Il me semble qu’il y a fort longtemps (soit 5 ou
6 ans, ce qui est très long en années chiens
digitales) on entendait souvent dans les agences
de com’ : “’faudrait faire du viral avec ça” ou sa
variante “viralisez-moi tout ça” (plus directif). Et
quand une opération marketing devenait virale ça
faisait le Buzz.
Le buzz c’était donc surtout un mot de l’Internet.
Ça se faisait depuis le web, via les réseaux
sociaux, les plateformes vidéos, etc.
Les phénomènes de Buzz dont je me souviens :
les Têtes à claques, la chanson du Dimanche
ou plus récemment Keenan Cahill. Un cocktail
“fatal” : un contenu surprenant et/ou drôle, un
premier cercle d’audience génération Y, malade
du clic, qui se met à faire circuler le contenu
jusqu’à ce qu’il arrive dans le bureau de la
rédaction de Canal Plus ou de Télérama.
Là le buzz prend une nouvelle dimension : il ne
touche plus uniquement les agences de pub
parisiennes mais arrive sur les PC des jeunes de
Clermont et Amiens, envahit la TV et les journaux,
les discussions dans la rue, etc.
C’était frais, spontané, souvent de qualité (si ça
ne l’était pas ça ne buzzait pas) et cela montrait à
quel point la tendance culturelle ne se dessinait
plus seulement dans les rédactions des grands
magazines ou des chaines à la mode mais venait
du “terrain”.
Il y avait une forme de révolution culturelle dans
ces phénomènes non ou peu marketés que seul le
“peuple du web” pouvait faire accéder à la notoriété.
Fantasmatique et tellement bon.
Mais comme toutes les bonnes choses (ma bonne
dame), elles ont une fin. Parce qu’un contenu qui
touche en peu de temps une large audience sans
marketing ça intéresse diablement l’industrie de
la communication et des médias et la société du
spectacle permanent qu’est la notre. C’est alors
que le Buzz est devenu une obsession pour les
décideurs de ces secteurs. Il fallait “faire le buzz”
un peu comme on organise une manifestation
spontanée.
Un “truc” qui faisait le buzz, avant, c’était
surtout parce que c’était qualitatif. Aujourd’hui
c’est surtout parce que c’est une mécanique de
précision. Un phénomène organisé et rythmé.
Impératif et incontournable.
Et surtout, surtout, sans aucun standard
qualitatif. Le critère de ce que j’appellerais le
Buzzness n’est plus la qualité mais l’impact
et le choc, la science de la rumeur et de la
désinformation, l’amour de la moquerie aussi.
Exemples :
- je poste des photos de mon sexe sur Twitter : c’est
surprenant (#Kanye West), ça fait le Buzz.
- je dis n’importe quoi avec les seins (Nabila), ça
buzz aussi
- je vais des fautes de français à chaque coin de
phrase (Ribéry), ça buzz encore.
Désormais qu’on lance un livre, un film, un
chanteur, un spectacle, un produit, qu’on attende
un bébé, prépare un mariage, qu’on soit célébre
ou Monsieur Tout le Monde, pour exister il faut
buzzer.
Symbole de
toute une
époque le Buzz
nous a fait
rentrer dans le
culte de l’avant.
Un peu comme
dans le jeu amoureux où on se délecte de l’avant
au détriment de la concrétisation. Fantasmer
l’objet devient l’objet lui-même.
Il y a le succès du Buzz avant la sortie du film,
et le succès du film. Le meilleur exemple de
ce marketing de l’avant qu’est le buzz étant
symbolisé par le dernier opus de Batman. 1 an
de Buzz et de plan marketing bien huilé avant la
sortie du film. Inédit.
Le Buzz est donc rentré dans le rang. Passé de
l’émergence d’un contenu qualitatif via le chaos
sympathique du web à l’organisation froide et
millimétrée des Studios d’Hollywood, des grands
médias et des agences de publicité.
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PAUL BOULANGÉ
le buzz, Ce mot deveNu vilaiN…
Quand Grégory Jeandot m’a proposé une tribune sur le thème du Buzz je me suis dit
deux choses :
1/ Quel honneur !
2/ Greg Jeandot ne chercherait-il pas à faire du Buzz avec cette tribune sur le Buzz ?...
Mais plutôt que de tourner en rond, j’ai essayé de marcher droit sur ce sujet très
schizophrène. Je vous laisse juge.
Un “truc” qui faisait
le buzz, avant,
c’était surtout parce
que c’était qualitatif