
1 • Le parti pris de l’innovation sociale
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UNE JOURNÉEDÉBAT
CONSACRÉE À L’INNOVATION SOCIALE
Le 5 octobre 2010, acteurs de terrain,
penseurs, chercheurs et partenaires se sont
réunis, à Paris, pour échanger et débattre
de l’innovation sociale à l’initiative
de la Fondation Macif.
« À une époque où la nécessité de chan-
ger n’est plus discutable, il faut garantir
le foisonnement des initiatives.» C’est une
exhortation à agir qu’adresse Philippe
Durance à l’intention des personnes pré-
sentes, ce 5 octobre, dans l’auditorium
parisien de la Macif. À l’instar de Pierre
Rabhi ou encore de Jean-Baptiste de Fou-
cauld, Philippe Durance a lui aussi répon-
du à l’invitation de la Fondation Macif.
Au programme : questionner et débattre
de ce qu’est l’innovation sociale, de ce
qu’elle apporte à notre société et des
moyens mis en œuvre pour transformer
un projet visionnaire en réalité concrète.
Innover par la mobilisation
et la coopération de tous
Pourquoi une « performance collective
médiocre en France » alors que notre
pays dispose d’une floraison d’initia-
tives riches et innovantes ? C’est l’inter-
rogation soulevée par Jean-Baptiste de
Foucauld, le fondateur de Solidarités
nouvelles contre le chômage. « La rétrac-
tation sur soi, l’individualisme compor-
temental dans notre société, sont une
résistance des plus féroces », poursuit-il.
Stéphane Durand, responsable du service
environnement d’Échirolles, a son idée
sur la question. Conscients de la diculté
à concrétiser des projets, parfois consi-
dérés comme utopiques, son équipe et
lui-même ont fait « se mettre autour de
la table agents communaux, responsables
d’entreprises et associatifs et les citoyens,
premiers concernés ». La ville est ainsi
devenue une des pionnières dans la mise
en œuvre de l’agenda 21* et s’est enga-
gée dans une authentique politique de
développement durable.
Solution locale pour désordre
global ?
Épiceries sociales et solidaires, exploi-
tations biologiques gérées par des per-
sonnes en réinsertion… les témoignages
successifs des participants à la jour-
née-débat démontrent que l’innovation
sociale est une alternative qui prospère.
Pourtant, « des expériences initiées lors
des décennies précédentes doivent encore
faire leurs preuves aujourd’hui » relève
un élu de la Macif. Quand et comment
une innovation sociale peut-elle se dupli-
quer pour atteindre le statut de nouvelle
norme collective ? « Il n’y a pas les mêmes
besoins suivant les territoires », avance
François Marty, responsable d’une entre-
prise d’insertion. Un point de vue déve-
loppé par Stéphane Durand : « On ne
peut pas reproduire des expériences, en
raisonnant sur un schéma descendant. Ça
ne fonctionne pas. Les initiatives doivent
démarrer d’en bas. » Réfléchir, agir en-
semble pour assurer la réussite d’un pro-
jet, c’est une approche que partage Serge
Moëlo, maire de Silfiac. Les initiatives
dans sa commune ont pris racine grâce
à ses habitants pleinement investis dans
les projets. Une réussite néanmoins sou-
mise au respect de certains principes élé-
mentaires : « Pour reproduire, il ne faut
pas faire du copier-coller, mais s’inspirer
de ce qu’ont fait les autres pour élaborer
ses propres modèles. »
L’humain au cœur du changement
Une manière de replacer l’être humain au
centre, philosophie de vie qui est celle de
Pierre Rabhi, pionnier de l’agroécologie
et intervenant de l’après-midi : « Nous
sommes dans une phase de transition,
nous devons mettre l’humain et la nature
au cœur de nos préoccupations. » Cette
vision est amplement partagée par Gaë-
tan Du Bus de Warnae, animateur du
Réseau pour les Alternatives forestières,
qui clôturera la journée : « Il devient vi-
tal de respecter ce que l’on sent comme
juste profondément. C’est le courage
d’être soi. »
* L’agenda 21 est un plan d'action dans une perspective de
développement durable pour le e siècle. Il formule des
recommandations aux collectivités territoriales dans des
domaines aussi variés que : la pauvreté, la santé, le logement,
la pollution de l'air, la gestion des mers, des forêts et des
montagnes, la désertification, la gestion des ressources en eau
et de l’assainissement, la gestion de l’agriculture et la gestion
des déchets.
Philippe Durance est professeur as-
socié au Conservatoire national des
arts & métiers (CNAM) de Paris et
coauteur d’un rapport sur « la créa-
tivité et l’innovation dans les terri-
toires » remis au Conseil d’analyse
économique (CAE), à la Délégation
interministérielle à l’aménagement
du territoire et à l’attractivité régio-
nale (Datar) et à l’Académie des
technologies.
François Marty est le créateur de
l’entreprise d’insertion Scierie et
palettes du littoral (SPL) qui en 20
ans est devenue leader de la filière
bois de la région Nord-Pas de Calais.
Elle emploie 60 % de personnes en
insertion et développe un parc de
logements sociaux écologiques.
Stéphane Durand dirige le service
environnement et développement du-
rable de la ville d’Échirolles. Il y pilote
la mise en œuvre de l’agenda 21 qui
est l’un des rares en France à s’être
tourné vers les habitants dans une
vraie démarche participative.
Jean-Baptiste de Foucauld est pré-
sident fondateur de Solidarités nou-
velles face au chômage (SNC) qui
fut créée en 1985 pour combattre
l’exclusion et le chômage. Ses fonda-
teurs ont inventé une forme d’en-
gagement concret qui construit du
lien social et suscite une citoyenneté
active.
Pierre Rabhi est un agriculteur, écri-
vain et penseur. Il est un des pion-
niers de l’agroécologie. Reconnu
expert international pour la sécurité
alimentaire, Pierre Rabhi a participé
à l’élaboration de la convention des
Nations unies pour la lutte contre la
désertification. Il est également l’ini-
tiateur du Mouvement pour la terre
et l’humanisme.
Serge Moëlo est maire de Silfiac
(Morbihan). Il a fait face à l’exode ru-
ral en mettant en œuvre un certain
nombre d’actions innovantes : le
maintien de l’école communale, la
restauration du patrimoine rural, un
écolotissement, un parc éolien et
bientôt un « pôle d’accueil de proxi-
mité intergénérationnel ».
Gaëtan du Bus de Warnae est
ingénieur forestier et docteur en
sciences. Il anime le « Réseau pour
les Alternatives forestières » qui
soutient les pratiques de gestion
forestière alternative et sensibilise
la société civile à l’existence de ces
pratiques.
Les intervenants
De gauche à droite : Ruth Stegassy, journaliste
à France Culture et animatrice de la journée,
François Marty, Stéphane Durand, Jean-Baptiste
de Foucauld et Philippe Durance
François Marty et Stéphane Durand
© Mourad Chefaï / Macif
© Mourad Chefaï / Macif
© Mourad Chefaï / Macif
Pierre Rabhi