux, les organes génitaux peuvent être affectés, et des lésions oculaires peuvent également apparaître (HAZART, 2008). Durant cette phase, se met en place la réaction immunitaire spécifique, avec les IgM et les IgG. Les IgM, produits de façon trop 157 importante, activeraient intensément le complément et conduiraient à une exacerbération du processus inflammatoire, à l’origine, entre autres, d’une augmentation de la perméabilité vasculaire, et donc possiblement d’œdème et de CIVD (KOSOSSEY VRAIN, 2004). iii. Épidémiologie 1. Descriptive La leptospirose est une zoonose ayant une répartition mondiale. On dénombre environ 500 000 cas sévères annuellement, et le taux de létalité peut atteindre 25%. L’incidence de la maladie est plus élevée dans les régions tropicales (d’un facteur 100 comparé aux pays tempérés), où les conditions de chaleur et d’humidité sont plus favorables à la persistance de la bactérie dans l’environnement (BONTEMPS, 2012). Ainsi, les Seychelles restent le pays le plus fortement touché par la leptospirose. En annexe 11 se trouve un tableau récapitulant l’incidence de la maladie dans les différents pays du monde (PAPPAS et al., 2008). On constate par ailleurs que l’incidence varie en fonction des saisons dans les pays au climat tempéré. En effet, on y observe un pic à la période de transition de l’été à l’automne, s’expliquant par la hausse des températures, ainsi que celle des intempéries. La figure 41 montre ainsi l’incidence en fonction de la saison en France métropolitaine (PICARDEAU, 2013). Pour les régions tropicales, le nombre de cas augmente durant la saison des pluies. Figure 41. Variations saisonnières du nombre de cas déclarés de leptospirose humaine en France métropolitaine de 2006 à 2011 (PICARDEAU, 2013). 158 Il existe de grandes disparités entre les pays. En Europe, par exemple, c’est en France que l’on dénombre le plus de cas humains. La maladie pose également des problèmes au Royaume-Uni, en Espagne et au Portugal, alors que de rares cas ont été déclarés en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas (PAPPAS et al., 2008 ; BONTEMPS, 2012 ; PICARDEAU, 2013). Les cas rapportés en France sont surtout ceux originaires des Antilles et de la NouvelleCalédonie (100 fois plus qu’en métropole). Néanmoins, la situation semble s’améliorer en France depuis une vingtaine d’années, grâce aux systèmes de surveillance et aux mesures de lutte mis en place (BONTEMPS, 2012). 2. Analytique a. Sources de contamination La leptospirose touche de nombreuses espèces animales : mammifères (plus de 150 espèces, domestiques et sauvages, actuellement reconnues), oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, invertébrés… ainsi que l’Homme. Il s’agit d’hôtes naturels ou accidentels. Les rongeurs constituent un réservoir majeur de leptospires. Même si de nombreux serovars peuvent infecter des espèces différentes, et si une même espèce peut être infectée par de nombreux serovars différents, il existe tout de même une une association préférentielle entre certains serovars de Leptospira et des hôtes naturels. Il en est ainsi pour la souris domestique (Mus musculus) qui héberge essentiellement L. ballum, pour le rat brun, ou surmulot (Rattus norvegicus) généralement réservoir de L. icterohaemorrhagiae et copenhagi, pour le rat noir (Rattus rattus), hébergeant notamment L. icterohaemorrhagiae et L. ballum, et pour le rat musqué (Ondatra zibethicus), trouvé séropositif essentiellement pour L. grippotyphosa (ADLER et al., 2010 ; KOSOSSEY VRAIN, 2004 ; BONTEMPS, 2012). C’est la rencontre avec un hôte qui va permettre aux bactéries de se multiplier, puis de disséminer dans le milieu. Elles pénètrent dans l’organisme, se trouvent un temps dans le compartiment sanguin, et gagnent ensuite différents organes, notamment le foie et les reins. C’est la contamination de ces derniers, qui va être à l’origine de la transmission entre les différentes espèces. L’urine produite par l’organisme atteint contamine alors le milieu extérieur, (eaux, sols…) à partir duquel les espèces animales et l’Homme, hôtes naturels ou accidentels, se contaminent (PICARDEAU, 2013). Les rongeurs, porteurs asymptomatiques, sont néanmoins victimes d’une affection rénale chronique, et excrètent alors les bactéries dans les urines, de façon continue ou intermittente, s’avérant ainsi des réservoirs très efficaces (ANDRE-FONTAINE et al., 1992). On estime que la concentration bactérienne dans les urines du rat et de la souris peut atteindre 108 bactéries/mL, ce qui est élevé comparé à d’autres espèces de mammifères. Les ragondins, quant à eux, même s’ils sont des excréteurs moins efficaces, par leur présence (dans plus de 80% des départements en France), et leur mode de vie (eaux stagnantes, non loin des habitats et éventuelles zones de pâtures), jouent un rôle important dans la persistance environnementale, et la dissémination de la bactérie (BONTEMPS, 2012). Par ailleurs, près de 50% des ragondins se sont avérés séropositifs (KOSOSSEY VRAIN, 2004). Les rongeurs constituent donc un réservoir qui est un véritable obstacle à la maîtrise de la leptospirose, étant donné qu’il est important en termes de populations, présent sur toute la 159 surface du globe, au contact de nombreuses autres espèces, et difficilement contrôlable (BONTEMPS, 2012). b. Modes de transmission Du fait de l’importance de la source prépondérante de contamination qu’est l’urine, les modes de transmission de la leptospirose peuvent être directs ou indirects (KOSOSSEY VRAIN, 2004). La bactérie est capable de pénétrer une peau non saine, c’est-à-dire présentant des plaies, des abrasions, des excoriations, même minimes. Les leptospires possèdent par ailleurs la capacité de traverser les muqueuses (buccales, oculaires, nasales ou génitales) (KOSOSSEY VRAIN, 2004 ; PICARDEAU, 2013). La transmission d’un animal à un autre se fait essentiellement indirectement, par contact avec des eaux, sols ou végétaux contaminés par les urines d’espèces infectées, ou par ingestion lors de la prise d’eau contaminée. La transmission directe peut se produire, notamment au sein d’espèces ayant une forte promiscuité, dont les individus sont amenés à être en contact par leur mode de vie communautaire, ou a contrario, par des comportements d’attaque et de défense. Figure 42. Transmissions possibles entre les différents hôtes de Leptospira (ADLER et al., 2010). La transmission directe, est celle résultant d’un contact avec un animal infecté, au niveau des tissus, de ses liquides biologiques (sang) ou de ses urines. La transmission de l’animal à l’Homme se fait également majoritairement sur un mode indirect. On a même désigné la leptospirose comme « maladie hydrique » étant donné qu’un grand nombre de cas est lié à une exposition au milieu aquatique. Néanmoins, l’Homme peut se contaminer directement, notamment au contact de son animal de compagnie malade et excréteur (KOSOSSEY VRAIN, 2004 ; BONTEMPS, 2012) (figure 42 (ADLER et al., 2010)). La transmission interhumaine est possible par contact avec le sang (lors de transfusion sanguine par exemple), par contact avec les urines, mais également par voie vénérienne ou placentaire (BONTEMPS, 2012). Elle est cependant exceptionnelle, les cas étant très majoritairement zoonotiques (ADLER et al., 2010). 160 Eau, sol (terre) c. Facteurs de risque Il existe une multitude de situations d’exposition aux leptospires, notamment lors de certaines activités professionnelles et de loisirs. Il a souvent été question de la « maladie des égoutiers », mais toute personne amenée à être en contact avec des animaux est plus à risque de contracter la maladie. C’est le cas des éleveurs, des vétérinaires et du personnel d’abattoir. Quant aux loisirs, l’exposition au milieu aquatique dans le cadre d’activités telles que la pêche, le canoë, la baignade, est la situation la plus à risque de contamination par les leptospires, même si d’autres activités de plein air comme la chasse ou le camping peuvent exposer à un risque moindre mais non nul (LAU et al., 2010 ; BONTEMPS, 2012). Les modes de vie des populations des pays en voie de développement sont par ailleurs favorables au maintien de la bactérie dans l’environnement, et à sa dissémination. En effet, les conditions d’hygiène sont faibles, la surpopulation dans de petits espaces est fréquente, tout comme le contact avec de nombreux animaux dont les rongeurs. De plus, le climat de ces pays est souvent chaud et humide, favorable à la persistance des leptospires, et la gestion des déchets est quasi inexistante (LAU et al., 2010). iv. Étude clinique La pénétration du germe dans l’organisme se produit au niveau cutanéo-muqueux. La leptospirémie dure en général moins de dix jours. S’ensuit la phase de colonisation tissulaire, durant laquelle de nombreux organes sont atteints, et particulièrement le foie et les reins. Au niveau hépatique, les bactéries envahissent les cellules parenchymateuses, et l’espace de Disse. Il en résulte une atteinte des canaux biliaires, d’où le déversement de bile, et donc une hyperbilirubinémie décelable chez les personnes présentant une atteinte hépatique. Les sinusoïdes sont désorganisées et les cellules de Kupffer, envahies par des leptospires, ainsi que des globules rouges, sont comme engorgées. Il en résulte des plages hémorragiques, des pétéchies, des œdèmes interstitiels, voire de foyers nécrotiques au niveau hépatique (PLANKA et al., 2000). Les leptospires se logent également dans les reins, au niveau des tubules proximaux rénaux, et seront par la suite excrétés dans les urines. Cette prolifération bactérienne, ainsi que la synthèse de toxines, entraînent des lésions rénales, responsables d’une insuffisance qui apparaît dans les 7 à 10 jours après le début de l’infection (ADLER et al., 2010). Il en résulte de nombreux désordres, d’ordre vasculaire notamment, avec une vasculite aiguë, à l’origine de lésions hémorragiques, d’œdèmes interstitiels, de plages nécrotiques, voire de rupture de la membrane basale (PLANKA et al., 2000). En plus de l’influence du statut immunitaire du patient (âge, sexe, immunocompétence…), les symptômes sont dépendants de la souche bactérienne, mais également de la dose infectante (ADLER et al., 2010 ; EVANGELISTA et al., 2010). Les formes les plus sévères chez l’Homme sont principalement engendrées par les sérovars Icterohaemorrhagiae, Copenhageni, Lai, mais d’autres ne sont pas anodins pour autant (ADLER et al., 2010). 161 Symptômes chez l’Homme : La maladie peut prendre des aspects variés, de la manifestation de signes modérés, cas le plus fréquent (80 à 90% des formes de leptospirose), s’apparentant à un syndrome grippal, à une forme grave avec défaillance multisystémique (PLANKA et al., 2000 ; ADLER et al., 2010). On distingue ainsi deux formes de leptospirose chez l’Homme: - La leptospirose non ictérique ou pseudo-grippale : c’est la forme subaiguë, dont l’issue est généralement favorable, avec une mortalité quasi nulle. - La leptospirose ictérique ou pluriviscérale : c’est la forme aiguë (ou « maladie de Weil ») avec une évolution et rapide vers l’aggravation des signes cliniques BONTEMPS, 2012). Une troisième forme, chronique latente est décrite dans la littérature, mais reste mal documentée BONTEMPS, 2012). Nous détaillerons ici la forme aiguë de la leptospirose. L’incubation dure en général de 2 à 30 jours (LAU et al., 2010). La phase leptospirémique suscite les premiers signes généraux: hyperthermie, abattement, céphalées, myalgies, anorexie, rash cutané dans certains cas, qui peuvent être accompagnés d’atteintes vasculaires de type saignements, vasculite voire CIVD… Ces lésions sont à l’origine de l’apparition plus tardive de phénomènes ischémiques, entraînant par exemple l’apparition de sites de nécrose sur les organes (ADLER et al., 2010 ; EVANGELISTA et al., 2010, BONTEMPS, 2012). La figure 43 précise l’évolution de la maladie (BONTEMPS M., 2012). Il s’agit de signes pouvant se manifester lors de la phase de colonisation des tissus, durant laquelle les leptospires se retrouvent dans de nombreux organes, et notamment le foie et les reins (BONTEMPS, 2012). Figure 43. Evolution schématique de la leptospirose (BONTEMPS, 2012). 162 Les personnes sont généralement atteintes d’insuffisances rénale et hépatique, et présentent différents signes évocateurs : un ictère, des troubles urinaires (protéinurie, pyurie, hématurie, oligurie, ou polyurie). Par ailleurs, les études tendent à montrer qu’une oligurie, évocatrice d’une hypoperfusion, est plus défavorable en termes de pronostic qu’une polyurie (PLANKA et al., 2000 ; ADLER et al., 2010). Les poumons sont fréquemment la cible de la bactérie, et les patients sont alors victimes de détresse respiratoire, avec éventuellement œdème pulmonaire, hémorragies, hémoptysie. Ces formes pulmonaires, décrites plus tardivement (pour la première fois en 1965 en Chine), assombrissent fortement le pronostic (PLANKA et al., 2000 ; ADLER et al., 2010). Le système nerveux constitue une autre cible de la bactérie, et son atteinte est possible sans lésions rénales, hépatiques ou pulmonaires antérieures. Des symptômes tels que céphalées, photophobie, vision trouble, rigidité cervicale, confusion mentale, hallucinations, voire encéphalite et coma sont décrits. Des méningites aseptiques peuvent se déclarer. On estime qu’elles surviennent dans 5 à 24% des cas (PLANKA et al., 2000). Des atteintes oculaires peuvent se manifester (conjonctivite, yeux rouges, et diverses inflammations telles que des choriorétinites, iridocyclites… associées à d’éventuelles vasculites, uvéites…), mais aussi des atteintes cardiaques (troubles du rythme, myocardite…), voire gastro-intestinales (PLANKA et al., 2000). À titre d’exemple, le tableau 11 montre les manifestations observées chez des patients pour lesquels une hospitalisation a été nécessaire à l’hôpital universitaire d’Angers (France), du 01/01/1995 au 31/12/2005 (ABGUEGUEN et al., 2008). Tableau 11. Motifs d’hospitalisation des cas de leptospirose à Angers (ABGUEGUEN et al., 2008) Motifs d’hospitalisation Douleur et fièvre Myalgie, arthralgie, céphalées, abdominale Signes neurologiques et fièvre Méningite Céphalées Désordres mentaux Signes cutanéo-muqueux et fièvre Ictère (un patient sans fièvre) Saignements et fièvre Hématurie Signes cardiaques et fièvre Tachycardie supraventriculaire Choc (un patient sans fièvre) Découverte de laboratoire et fièvre Insuffisance rénale aiguë Abdomen aigu et fièvre Fièvre, sans autre signe associé 163 Nombre de cas 29 (46,7%) douleur 7 (11,3%) 3 (4,8%) 2 (3,2%) 7 (11,3%) 1 (1,6%) 1 (1,6%) 4 (6,4%) 1 (1,6%) 2 (3,2%) 5 (8,0%) v. Diagnostic et dépistage de laboratoire Les modalités de diagnostic diffèrent en fonction de la phase d’infection leptospirosique : la phase de bactériémie et celle de colonisation des tissus. C’et durant cette deuxième phase que les bactéries vont être présentes dans les urines, et que les IgM puis les IgG commencent à y apparaître. Les Ig ne deviennent détectables que 10 jours après le début de l’infection (figure 44) (BONTEMPS, 2012 ; PICARDEAU, 2013). Figure 44. Cinétique de l’infection dans le sang et de la réponse immunitaire. Les IgM antileptospiroses sont détectables avant les anticorps agglutinants et les IgG (PICARDEAU, 2013). Charge bactérienne Titre des anticorps Nombre de jours après la manifestation des premiers symptômes Les tests sérologiques les plus précoces sont donc réalisés à partir de prélèvements sanguins (à peu près durant les dix premiers jours suivant l’apparition des symptômes), tandis que les urines seront analysées durant la deuxième phase (au plus tôt une dizaine de jours après l’apparition des symptômes). D’autres prélèvements peuvent permettre de révéler une infection par des leptospires par des méthodes directes : LCR, tissus et organes (BONTEMPS, 2012). Isolement de la bactérie : - Observation directe Elle peut être réalisée avec de nombreux types de prélèvements (sang, urines, organes broyés..). Cependant, elle reste difficile, nécessitant des équipements spéciaux (observation au microscope à fond noir, précautions de manipulations…), elle doit être réalisée 164 rapidement (pour éviter la lyse par les liquides biologiques), et l’observation doit être faite par une personne expérimentée (apparence filamenteuse pouvant rapidement prêter à confusion) (KOSOSSEY VRAIN, 2004). En effet, les études montrent que la sensibilité reste mauvaise. Néanmoins, on peut améliorer cette technique par un test d’immunofluorescence ou immunohistochimique (BONTEMPS, 2012). - Culture bactérienne Elle se fait à partir d’un prélèvement de sang (rarement d’urines, du fait du manque d’asepsie des techniques de prélèvement, et du caractère tardif de la technique). Elle donne de bons résultats, mais ne peut être utilisée que durant la phase leptospirémique, dans les 10 premiers jours de l’infection (après, les leptospires sont absentes du compartiment vasculaire). De plus, la croissance bactérienne reste lente (KOSOSSEY VRAIN, 2004 ; LAU, 2010). Les méthodes sérologiques : Ce sont celles principalement employées pour le diagnostic de la leptospirose. La détection des anticorps spécifiques se fait majoritairement grâce au test de micro-agglutination microscopique (ou MAT). Il s’agit de mettre le sérum du patient en présence de différentes dilutions de solutions contenant des cultures vivantes de différents serovars de leptospires. En présence d’anticorps anti-leptospires, se produit une agglutination dont le degré est évalué par observation au microscope à fond noir. Ce test présente une bonne spécificité. Néanmoins, il ne permet pas de faire la distinction entre une réaction due à une vaccination antérieure, ou à une infection, dans les cas de dépistage (KOSOSSEY VRAIN, 2004 ; ADLER et al., 2010). Les autres techniques sérologiques employées sont l’ELISA, pour laquelle de nombreux antigènes spécifiques de différents serovars peuvent être utilisés, permettant une détection des IgM. Néanmoins, des études mettent en avant le taux trop élevé de faux négatifs pour certains serogroupes (LAU, 2010). Des tests rapides, unitaires, à lecture visuelle sur bandelettes de nitrocellulose, sont basés sur le même principe que l’ELISA. Néanmoins, ils sont employés dans le cadre de dépistage, et présentent une sensibilité et une spécificité moindres que celles du test ELISA. Une autre technique, la macro-agglutination avec antigène thermo-résistant, permet d’observer sur lame de verre, sur visionneuse à fond noir, à éclairage indirect, l’agglutination éventuelle du sérum du patient et d’un mélange antigénique (Haute Autorité de Santé, 2011). Les méthodes moléculaires : Des tests PCR peuvent être réalisés à partir de sang ou d’urine selon le stade clinique de la maladie (ADLER et al., 2010 ; LAU, 2010). La technique de PCR en temps réel, plus rapide, peut également être utilisée (PICARDEAU, 2013). 165 vi. Moyens de lutte 1. Traitements Le traitement médical initial consiste en l’administration d’antibiotiques. Une prise précoce, dans les cinq premiers jours suivants l’apparition des premiers signes, est très favorable quant à l’évolution de la maladie. Le traitement se fait par voie veineuse pour les formes les plus sévères, tandis que la prise orale est préconisée dans les cas plus modérés. Les leptospires sont habituellement sensibles à la plupart des antibiotiques. Les -lactamines et les tétracyclines font partie des antibiotiques de choix (ADLER et al., 2010). Les céphalosporines de troisième génération et les quinolones sont également efficaces (ADLER et al., 2010 ; BONTEMPS, 2012). La prise en charge d’un patient atteint de leptospirose est dépendante de la forme qu’il manifeste. Lors d’une leptospirose pseudo-grippale, seul un traitement à base d’antibiotiques, d’anti-inflammatoires, et d’anti-pyrétiques, sera proposé au patient, tandis que dans le cas d’une forme aiguë, l’hospitalisation de la personne s’avérera nécessaire. Il peut être nécessaire d’hospitaliser le patient dans un service de soins intensifs, avec éventuellement hémodialyse en urgence pour les cas d’insuffisance rénale aiguë. Un monitoring cardiaque s’avère souvent nécessaire dans ces situations (ADLER et al., 2010 ; BONTEMPS, 2012). 2. Prophylaxie Pour certaines personnes, présentant un risque accru d’exposition aux leptospires (voyageurs, militaires…), ou pour celles ayant eu un contact avec un animal confirmé infecté, un traitement antibioprophylactique peut être mis en place. Ce traitement consiste généralement en une prise quotidienne, une fois par jour, pendant une semaine, de 200 mg de doxycycline (LAU, 2010, BONTEMPS, 2012). Quant à la vaccination, elle reste peu pratiquée dans les pays occidentaux, tandis qu’elle est largement répandue en Asie (nombreux cas chez les riziculteurs). Néanmoins, elle est recommandée pour les personnes présentant un risque d’exposition plus élevé, du fait de leurs activités professionnelles ou de loisirs. En France, le vaccin disponible est le Spirolept© (Axcell Biotechnologies), inactivé, à base d’unités de L. interrogans Icterohaemorrhagiae, offrant une protection limitée vis-à-vis de ce serogroupe. Il est relativement bien toléré, et son efficacité bonne mais courte (ADLER et al., 2010 ; BONTEMPS, 2012). En termes de recommandations, le port d’un équipement protecteur (gants, bottes, lunettes…) doit être appliqué dans les activités professionnelles à risque. Dans les autres domaines, et milieux, il est difficile de mettre en place des mesures protectrices. Néanmoins, pour les pays les plus atteints (tropicaux, en voie de développement), une bonne gestion des déchets, l’isolation des lieux de stockage des denrées et des lieux de vie, l’élévation du niveau d’hygiène, font partie des conditions nécessaires à l’amélioration du statut 166 endémique. De plus, la consommation d’eau au statut sanitaire douteux, et les baignades dans les points d’eau à risque sont à éviter (BONTEMPS, 2012). La vaccination animale, quant à elle, permet, au-delà de l’animal, de protéger l’Homme vis-àvis de serovars pouvant lui être transmis. Le chien, par exemple, peut très bien jouer un rôle d’hôte intermédiaire de la bactérie, depuis le réservoir rongeur, à l’hôte accidentel qu’est l’Homme. vii. Découvertes ou événements récents Un nouveau serovar n’appartenant pas à l’espèce interrogans, nommé L. kirschneri serovar Altodouro (souche RIM 139) a été isolé en août 2012 chez des souris domestiques (Mus musculus) au Portugal. Des études ont pu mettre en évidence son caractère pathogène vis-àvis de certaines espèces, dont notamment les hamsters. Il pourrait s’agir d’un serovar assez répandu en Europe, à la fois au sein de la population animale sauvage et domestique. Les investigations les plus récentes ont montré l’importance de l’exposition de troupeaux bovins à cette souche au Portugal, ainsi que sa forte prévalence chez les chiens en Grèce. A l’heure actuelle, nous ne connaissons pas son degré de pathogénicité vis-à-vis de l’Homme (DAS NEVES PAIVA-CARDOSO et al., 2013). 167 e. Maladie de Lyme i. Historique Les premières descriptions de la maladie de Lyme (LD pour « Lyme Disease ») remontent à 1883, en Europe par BUCHWALD. Il observe ce qu’il appellera l’acrodermatite chronique atrophiante (ACA), représentant en fait un stade avancé de la maladie. C’est AFZELIUS, qui décrit en 1910 l’érythème migrant (EM), la première manifestation cutanée de la maladie. En 1913, LIPSCHÜTZ parle de rash érythémateux chronique migrant (ECM), expression encore employée de nos jours (BHATE et al., 2011). Les connaissances concernant cette maladie ont été acquises progressivement, et ce n’est qu’en 1922 que l’on constate les répercussions au niveau du système nerveux central. LENNHOFF et THYRESSON, respectivement en 1948 et 1949, suspectent une étiologie bactérienne. Sans connaissance de l’agent en cause, de la pénicilline est administrée aux personnes atteintes d’EM ou de ACA (BHATE et al., 2011). Cependant, c’est l’émergence soudaine d’un grand nombre de cas d’arthrites survenues notamment chez des enfants aux Etats-Unis, qui a valu son nom actuel à la maladie. En effet, de 1973 à 1975, 35 personnes du « Old Lyme » dans le Connecticut manifestent ces symptômes. Le lien entre cette symptomatologie et l’erythema migrans est rapidement établi, la maladie sera alors nommée maladie de Lyme (ATHREYA B.H., et al., 1996). L’agent étiologique ne sera isolé qu’en 1982, par BURGDORFER et al., à partir d’intestins de tiques Ixodes dammini et de patients humains. Il s’agit d’un spirochète du genre Borrelia, et nommé Borrelia burgdorferi en hommage à son découvreur (LAMOURAUX, 2005). La maladie de Lyme est donc appelée, plus généralement, borréliose. Le génome de la bactérie a été complètement séquencé en 1997 (BHATE et al., 2011). ii. Caractéristiques bactériennes 1. Description et systématique a. Diversité bactérienne Le genre Borrelia appartient à la famille des Spirochaetacea (comme Leptospira spp.) et se divise en deux groupes, dont l’un est Borrelia burgdorferi sensu lato (BHATE et al., 2011). Ce dernier comprend 11 espèces génomiques différentes dont 5 sont connues comme étant pathogènes pour l’Homme : Borrelia burgdorferi sensu stricto, B. afzelii B. garinii, B. spielmanii et B. valaisiana (GUY, 2007). 168 b. Structure B. burgdorferi est une bactérie à Gram négatif, de forme spiralée, mesurant 0,2-0,3µm de large sur 20-30 µm de longueur (figure 45) (BHATE et al., 2011). Comme les autres Borrelia, elle est vectorisée par des tiques. Figure 45. Photographie de Borrelia burgdorferi au microscope electronique à balayage et traitement couleur de l'image (Source: Janice Harrey Carr (CDC)). 1 µm Sa structure est proche de celle des autres spirochètes (GUY, 2007). Quant à la mobilité de Borrelia, elle est permise par la présence de nombreux flagelles périplasmiques, également responsables, en partie, de la virulence de la bactérie (BHATE et al., 2011). Le génome bactérien est constitué d’un chromosome linéaire de petite taille, ainsi que de 21 plasmides dont 12 sont circulaires, et 9 linéaires. 2. Facteurs de virulence et pathogénicité Les Borrelia présentent de nombreux antigènes de surfaces. Parmi eux, les lipoprotéines de surface externes OspA, OspB…OspF, un antigène de surface variable, VlsE, la protéine de fixation à la fibronectine, BBK32, les protéines de fixation à la decorin, DbpA et DbpB. Ces protéines de surface sont exprimés de façon variable, conférant à Borrelia sa virulence, et sa survie chez l’hôte infecté (BHATE et al., 2011). Les protéines OspA et OspC jouent un rôle dans l’inoculation de l’agent bactérien à une espèce hôte. En effet, initialement, les bactéries prolifèrent dans le tube digestif de la tique vectrice, et y sont fixées par l’intermédiaire de récepteurs. Suite à une expression différentielle des lipoprotéines, avec diminution de l’expression de OspA et augmentation de 169 OspC, la bactérie se détache des récepteurs qui la liaient à la tique, traverse la paroi du tube digestif, et migre jusque dans les glandes salivaires. La transmission à un mammifère devient alors possible (GUY, 2007). OspC et VlsE jouent un rôle essentiel dans la pathogénie de l’agent, permettant la persistance et la résistance bactérienne chez l’hôte (STANEK et al., 2012). En effet, la variabilité de l’expression de VlsE lui permet d’échapper au système immunitaire, et, OspC, en se liant à Salp15, une protéine présente dans la salive de la tique, inhiberait le complément, les cellules dendritiques, ainsi que les mécanismes immunitaires humoraux et cellulaires (BHATE et al., 2011, MARCHAL, 2009). Les mécanismes du système immunitaire inné de l’organisme hôte sont activés sitôt que les antigènes interagissent avec les TLR 2 (Toll-like receptor 2) des LT. En effet, cette interaction entraîne la stimulation de molécules pro-inflammatoires (cytokines…), ainsi que les processus de phagocytose par les macrophages. Cependant, avec les molécules antiinflammatoires présentes dans la salive de tique, libérées lors de la morsure, la bactérie échappe aux premiers mécanismes de défense. Par ailleurs, par l’expression de nombreuses protéines de surface, elle résiste aux mécanismes immunitaires de l’hôte. Ainsi, les CRASP 1 et 2 (complement regulating-acquiring surface proteins 1 et 2), Osp E et Osp F, et OspE/F related proteins (Erp) peuvent, en se fixant au facteur H du complément de l’hôte, entraîner une dégradation de C3b, inhibant la formation de C3b convertase, et par la suite, empêcher l’opsonisation de la phagocytose (MARCHAL, 2009 ; BHATE et al., 2011). Par ailleurs, les Borrelia se déplacent au sein de la matrice extracellulaire, de façon centrifuge (d’où l’apparition de l’EM) grâce à leur activité collagénase. La fixation des bactéries à des molécules de la matrice extracellulaire empêche aussi le système immunitaire de les détecter. Les bactéries pathogènes adhèrent ensuite aux plaquettes (par fixation de leurs adhésines P66 aux intégrines plaquettaires) et vont ainsi coloniser les organes (LAMOURAUX, 2005). B. burgdorferi possède de nombreuses autres adhésines de surface (comme BBK32, DbpA, DbpB citées précédemment) lui permettant de se fixer à différents types de tissus : ceux de la peau, du cœur, de la vessie, du système nerveux et des articulations. Des études mettent en avant la capacité de fixation de B. burgdorferi aux cellules endothéliales par la lipoprotéine de surface OspA. Cette dernière pourrait par ailleurs être à l’origine de l’aptitude de la bactérie à franchir la barrière hémato-encéphalique et à adhérer aux cellules neuronales (MARCHAL, 2009). D’après les connaissances dont nous disposons actuellement, B. burgdorferi ne libère pas de toxines (STANEK et al., 2012). iii. Épidémiologie 1. Descriptive On constate ces dernières années une augmentation du nombre de cas humains de maladie de Lyme. Par exemple, aux Etats-Unis, le CDC rapporte une hausse de 101% du nombre de personnes atteintes en l’espace de 15 ans, entre 1992 et 2006. Les connaissances plus pointues au sujet de la borréliose, une sensibilisation plus forte des populations à la maladie, 170 les déclarations des cas s’effectuant plus rapidement du fait de la disponibilité de tests diagnostiques plus simples et accessibles expliqueraient en partie cette recrudescence, mais les changements climatiques interviendraient aussi, en faisant une vraie émergence (GUY, 2007 ; BHATE et al., 2011). La maladie de Lyme sévit dans de nombreux pays de l’hémisphère Nord. Néanmoins, les vecteurs et les espèces bactériennes diffèrent géographiquement. Ainsi, B. burgdorferi sensu stricto est la seule souche pathogène retrouvée aux Etats-Unis, tandis que huit espèces sont présentes en Europe, dont cinq sont pathogènes : B. afzelii, B. garinii, B. burgdorferi sensu stricto, B. spielmanii, et B. bavariensis (BEGON, 2007 ; STANEK et al., 2012). Les plus incriminées en Europe sont B. afzelii et B. garinii, cette dernière prédominant largement en Asie. Quant aux vecteurs, Ixodes ricinus est celui principalement retrouvé en Europe, I. persulcatus en Asie, I. scapularis au Centre et Nord-Est des Etats-Unis, et I. pacificus sur la côte Ouest des États-Unis. La figure 46 montre la répartition géographique des vecteurs (STANEK et al., 2012). Figure 46. Répartition géographique des vecteurs de B. burgdorferi (STANEK et al., 2012) L’incidence de la maladie de Lyme est très variable d’un pays à l’autre. Elle est plus élevée dans les zones forestières avec un fort degré d’hygrométrie, dans lesquelles de nombreux hôtes animaux sont disponibles. Ainsi, en Europe, elle est la plus faible au Royaume-Uni (0,3 cas pour 100 000 habitants), alors que l’on compte 120 à 130 cas pour 100 000 habitants en Slovénie et en Autriche, et près de 160 cas pour 100 000 habitants en Suède. En France, on estime l’incidence au niveau national à 16,5 cas pour 100 000 habitants, mais si l’on ne s’intéresse qu’au nord du pays, l’incidence grimpe à 86 cas pour 100 000 habitants (BEGON, 2007 ; BHATE et al., 2011). Des analyses portant sur des tiques Ixodes européennes ont 171 montré que 23.2% des individus sont (ou ont été) infectés par B. burgdorferi sensu stricto en Autriche, 29.6% en Suède, 36.2% en Allemagne, et jusqu’à 45% en Croatie ! Aux Etats-Unis, la moyenne comptabilisée est de 8,2 cas pour 100 000 habitants, mais, en réalité, les disparités sont fortes entre Etats, de 0 à 100 cas pour 100 000 habitants, l’incidence la plus élevée étant celle de la côte Est (BHATE et al., 2011). 2. Analytique a. Vecteurs et réservoirs Les tiques sont contaminées suite à un premier repas sanguin sur un animal réservoir, infecté de façon chronique. Du fait de la transmission trans-stadiale, la tique reste infectée après sa mue, et contaminera une espèce animale hôte lors du repas sanguin suivant. Les nymphes et les adultes sont donc les stades les plus susceptibles d’être infectés. Néanmoins, la transmission transovarienne est possible, et les œufs, peuvent être directement porteurs de Borrelia (GUILLOT, 2012). Par ailleurs, certaines tiques, sont, en proportion, plus infectées que d’autres, et donc, plus à risque de transmettre la bactérie lors de la piqûre. Ainsi, pour I. scapularis, on observe un intervalle de temps de 3 mois entre le stade nymphal et le stade larvaire d’une génération qui le précède. Une tique infectée au stade de nymphe peut donc contaminer un animal hôte, qui, devenu réservoir de la bactérie, infectera une larve de tique prenant son premier repas de sang, et devenir ainsi infectante. La figure 47 de la page suivante schématise le cycle infectieux de B. burgdorferi (STANEK et al., 2012). Les tiques vectrices de B. burgdorferi peuvent infecter un grand nombre d’espèces animales. L’Homme, infecté de façon occasionnelle, est considéré comme un hôte accidentel, puisqu’il n’entre pas dans le cycle enzootique de la borréliose. Les réservoirs connus de Borrelia sont principalement des petits mammifères. Parmi eux, de nombreux rongeurs sont incriminés. Aux Etats-Unis, la souris à pattes blanches (Peromyscus leucopus) constitue le réservoir le plus important de B. burgdorferi sensu stricto dans la région Est du pays, puisqu’il s’agit d’un hôte préférentiel pour I. scapularis. D’autres espèces, comme les cerfs (Odocolleus virginlanus) ou encore les ratons-laveurs (Procyon lotor) sont aussi des hôtes pour I. scapularis (BHATE et al., 2011). Mais les cerfs, s’ils permettent aux tiques de se nourrir, ne sont pas des hôtes réservoirs pour les spirochètes. Leur présence dans certains secteurs géographiques permet donc de diminuer la pression infectieuse de la borréliose. A l’ouest des Etats-Unis, où le vecteur principal est I. pacificus, le mulot sylvestre (Apodemus sylvaticus) représente la seule espèce hôte réservoir pour B. burgdorferi sensu stricto. En Europe, la spécificité d’hôte est moins prononcée. Ainsi, de nombreux rongeurs, mais également oiseaux, hérissons et lièvres sont des réservoirs potentiels. Parmi les rongeurs réservoirs de B. burgdorferi sensu stricto, de B. afzelii ou encore de B. garinii, on trouve principalement le mulot à collier (Apodemus flavicollis), le mulot sylvestre (Apodemus sylvaticus), la souris domestique (Mus musculus), le campagnol roussâtre (Myodes glareolus), et le campagnol commun (Microtus arvalis). En Asie, la souris sylvestre (Apodemus sylvaticus) est un des principaux réservoirs (BHATE et al., 2011). 172 Figure 47. Le cycle infectieux des espèces de Borrelia burgdoreferi sensu lato en Europe. La taille des disques de couleur est relative à l’importance de l’hôte pour l’espèce bactérienne en question. La croix rouge figurant sur une espèce hôte signifie que celui-ci ne joue pas de rôle réservoir dans cycle de la borréliose (STANEK et al., 2012) b. Modes de transmission La transmission se réalise par inoculation du germe suite à la morsure de tique. On estime à moins de 5% en moyenne, le risque de transmission à l’Homme de la bactérie, suite à une morsure isolée de tique. Ce risque varie en fonction de l’importance de l’exposition aux tiques, de la durée pendant laquelle la tique reste fixée à l’hôte durant son repas sanguin (la transmission est plus efficace entre 48h et 72h d’attachement de la tique), ainsi que de la réponse immunitaire de l’hôte (BHATE C. et al., 2011). 173 c. Facteurs de risque Le climat joue un rôle, et a fortiori, les saisons. En effet, les conditions environnementales (zones boisées, humidité…), favorables aux tiques et aux bactéries, auxquelles s’ajoute le comportement de l’Homme, s’exposant davantage au risque de morsure de tique (activités de plein air permises par un temps agréable), entraînent automatiquement une élévation de l’incidence de la maladie de mai à septembre (SEUGE et al., 2011) et particulièrement de juin à août (BHATE et al., 2011). Les personnes contractent essentiellement la maladie de Lyme en zone péri-urbaine ou rurale (STANEK et al., 2012). Les populations principalement atteintes sont celles ayant des activités, professionnelles ou de loisirs, dans les zones à risque, forestières, boisées, humides (GUY, 2007). Des études mettent par ailleurs en avant une plus forte incidence de la borréliose dans deux tranches d’âge : 5-19 ans, et 55-69 ans. Ces données s’expliquent ici par les activités de loisirs notamment, avec les jeunes générations pratiquant des jeux et randonnées en forêt, et les personnes d’âge mûr, à l’approche de la retraite, consacrant plus de temps à la détente dans des zones riches en verdure (BHATE et al., 2011). iv. Étude clinique La maladie de Lyme est caractérisée par un polymorphisme important. Par ailleurs, chacun des aspects cliniques que peut revêtir la borréliose, est généralement lié à une espèce bactérienne. Ainsi, B. afzelii est le principal agent responsable des formes cutanées, B. garinii est impliqué dans 75% des atteintes nerveuses (ou neuro-borrélioses), B. burgdorferi sensu stricto est quant à lui à l’origine des formes articulaires (BEGON, 2007 ; STANEK et al., 2012). L’expression clinique de la maladie de Lyme est généralement moins marquée en Europe qu’en Amérique du Nord, où seule B. burgdorferi sensu stricto est responsable de la maladie chez l’Homme (STANEK et al., 2012). Par ailleurs, la borréliose est moins polymorphe aux Etats-Unis qu’en Europe, les signes principaux étant les atteintes articulaires et nerveuses outre-Atlantique (MARCHAL, 2009). Chez l’animal : De nombreuses espèces développent des symptômes, comparables à ceux chez l’Homme. Dans le cas des rongeurs, nos connaissances sont celles issues de l’expérimentation animale. Les manifestations cliniques sont très variables, de l’expression subaiguë voire l’absence de signes, à une expression aiguë, évolutive, de la maladie, avec des symptômes similaires à ceux retrouvés chez l’Homme (arthrites, atteintes neurologiques par exemple). Chez l’Homme : Les premiers signes cliniques apparaissent environ 48h après la morsure de la tique (AGUS, 1995). 174 On note trois stades dans l’évolution clinique de la borréliose. Les lésions ne sont pas constantes, des phases asymptomatiques pouvant survenir. Nous détaillerons par la suite les différentes formes de borréliose (MARCHAL, 2009 ; BHATE et al., 2011). - - - La phase primaire, est dite précoce localisée. Elle est caractérisée par l’apparition de l’EM, d’évolution centrifuge par rapport au point d’inoculation. Ces signes cutanés sont généralement accompagnés de symptômes généraux, de type syndrome grippal. La guérison spontanée est possible. Elle n’implique donc pas nécessairement d’être suivie des phases suivantes. La phase secondaire, dite précoce disséminée, durant laquelle l’agent bactérien se répand dans l’organisme, se manifeste par une extension des lésions cutanées, l’apparition de signes neurologiques, articulaires ou cardiaques. Néanmoins, là encore, la guérison est possible sans qu’il n’y ait d’évolution vers la troisième phase. La phase tertiaire est tardive, pouvant se manifester des mois voire des années après l’infection. Elle est marquée par la persistance de lésions neurologiques, des arthrites récidivantes, et de l’ACA. Les manifestations cutanées : Elles débutent avec l’érythème migrant (EM), en phase primaire, au site d’inoculation des bactéries, 1 à 3 semaines après la morsure de tique. L’aspect initial est une papule ou macule érythémateuse, rouge à violacée, s’étendant au fil du temps (d’environ 3 cm par jour) de façon centrifuge, et dont la zone centrale s’éclaircit le plus souvent (figure 48). Figure 48. Illustration de l’aspect de l’EM (source : internet, CDC, 2011). Cet aspect classique est présent chez 50% des adultes et 90% des enfants, et a en moyenne 10 à 16 cm de diamètre le jour de la consultation chez le médecin. Des symptômes généraux sont souvent concomitants, et on observe parfois des lymphadénopathies régionales. Lors de la phase secondaire, pouvant apparaître une semaine ou plusieurs mois après la contamination, l’infection progresse, et de multiples EM, d’aspect moins typique, et de taille généralement plus faible que l’EM initial, apparaissent (associées dans le même temps à d’autres atteintes organiques) (BHATE et al., 2011). L’EM peut par ailleurs persister, devenir 175 un nodule ou une plaque, et former un lymphocytome borrélien. Celui-ci est retrouvé principalement chez les enfants, au niveau du lobe ou de l’helix des oreilles, mais peut également se manifester au niveau du mamelon ou du scrotum (au niveau de zones plus basses en température, plus propices au développement de Borrelia) (SEUGE et al., 2011). Les atteintes cutanées durant la phase tardive, sont quasi exclusivement retrouvées en Europe, et se manifestent par l’ACA. Il s’agit de plaques violacées évoluant progressivement vers une atrophie cutanée, caractérisée par une hyperpigmentation de la peau, ridée, devenant translucide. Elle touche principalement les extrémités, au niveau des zones convexes des membres (MARCHAL, 2009). Les études mettent en avant le lien avéré entre la maladie de Lyme et la manifestation de lymphomes malins cutanés (BHATE et al., 2011). Concomitamment à l’ACA, peuvent apparaître des plaques sclérodermiques. Les manifestations articulaires constituent l’atteinte prépondérante en Amérique du Nord : un américain sur deux, ayant présenté un EM non traité médicalement, développe des lésions articulaires. Les lésions débutantes durant la phase primaire sont des arthromyalgies migratrices et fugaces. Des mois plus tard, lors de la phase secondaire, une monoarthrite d’apparition brutale apparaît généralement, localisée le plus souvent aux genoux, mais pouvant toucher d’autres grosses articulations (coudes, chevilles…). Des formes atypiques peuvent se manifester, telles que des ténosynovites, ou des arthrites pseudo-rhumatoïdes touchant les petites articulations des mains. Chez certains patients, des formes chroniques peuvent s’installer, correspondant à des arthrites d’évolution chronique, sans antibiothérapie, sur une période d’au moins un an et résistant à une antibiothérapie adaptée pendant plus de trois mois. Moins d’une personne sur dix développe ce genre d’atteinte aux Etats-Unis, et en Europe, les cas sont rarissimes. La survenue de tels cas s’expliquerait par des prédispositions génétiques (allèle HLA-DR4 notamment), ainsi que par une réponse immunitaire humorale plus intense contre l’antigène borrélien OspA, voire par des phénomènes auto-immuns liés à la présence de molécules LFA-1 (lymphocyte function associated antigen 1) mimant l’antigène OspA. Des atteintes musculaires sont également décrites : myalgies fréquentes, myosites nécrosantes déficitaires plus rarement (BEGON, 2007). Les manifestations neurologiques apparaissent des semaines après l’EM. L’atteinte du système nerveux se réalise par voie hématogène, par propagation via les nerfs périphériques et les vaisseaux lymphatiques à proximité du site d’inoculation. Cette infection neurologique entraîne une forte stimulation de la production de cytokines inflammatoires, ainsi que des chemokines spécifiques des cellules B et T, dont certaines d’entre elles sont considérés comme des marqueurs de la maladie de Lyme. On retrouve comme atteintes neurologiques précoces, la triade méningite lymphocytaire, névrite des nerfs crâniens et radiculonévrite chez 12 à 15% des patients. Ce syndrome est responsable de céphalées, de douleurs dans la nuque, de perturbations mentales, de paralysie faciale et d’autres déficits des nerfs crâniens : perte de l’olfaction, du goût, déséquilibres… Chez 5% des personnes ayant présenté ces signes, des atteintes neurologiques tardives se manifestent des années plus tard durant la phase tertiaire. Il s’agit de radiculopathies persistantes, d’atteintes du plexus brachial ou lumbosacré, de polyneuropathies sensitives (AGUS, 1995 ; BHATE et al., 2011). Les manifestations cardiaques sont observées chez 4 à 10% des américains durant le stade secondaire, contre 0,3 à 4% chez des patients européens (BEGON, 2007). Il s’agit le plus 176 fréquemment de blocs atrio-ventriculaire de stade 1. Néanmoins, des blocs de stade 2, des dysrythmies, des myocardites, des cardiomyopathies dilatées, voire des arrêts cardiaques peuvent également être observés. Des processus auto-immuns expliqueraient en partie ces lésions (BHATE et al., 2011). Des manifestations oculaires ont été décrites, mais restent rares. Les atteintes peuvent être des conjonctivites, des uvéites, des kératites, des épisclérites… (STANEK et al., 2012). Les tiques peuvent par ailleurs être porteuses à la fois de B. burgdorferi sensu lato, mais également d’autres agents pathogènes. Ainsi, on peut assister à la manifestation concomitante de borréliose, de babésiose, de rickettsiose, d’ehrlichiose, ou d’encéphalite à tiques chez l’homme. Chez l’animal on observe également ces co-infections (BHATE et al., 2011 ; FRANKE et al., 2013). v. Diagnostic et dépistage de laboratoire La démarche diagnostique passe dans un premier temps par l’examen clinique du patient, avec un tableau évocateur d’une maladie de Lyme (l’EM notamment). Etant donné sa forte valeur diagnostique, bien souvent, peu d’analyses sont réalisées en laboratoire. Parmi les examens complémentaires permettant d’orienter le diagnostic, l’analyse sanguine ne met en évidence que de faibles modifications des paramètres sauf en cas de co-infection avec d’autres agents pathogènes. En revanche, l’examen du LCS montre souvent une pléocytose avec plus de 90% de lymphocytes et l’examen du liquide synovial met en évidence une augmentation de la concentration en globules blancs avec une prédominance de polynucléaires (STANEK et al., 2012). Isolement de la bactérie La recherche directe de spirochètes par observation au microscope à partir d’un prélèvement sanguin n’est pas réalisée, compte tenu de sa faible fiabilité. Même si la culture bactérienne présente une bonne spécificité, elle n’est en réalité que peu employée, puisque l’examen clinique, avec l’observation de lésions cutanées (EM) est considéré comme étant un meilleur outil diagnostique (STANEK et al., 2012). Méthodes sérologiques Les résultats fournis par les tests sérologiques sont, en cas de résultat positif, un argument diagnostique majeur. Ils s’avèrent particulièrement utiles dans le cas des arthrites, contrairement aux formes de borréliose cutanée primaire ou neurologique, avec une bonne sensibilité et spécificité des IgG. Celles-ci apparaissent deux mois après l’infection et persistent des années même après une guérison clinique. Dans les formes secondaires, les IgM sont rares, et absentes dans les stades tardifs (BEGON, 2007). Le diagnostic sérologique est plus utile dans les formes sans manifestation d’EM, où deux titrages sont effectués. La méthode ELISA ou l’IFA sont employées en première intention, suivies, en cas de positivité ou de doute, par la mise en œuvre d’un Western blot qui permet de mettre en évidence une réactivité vis-à-vis de plusieurs antigènes communs aux Borrelia 177 (BHATE et al., 2011). Par ailleurs, ces analyses ne sont pas utilisées pour le suivi des patients, car la séropositivité ne signifie pas que la maladie est active, les anticorps pouvant persister même en cas de guérison complète (STANEK et al., 2012). La recherche d’anticorps peut également s’effectuer à partir du LCS dans les cas de neuroborréliose, avec les analyses ELISA et Western blot (BHATE et al., 2011). Méthodes moléculaires La méthode PCR est un bon choix d’analyse, quelle que soit la forme de borréliose. Le test se réalise soit à partir du liquide synovial, soit à partir de biopsies cutanée, ou de LCS. La sensibilité et la spécificité étant plus faibles lorsque le prélèvement est le LCS. Ainsi, il ne sera pas possible d’exclure la maladie de Lyme du résultat négatif d’un test PCR. La réalisation du test à partir de sang ou d’urine n’est pas recommandée, n’ayant pas montré de bonnes performances diagnostiques, (BHATE et al., 2011 ; STANEK et al., 2012). vi. Moyens de lutte 1. Traitements Afin de permettre au mieux la guérison des patients, et d’éviter la persistance de certaines manifestations, le traitement antibiotique doit être instauré le plus précocement possible. Il doit être modulé selon la phase d’évolution de la maladie (MARCHAL, 2009). Parmi les classes d’antibiotiques les plus efficaces, on retiendra principalement les β-lactames, les macrolides et les tétracyclines (LAMOURAUX, 2005). A contrario, la bactérie est résistante aux fluoroquinolones, à la rifampicine, et aux céphalosporines de première génération. Le traitement s’effectue par voie orale dans les formes cutanées et les formes articulaires débutantes (STANEK et al., 2012). Dans les cas où le stade primaire, caractérisé par l’EM, semble résolu, il convient de poursuivre un traitement antibiotique oral, afin de prévenir la dissémination du germe dans l’organisme, et l’évolution vers les stades plus tardifs. Lorsque la borréliose atteint une forme plus évoluée, en stade secondaire, afin d’empêcher la dissémination de l’agent bactérien, l’administration antibiotique par voie parentérale est préférable. La molécule la plus utilisée est la ceftriaxone. Elle est capable de franchir la barrière hémato-encéphalique et présente une longue demi-vie. Lors de la phase tertiaire de la maladie de Lyme, avec des signes tels qu’une neuroborréliose tardive, une arthrite récurrente ou les formes cardiaques, les recommandations thérapeutiques sont l’administration parentérale d’une céphalosporine de 3 ème génération ou de pénicilline G. Le traitement est compliqué, et nécessite l’administration prolongée d’antibiotiques pendant 6 mois voire un an. Pour les cas chroniques, il semblerait que ces longues durées d’administration n’apportent pas d’amélioration (LAMOURAUX, 2005). 178 Certaines personnes présentent ce qui est connu comme le « syndrome de Lyme après traitement ». Il s’agit de personnes manifestant des signes tels que: fatigue, myalgies, et des efforts importants sont nécessaires à la concentration ou à la mémorisation. À l’heure actuelle, les mécanismes expliquant ces symptômes ne sont pas connus (STANEK et al., 2012). 2. Prophylaxie De nombreuses études montrent que le traitement antibiotique post-exposition ne présente aucun intérêt, sauf dans les cas de personnes sensibles (femmes enceintes notamment). Les premiers vaccins mis au point étaient de type inactivé. L’éventuel pouvoir réactogène chez l’Homme engendré par ces vaccins a conduit sur la voie des vaccins recombinants, avec, notamment, l’emploi de la protéine OspA, fortement immunogène. L’un d’entre eux, le LYMErix©, monovalent, a été mis sur le marché. Néanmoins, étant donné son efficacité limitée et les inquiétudes suscitées quant aux processus auto-immuns que peut engendrer la borréliose, il a dû être retiré. Des recherches sont actuellement en cours, en utilisant notamment la protéine OspC (LAMOURAUX, 2005). Sur le plan sanitaire, le port de vêtements couvrant les bras et les jambes est une première attitude préventive, de même que l’inspection corporelle après une activité en milieu boisé. La lutte contre les vecteurs est délicate, l’entretien de son jardin (débroussaillage, tonte des pelouses…) est d’une efficacité limité, tandis que l’épandage d’acaricide est dangereux pour l’environnement. Néanmoins, la dispersion d’appâts dans des cages aux parois imprégnées d’acaricide, destinés aux rongeurs, a été évaluée, et montre qu’il en résulte une moins forte infestation par ces petits mammifères (LAMOURAUX, 2005). vii. Evénements ou découvertes récentes Au Brésil, comme dans de nombreux autres pays, la maladie de Lyme reste sous diagnostiquée. En 2012, trois cas sont décrits pour la première fois dans l’état de Tocantins. La manifestation clinique est différente de celle fréquemment observée dans l’hémisphère nord, et la maladie est connue au Brésil, sous le nom de syndrome de Baggio-Yoshinari (OMAR CARRANZA-TAMAYO et al., 2012). 179 f. Tuberculose à Mycobacterium microti i. Historique Une forme de tuberculose a été étudiée pour la première fois en 1937, par WELLS et OXON chez plusieurs espèces sauvages de petits mammifères: campagnol agreste, campagnol roussâtre, mulot sylvestre, et musaraigne. De nombreux individus furent collectés de 1937 à 1942 dans divers endroits de Grande-Bretagne. WELLS décrivit les tableaux cliniques et lésions organiques de ces petits mammifères, et démontra l’implication d’une bactérie dans les processus pathologiques (CAVANAGH et al., 2002 ; SMITH et al., 2009). La prévalence chez les rongeurs se situe entre 9 et 31% selon les espèces (MCCLURE, 2012). Grâce aux descriptions de WELLS de l’agent étiologique, (dont, entre autres, l’acido-alcoolo-résistance) ce dernier fut désigné plus tard comme étant Mycobacterium tuberculosis subsp. muris puis Mycobacterium microti (M. microti). Dans les années 50, la bactérie n’étant considérée comme pathogène qu’envers les micro-mammifères, des souches vivantes atténuées furent inoculées en Tchéquoslovaquie, au Royaume-Uni et en Rhodésie du Nord (actuel Zimbabwe), en tant que vaccin contre la tuberculose humaine. Néanmoins, ces mesures prophylactiques ne se sont pas avérées plus efficaces que l’inoculation de BCG (SMITH et al., 2009). En 1998, M. microti est incriminé dans des cas d’infections humaines aux Pays-Bas, puis en Allemagne, en Suisse, en Angleterre et en Ecosse. Dans le même temps, le développement des méthodes moléculaires a permis de mieux identifier les différents agents bactériens appartenant au complexe M. tuberculosis (MTBC). L’appartenance phylogénétique de M. microti à ce complexe, a été établie par BROSCH et al. (2002). Ces mêmes auteurs établirent une forte proximité génétique entre M. microti et M. pinnipedii. C’est notamment par l’étude du génome, et en ciblant des zones génomiques appelées « Régions de différence » ou régions RD, dont la présence est variable selon les différents membres du MTBC, qu’il a été possible de mieux comprendre les liens phylogénétiques entre les différentes souches. Ainsi, chez M. microti, on constate une délétion des régions RD7, RD8, RD9, RD10 et RDmic (PETINATAUD et al., 2005). Quant à RD1, impliquée dans l’expression de la protéine ESAT-6, fortement immunomodulatrice en stimulant la voie Th1, elle est partiellement voire totalement absente selon les souches de M. microti (PANTEIX, et al., 2010). Par ailleurs, il existe d’autres différences génétiques au sein des souches de M. microti ; ainsi la région MiD1 peut être absente, partiellement délétée, voire intacte. (PETINATAUD et al., 2005 ; EMMANUEL et al., 2007). 180 ii. Caractéristiques bactériennes 1. Description et systématique a. Structure M. microti est une bactérie de l’ordre des Actinomycetales, de la famille des Mycobacteriaceae, et du genre Mycobacterium, mesurant environ 5 µm de long sur 0,20,5µm de large. Le genre comprend de nombreuses espèces bactériennes, très homogènes sur les plans biochimique et morphologique. En effet, il s’agit de bactéries à Gram positif, acido-alcoolo-résistantes (AAR), fines, aérobies, asporulées et immobiles. En revanche, elles sont très hétérogènes en termes de pouvoir pathogène et d’affinité d’hôtes (SOLATGES, 2008). M. microti, observé au microscope, peut présenter différents aspects : en forme de faucille, de « S » ou encore de spirale (CAVANAGH et al., 2002). Elle se distingue de M. tuberculosis, l’agent de la tuberculose humaine, par l’absence d’activité pyruvate kinase, dont résulte son incapacité à croître sur des milieux non supplémentés en pyruvate. b. Diversité bactérienne M. microti appartient au MTBC, comprenant des espèces toutes pathogènes pour l’Homme et/ou les animaux. On retrouve également, au sein de ce groupe, M. tuberculosis, M.bovis (dont la souche bovis BCG), M. africanum, M. caprae, M. pinnipedii et M. canettii (PANTEIX et al., 2010). Avec le spoligotypage, différents génotypes de M. microti ont pu être mis en évidence, parmi eux les génotypes « campagnol », « lama », et « daman de Dassie ». La base internationale référençant toutes les souches identifiées par cette technique (appelée SpolDB4), répertorie 40 souches de M. microti dont 37 sont retrouvées en Europe de l’Ouest (EMMANUEL et al., 2007 ; MCCLURE, 2012). M. microti a longtemps était considéré comme non pathogène pour l’homme. En réalité, pour autant qu’on aurait émis une telle hypothèse, il aurait été impossible de la confirmer, étant donné le temps de croissance in vitro important de cet agent et surtout son extrême exigence culturale (CAVANAGH et al., 2002). L’avènement de la biologie moléculaire a conduit à considérer M. microti comme un agent infectieux émergent chez l’Homme, sachant qu’il est difficile de vérifier qu’il s’agit d’une véritable émergence. c. Résistance Les mycobactéries résistent à la chaleur, au froid, aux variations de pH, à la dessication (du fait des propriétés hydrophobes de leur paroi), aux désinfectants habituels, aux antiseptiques hydrosolubles. 181 Elles sont néanmoins sensibles aux antiseptiques liposolubles (notamment les alcools), qui peuvent traverser la paroi cellulaire et sont très sensibles à la lumière du soleil, au phénol à 5%, à la Javel diluée à 5% (après 15 min de contact) (SOLATGES, 2008). 2. Facteurs de virulence et pathogénicité Comme les autres mycobactéries, son pouvoir pathogène s’exerce du fait des composants de sa paroi, la rendant capable de survivre et de se multiplier dans les cellules phagocytaires, et de la réponse immunitaire qu’elle provoque chez l’hôte infecté. La bactérie peut rester localisée ou disséminer par voie lymphatique. Quant à sa multiplication dans l’organisme, elle peut être intra ou extra-cellulaire. La reconnaissance par certaines protéines antigéniques du Toll-like receptor TLR2 de la cellule hôte déclenche la libération de molécules pro-inflammatoires puis inflammatoires. Les mycobactéries sont internalisées par les cellules phagocytaires, et empêchent la fusion du phagosome avec le lysosome en inhibant l’action acidifiante de la cellule hôte. Elles diminuent alors l’oxydation dans les macrophages activés, tout comme la libération de cytokines. La bactérie diminue donc le rôle de CPA (cellule présentatrice d’antigène) joué par le macrophage, et module la réponse des lymphocytes T grâce aux propriétés antigéniques de sa paroi. Tandis que l’activation de l’IFN-γ est bloquée, la réaction immunitaire conduit à la libération accrue de TNFα. Ces différents processus sont à l’origine d’une destruction tissulaire, de la formation de granulomes et d’une infection nécrosante (BOULOUIS, 2013). iii. Épidémiologie 1. Descriptive Actuellement, nous disposons de peu de connaissances épidémiologiques relatives à M. microti, encore considérée, il y a 20 ans, comme non pathogène pour l’Homme. Sur le plan géographique, les cas d’infection humaine dus à cette bactérie, encore peu nombreux, sont majoritairement retrouvés en Europe, et particulièrement au Royaume-Uni, et dans certains pays d’Europe de l’Ouest dont la France. En effet, l’étude de 6 cas survenus en France, réalisée par PANTEIX et al., 2010, rapporte que seulement 27 cas humains sont rapportés dans la littérature, parmi lesquels 10 d’entre eux ne présentaient aucun déficit immunitaire (PANTEIX et al., 2010). Néanmoins, il est important de préciser que la maladie reste peu étudiée, peu suspectée, et donc sous-diagnostiquée. 182 2. Analytique a. Sources de contamination Comme l’a décrit WELLS, il semble que les rongeurs sauvages soient les principaux réservoirs responsables de la persistance et de la transmission de l’agent infectieux (CAVANAGH et al., 2002). Au Royaume-Uni, des études ont montré une prévalence de 5 à 50% chez des campagnols, mulots et musaraignes (DE JONG et al., 2009). Une plus forte incidence de la maladie a été retrouvée durant le printemps, corrélée semblerait-il, à la population plus importante de campagnols plus âgés, chez qui l’on observe des stades plus avancés de la tuberculose due à M. microti (MCCLURE, 2012). Certaines espèces sont néanmoins réceptives et sensibles au germe ; des cas ont été rapportés chez des singes, chats, cochons, blaireaux, vaches, chameaux, lamas (CAVANAGH et al., 2002 ; EMMANUEL et al., 2007) et DEFORGES et al. (2004) ont décrit le premier cas d’infection à M. microti chez un chien beauceron de 4 ans, venu à l’École Nationale Vétérinaire de Maisons-Alfort pour anorexie, et ptyalisme associée à une faiblesse de la hanche (avec douleurs et crépitements à la palpation), mort de sa maladie. b. Modes de transmission Les animaux peuvent se contaminer les uns les autres à la suite de morsures ou griffures, de contact avec de l’urine ou des fèces infectées, par inhalation des mycobactéries, sous forme d’aérosols rejetés lors de la toux d’un animal infecté, ou par ingestion d’animaux contaminés. Même si on ne dispose que de peu d’éléments concernant les modes de contamination de l’animal à l’homme, les principales modalités proposées sont d’une part la transmission de la bactérie au niveau de zones d’effraction cutanée (morsure/griffure) et inhalation d’aérosols chargés d’agents bactériens. Néanmoins, la contamination peut se faire soit directement par contact avec des rongeurs, soit indirectement, par l’intermédiaire d’une autre espèce réceptive et sensible, contaminée par un contact antérieur. Plusieurs cas sont ainsi décrits de transmission à partir du chat domestique de la famille, prédateur de rongeurs. Quant à la contamination de l’Homme à l’Homme, elle peut se produire, mais reste insuffisamment étudiée pour l’instant (CAVANAGH et al., 2002). iv. Étude clinique Les lésions engendrées par M. microti ressemblent fortement à celles provoquées par d’autres mycobactéries du MTBC. Ainsi, au niveau de différents organes, on retrouve la lésion caractéristique de la maladie : la réaction granulomateuse, formant ce qui est connu sous le nom de « tubercule ». 183 Chez l’animal : L’évolution de la maladie chez les rongeurs reste pour l’instant peu connue, mais les examens post-mortem, ont permis de décrire les lésions. Il s’agit principalement de lymphadénites, d’abcès caséeux (foyers tuberculeux) sous la peau, dans l’abdomen au niveau du système digestif, du foie et de la rate, ainsi que dans les poumons (figure 49) (MCCLURE, 2012). Chez le campagnol, les poumons sont une cible majeure, ainsi que le système digestif, avec des atteintes des voies lymphatiques drainant le tractus intestinal, et l’infiltration du tissu sous-cutané entraîne la formation de masses, pouvant s’ulcérer (voir figure 50) (SMITH et al., 2009) Figure 49. Lésions granulomateuses multiples (certaines sont indiquées par des flèches noires) dues à M. microti, visibles dans des poumons de campagnol (MCCLURE, 2012). Figure 50. Cadavre de campagnol ayant une lésion ulcérative cutanée (entourée d’un cercle noir), caractéristique d'une infection à M. microti (CAVANAGH et al., 2002) 184 Chez l’Homme : Pour l’instant peu de cas humains ont été déclarés et décrits. Contrairement à ce que l’on pensait quelques décennies plus tôt, il ne s’agit pas seulement d’une infection pouvant se manifester cliniquement chez des individus immunodéprimés (DE JONG et al., 2009). L’étude de PANTEIX et al. précise que la durée moyenne entre la survenue des premiers signes cliniques et la confirmation diagnostique des six personnes atteintes était de 24,8 semaines. Ceci met en évidence les freins à l’émission d’une suspicion clinique ainsi que la difficulté (avant l’avènement des techniques moléculaires de diagnostic) à confirmer l’incrimination de M. microti dans des cas de tuberculose humaine. L’étude de PANTEIX et al. (2010), la plus vaste actuellement menée sur l’infection de l’Homme par M. microti, fait la synthèse de la symptomatologie. La présentation clinique débute par des symptômes généraux : toux productive (chez 100% des cas), sueurs nocturnes (chez 33%), perte de poids (chez 80%), fièvre (chez 15%) et hémoptysie (chez 15%). L’examen radiographique thoracique révèle des lésions cavitaires dans les lobes pulmonaires, de façon uni- ou bilatérale selon les patients. Si l’on prend l’ensemble des cas humains répertoriés (27 au total), les lésions sont essentiellement pulmonaires, mais peuvent également être atypiques. Ainsi, 2 cas sont caractérisés par des atteintes intra-abdominales, et un cas d’ostéomyélite de la hanche a été décrit (PANTEIX et al., 2010). v. Diagnostic et dépistage de laboratoire En cas de suspicion de tuberculose (atteinte pulmonaire principalement, la suspicion étant confortée par les données des examens complémentaires tels que la radiographie thoracique montrant des lésions caverneuses), plusieurs méthodes diagnostiques peuvent être utilisées. Chez l’Homme, les prélèvements sont donc généralement les expectorations spontanées, ou bien les sécrétions obtenues par tubage gastrique, voire le prélèvement obtenu par lavage broncho-alvéolaire. Chez l’animal, il s’agira plutôt de tissus ou de nœuds lymphatiques (EMMANUEL et al., 2007). Tout d’abord, l’examen direct après coloration (Ziehl-Neelsen) peut mettre en évidence des bacilles AAR. Des cultures peuvent être réalisées, sur milieux enrichis spéciaux, solides (LowensteinJensen, Coletsos, 7H10…) ou liquides (Sauton, Dubos), qui doivent absolument être supplémentés en pyruvate. Néanmoins, dans le cas favorable où une croissance bactérienne est observée, elle est lente, nécessitant en moyenne 8,5 semaines (SMITH et al., 2009). Par ailleurs, dans certaines études, la culture s’est révélée négative alors que d’autres techniques ont permis de prouver l’implication de M. microti dans les manifestations cliniques observées (DE JONG et al., 2009). 185 Il est difficile, sur la base des propriétés biochimiques et phénotypiques de distinguer M. microti des autres mycobactéries du MTBC. Le diagnostic étiologique est donc basé sur la biologie moléculaire. Les principales méthodes pour identifier M. microti sont : - - le Genotype MTBC reverse hybridization assay, qui permet de distinguer entre eux les différents membres du MTBC, sur la base de la detection d’un fragment d’ARNr 23S spécifique du MTBC, de polymorphismes dans l’ADN du gène gyrB DNA, et de délétions dans la région RD1, par une technique PCR combinée avec une hybridation réverse. le spoligotypage, basé sur le polymorphisme de fragments appelés DR (direct repeats), qui permet d’une part de distinguer M. microti des autres membres du MTBC, et d’autre part d’identifier le groupe auquel appartient la souche isolée (notamment campagnol) et de typer la souche. Les méthodes sérologiques ne sont pas utilisées en médecine humaine dans le cadre de la recherche de mycobactéries. vi. Moyens de lutte 1. Traitements Il n’y a pas de traitement spécifique de l’infection due à M. microti, mais un traitement standardisé de la tuberculose pulmonaire. Il s’agit d’un traitement à base d’isoniazide (activité bactéricide) et de rifampicine (activité bactéricide et stérilisante) pendant 6 mois, complété pendant 2 mois par de la pyrazinamide (activité stérilisante, son action permet de diminuer durée du traitement) et de l’éthambutol (activité bactéricide). Chez les patients français décrits dans l’étude de PANTEIX et al. (2010), ce traitement standardisé a montré son efficacité dans le cas d’une infection à M. microti. Dans certains cas, néanmoins, la mycobactérie s’est avérée résistante à la pyrazinamide. D’autres études ont rapporté le succès du traitement basé exclusivement sur le trio isoniazide, rifampicine, et éthambutol (PANTEIX et al., 2010). La durée de traitement est déterminée selon des études estimant un taux acceptable de rechute : moins de 1% pour une durée de 6 mois contre 10% pour une durée de 4 mois (CAMBAU, 2012). Chez l’animal, on ne prescrit aucun traitement, afin notamment d’éviter les phénomènes d’antibiorésistance (BOULOUIS, 2013). 186 2. Prophylaxie La lutte contre M. microti s’avère complexe étant donné le manque d’informations épidémiologiques dont nous disposons. Néanmoins, éviter la proximité avec des réservoirs de rongeurs sauvages, ou d’autres animaux susceptibles d’être en contact avec eux, ainsi que favoriser un niveau d’hygiène correct (un certain nombre de cas décrits étaient des SDF, vivant dans des conditions très précaires), diminuerait les risques de contamination (CAVANAGH et al., 2002). vii. Découvertes ou événements récents M. microti est retrouvé chez de nombreuses espèces, et, récemment, en 2012, a été isolé pour la première fois chez des suricates dans un zoo du Royaume-Uni. Le réservoir infectieux n’a pas été mis en évidence, mais l’hypothèse d’une transmission par des rongeurs reste forte, d’autant plus qu’en milieu sauvage, les suricates cohabitent avec de nombreux petits mammifères. M. microti pose un problème grandissant pour l’Homme, et sa mise en évidence chez de plus en plus d’espèces fait apercevoir les multiples situations à risque auxquelles s’expose l’Homme, non envisagées jusqu’alors (PALGRAVE et al., 2012). 187 188 Troisième partie : Implication des différents acteurs dans la protection de la Santé Publique vis-à-vis des émergences liées aux rongeurs 1) Les acteurs et leur rôle a. Au niveau international i. Acteurs actuels De nos jours, l’OMS est la seule entité reconnue internationalement de protection de la santé des populations humaines. Cette autorité directrice et coordinatrice dans la gouvernance internationale de la santé, est une institution spécialisée de l’ONU dont le but est de renforcer la surveillance, le contrôle et la lutte contre les maladies. Il s’agit donc, concernant les phénomènes émergents, de les détecter à temps et de parvenir à les stabiliser. Une seconde autorité, l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (ONUAA), connue plus couramment sous le nom de FAO a été fondée en 1945 et représente également une institution spécialisée de l’ONU. Elle est en lien direct avec le problème posé par les rongeurs, en tant qu’êtres invasifs et destructeurs des cultures, mais aussi en tant que réservoirs d’agents zoonotiques, notamment ceux transmis par l’alimentation. Dans les années 60, la FAO et l’OMS votent la création de la Comission du Codex alimentarius, concernant des normes alimentaires. En 1924, peu de temps après l’apparition de la peste bovine en Europe (en Belgique en 1920), 28 états signent une Convention, sorte d’« arrangement international » en lien avec les maladies d’origines animales. La ratification de cette Convention donne naissance à l’Office Internationale des Epizooties (OIE) ayant siège à Paris. La création d’un bulletin est décidée en 1927. La première conférence scientifique se réunit à Genève (Suisse) le 30 janvier 1928 et établit les bases d'une police sanitaire internationale. En 2003, l'Office International des Épizooties est renommée Organisation Mondiale de la Santé Animale, mais conserve son acronyme historique OIE. L’OIE agit en garantissant la transparence de la situation des maladies animales dans le monde. Elle a pour mission, entre autres, de collecter, d’analyser et de diffuser l'information scientifique vétérinaire, de garantir la sécurité sanitaire des aliments et de promouvoir le bien-être animal. Les services vétérinaires et les laboratoires des pays en voie de développement sont soutenus par l’OIE, et sont même l’une de ses priorités en matière d’investissement public. EDES, dans le cahier technique « Plans de surveillance et de contrôle pour les maladies animales » nous rapporte en 2012 l’existence d’une base de données mondiales 189 d’information zoosanitaire (World Animal Health Information Database ou WAHID) permettant un accès à tous les renseignements contenus dans le Système mondial d’information zoosanitaire (World Animal Health Information System - WAHIS) de l’OIE. L’OMS et l’OIE collaborent dans les domaines présentant un intérêt commun, tels ceux concernant les échanges d’informations, l’organisation de conférences, l’élaboration de stratégies de défense et de soutien technique visant à maîtriser les principales zoonoses. La coordination de leurs actions vise également à promouvoir l’éducation en matière de santé publique vétérinaire ainsi que la recherche sur les zoonoses et la sécurité sanitaire des aliments. D’autre part, ils renforcent la collaboration entre le réseau des centres et laboratoires de référence de l’OIE et celui des centres collaborateurs et de laboratoires de référence de l’OMS (LE BAIL, 2012). L’OIE collabore également avec la FAO. Les complémentarités et synergies entre l’OIE et la FAO sont évidentes. Elles s’exercent grâce à des missions respectives réalisées dans le cadre d’un Accord officiel entre les Assemblées Générales des deux organisations (VALLAT, 2006). Conjointement, elles agissent dans de nombreux domaines. Entre autres, elles visent à promouvoir et coordonner les activités vétérinaires et de recherche sur les maladies animales et les zoonoses, élaboration de stratégies régionales et internationales pour la prévention efficace et la maîtrise progressive de celles-ci, et mettent en place des systèmes de surveillance et d’alerte tout en se référant à des experts (LE BAIL, 2012). OIE et FAO établissent également des normes, des directives et des recommandations relatives aux zoonoses, aux bonnes pratiques, et à la sécurité sanitaire. L’OMS, pour sa part, s’attèle à la réalisation de normes internationales à fondement scientifique dans le cadre de la validation des tests de diagnostic publiés dans le Code sanitaire pour les animaux terrestres, le Code sanitaire pour les animaux aquatiques, le Manuel des tests de diagnostic et des vaccins pour les animaux terrestres et le Manuel de tests de diagnostic pour les animaux aquatiques (LE BAIL, 2012). Concernant la collaboration entre l’OIE, la FAO et l’OMS, elle est effective essentiellement pour toutes les mesures et dispositions concernant les zoonoses et s’est renforcée à l’occasion d’une conférence en 2004 au sujet de la lutte mondiale contre la grippe aviaire (VALLAT B., 2006). La WCS ou Wildlife Conservation Society (en français, La Société pour la Conservation de la Vie sauvage), une ONG internationale, a proposé en 2004 une approche cohérente, globale et préventive de protection de la santé humaine, connue sous le nom de « One World, one Health ». Ce concept a pour but de renforcer les liens entre santé humaine, santé animale et gestion de l'environnement. Plusieurs conférences internationales ont concrétisé ce rapprochement entre les problématiques de santé publique et de biodiversité. Après avoir fondé un cadre de référence basé sur ce concept en 2008 avec d’autres organismes, la FAO, l'OIE et l'OMS ont réaffirmé l'importance de cette approche en avril 2010 pour gérer les risques sanitaires résultant des interfaces animal/Homme/écosystèmes. L’approche, renommée « One Health », doit permettre des économies d’échelle, en favorisant des synergies, et en garantissant une meilleure sécurité sanitaire (LAVARDE, 2013). 190 ii. La riposte mondiale face aux émergences/ré-émergences Avec l’accroissement ces dernières décennies d’émergences infectieuses pour beaucoup zoonotiques, la mobilisation mondiale est devenue une nécessité. Dans cette démarche, un plan stratégique pour lutter contre les maladies infectieuses émergentes a été élaboré dès 1995 par les Centres de prévention et de contrôle des maladies américains (CDC pour Centers for Disease Control and Prévention). L’OMS, dans le même temps a adopté une résolution afin de détecter les maladies réémergentes et d’identifier les maladies nouvelles (FAGHERAZZI-PAGEL, 2006). L’International Health Regulations (IHR) sous la responsabilité de l'OMS, représente l’unique organisme législateur de santé publique à l’échelle internationale. Il a pour fonction d’assurer la sécurité des populations face aux risques d’expansion des maladies en interférant le moins possible avec les mouvements mondiaux de personnes, d’animaux et de biens. En s’attachant au concept « One Health », il a pour but de détecter, de diminuer, voire d’éliminer les sources à partir desquelles peuvent s’enclencher les disséminations d’agents infectieux (MARTINEZ, 2000). b. Au niveau européen i. Acteurs et rôles L’OIE et la FAO gèrent cinq comités implantés dans différentes « régions » de la planète, regroupant chacun plusieurs pays membres. En Europe, la Commission européenne (CE) est notamment chargée de préparer l’harmonisation des législations vétérinaires et de veiller à l’application des règlements et directives adoptés par les Etats membres de l’Union Européenne (UE). Cette commission a pour rôle de veiller: - à l’existence d’un service d’inspection de l’application des règlements, directives et décisions adoptés par les pays membres (et peut dans le cas échéant les sanctionner). - à l’existence et au contrôle des postes d’inspection frontaliers communautaires soumis à des obligations de moyens. - à l’existence de systèmes d’identification des animaux, de certificats sanitaires et de procédures de contrôle des mouvements des animaux et de leurs produits. - à l’existence d’un fonds vétérinaire destiné à financer des programmes prioritaires de surveillance et de maîtrise des maladies. - à l’existence de dispositifs de concertation entre les Services vétérinaires des pays membres et les services de la Commission. - au respect permanent par le Conseil, la Commission et le Parlement européen des normes de l’OIE lors de l’élaboration des règlements, directives et décisions. - au respect par les Etats membres des normes de l’OIE lors de la négociation de certificats sanitaires pour l’exportation vers des pays tiers. 191 Les autres pays européens non membres de l’UE ne disposent pas d’appui régional en santé animale. Néanmoins, certaine pays qui étaient anciennement inclus dans l’URSS, font désormais partie de la Communauté des Etats Indépendants (CEI), qui est à l’initiative d’actions de concertation réunissant les Chefs vétérinaires de chacun des pays (VALLAT, 2006). ii. La riposte européenne face aux émergences/ré-émergences Les institutions nationales et internationales se dotent de programmes spécifiques dans le cadre de la protection et de la lutte contre les maladies émergentes. Une restructuration des réseaux a eu lieu en 2003, suite à l’épidémie de SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère). Sur le même modèle que les américains, a été créé en Europe le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ou ECDC pour European Centre for disease Prevention and Control) opérationnel depuis 2005 (FAGHERAZZI-PAGEL, 2006). c. Au niveau national dans le cas de la France En France, la Direction Générale de la Santé (DGS), qui appartient au ministère des Affaires Sociales et de la Santé, est l’entité ayant un rôle décisionnel majeur dans le domaine de la Santé Publique et intervenant de façon prépondérante dans la gestion des événements sanitaires. En collaboration étroite avec les acteurs régionaux, et les agences sanitaires nationales, elle intervient : - dans la prévention des risques sanitaires. - dans la préparation face aux menaces sanitaires majeures. - dans l’appui à la gestion des alertes transmises par les différents acteurs. - dans la réponse aux alertes de niveau national. - dans l’évaluation du potentiel évolutif d’une menace nouvelle (en lien avec le monde de la recherche). Le Département des Urgences Sanitaires (ou DUS), appartenant à la DGS, s’occupe des questions en lien avec les alertes sanitaires, et sert d’interface entre l’Institut National de Veille Sanitaire (InVS), les agences de sécurité sanitaire, les autres sous-directions de la DGS, les autres ministères et le cabinet du ministre. Le DUS gère le réseau des Cellule de veille, d'alerte et de gestion sanitaires (CVAGS) et, avec son Centre opérationnel de réception et de régulation des urgences sanitaires et sociales (CORRUSS), reçoit des signaux et alertes pouvant être: - régionaux émanant notamment des Agences Régionales de Santé (ARS) - nationaux émanant notamment de l’InVS, et des agences de sécurité sanitaire - internationaux (émanant notamment de la CE ou des États membres de l’Union européenne, et de l’OMS). 192 Le DUS assure également les missions du pôle de défense et de sécurité sanitaire du Haut Fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS). Il élabore des plans de réponses aux menaces sanitaires, des plans gouvernementaux de vigilance, de prévention et de protection face aux risques et menaces et à la définition et la mise en place des outils de gestion de crise. L’InVS, anciennement réseau national de santé publique, est un établissement public administratif, créé en 1998 et placé sous la tutelle du ministère des Affaires Sociales et de la Santé. Il a pour rôle de gérer : - la surveillance et l’observation de l’état de santé de la population - la veille et la vigilance sanitaire, (incluant la veille concernant les évènements survenant hors du territoire national - l’alerte sanitaire - des situations de crise sanitaire en collaboration avec ses partenaires. L’InVS est au cœur du dispositif d’analyse des risques sanitaires, notamment ceux relevant de situations d’alerte. Pour mener ses missions, l’InVS s’appuie sur une organisation nationale et sur le réseau régional des Cellules inter-régionales d’épidémiologie (ou Cire) qui appartiennent aux ARS (InVS, 2011). Durant ces dernières décennies, l’investissement des pouvoirs publics dans la veille sanitaire et les dispositifs d’alerte n’a fait qu’augmenter. Ainsi, de nombreux décrets ont été revus et modifiés (par exemple ceux en lien avec la liste des maladies à déclaration obligatoire), le nombre de centres nationaux de référence s’est fortement accru, les réseaux professionnels se sont diversifiés, et la coopération internationale a été renforcée. La surveillance repose sur la collaboration entre de nombreux partenaires et intervenants formant un réseau national de santé publique au sein duquel les cliniciens et biologistes sont en première ligne. Trois principaux systèmes interviennent dans le dispositif de surveillance, coordonné par l’InVS : la déclaration obligatoire (DO), les centres nationaux de référence (CNR) dans lesquels se trouvent les laboratoires de référence, et les réseaux de professionnels volontaires (CHE et al., 2002). La même loi du 1er juillet 1998 à l’initiative de la création de l’InVS, a créé deux autres agences de sécurité sanitaire : l’Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation (AFSSA) et l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), chargées respectivement de la surveillance sanitaire de l‘alimentation, et de celle des produits de santé. Un an après est fondée l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET). Cette dernière agence est aujourd’hui regroupée avec l’AFSSA dans l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). 193 d. Aux niveaux régionaux et départementaux dans le cas de la France En France, l’organisation territoriale du système de santé a subi d’importantes modifications en 2009, suite à la mise en application de la loi HPST (acronyme de « Hôpital Patients Santé territoire »). Celle-ci est à l’initiative, entre autres, de la création des ARS évoqués précédemment. Au niveau régional, les ARS organisent la veille sanitaire et contribuent à la réponse aux urgences et à la gestion des situations de crise dans le respect des attributions du représentant de l’État territorialement compétent. Les ARS ont le statut d’établissement public de l’État à caractère administratif, et bénéficient ainsi de l’autonomie de gestion et de personnels propres. Par ailleurs, ces agences bénéficient d’un appui permanent de l’InVS et de la DUS de la DGS. Elles reçoivent les signaux sanitaires en provenance des services de l'État et des collectivités territoriales, ainsi que de tout établissement médico-social et de tout professionnel de santé. Les signalements effectués auprès des ARS sont ensuite transmis à l'InVS et au préfet de département. Dans le cadre des systèmes de veille et de sécurité sanitaire et environnementale, deux dispositifs centralisés permettent d’améliorer l’efficacité de la veille et de la réponse aux urgences sanitaires : - la Cellule de veille, d’alerte et de gestion sanitaires (CVAGS) la Cire. La continuité opérationnelle des responsabilités de chacun concernant les dispositifs d’alerte, de sécurité et de police sanitaire, de salubrité et de l’hygiène publiques, est rendue possible par la coordination entre les préfets et les directeurs des ARS dans le cadre de protocoles départementaux et zonaux, en lien avec les structures centralisées que sont la DGS et l’InVS. Au niveau départemental, le préfet de département est seul responsable de l’ordre public. Dans le cadre de protocoles conclus entre préfets et directeurs des ARS et dans le respect des attributions du préfet de département, l’ARS contribue à l’organisation de la réponse aux urgences sanitaires et à la gestion des situations de crise sanitaire. Au niveau régional, le préfet de région préside un comité régional de sécurité sanitaire, mais ne dispose pas de compétence propre en matière de veille et sécurité sanitaire. Les préfets de zone de défense et de sécurité sont quant à eux chargés de coordonner la préparation et la gestion des menaces majeures relevant de la sécurité nationale au sein de la zone. Toujours en collaboration avec les ARS, celles-ci assistent les préfets de zone pour la préparation et, au besoin, pour la mise en œuvre des mesures de défense et de sécurité nationale (INVS, 2011). 194 e. Les acteurs de proximité Les professionnels de santé sont en première ligne et sont souvent les premiers à détecter des faits inhabituels, comme les cas d’émergences zoonotiques. Les vétérinaires représentent des acteurs clés dans la mesure où ils se doivent d’informer les propriétaires sur les éventuels risques zoonotiques auxquels ils sont exposés. Avec les consultants en santé animale, et avec l’aide des laboratoires diagnostiques, les vétérinaires ont pour mission de connaître et d’être à même de détecter les maladies animales émergentes. Les médecins ont également ce devoir d’information. Ils sont responsables de la gestion de la santé des patients et doivent également être en mesure de reconnaître des lésions ou tableaux cliniques évoquant une affection zoonotique (TATARYN et al., 2007). Les établissements de santé, sont, avec l’appui des laboratoires, un service de santé essentiel dans la prise en charge des patients (CHE D. et al., 2002). Le diagramme ci-dessous (figure 51) nous permet de visualiser les différents liens existant entre les partenaires et professionnels de Santé Publique, dans le cadre du système de surveillance des maladies infectieuses en France (CHE et al., 2002). Les acronymes, bien que ne faisant pas tous partie du cadre d’intervention en cas d’émergences zoonotiques, sont détaillés sur la page suivante. Figure 51. Le système français de surveillance des maladies infectieuses (CHE et al., 2002). 195 CIRE : Cellule inter-régionale d’épidémiologie ; CLIN : Comité de lutte contre les infections nosocomiales ; CCLIN : Centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales ; CNR : Centre National de Référence ; CSHPF : Comité Supérieur d’Hygiène Publique en France ; CTIN : Comité Technique des Infections Nosocomiales ; CTV : Comité technique des vaccinations ; DDASS : Direction Départementale des affaires Sanitaires et Sociales ; DGS : Direction Générale de le Santé ; DO : Déclaration Obligatoire ; EARRS : European Antimicrobial Resistance Surveillance System ; EnterNet : Réseau de Surveillance International pour les Infections entériques à Salmonella et VTEC0157, EuroTB : Programme européen de surveillance de la tuberculose ; EuroHIV : Programme européen de surveillance du sida ; EWGLI : European working group on Legionella Infection ; HCSP : Haut Comité de Santé Publique ; InVS : Institut national de Veille Sanitaire ; OMS : Organisation Mondiale de la Santé ; RAISIN : Réseau d’Alerte, d’Investigation et de Surveillance des Infections Nosocomiales. 2) Mesures de surveillance et de contrôle La surveillance des zoonoses émergentes, avec les moyens limités dont dispose la santé publique, est complexe. Le groupe de travail pour le Maintien de la surveillance et de la lutte contre les zoonoses émergentes à l’échelle mondiale (Sustaining Global Surveillance and Response to Emerging Zoonotic Diseases) n’est pas parvenu à trouver un système de surveillance des zoonoses intégrant santé humaine et santé animale qui fonctionne parfaitement. Par ailleurs, seulement 30 % des systèmes de surveillance des zoonoses émergentes se concentrent sur les pathogènes inconnus. Avec l’essor de programmes appelant à l’amélioration de la communication interdisciplinaire (One Health, One Medicine, Conservation Medicine et EcoHealth), on peut s’attendre à des améliorations dans la surveillance des zoonoses émergentes. Le potentiel de détection rapide est par ailleurs dépendant de la qualité des infrastructures de santé publique et animale, tout comme le suivi des cas, la lutte et la surveillance future (ROTH, 2011). a. Définition Le dispositif de surveillance mis en place concernant les maladies infectieuses émergentes doit permettre l’amélioration des connaissances épidémiologiques nécessaires à la mise en œuvre des programmes de lutte et de prévention, mais doit également permettre la détection précoce d’un risque épidémique, pouvant représenter un danger pour la santé publique. La surveillance des zoonoses émergentes nécessite une coopération entre santé publique, médecine clinique, médecine vétérinaire et écologie. On parle de zoonosurveillance dans le cas de la surveillance des maladies zoonotiques. Le terme « surveillance » a fait son apparition durant la Révolution française et était employé dans le contexte d’« assurer la surveillance d’un groupe de personnes que l’on pensait être subversives ». Ce terme a ensuite était étendu aux programmes de santé animale pour définir le processus d’observation d’une population animale, afin de détecter l’incursion éventuelle d’une maladie spécifique ou d’un groupe de maladies. 196 La surveillance peut être définie comme un « processus continu et systématique de collecte, de compilation, et d’analyse de données » suite auquel les résultats sont « diffusés à tous ceux qui ont contribué à cette collecte et à tous ceux qui ont besoin d’être informés ». Le dispositif de surveillance se préoccupe des problèmes pouvant faire l’objet d’un traitement, d’une prévention ou plus généralement d’une action de santé publique. On parle alors d’une priorisation des phénomènes à surveiller qui s’effectuent selon plusieurs critères d’importance (incidence, pathogénicité, complications, mortalité, létalité, poids socioéconomique…) et selon le potentiel évolutif de ces émergences. En France, le Réseau National de Santé Publique (RNSP) en collaboration avec la DGS a établi une priorisation des maladies infectieuses (dont celles zoonotiques), a révisé la stratégie de surveillance des maladies transmissibles et a permis la diversification des outils de veille grâce à la mise en place de réseaux de laboratoires et de cliniciens, permettant le renforcement ou l’initiation du dispositif de surveillance selon le phénomène observé (CHE et al., 2002, TATARYN et al., 2007 ). Ce dernier doit remplir certains critères : être jugé utile, flexible, simple, réactif, avoir été accepté par les professionnels de santé et autres acteurs de la surveillance en fournissant des outils jugés sensibles, spécifiques, et représentatifs. Lorsqu’un phénomène émergent se déclare, sa détection et son signalement entraînent la mise en alerte du système de veille sanitaire. Le signal est alors analysé afin de savoir quel(s) risque(s) existe(nt) en termes de santé publique, et quelles sont les mesures immédiates et différées qui doivent être instaurées. Par ailleurs, la complexité des climats socioéconomique des pays dans lesquels peuvent survenir des flambées de cas dus à des agents zoonotiques émergents, (dont certains ayant comme réservoirs les rongeurs comme c’est le cas du virus Lassa en Afrique), peuvent freiner la bonne gestion des malades et la protection des populations non touchées. En France, c’est le RNSP, dont l’action est appuyée les Cires, qui est chargé de coordonner, d’animer et de renforcer les activités de surveillance et d’intervention épidémiologique des organismes en charge de la politique de santé publique. Cette mission s’exerce dans deux domaines prioritaires de santé publique : les maladies transmissibles et la santé environnementale. En Europe, c’est le réseau Européen de surveillance, d’alerte et de contrôle des maladies infectieuses qui a été mis en place en 1998 pour jouer ce rôle. A l’échelle internationale, l’OMS a pris une série d’initiatives dans le cadre de la lutte contre les maladies émergentes zoonotiques. Elle a ainsi mis au point un système, le «Outbreak verification system» dans le but d’améliorer le contrôle d’une potentielle épidémie. Il s’agit d’un dispositif d’investigation, de suivi, d’information des professionnels concernant les flambées de cas avérées ou non, présentant une importance en termes de santé publique. Ce système s’apparente à celui mis en place dans le cadre de la surveillance (MARTINEZ, 2000). En collaboration avec la FAO et l’OIE, le Global Outbreak Alert and Response Network a pu voir le jour. Ce réseau englobe de nombreux partenaires scientifiques (laboratoires, institutions spécialisées…) effectuant un travail de recherche sur les agents pathogènes, ou leur mécanisme d’adaptation (antibiorésistance…) menaçant la santé publique. Ces collaborateurs peuvent réaliser des travaux sur demande de l’OMS, et sont reliés les uns aux autres afin d’échanger aisément leurs données. 197 Enfin, un système mondial d’alerte précoce (ou GLEWS pour Global early warning system) a fait l’objet en 2006 d’un Accord tripartite entre l’OIE, la FAO et l’OMS (CHE et al., 2002 ; VALLAT, 2006 ; MORSE et al., 2012). b. Systèmes de surveillance mis en place i. Surveillance passive La surveillance dite passive, est une méthode pour laquelle il n’y a pas d’intervention directe des responsables de la surveillance. Elle comprend généralement l’examen de cas cliniques, faisant appel à des observateurs qui recueillent des données. Il s’agit généralement de médecins vétérinaires, d’inspecteurs, ou de propriétaires chargés de rapporter les cas suspects. Même si son nom ne le laisse pas transparaître, les efforts qu’il est nécessaire de fournir pour le recueil et l’analyse des renseignements sont importants (TATARYN et al., 2007). Les informations sont collectées sans qu’il n’y ait de recherche active d’un agent en particulier, et les renseignements obtenus sont transmis par les observateurs aux hiérarchies supérieures (CHE et al., 2002). Bien que ce mode de surveillance soit souvent utilisé durant les premières phases de l’identification de maladies nouvelles et émergentes, il ne permet pas une interprétation fidèle des résultats, par manque de représentativité des échantillons. Les maladies dont les signes cliniques sont non spécifiques, ayant de longues périodes d’incubation ou qui se propagent faiblement au sein des populations animales sont souvent à l’origine d’un faible taux de rapports de cas. Leur évaluation au moyen de systèmes de surveillance passive uniquement est donc difficile (TATARYN et al., 2007). ii. Surveillance active A l’inverse, dans le cadre de la surveillance active, on assiste à une intervention directe des responsables pour le recueil des données, par le biais de demandes et de suivis permanents. La collecte des informations s’effectue de façon méthodique, en ciblant généralement spécifiquement un agent pathogène. Les enquêtes, les méthodes de dépistage et les systèmes sentinelles sont des exemples de surveillance active. Dans ce système, les données recueillies sont généralement de qualité supérieure à celles obtenues dans un système passif (estimation plus précise de l’incidence et de la prévalence par exemple). En contrepartie, le coût financier et humain engendré est bien plus important (CHE et al., 2002 ; TATARYN et al., 2007). La surveillance sentinelle s’intéresse à l’état clinique d’échantillons représentatifs de certaines populations animales, par le biais de tests de dépistage. Il s’agit d’une méthode de surveillance dite ciblée non aléatoire. La localisation géographique des unités sentinelles choisies est connue, tout comme leur statut immunitaire. Ces individus sentinelles font l’objet d’une surveillance pendant une période spécifique. Ils permettent de mesurer la 198 fréquence d’une maladie existante ou d’avertir précocement de l’apparition d’une infection/maladie émergente ou d’une résurgence (TATARYN et al., 2007). Les zoonoses émergent dans les lieux où animaux et humains se côtoient ou dans les régions présentant de grandes populations de réservoirs ou de vecteurs. Ainsi, l’efficacité du système tient en partie au fait de concentrer la surveillance sur ces zones (ROTH, 2011). iii. La surveillance de la faune sauvage en France La prise de conscience des risques de transmission d’agents pathogènes par la faune sauvage a conduit les services vétérinaires à mettre en place une épidémio-surveillance continue de la faune sauvage depuis la fin des années 90. L’adoption de telles mesures s’avère nécessaire, étant donné que la majorité des émergences zoonotiques auxquelles nous assistons actuellement ont pour origine la faune sauvage. Ainsi, la France s’est dotée du réseau SAGIR (surveiller les maladies de la faune sauvage pour agir), en tant que système de surveillance passive. L’objectif principal de ce réseau est d’analyser les causes de mortalités des animaux sauvages. Ce réseau agit en partenariat avec les fédérations des chasseurs, l’ANSES, les Laboratoires départementaux d’analyses vétérinaires (LDAV) et des laboratoires spécialisés, et constitue un excellent réseau d’alerte en cas d’apparition d’une maladie grave. En octobre 2011, une Plateforme nationale de surveillance épidémiologique en santé animale (Plateforme ESA) a été mise en place, sous l’égide du ministère en charge de l’agriculture, suite aux réflexions faites lors des Etats généraux du sanitaire tenus en 2010. Le système de surveillance active consiste en la mise en œuvre de programmes nationaux, régionaux ou départementaux concernant les maladies à impact économique et/ou zoonotique majeur qui sont pour la plupart des maladies réglementées de catégorie 1 (exMARC). Les analyses sont effectuées à partir d’animaux sauvages le plus souvent en bonne santé, tués à la chasse ou capturés. Les programmes sont menés sur demande et financés en grande partie par le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche. L’Office nationale de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), en collaboration avec différents laboratoires, dont les laboratoires de référence de l’ANSES assurent le déroulement de ces dispositifs (HARS, 2011). Des méthodes de séquençage NGS (next generation sequencing) par une approche sans a priori, actuellement en plein essor, permettent ou vont bientôt permettre de détecter, notamment chez les animaux sauvages dont les rongeurs, la présence d’agents pathogènes émergents ou à risque d’émergence (CIRAD, 2013). 3) Autres actions intervenant dans les systèmes de surveillance On parle de surveillance syndromique pour signifier que la surveillance des maladies s’effectue sur la base de leurs caractéristiques cliniques, plutôt que sur la base d’un diagnostic spécifique. Les signaux indicateurs peuvent inclure des syndromes cliniques au sens classique définis ou rapportés (par des professionnels de santé notamment), constatés par la vente en hausse de produits pharmaceutiques, voire par l’absentéisme des personnes (à l’école, au travail…). Ce type de surveillance utilise une définition très générale des cas qui 199 est censée permettre une détection précoce des flambées. La surveillance syndromique présente alors une bonne sensibilité puisqu’elle offre la possibilité de s’assurer de l’absence effective de flambées ou bien permet de détecter des maladies émergentes, en se concentrant sur les signes cliniques. En revanche, ce dispositif présente une faible spécificité. La biosurveillance est un terme récent, correspondant à la détection de maladies chez l’Homme, les espèces animales et végétales, et à l’estimation de la présence environnementale des agents pathogènes. Les professionnels (médecins vétérinaires, médecins, infirmiers, agents de l’environnement et biologistes) en recueillant des données à de multiples sources, fournissent des renseignements essentiels pour la détection précoce d’une maladie (TATARYN et al., 2007). La surveillance informatisée a pris de plus en plus d’importance au cours des dernières décennies. Il s’agit d’une méthode de surveillance passive qui, en agrégeant des données recueillies par courriel et sur Internet, vise à détecter les flambées. Le réseau ProMED (acronyme de Program for Monitoring Emerging Diseases), et le Réseau mondial d’information en santé publique (RMISP) sont deux exemples de systèmes de surveillance informatisée (ROTH, 2011). Concernant le programme ProMED, il existe depuis 1993, après décision conjointe de l’OMS et de la Fédération des scientifiques américains (ou FAS pour Federation of American Scientists) lors d’une conférence tenue à Genève. Suite à la prise de conscience de la menace réelle d’émergences d’agents pathogènes, avec, dans le même temps l’accès à des outils technologiques et la survenue d’internet, il est apparu essentiel de mettre au point un dispositif de communication et d’information internationale. ProMED créé par MORSE et HATCH ROSENBERG, s’intéresse aux maladies émergentes chez l’Homme, les espèces végétales et animales, ainsi qu’aux éventuelles utilisations d’agents microbiologiques en tant qu’armes de bioterrorisme. Il permet de diffuser l’information rapidement, afin de permettre la mise en place dans les délais les plus courts, d’un état d’alerte et de mesures de contrôle. Les organismes et institutions peuvent souscrire à ce site, et faire alors partie d’une liste dite Pro MED-mail (PMM), ce qui est le cas actuellement d’organisations internationales comme l’OMS, les CDC, les réseaux de laboratoires comme le réseau des Instituts Pasteur, et de très nombreuses institutions dans le monde. Le PMM collabore avec la Société internationale des maladies infectieuses (ISID pour International Society for Infectious Diseases), et relie actuellement plus de 30 000 internautes de plus de 180 pays différents, rapportant les informations dont ils disposent par leurs observations et connaissances (MADOFF et al., 2005). HealthMap, un programme commun à l’OMS et à l’UNICEF, permet quant à lui, de recueillir les données à partir de nombreuses sources géo-référencées et de les actualiser toutes les heures de manière à intégrer, filtrer et présenter des informations sur les maladies infectieuses émergentes (MARTINEZ, 2000 ; ROTH, 2011). En plus des dispositifs internationaux, d’autres systèmes de surveillance sont présents dans les différentes régions de la planète. En prenant l’exemple de l’Afrique, il a été possible grâce à la mise en place de tels systèmes, d’améliorer fortement l’information sur la situation de la santé animale ainsi que les actions sanitaires, et a fortiori, celles se rapportant à l’Homme. Parmi eux, on peut citer le PACE (acronyme de Pan African Programme for the 200 Control of Epizootics), l’EMPRESS (pour Emergency Prevention System for Transboundary Animal and Plant Pests and Diseases), et RADISCON (pour Regional Animal Disease Surveillance and Control Network) émanant de la décision conjointe de la FAO et de l’OIE (SHEARS, 2000). a. Systèmes d’alerte i. Définition L’alerte est définie comme un « appel, (un) signal qui prévient de la menace d’un danger, invite à prendre les mesures pour y faire face » (dictionnaire Larousse®). Remis dans le contexte qui nous préoccupe, le signalement d’un phénomène de santé à l’autorité sanitaire déclenche un état, dit d’alerte, caractérisé par le déroulement de procédures plus ou moins standardisées selon la nature du signal. Celui-ci peut concerner : - l’augmentation de l’incidence d’une pathologie courante au-delà d’un seuil défini. - La survenue de cas groupés qui apparaissent trop nombreux dans une population, temps et lieu définis. - La survenue d’un ou de quelques cas, dans un lieu et une période définie, d’une pathologie rare et sévère. - La survenue d’un ou plusieurs cas d’un syndrome non encore identifié - La modification de l’épidémiologie d’une maladie, l’apparition d’une nouvelle forme clinique, ou la modification des caractéristiques d’agents pathogènes. - des événements sentinelles constatés. - l’exposition d’une population plus ou moins large et définie à un agent infectieux pathogène. Avant de déclarer l’état d’alerte, le signal émis doit être analysé, afin d’estimer s’il est nécessaire ou non d’enclencher les différentes étapes permettant la mise en place des mesures de mobilisation, de protection des populations, de contrôle et de lutte. La figure 52 de la page suivante illustre le cheminement parcouru entre le recueil de données et l’instauration ou non d’un état d’alerte suivi d’un plan d’action (CHE et al., 2002). La mise en place d’un état d’alerte peut s’effectuer dans le cas où une affection zoonotique est connue, et pour laquelle un système de surveillance existe, mais peut également se mettre en place dans la situation où une maladie est connue sans qu’il n’y ait de plan de surveillance instauré pour celle-ci. Enfin, il peut s’agir d’une maladie encore non identifiée. 201 Figure 52. Cheminement du signalement : de l’information à l’action (CHE et al., 2007). 202 ii. Alerte dans le cas où existe un système de surveillance Le système doit permettre l’identification rapide de toute modification épidémiologique. Ceci nécessite une bonne réactivité du système (collecte, transfert et validation des informations s’effectuant le plus rapidement possible) afin de permettre l’accomplissement des démarches dans les plus brefs délais. Par ailleurs, le système doit être doté d’une bonne sensibilité, et d’une bonne valeur prédictive positive. Si celui-ci a déjà fait ses preuves, l’emploi d’outils statistiques et la réalisation de modélisations peut fournir des informations quant à la répercussion future de la maladie rapportée. D’autre part, le nombre de cas observés comparé au nombre de cas attendus sur une période donnée permet d’établir des seuils d’alerte. Les systèmes de surveillance, au-delà du niveau national, sont mis en place à l’échelle européenne et mondiale. Ceci permet de détecter avec beaucoup plus de rapidité et de précision, par compilation de données et d’outils, l’émergence de phénomènes jusque là ignorés lors de l’analyse pays par pays. L’alerte concerne davantage une modification de tendance rapide ou l’émergence (ou la réémergence) d’un phénomène plus que la survenue d’une épidémie brutale. Elle peut par ailleurs résulter d’une modification de la sensibilité des agents aux traitements médicaux. Une fois que l’alerte est déclenchée, une recherche active de cas a lieu, et des investigations complémentaires sont lancées (CHE et al., 2002). iii. Alerte sans existence préalable d’un système de surveillance Même si les connaissances scientifiques actuelles sont étendues, et que nous disposons de méthodes diagnostiques ou de dépistage de plus en plus perfectionnées, de nombreux domaines restent encore à découvrir ou à approfondir. Dans le cas des agents viraux et bactériens, les scientifiques détectent sans cesse de nouvelles espèces. Et les possibilités évolutives de ces germes offrent encore d’autres possibilités d’apparition inattendues. Ainsi, dans le cas d’émergences zoonotiques inconnues, pour lesquelles il n’existe pas de système de surveillance spécifique, le signalement demeure plus aléatoire alors qu’il doit être rapide pour pouvoir être efficace. Dans le cas de la France, pour améliorer la qualité de la veille sanitaire, et faciliter les transitions d’informations, c’est l’InVS qui se charge de renforcer les partenariats avec les services de l’Etat, les acteurs locaux, nationaux, européens et internationaux de la santé. Par ailleurs, cette situation fait appel à la mobilisation d’un grand nombre de professionnels afin de définir les cas, et effectuer une expertise clinique, biologique et épidémiologique (CHE et al., 2002). 203 4) Recommandations et mesures de prévention Etant donné la diversité des cycles épidémiologiques des zoonoses, l’hétérogénéité de leur impact sur la santé humaine et la santé animale, on comprend que les stratégies de contrôle sont multiples. Puisque nous avons déjà explicité pour chaque agent zoonotique émergent les différentes attitudes qu’il est nécessaire d’adopter dans le cadre de la prévention, du contrôle et de la lutte, nous évoquerons de manière générale la ligne de conduite à suivre dans les situations d’émergence. a. Attitudes et précautions collectives L’organisation de la prévention repose dans un premier temps sur une bonne coordination au sein du réseau de zoonosurveillance. Le but est d’instituer une action adaptée et d’informer les Services de santé médicaux et vétérinaires. Lorsque les cas sont détectés par les vétérinaires ou les médecins, ceux-ci ont pour devoir d’en avertir les autorités compétentes. La législation impose la déclaration des principales zoonoses reconnues soit chez l’animal, soit chez l’Homme, de façon à faire appliquer les mesures prévues par la réglementation (HADDAD et al., 2012). Les échanges d’informations sont essentiels, et le devoir de sensibilisation des populations constitue un élément fondamental dans la prévention des risques d’émergence zoonotique. La prévention collective passe par une lutte sur quatre niveaux. Il importe de lutter contre les réservoirs rongeurs, les arthropodes vecteurs, et les agents pathogènes eux-mêmes tout en sensibilisant les personnes sur les attitudes à adopter. Ceci permet de limiter les possibilités de dispersion et de dissémination des agents pathogènes, et l’Homme, en agissant à son niveau, peut aider voire apporter une protection sur le plan collectif (mesures d’hygiène, de protection, d’isolement). La réalisation de campagnes de dépistage précoce permet, dans certains cas, la mise en œuvre rapide de traitements efficaces chez l’Homme (GARCIA et al., 2012). i. Lutte contre les réservoirs Il est crucial de connaître le cycle biologique des agents pathogènes et les modalités de leur transmission. Cela suppose de savoir notamment quelles sont les espèces réservoirs (HARRUS et al., 2005 ; SAVEY et al., 2004). Lorsqu’il s’agit de rongeurs, les mesures sont fondées sur la protection contre les contacts avec les rongeurs, réservoirs primaires, contre les hôtes secondaires, assurant un relais infectieux, ainsi que contre les vecteurs (s’ils interviennent). L’un des moyens efficaces pour diminuer la pullulation des rongeurs et éviter de les attirer dans l’environnement de l’Homme, est de mettre à l’abri les réserves alimentaires destinées à l’Homme et aux animaux et de protéger les déchets alimentaires vis-à-vis de leur voracité. En cas d’envahissement, il est nécessaire de les expulser, et de nettoyer leurs excrétions avec précautions (port de gant, de masque, aération des lieux…). En effet, l’exposition à tout milieu ou substrat potentiellement contaminé doit être évitée 204 (eau contaminée par des leptospires, terre renfermant des bacilles pesteux, aliment souillé…) (SAVEY et al., 2004 ; CASTILLO et al., 2007). Ainsi, il est nécessaire d’instituer des mesures d’hygiène, en procédant au nettoyage, à la désinfection et à la dératisation des locaux afin de prévenir la pullulation ou en situation avérée d’envahissement par les rongeurs. Sur le plan de la lutte collective contre les émergences zoonotiques, les inspecteurs aux frontières ont également un rôle majeur. Ils ont pour devoir de contrôler les mouvements d’animaux, de vérifier leur pays d’origine (région éventuellement endémique pour une zoonose…), leur espèce d’appartenance (beaucoup sont interdites du fait notamment de leur dangerosité, comportementale et infectieuse), et leur état clinique. Ainsi, des mises en quarantaine sont parfois nécessaires dans le cadre de la surveillance du statut sanitaire des animaux. Les vétérinaires, quant à eux, exercent en plus de leur devoir informatif auprès des propriétaires, un rôle proche de celui des inspecteurs pré-cités. ii. Lutte contre les vecteurs Il n’est pas toujours évident de lutter efficacement contre les arthropodes vecteurs. Cependant, les instructions ordonnant le port de certains vêtements couvrants et/ou d’équipements protecteurs lors de certaines activités, professionnelles ou de loisirs sont une première étape dans la lutte pour la protection collective et individuelle des populations. Par ailleurs, l’usage de répulsifs vis-à-vis des tiques (dans le cas de la lutte contre la TBE ou de la maladie de Lyme), ou l’application d’insecticides vis-à-vis des puces dans les habitats (dans le cadre de la lutte contre la peste dans les zones endémiques) peuvent parfois s’avérer efficaces (PRENTICE et al., 2007; DERBISEet al., 2011). iii. Lutte contre les agents pathogènes La lutte directe vis-à-vis des agents pathogènes, sur le plan collectif, se réfère essentiellement aux mesures de vaccination préventive. Lorsqu’elle est possible, la vaccination est conseillée afin d’apporter une protection pour l’Homme et les animaux. On peut prendre l’exemple de la leptospirose, pour laquelle l’espèce canine représente un facteur de risque pour l’Homme. En effet, le chien peut être infecté par différents serovars après avoir été en contact avec une eau stagnante souillée par de l’urine infectée de rongeurs. Suite à cela il peut se trouver en contact rapproché et répété avec ses propriétaires. La vaccination des chiens contre la leptospirose, bien que limitée car ne concernant que deux serovars, représente donc une méthode prophylactique face au risque de transmission de Leptospira, notamment L. icterohemorragiae, serovar le plus ubiquitaire dont le réservoir est constitué par des rongeurs. Par ailleurs, des mesures préventives menées par les producteurs et industriels, comme la pasteurisation du lait (cas de TBEV suite à l’ingestion de lait cru dans les pays d’Europe de l’Est) sont également nécessaire pour la protection de la santé des consommateurs (MANSFIELD et al., 2009). 205 Les contrôles sanitaires, qu’ils soient menés par les vétérinaires, les industriels, les inspecteurs aux frontières visent également à lutter contre les agents responsables de zoonoses, en contrôlant les introductions et exportations d’animaux, ainsi que les produits d’origine animale potentiellement infectés. iv. Sensibilisation de l’Homme Dans le cadre des risques d’exposition professionnels, la sensibilisation du personnel est primordiale, tout comme la mise à disposition de moyens (matériels, vêtements de protection…). Quand cela est nécessaire, la vaccination du personnel peut être réalisée à des fins préventives (cas des égoutiers vis-à-vis de certains leptospires). En cas d’expansion d’un agent zoonotique, les recommandations de l’OMS dépendent de la phase de l’épidémie ou de la pandémie, et doivent être accompagnées systématiquement des mesures de base que sont l’hygiène, l’utilisation de masques, de gants... En période d’alerte, les recommandations incluent l’isolement des patients et la mise en quarantaine des contacts, associées à des traitements médicaux. En période de pandémie, le but est de retarder la progression et de réduire les effets par des mesures telles que l’isolement et la mise en quarantaine forcée des personnes atteintes. Si la pandémie est sévère, la fermeture des lieux de regroupement (écoles, cinémas…) peuvent être décidées. Les voyages personnels sans caractère impératif doivent être différés (CANINI, 2010). Il est important de préciser que certaines Organisations non gouvernementales (ONG), spécialisées dans le domaine de la santé animale, par le soutien qu’elles apportent aux Services vétérinaires, contribuent dans de nombreux pays en développement, à améliorer la qualité des services (VALLAT, 2006). b. Attitudes et précautions individuelles Dans la vie courante, le risque de contracter une zoonose est fréquent. Il importe donc que chacun se soucie d’appliquer quelques règles simples en diverses circonstances : lors de contacts avec des animaux, dans le cadre professionnel, lors de la préparation et la consommation d’aliments, et lors d’activités de loisir et de tourisme (HADDAD et al., 2012). La prévention individuelle fait intervenir dans un premier temps l’adoption d’une hygiène de base, avec le lavage des mains, la désinfection et la protection des plaies, mais également l’entretien des locaux ainsi que la protection des habitats et des denrées vis-à-vis des nuisibles. L’application de produits répulsifs envers les nuisibles et vecteurs peut être envisagée. Dans un deuxième temps, il convient de se prémunir d’éventuelles transmissions, par le port d’équipements spécifiques : gants (pour les professionnels en contact direct des rongeurs), masque, lunettes, bottes voire combinaison (dans le cas de personnel de 206 laboratoire par exemple). Néanmoins, dans des zones connues comme infectées par des agents transmis par les tiques, le simple port de vêtements longs constitue une protection relativement efficace vis-à-vis de leurs morsures. Par ailleurs, la prévention individuelle vis-àvis d’agents zoonotiques transmissibles par morsure de tiques passe par une auto-inspection corporelle des individus exposés, Homme et animaux, et par le retrait le plus rapide possible des tiques détectées (GARCIA et al., 2012). De façon générale, toute survenue de symptômes inhabituels doit entraîner la consultation auprès des médecins. On parle de mesures de prévention secondaires, pour signifier une prise en charge rapide des personnes déclarant des symptômes, afin d’améliorer le pronostic et de prévenir, dans les cas d’infection par des agents zoonotiques, les éventuelles complications ainsi que la transmission interhumaine si elle existe. Les mesures de prévention individuelles doivent être renforcées en cas d’immunodépression (populations YOPI). Lorsque ces individus « fragilisés » sont propriétaires d’animaux, ils doivent être particulièrement vigilants lors des contacts avec ces derniers. Il leur est notamment conseillé d’éviter de manipuler les excrétas (fèces, urines…) ou bien d’utiliser systématiquement des gants, afin de tenir compte du fait que les rongeurs peuvent être de dangereux disséminateurs de germes, et sont souvent atteints d’infections latentes non détectables ou qu’on ne pense pas à détecter (HADDAD et al., 2012). 5) Outils de communication L’information des populations et leur sensibilisation concernant les risques de transmission d’agents zoonotiques sont essentielles pour limiter voire diminuer l’incidence des zoonoses. Il importe que les informations et messages délivrés soient clairs, faciles à comprendre et à mettre en place. Le système le plus performant de communication au sujet des émergences zoonotiques est celui prenant en compte les différents supports d’informations (papier, radio, télévision, internet…), et permettant aux populations de prendre conscience de la réalité de l’existence d’une menace sans entraîner une exacerbation de leur peur. Le passage de l’information doit être compréhensible, sans risque de mauvaise interprétation. Par ailleurs, il importe qu’elle soit crédible, bien fondée, et actualisée (TABBAA, 2010). 207 a. Presse écrite et affiches informatives L’information écrite constitue la forme la plus ancienne de communication à large échelle, généralement fiable car vérifiée, et non déformée par des interprétations intermédiaires (comme peut l’être la communication orale). Par ailleurs, les niveaux de compréhension sont multiples : d’une forme de vulgarisation accessible à la compréhension de tous à des articles et revues destinés à des professionnels scientifiques. Par ailleurs, ils ont pour cibles certaines professions en particuliers, ou certaines catégories particulières. Les organismes (OMS, OIE…) et institutions (CDC, InVS…) seuls ou en collaboration, alertent les personnes sur les dangers zoonotiques potentiels auxquelles elles peuvent être confrontées par l’intermédiaire de bulletins, de journaux, de guides, ou d’affiches. b. Radio et télévision La radio et la télévision sont depuis de nombreuses années placées au cœur des foyers. Elles représentent les objets d’information les plus simples d’utilisation et de compréhension. En effet, alors que la presse écrite ou l’ordinateur ne ciblent qu’une partie de la population, la radio et la télévision peuvent être écoutées et regardées par les enfants tout comme par les par les personnes âgées, qui, de plus, font partie des YOPI. L’information véhiculée l’est par le biais de journaux télévisés, de reportages, de débats, souvent riches en images, plus percutants pour la sensibilisation. c. Internet Durant ces dernières décennies, on assiste à l’essor d’internet, accessible au plus grand nombre, et grâce auquel la diffusion d’informations est extraordinairement rapide. Néanmoins, l’utilisation de ce mode d’information doit être raisonnée, car, avec une profusion de sites, il est impératif de connaître le vrai du faux. Des organismes mondiaux tels que l’OMS, l’OIE et la FAO, en plus de publier sous forme papier, diffusent très largement des informations via le web. Par exemple le site « http://www.who.int/zoonoses/emerging_zoonoses/en/ » regroupe différentes rubriques parmi lesquelles on retrouve tous les programmes actifs de l’OMS dans les démarches informatives et préventives vis-à-vis des émergences zoonotiques. Des sites se sont par ailleurs spécialisés dans les problématiques relevant des émergences zoonotiques liées aux animaux de compagnie. Le PetWatch Program, lancé en mai 2011 par EcoHealth Alliance, une organisation internationale regroupant des experts issus des milieux médicaux (médecine humaine et vétérinaire), biologiques et de l’écologie, permettant le développement du concept « One Health ». Le site web « http://www.PetWatch.net » permet de sensibiliser les personnes et propriétaires d’animaux vis-à-vis des dangers 208 auxquels ils s’exposent. Toujours dans le cadre des animaux de compagnie, le site « http://www.cdc.gov/healthypets » du CDC, a pour objectif de donner des informations continues concernant les animaux domestiques et sauvages, de fournir des outils d’aide et de prévention pour éviter la transmission de zoonoses, ainsi que des guides d’informations générales et spécifiques lors de déclaration d’un état d’alerte. Toujours initié par le CDC, le site « http://www.cdc.gov/ncezid » a pour vocation d’informer les professionnels de santé et de sensibiliser la population aux risques d’émergence et de transmission d’agents zoonotiques. Des sites ont été conçus spécialement pour les enfants, afin de les informer et de leur permettre d’adopter les bonnes attitudes envers les animaux pour se prémunir des risques d’infection. Ainsi, le site « http://www.legacygames.com » est une sorte de jeu permettant d’initier les enfants aux connaissances vétérinaires, en leur apprenant les bonnes pratiques et les soins à donner aux animaux. Les CDC ont quant à eux mis en place de nombreux sites pour les enfants, les « Prevention kidtastics series », parmi lesquels « I love petting zoo », « All You have to do is Wash your Hands » ou « Love animals AND Stay safe », faciles d’accès et riches en informations. De nombreux autres sites, comme « Kidshealth.org » sont destiné à la fois aux petits et grands, et fournissent des informations concernant les précautions à prendre et les attitudes à adopter pour diminuer le risque d’exposition et d’infection zoonotiques (SMITH et al., 2012). En France, on retrouve sur le web de nombreux sites d’information et de sensibilisation aux émergences zoonotiques, issus des organismes et instituts français dont nous avons parlé précédemment, qui seuls, ou en collaboration, participent à la prévention et au contrôle des zoonoses. 209 210 CONCLUSION De nos jours, malgré les avancées scientifiques et technologiques (qui par ailleurs, contribuent à faciliter l’identification de nouveaux agents pathogènes), nous sommes confrontés à un risque d’émergence zoonotique plus élevé que par le passé. En effet, les populations humaines s’accroissent, et adoptent parfois des attitudes les exposant davantage à des situations potentiellement à risque. En parallèle, les populations de rongeurs, qui se distinguent par des capacités exceptionnelles de prolifération et d’envahissement des différents milieux, représentent d’excellents disséminateurs d’agents pathogènes. Les tendances actuelles font que l’Homme et l’animal vivent à proximité l’un de l’autre, et entrent en contact, dans les pays développés, plus fréquemment qu’il y a quelques décennies. Les recommandations ne sont pas toujours prises en compte, et pourtant, elles sont au cœur du système de prévention. La proportion d’individus « fragilisés » immunitairement ne cessant d’augmenter, la réceptivité et la sensibilité à des agents pathogènes zoonotiques sont potentiellement plus élevées. La combinaison de ces éléments récents, englobant les facteurs anthropologiques, environnementaux, et écologiques a conduit l’Homme à créer des organisations et des institutions visant à protéger la santé humaine, et à mettre en place des systèmes de surveillance et de contrôle afin d’éviter la survenue ou l’expansion d’une enzootie (endémie d’un agent zoonotique). Ces systèmes existants se retrouvent au niveau mondial, régional, national, voire local. Leur efficacité est due à la collaboration de tous les partenaires, experts et individus, et passe avant tout par la communication des informations. Lorsque l’on note la part élevée que représentent les agents zoonotiques bactériens et viraux parmi l’ensemble des agents émergents (plus de 70%), on comprend l’inquiétude soulevée par les risques d’expansion de ces agents pathogènes, d’autant plus que ce sont principalement les virus à ARN, mutant aisément, qui constituent une menace face à laquelle nous disposons de peu de moyens de prévention ou de traitement. Ceci explique l’émergence du concept « One Health », qui passe par une collaboration étroite entre médecins et vétérinaires, au service de la santé globale. Ce travail a permis d’envisager les différents facteurs contribuant aux émergences infectieuses et zoonotiques dans le cas particulier des rongeurs en tant que réservoirs et hôtes compétents, qui occupent la place la plus importante dans tout le règne animal comme source d’agents zoonotiques, notamment émergents, puis d’en expliciter certaines d’entre elles, choisies pour leur caractère émergent. Il ne faut cependant pas perdre à l’esprit l’existence d’autres agents zoonotiques transmis par des rongeurs mais également d’autres réservoirs animaux, mettant en danger la santé de l’Homme. 211 212 BIBLIOGRAPHIE ABGUEGUEN P. et al., Clinical aspects and prognostic factors of leptospirosis in adults. Retrospective study in France, Journal of Infection, 2008, 57: 171-178. ADEWUYI G.M., FOWOTADE A., ADEWUYI B.T., Lassa fever: another infectious menace, African journal of clinical and experimental microbiology, 2009, 10 (3): 144-155. ADLER B., DE LA PENA MOCTEZUMA A., Leptospira and leptospirosis, Veterinary Microbiology, 2010, 140 : 287–296. AFFSA, Fiche de description de danger transmissible par les aliments: Yersinia enterolitica, Y. pseudotuberculosis, 2006, pages 1 à 4. AGUS B., The recognition and treatment of lyme disease, Prim Care Update ObiGyns, 1995, 2 (6): 200-203. 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ZIETZ B.P., DUNKELBERG H., The history of the plague and the research on the causative agent Yersinia pestis, Int. J. Hyg. Environ. Health, 2004, 207: 165-178. 228 Annexe 1. Table chronologique synthétique des évènements tectoniques, climatiques et biotiques majeurs en lien avec l’histoire des mammifères (modifiée d’après ZACHOS et al., 2001 ; VIGNEAU-HERMELLIN, 2000). 229 Annexe 2. Échelle simplifiée des temps géologiques (RAUPP, 1993). 230 Annexe 3. Distribution géographique des Hantavirus du « nouveau monde ». Les Hantavirus connus comme étant pathogènes sont écrits en rouge (PAPA et al., 2012). 231 Annexe 4. Évolution du nombre de cas humains infectés par un Hantavirus en Allemagne (1), en Belgique (2), et en France (3). Le nombre de cas est indiqué en ordonnée, et les années en abscisse (HEYMAN et al., 2012). (1) (2) (3) 232 Annexe 5. Répartition mondiale des formes HPS et FHSR. La légende précise le nombre de cas annuels recensés par pays. NE (nephropathia epidemica) concerne les manifestations néphropathiques dues à Hantavirus (JONSSON et al., 2010). 233 Annexe 6. Différents hôtes possibles du virus Cowpox (ESSBAUER, 2010). 234 Annexe 7. Tableau récapitulatif des principales épidémies dues au virus Monkeypox de 1970 à 2005 (REYNOLDS et al., 2012). 235 Annexe 8. Résultats de la recherche de l’éventuelle présence du virus de Lassa chez différentes espèces de petits mammifères capturés dans trois villages d’Afrique de l’ouest (FICHET-CALVET et al., 2007). Annexe 9. Lien entre la saisonnalité et la prévalence de cas humains de LASV (FICHETCALVET et al., 2007). 236 Annexe 10. Caractères biochimiques pseudotuberculosis (DERBISE et al., 2011). et 237 phénotypiques de Y. pestis et Y. Annexe 11. Incidence annuelle de la leptospirose à travers le monde (PAPPAS et al., 2008). 238 ÉMERGENCES ZOONOTIQUES BACTÉRIENNES ET VIRALES LIÉES À LA PROMISCUITÉ ENTRE L’HOMME ET LES RONGEURS PEIFFER Marianne Résumé On estime qu’aujourd’hui les émergences zoonotiques représentent plus de 70% de l’ensemble des maladies infectieuses humaines émergentes. Les rongeurs tiennent une place de choix en tant que réservoirs ou relais d’agents pathogènes pour l’Homme. De nombreux facteurs, dont beaucoup sont associés à l'action de l'Homme sur son environnement, contribuent actuellement à le confronter à des rongeurs potentiellement sources d’agents zoonotiques. Certaines catégories de rongeurs ont pour habitude de pénétrer les habitations, mais, avec l’engouement actuel pour les NAC, c’est l’Homme luimême qui décide de placer au sein de son foyer rat, souris, hamster, cobaye, etc. Du fait de l'ampleur du sujet et de la prépondérance de l’émergence de zoonoses virales et bactériennes, ce sont certaines de celles-ci, aux répercussions marquées sur la santé des populations humaines, qui sont traitées dans ce travail. Les organismes internationaux ont pris pleinement conscience de la nécessité d’unir leurs efforts pour lutter contre ces émergences/réémergences zoonotiques et promeuvent le concept global « One Health » auprès des institutions nationales et des acteurs de proximité, en vue de la mise en place de systèmes de surveillance et d’alerte. Mots-clés : ZOONOSE/ EMERGENCE DES MALADIES/ MALADIE BACTERIENNE/ MALADIE VIRALE/ SURVEILLANCE SANITAIRE/ SANTE PUBLIQUE/ NAC/ RONGEUR. Jury : Président : Pr. Directeur : Pr. Nadia HADDAD/HOANG-XUAN Assesseur : Dr. Sophie LE PODER BACTERIAL AND VIRAL ZOONOTIC EMERGING DISEASES DUE TO CLOSENESS BETWEEN HUMANS AND RODENTS PEIFFER Marianne Summary Today, it is estimated that emerging zoonotic diseases account for over 70 % of all emerging human infectious diseases. Rodents occupy a prominent place as reservoirs or relays for human pathogens. Many factors associated to the impact of humans on their environments, are increasingly contributing to expose them to rodents that are potential sources of zoonotic agents. Some rodents enter homes, but with the current craze for the NAC, it is the man himself who decides to place rats, mice, hamsters, guinea pigs, etc, in his home. Because of the large scope of the subject and the prominent emergence of viral and bacterial zoonoses, only some of them have been treated in the present work, as they have significant consequences on human health. International organizations are now fully aware of the need to gather forces to control the emergence / re-emergence of zoonoses and promote the overall concept of "One Health" with national institutions and local players, for the establishment of monitoring systems and alerts. Keywords : ZOONOSIS/ EMERGENCE OF DISEASES/ BACTERIAL DISEASE/ VIRAL DISEASE/ HEALTH SURVEILLANCE/ PUBLIC HEALTH/ NEW PET/ RODENT. Jury : President : Pr. Director : Pr. Nadia HADDAD/HOANG-XUAN Assessor : Dr. Sophie LE PODER