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de 1987, préparé avec beaucoup de compétence par la profession, et en particulier ses organisations
professionnelles des céréales, des oléagineux et sucrières du Nord de la France.
S’il a été beaucoup été écrit sur l’émergence d’une multifonctionnalité agricole, (cf. nos review de cette
littérature in Nieddu, 2001, Barthélemy & Nieddu, 2007), le nouveau rapport à une « agriculture de
qualité » destiné à résoudre le problème des excédents structurels a peut-être aussi été en partie
fantasmé
. En revanche, l’agriculture productiviste retrouve des arguments sur lesquels asseoir de
nouveaux relais de croissance industrielle et de veaux soutiens publics : il s’agit de tendances sociales
lourdes et plus récentes (interrogations sur l’épuisement des ressources fossiles, problématiques de
pollution par la prolifération des molécules chimiques, et d’émissions de CO2). La recherche sur les
nouvelles régulations en agriculture ne peut donc s’abstraire de ce contexte. En Europe du nord,
émerge une configuration dans laquelle l’élevage industriel renforce sa compétitivité en captant des
soutiens publics pour devenir fournisseur d’énergie solaire ou thermique. En France, depuis la fin des
années 80, les grandes coopératives agricoles françaises (Cristal Union, Sofiprotéol, Champagne-
Céréales devenue Vivescia, Limagrain) ou les groupes de l’agroalimentaire (Roquette, Soufflet)
travaillent à assembler les ressources matérielles et immatérielles collectives publiques ou privées qui
permettraient de créer de nouveaux débouchés non seulement vers les « bio »carburants, mais aussi
vers la chimie et les matériaux.
L’émergence de la problématique de la bioraffinerie
On se propose alors d’interpréter le défi de cette transition de deux points de vue : d’une part, la
régulation du changement n’opère pas vers une société « décarbonée » selon l’expression habituelle,
mais vers une substitution du carbone fossile par du carbone « bio » (Nieddu & Vivien, 2012). D’autre
part, elle n’opère pas vers une baisse de l’intensification, mais au contraire vers la recherche de son
renforcement (Dumeignil, 2014) du fait des nouvelles demandes adressées à l’agriculture.
Les acteurs travaillent ainsi à l’émergence d’une nouvelle action publique qui contribue à la
préservation/transformation des patrimoines productifs collectifs de l’agriculture productiviste et des
agro-industries. Cette nouvelle action publique se décline à partir du début des années 2000, à travers
une mobilisation sans précédents de la recherche scientifique. Celle-ci est au service de « roadmaps »
construits dans des exercices de « visions pour le futur », que ce soit au niveau européen (dans le
soutien à une « knowledge based bioeconomy », des plate-formes telles que Suschem et plus
récemment à des partenariats public-privé tels que Bridge), national (en contribuant au retour de
politiques industrielles dédiées dans les pôles de compétitivité) ou régional (constitution de clusters
autour des agro-industries, alimentés par des initiatives d’excellence scientifique, telles que Pivert).
Ces constructions institutionnelles se cristallisent autour d’un « objet intermédiaire » au sens que
donnent les sociologues à ce terme (Vink, 1989), à savoir à la fois un objet matériel et dispositif
immatériel de coordination des acteurs en univers incertain, constitué en patrimoine commun : il s’agit
de la bioraffinerie, terme exprimant à la fois l’ambition de fonder une nouvelle chimie en substituant
les produits pétroliers par des produits renouvelables, et une orientation destinée à maintenir
Voir aussi : les controverses de Marciac, en 2012 le débat sur les nouvelles figures de l’agriculteur :
http://www6.inra.fr/psdr-midi-pyrenees/Veille-thematique/Innovations/Table-ronde-agriculteur-moderne-
Europe
Les travaux récents de Catherine Laurent (2013) décrivent les ambiguïtés du marketing sur la qualité de
l’agriculture méditerranéenne, malgré ses pratiques réelles d’industrialisation du produit, et un rapport au
salariat précaire marqué.
Citation:Catherine Laurent (2013), Chapter 7 The Ambiguities of French Mediterranean Agriculture: Images of
the Multifunctional Agriculture to Mask Social Dumping?, in Dionisio Ortiz-Miranda, Ana Moragues-Faus, Eladio
Arnalte-Alegre (ed.) Agriculture in Mediterranean Europe: Between Old and New Paradigms (Research in Rural
Sociology and Development, Volume 19), Emerald Group Publishing Limited, pp.149-171