I. Le siècle des Lumières et la contestation de l`absolutisme

Histoire CRPE
Le Mouvement des Lumières, la Révolution française et le Premier Empire
Sup deCours Etablissement dEnseignementSupérieur PriveRNE 0333 119 L- 73, ruedeMarseille 33001 Bordeaux Cedex
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LE MOUVEMENT DES LUMIERES,
LA REVOLUTION FRANÇAISE ET LE PREMIER EMPIRE
Le règne de Louis XIV laisse la France dans une situation délicate. Les
guerres à pétition, le train de vie fastueux de la Cour, ont laissé les finances
royales dans un état plorable, dautant que léconomie florissante des années
Colbert na plus deffet, le plupart des compagnies de commerce ayant périclité à
laube du siècle. La succession du Roi-Soleil souvre en outre sur une période de
Régence (1715-1723), durant laquelle Philippe dOrléans mène une sorte de ac-
tion au gne qui sachève. Le régent tente de relever la situation économique de
la France (système de Law) et veloppe le « régime des conseils », lesquels
remplacent les ministres et secrétaires dEtat de Louis XIV ; la Cour déserte
Versailles et revient à Paris.
Jusqu’à la Révolution, les rois et gouvernants successifs n’auront de cesse
de lutter contre le dérèglement des institutions ; la situation économique du pays
ne sera jamais relee. Lagitation religieuse (jansénistes et protestants) ne
cesse de s’amplifier ; la contestation parlementaire gronde. A lextérieur,
lopposition franco-anglaise s’internationalise à propos des possessions coloniales.
Dans le dernier quart du siècle, le règne de Louis XVI ne modifie en rien situa-
tion qui devient chaque jour plus poccupante, la contestation s’accroît toujours
plus, sur la question des privilèges notamment, jusquà la convocation des Etats-
néraux en 1789, ouvrant la Révolution Française.
I. Le siècle des Lumières et la contestation de l’absolutisme
a. Les progrès scientifiques
Le XVIIIème siècle est une période très conde pour les progrès scienti-
fiques et la curiosité intellectuelle. Forts dun intérêt accru des puissants (-
nes) comme du public, les scientifiques portent leur art à un niveau jamais at-
teint : dès 1665, Colbert avait fondé lAcadémie des Sciences puis l’Observatoire
de Paris. Lépoque peut ainsi se targuer dun engouement pour les sciences. A la
suite dun Descartes au siècle précédent, le royaume connt de brillants mat-
maticiens (Pascal, dAlembert, Monge), déminents astronomes (Bouger, Mauper-
tuis, Laplace) ; Lavoisier diffuse ses travaux sur l’air et l’eau et invente la chimie
moderne, Buffon publie son
Histoire naturelle
.
Ce mouvement scientifique dépasse très largement les frontières du
royaume : citons l’anglais Newton (physique et astronomie), lallemand Leibniz
(matmatiques et philosophie), le suédois Linné (naturaliste), le hollandais
Huygens (physique et astronomie). Et si la France et ses scientifiques ont une
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place importante dans le processus qui s’amorce, il reste que le progrès techni-
que, soit l’application quotidienne des travaux et expériences scientifiques, est
davantage marqué outre-Manche. En témoignent les mises au point de la fonte du
minerai de fer au coke, de diverses machines textiles, et de la machine à vapeur
par James Watt (1780). Les progrès de lagronomie entraînent également le -
veloppement des cultures fourragères permettant la suppression des jachères.
b. La philosophie des Lumières
Le progrès scientifique permet également, à limage des travaux de Des-
cartes au siècle précédent, de croire dans le progrès, alors que la religion le te-
nait jusque-là pour suspect. Le XVIIIème siècle est celui de la raison, les philoso-
phes des Lumières désirant substituer aux « ténèbres » du fanatisme et de la
superstition, les « lumières de raison ». La critique s’adresse certes à lEglise
catholique, mais également à la division de la société en trois ordres ainsi quà la
monarchie absolue. Ils font une critique systématique de la société de leur
temps, réclamant les libertés de culte, dopinion, de presse ou encore de ré-
union ; ils désirent ladoption dun système judiciaire moins arbitraire, sur le mo-
le anglais de lHabeas Corpus de 1679. Par suite, légalité naturelle des hommes
est une évidence et c’est à ce titre qu’ils se font les pourfendeurs des privilèges,
en demandant leur abolition.
Surtout les philosophes des Lumières s’attaquent à la monarchie absolue,
avec bien évidemment Montesquieu qui dénonce la concentration des pouvoirs
dans les mains dun seul homme et demandent qu’ecutif, législatif et judiciaire
soient sormais séparés (
Esprit des lois
, 1748). A part Rousseau qui est contre
lidée monarchique1, ils se montrent favorables à une monarchie « limitée » où le
roi respecterait la séparation des pouvoirs et les libertés fondamentales de ses
sujets. Diderot, par exemple, fait du roi un homme comme les autres qui, pour
gouverner, doit être en accord avec la nation. Et lorsquen 1734, Voltaire fait
léloge des institutions anglaises dans les
Lettres philosophiques
, il prône
linstauration dune monarchie « éclairée » dans laquelle le roi gouverne pour le
bonheur de son peuple.
Sur le plan religieux, la critique des Lumières nest pas aussi radicale que
le veut la « tradition ». Tous ou presque admettent lexistence de Dieu (sauf Di-
derot) mais ils naccordent aucune valeur aux Eglises ainsi quaux dogmes, qui
nont servi qu’à enfermer le peuple dans un obscurantisme et une servitude des-
quels il faut sortir à présent. Ils sattaquent tout particulièrement aux Jésuites,
jugés intolérants, fanatiques, ralentissant le progrès intellectuel, moral et politi-
que de leurs adeptes comme des autres. Il faut souligner que les principaux phi-
losophes des Lumières ne sont pas daccord sur certains des concepts-clés de la
1En 1762, dans leContrat social, Rousseau développe lie d’une cité idéale où les droits naturels de lindividu
seraient garantis, où le pouvoir appartiendrait au peuple souverain.
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Révolution, comme légalité et la propriété : si Rousseau prêche légalité contre la
propriété, Voltaire, tout en nonçant les igalis, défend le droit de proprié-
té et les intéts de la bourgeoisie aux dépens de ceux du peuple ; tous, dans le
domaine économique sont des libéraux.
Enfin, ces idées philosophiques n’auraient pas connu un tel succès sans des
moyens de diffusion à la hauteur de lentreprise. Malgré l’opposition des autori-
tés civiles et religieuse, la publication de ces idées saccélère à partir de 1750 ;
des brochures sont éditées, vendues par des colporteurs, les cas et les salons
voient fleurir les débats. Surtout, Diderot et dAlembert commencent, à partir
de 1751, la publication de l
Encyclopédie
(dictionnaire raisonné des sciences, des
arts et des tiers) : au total, il s’agit de 17 volumes de textes auxquels
s’ajoutent 11 volumes de planches ; 130 auteurs ont participé à laventure. Plutôt
que daffirmer péremptoirement leurs iaux et risquer ainsi la censure, les au-
teurs ont préré aborder de manière détournée lensemble des idées des Lu-
mières. On y trouve donc une critique habile des idées politiques et religieuses
ainsi quune apologie prudente de tmes comme la raison, la foi dans le progrès,
légalité civile, la liberté ou encore le respect de la propriété. Il reste enfin que
si les idées des Lumières connaissent un grand succès auprès de la bourgeoisie
des grandes villes, la majori du peuple n’y a pas acs.
A létranger cependant, les idées des Lumières sont largement répandues ;
les philosophes voyagent et trouvent parfois asile auprès des grandes cours eu-
ropéennes. Il faut dire que le siècle consacre le français langue « européenne »,
laquelle est parlée dans les grandes cours du continent. La diffusion des idées
fut ainsi facilitée. L« école française » profita également de ces réseaux pour
étendre sa spre dinfluence quil sagisse de littérature (hors Lumières) avec
Marivaux, Lesage, Saint-Simon, ou encore darchitecture classique et de cora-
tion rococo (Palais de Schönbrunn).
Pour autant, de la même façon quil ne faut pas croire que les ies des
Lumières sont partout diffusées dans le royaume et de manière uniforme, il
convient de souligner le rejet quelle suscitent parfois. Il naît en effet au tour-
nant du siècle une réaction contre les excès du rationalisme sous l’influence dune
école littéraire anglaise, faite de poètes et de romanciers adeptes de la rêverie
et de lirrationnel (Daniel Defoe, Alexander Pope), pfigurant pour une part le
romantisme dun Rousseau. De manière générale, à laube de la Révolution, le
rayonnement de la culture française en Europe est en net recul face au dévelop-
pement de linfluence anglaise. A lintérieur du royaume, les Lumières n’ont pas
modifié l’essentiel, à savoir que ce sont toujours les classes dirigeantes qui impo-
sent au peuple leur doctrine, quelle qu’elle soit, maintenant ainsi la distance entre
une culture savante et une culture populaire.
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c. Un triple contexte de crise
Si elles sont largement présentes auprès des cours européennes, les ies
des Lumières, coues pour une part comme une dénonciation de labsolutisme à
la française, nont que peu décho au sommet de lEtat. Au contraire, Louis XV,
après lépisode de la Régence, ne fait que réaffirmer la doctrine absolutiste : de
1723 à 1743, il sadjoint les services du cardinal Fleury (1er ministre) et de Phili-
bert Orry (contrôleur général des finances) ; à la mort de Fleury (1743), il dé-
cide de gouverner seul, sans premier ministre. En même temps, la cour devient le
centre de toutes les intrigues, incarnées par la Pompadour, mtresse du Roi, fai-
sant et défaisant les carrières et les réputations, soutenant la publication de
lEncyclopédie. Surtout, Louis XV s’enferme dans une politique sourde et aveugle
aux aspirations de son siècle : non content de refuser audience aux « ies nou-
velles », il refuse à la noblesse des parlements lexercice du droit de remon-
trance et promulgue un nouvel impôt auquel seul le clergé nest pas soumis. A
laide de ses conseillers, il tente datténuer le poids de la noblesse au profit de
labsolutisme royal. En 1771, le divorce est consom, Maupeou renvoie le Parle-
ment de Paris, puis le remplace par des Conseils supérieurs où les magistrats ne
sont plus propriétaires de leurs charges et sont nommés par le Roi.
A sa mort en 1774, le royaume que Louis XV laisse à son petit-fils est en
proie à de nombreuses agitations : le roi est impopulaire, il augmente les impôts
et dispute à la noblesse le pouvoir absolu. Même s’il rappelle les Parlements, Louis
XVI se heurte à la même crise politique, économique et sociale qui ne cesse de
hanter le royaume depuis des cennies. Son caractère « faible et irrésolu »,
lobstination de son entourage à ne rien der sur les privilèges et à saboter le
travail de ses ministres successifs, ne lui permettent de pvenir le déclin du
système qu’il incarne. Par le recouvrement du droit de remontrance, les parle-
mentaires entrent à nouveaux en opposition avec la monarchie à propos de
limt. Mais ce n’est pas tout : le budget de lEtat est au plus bas et si les minis-
tres successifs de Louis XV avaient ussi à stabiliser les déficits, l’aventure
américaine achève de ruiner la couronne. Partout dans le royaume monte
lexaspération face à un système en faillite à tous les points de vue. Les tensions
sociales sont de plus en plus marquées entre une noblesse, parfois désargentée,
mais voulant garder ses privilèges et une bourgeoisie, riche, et séduite par les
idées libérales des Lumières ; il faut enfin retenir le mécontentement de la
paysannerie qui supporte lessentiel de la fiscalité et doit subir de mauvaises ré-
coltes à partir de 1786, ce qui entrne disette et hausse des prix.
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II. La Révolution Française, le peuple et l’Histoire
En 1787, Loménie de Brienne succède à Calonne à la tête des finances de
lEtat. La situation ne s’est gre améliorée. Comme ses prédécesseurs, Brienne
envisage dabolir quelques privilèges et de soumettre la noblesse à l’impôt (sub-
vention territoriale sur les domaines) : il propose notamment de réduire le train
de vie de la cour, de remplacer les intendants de province ; il prévoit surtout de
donner un état-civil aux protestants et de supprimer la question (torture). Cer-
taines des idées ayant triomp avec la Révolution sont donc dans lair du temps.
Une fois encore, le Parlement de Paris soppose à la volonté réformatrice ;
lédit du 8 mai 1788 le dépouille de ses attributions. Partout en France cepen-
dant, la grogne monte, le peuple sagite pour clamer le rétablissement des Par-
lements, seule alternative à labsolutisme royal. Devant cette « révolution de no-
tables », Louis XVI finit par capituler : il rétablit les parlements dans leurs pré-
rogatives et décide surtout, avec Brienne, de convoquer les Etats-géraux pour
le 1er mai 1789. A ce stade, on peut dire que la noblesse a porté un premier coup
au pouvoir versaillais mais dès à présent se pose la question de la composition des
futurs Etats-Généraux, car les parlementaires n’entendent pas associer
lensemble du ressentiment populaire à leur opposition à labsolutisme. Ainsi ne
veulent-ils pas dune représentation proportionnelle des trois ordres, ce qui si-
gnifierait quils seraient largement minoritaires face au Tiers-Etat. Cest au Roi
quil revient de trancher, il décide du doublement du nombre des repsentants
du Tiers-Etat, sans pour autant terminer si les votes se feront par ordre ou
par tête.
a. Les Etats-généraux et l’homme-citoyen
Dans les premières années de 1789, lépoque est électrique, des émeutes
éclatent çà et là. L’abbé Sieyès diffuse avec succès ses pamphlets
Essai sur les
privilèges
et
Qu’est ce que le Tiers-Etat
. Dans les cas parisiens, les loges ma-
çonniques, les clubs, on se réunit pour débattre. Le royaume tout entier se
consacre à la rédaction de quelques 60 000 cahiers de doléances, lesquels doi-
vent porter à la connaissance du Roi, lampleur de la contestation populaire. Il
ressort cependant que ces « cahiers » montrent un peuple majoritairement atta-
ché à la personne du Roi, mais désireux de limiter son pouvoir absolu, un peuple
avide de liberté individuelle et dexpression ; lautorité morale de lEglise n’est
pas remise en cause.
Dès l’ouverture des Etats-géraux, le 5 mai 1789 à Versailles, les députés
du Tiers se montrent très unis et davantage préparés sur les questions constitu-
tionnelles. Paralysant les débats, ils font passer au second plan les motions fi-
nancières du roi et de ses ministres. Le 10 juin, Sieyès décide quil faut quitter le
terrain de la légalité et le 17, le Tiers se déclare Assemblée Nationale, niant
aux autres ordres le droit de légirer. Et le 20 juin, lorsque le Roi fait fermer
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