De façon générale, les offices de commercialisation sont des institutions disposant de
pouvoirs délégués par l’État leur permettant de commercialiser les produis agricoles au
nom des producteurs, et donc de s’interposer dans l’échange du produit agricole brut
entre producteurs agricoles et acheteurs. Veeman définit les offices de
commercialisation canadiens comme des « institutions obligatoires de
commercialisation définies et encadrées législativement qui accomplissent les
différentes fonctions de commercialisation au nom des producteurs d’un produit
agricole particulier » (Veeman 1987: 992).
Les offices de commercialisation sont apparus dans la première moitié du XXème et ont
connu leur apogée au cours des années 1960 et 1970. Plusieurs caractéristiques de ces
organisations les distinguent des autres formes d’intervention en agriculture. Tout
d’abord, les offices sont définis sous l’égide d’une législation et jouissent de pouvoirs
délégués par l’autorité gouvernementale. Deuxièmement, ils sont obligatoires, ce qui
signifie que tous les producteurs visés par les activités de l’office pour un produit et une
région spécifiques doivent se conformer obligatoirement aux règles de l’office lorsque
ce dernier devient opérationnel. Troisièmement, la motivation pour mettre en place un
office provient généralement de la volonté des producteurs eux-mêmes et leur processus
de mise en œuvre peut comporter un référendum tenu auprès de tous les producteurs
concernés. Dans un tel cas, le seuil d’approbation requis est relativement élevé; par
exemple au Québec, la moitié des producteurs doivent avoir exercé leur droit de vote et
deux-tiers des votants doivent s’être prononcés en faveur du projet d’office. Enfin, les
opérations courantes des offices sont financées par des contributions obligatoires
versées par les producteurs généralement au prorata du volume individuel de production
commercialisé.
Outre ce cadre général, il existe plusieurs types d’offices ayant divers impacts sur la
commercialisation et les prix des produits agricoles. Ceux-ci se distinguent selon les
pouvoirs mis à leur disposition par le cadre législatif duquel ils relèvent et du choix
qu’ils font d’utiliser tout ou partie de ces pouvoirs. Royer (2009, p. 29) relève que la
littérature distingue ainsi quatre types d’office qui se différencient selon leur niveau
d’intervention dans la commercialisation du produit agricole visé: les offices
promotionnels, les offices de négociation, les agences de vente centralisée et les offices
de contingentement de l’offre (Veeman 1987, Jean et Gouin 2001, Loyns 1980). Bien
que cette typologie relève de l’observation et de l’analyse des offices dans le contexte
canadien, elle correspond tout à fait à la réalité des offices du lait des trois pays à
l’étude. Dans chacun des cas à l’étude, tout comme au Canada, les offices du lait étaient
de ceux qui utilisaient le plus l’ensemble des pouvoirs disponibles.
3. Paradigme, Politiques Publiques et Institutions
Les politiques agricoles des pays développés ont connu d’importantes réformes au cours
des deux dernières décennies. Certains analystes parlent de changements radicaux basés
sur un changement de paradigme économique. D’autres auteurs parlent plutôt de
changements plus graduels, programmatiques, qui prennent place à l’intérieur du
paradigme existant (Skogstad 2008b). Le démantèlement presque simultané de
nombreux offices de commercialisation dans différents pays laisse présager que leur
disparition n’est pas due à un simple changement programmatique, les facteurs en cause
seraient beaucoup plus fondamentaux, voire paradigmatique. Différents facteurs
peuvent inciter à enclencher d’importants changements de politiques publiques. Ces