conservation de la biodiversite et developpement local : l

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UNIVERSITE GASTON BERGER DE SAINT-LOUIS
UFR - LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
SECTION GEOGRAPHIE / LABORATOIRE LEÏDI
OPTION : ECOSYSTEME ET ENVIRONNEMENT
MEMOIRE DE MASTER II
CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE ET
DEVELOPPEMENT LOCAL : L’AIRE MARINE
PROTEGEE DE SAINT-LOUIS
Présenté par : Ousseynou NIANG
Sous la direction de : Serigne Modou FALL
Chargé d‟enseignement
Année académique : 2009-2010
1
INTRODUCTION GENERALE
1) CONTEXTE GENERAL
Les impacts de la pêche sur les écosystèmes marins et côtiers sont de nos jours
régulièrement mis en cause, aussi bien dans les médias que dans les revues scientifiques. Les
principaux mots-clés du discours sont surexploitation des stocks, pillage des ressources par la
pêche illégale, dégradation des milieux et altération de la biodiversité, menace sur les espècescibles ou accidentellement capturées comme le „„Thioof’’ (1) et les tortues marines au Sénégal.
En novembre 2006, la critique a culminé avec l‟annonce faite – dans un article publié dans la
fameuse revue américaine Science – d‟un possible effondrement des pêcheries mondiales en
2048.
Le constat procède de la reconnaissance de l‟insuffisance des mesures actuelles de
conservation et du contrôle de leur application. Mieux, il est aujourd‟hui reconnu que les
mesures de conservation ne permettent pas de contrecarrer efficacement les logiques
individuelles de concurrence pour l‟accès aux ressources marines et côtières.
Pour rompre le cercle vicieux de la surcapacité et de la surexploitation, la communauté
internationale réunie à Durban en 2003 a recommandé la création d‟aires marines protégées
pour le renforcement des mesures de conservation des ressources halieutiques.
Cependant, la logique qui soutend la mise en place des AMP veut que ces dernières soient
comprises comme étant un dispositif d‟intégration de la conservation des écosystèmes et des
ressources aux dimensions économique et sociale au niveau local et national.
Cette logique remet en scelle la question des rapports entre les aires protégées et leur
périphérie avec l‟introduction de nouveaux paradigmes qui ont pour nom : participation aux
efforts de conservation, gestion concertée ou encore cogestion.
Ainsi, au-delà de la dimension participative à la conservation des ressources naturelles, les
rapports qui lient les aires protégées et leur périphérie constituent une dimension évidente des
réseaux qui structurent et animent les territoires.
1
Nom wolof pour désigner le mérou blanc (Epinephlus aeneus), espèce démersale côtière
2
L‟Aire Marine Protégée de Saint-Louis constitue un espace d‟observation intéressant à
cet égard. Elle vit de plein fouet une des spécificités sénégalaises les plus marquantes en
matière de gestion des ressources halieutiques, caractérisée d‟une part par une augmentation
de l‟effort de pêche et d‟autre part, par une volonté de l‟Etat de renforcer le régime de gestion
intégrée de son domaine maritime et côtière.
C‟est dans ce cadre, que nous essayons de comprendre la création de l‟AMP de SaintLouis dans le cadre d‟une redynamisation du secteur de la pêche, levier principal de
développement au profit des acteurs locaux.
A cet effet, nous nous proposons à travers ce thème, de faire une recherche axée sur
les liens ou rapports entre conservation de la biodiversité et développement local. Ce qui
inscrit naturellement notre thème, dans le cadre général des recherches en cours dans
plusieurs pays, sur comment concilier la conservation de la biodiversité et le développement ?
Dans cette optique, nous partons du consensus qui semble se dégager autour de la nécessité de
lier conservation des ressources naturelles et développement, pour se poser la question du
comment la gestion de l‟aire marine protégée de Saint-Louis intègre la dimension du
développement qui doit, avant tout prendre ses racines au niveau local ?
Dès lors et tenant compte du contexte actuel de l‟AMP de Saint-Louis, notre problème général
de recherche est de savoir, pourquoi cette aire protégée peine à contribuer de façon
effectivement au développement local de sa périphérie ?
Telle est la question majeure à la quelle tente de répondre ce présent travail de
recherche qui se propose de dégager des pistes de réflexion mais aussi de définir des stratégies
de gestion basées sur les réseaux et les formes de solidarité spatiale négligées jusque là par la
politique de conservation.
Dans cette perspective, ce document est structuré en deux phases principales qui
concourent avant tout, à poser de façon explicite la problématique de recherche qui est ensuite
traitée à travers trois hypothèses de départ développées en trois principales parties.
3
2) PROBLEMATIQUE
Le littoral nord sénégalais à l‟image du littoral des pays de la sous région ouest africaine, est
le lieu d‟exercice de nombreuses activités humaines d‟intérêt économique. Cependant, force
est de reconnaitre que ces activités reposent sur un espace sensible qui montrent parfois des
signes de dégradation inquiétants : destruction d‟habitats naturels, pollutions, érosion,
salinisation des sols etc.
Les ressources halieutiques quant à elles ont sensiblement diminué au cours des dernières
années, en raison d‟une pression humaine souvent excessive et mal contrôlée. Ce qui installe
la pêche, principale activité des communautés locales, dans une crise profonde. Pourtant, la
pêche présente encore un caractère vital pour les populations du littoral nord sénégalais, non
seulement en termes économiques mais aussi vis à vis de la sécurité alimentaire.
Par ailleurs, le littoral nord, grâce à un effort de conservation relativement bon de ces
écosystèmes, est le lieu de concentration d‟une biodiversité rarissime comparée au reste du
pays : nombreux cétacés (baleine, dauphin, phoque, etc.), colonies de reproduction de tortues
marines, colonies d‟oiseaux d‟eau et les plus grands rassemblements mondiaux de limicoles
en hivernage, soit près de quatre (4) millions d‟individus provenant des lieux de reproduction
européens. Cette faune occupe une place privilégiée dans la culture des sociétés du littoral,
comme c‟est le cas des tortues marines présentes dans la cosmogonie de la plupart des
communautés pêcheurs.
De même, ces espèces contribuent au potentiel touristique du littoral même si ce potentiel est
encore largement sous-exploité.
Cependant, la diversité biologique est menacée pour un ensemble de raisons : augmentation
de l‟effort de pêche avec des engins peu respectueux de la nature, prélèvements directs
(requins, tortues marines), accidentels (dauphins, tortues ou lamantins capturés dans les filets)
ou encore dégradation de l‟environnement (érosion, dégradation des mangroves, barrages,
pollutions provoquées par les activités humaines sur la partie terrestre du littoral)…
L‟évolution rapide de la situation ainsi que les difficultés de planification et de concertation
intersectorielle ont conduit à une dégradation du milieu et des ressources et, consécutivement,
à une aggravation de la pauvreté des populations locales.
4
A son tour cette pauvreté, faute d‟alternative, entraîne des modes d‟exploitation non durables
tels que la pêche de juvéniles, la capture de raies et de requins pour leurs ailerons ou encore
l‟usage d‟engins ayant un fort impact négatif sur l‟environnement marin tels que les filets
monofilaments.
L‟Aire Marine Protégée de Saint-Louis (AMP-SL), terrain de cette présente étude, est située
au cœur du littoral nord sénégalais et constitue à bien des égards un cas intéressant en matière
de conservation de la biodiversité marine et côtière dans un contexte marqué par un risque de
péjoration des conditions climatiques et une rareté des ressources halieutiques, qui a fini
d‟instaurer une situation de crise dans le secteur de la pêche qui est le principal levier de
développement des communautés locales.
Créée par décret 2004-1408 du 04 novembre 2004, au même titre que quatre autres AMP
situées dans les localités de Abbéné (Casamance), Bamboung (Delta du Saloum), Joal (Petite
côte), Kayar (grande côte) ; l‟AMP de Saint-Louis a pour vocation de contribuer à la
conservation de la biodiversité marine et côtière dans une perspective de développement local.
Cet option s‟est clairement exprimée dans le rapport de présentation du décret de création des
AMP qui précise que « la promotion des aires marines protégées constitue un avantage
certain pour la conservation de la structure, du fonctionnement et de la diversité des
écosystèmes ; de leur reconstitution en cas de dégradation ; l’amélioration du rendement de
la pêche et des retombées sociales et économiques pour les communautés locales.».
Ainsi, pour préserver les capacités de la zone côtière en termes de potentiel de développement
au bénéfice des populations, l‟Etat du Sénégal a entrepris la mise en place des AMP qui visent
à renforcer le régime de gestion intégrée de ses zones marines et côtières.
Dans un tel contexte, l‟AMP de Saint-Louis est appelée à jouer un rôle important dans
le lien nécessaire et presque admis entre conservation de la biodiversité et développement
local. En effet, l‟expérience a montré que même si le statut de protection dont bénéficient ces
espaces protégés s‟est avéré essentiel pour le maintien de leurs valeurs économiques, sociales
et culturelles, les communautés locales vivant à la périphérie de ces aires protégées, par leur
connaissance des milieux et des ressources et par leur présence sur le territoire, peuvent
contribuer directement et de manière durable à la gestion de ces AMP et à leur surveillance.
En retour, l‟existence de ces milieux, où diversité naturelle et culturelle se renforcent
mutuellement, doit fournir des opportunités en matière de développement local.
5
Cependant à la lecture du processus de création et de mise en place de l‟AMP de
Saint-Louis depuis maintenant six (6) ans et, au vu des effets et impacts dans le
développement local jugés peu satisfaisants par les acteurs ; on peut bien se poser la question
du pourquoi cette AMP ne parvient pas encore à contribuer de façon significative au
développement local de sa périphérie ?
Si le développement local s‟entend par une mobilisation des acteurs locaux au profit
des ressources locales et un partage juste et équitable des bénéfices tirés de la conservation,
quels sont les vrais facteurs qui empêcheraient l‟AMP d‟y contribuer ?
En effet, faut-il le rappeler, l‟AMP de Saint-Louis, mise en place dans un contexte de
décentralisation, jouit d‟un cadre favorable à la coexistence et à l‟intervention au niveau local,
d‟une pluralité d‟acteurs aux logiques parfois divergentes : populations locales, structures
étatiques, partenaires financiers, secteur privé, Collectivités locales, ONG, organisations
communautaires de base, etc. Ces acteurs interviennent de plus en plus au niveau local et
revendiquent une part plus importante dans la conservation des ressources de l‟AMP. Ce que
ne permet pas encore le modèle de gestion actuel de l‟AMP.
Le comité de gestion de l‟AMP, censé offrir un cadre d‟harmonisation et de mise en
cohérence des interventions pour tous les acteurs locaux, ne joue pas encore au mieux son
rôle.
Sur le plan spatial, l‟AMP de Saint-Louis, d‟une superficie de 49 600 ha, occupe une bonne
partie de la zone de pêche des populations Nguet-Ndarienne de Saint-Louis. Aussi, du fait de
la proximité de la frontière Mauritanie/Sénégal, les pêcheurs locaux, qui constituent une
communauté tout de même importante par leur effectif, se retrouvent à l‟étroit quant à la
pratique normale de leur activité principale qu‟est la pêche artisanale. Ce qui pourrait
provoquer un véritable manque à gagner, du point de vu des revenus tirés de la pêche et par
delà un facteur de réticence vis-à-vis de l‟AMP.
Dès lors, notre problème principal de recherche est de vouloir diagnostiquer les
obstacles aux quels est confrontée l‟AMP de Saint-Louis et qui l‟empêchent de contribuer au
développement local de sa périphérie.
Dans ce cadre, un certain nombre de questions s‟imposent à nous. Il s‟agit de se demander :
-
Es ce que l‟AMP peut contribuer au développement local de sa périphérie, dans un
contexte de réticence d‟une bonne partie des bénéficiaires directs que sont les
pêcheurs ?
6
-
Le modèle actuel de conservation des ressources de l‟AMP, peut-il garantir une
implication massive de tous les acteurs locaux, d‟une part et des profits qui
compenseraient les pertes de revenus des populations pêcheurs, d‟autre part ?
-
Existe-t-il des cadres qui permettent aux acteurs locaux de s‟intégrer dans la
conservation des ressources de l‟AMP ?
-
La diversité des acteurs au niveau local, peut-elle être un facteur favorable pour une
meilleure gestion de l‟AMP ?
Cet ensemble de questions, nous amène à la question principale suivante devant guider la
réflexion : Quel modèle de conservation pour prendre en charge les relations AMP/périphérie
dans une perspective de développement local ?
De façon spécifique, il s‟agit de poser les questions suivantes :
o Quel est le modèle de gestion mis en place pour la conservation de la biodiversité dans
l‟AMP ?
o Ce modèle prend-t-il en charge les relations AMP/périphérie ?
De là, notre présente recherche qui porte sur les rapports entre conservation de la biodiversité
et développement local dans le cadre d‟une aire protégée, qu‟est l‟AMP de Saint-Louis, nous
conduit à l‟adoption des objectifs de recherche suivants :
•
Un objectif général, qui est de :
Contribuer à une meilleure connaissance de l‟AMP de St-Louis et de sa périphérie.
Et des
•
Objectifs spécifiques qui sont de :
 connaître et analyser le processus de mise en place et de gestion de l‟AMP de
Saint-Louis ;
 identifier et évaluer la participation des différents acteurs locaux qui évoluent
autour de l‟AMP de Saint-Louis ;
7
 dégager des perspectives de gestion locale et participative de l‟AMP qui
peuvent favoriser un développement local.
Ses objectifs seront atteints sur la base d‟une hypothèse principale de recherche et de deux
hypothèses secondaires.
L‟hypothèse principale de recherche est :
L‟AMP de Saint-Louis est un outil de conservation de la biodiversité marine et côtière qui ne
favorise pas le développement local au niveau de sa périphérie.
Les hypothèses secondaires sont :
 Le processus de mise en place de l‟AMP de Saint-Louis n‟a pas permis une
mobilisation des acteurs locaux autour de la conservation de la biodiversité marine et
côtière dans les zones de pêche de Saint-Louis ;
 La conservation des ressources halieutiques dans l‟AMP de Saint-Louis ne favorise
pas la promotion des activités des groupes socioprofessionnels locaux.
3) DELIMITATION DU CHAMP D’INVESTIGATION
Notre champ d‟investigation est l‟AMP de Saint-Louis constituée d‟une part, d‟un noyau
central de 49 600 hectares en mer et faisant l‟objet d‟une réglementation dans l‟accès aux
ressources et d‟autre part, d‟une périphérie qui englobe les quartiers de la ville de Saint-Louis
situés sur la Langue de Barbarie (Goxu Mbacc, Dacc, Santhiba, Nguet-ndar et Hydrobase) et
les villages situés dans la toute nouvelle communauté rurale de Ndiébène Gandiolais.
Si la prise en compte du noyau central dans le champ d‟investigation relève d‟une évidence,
car c‟est la zone de conservation consacrée par le décret de création, celle de la détermination
de la zone périphérique relève d‟un choix justifié. En effet, il n‟existe pour le moment aucun
dispositif juridique ou réglementaire qui détermine la périphérie de l‟AMP de Saint-Louis.
8
Mais, sur la base des connaissances dont nous disposons sur la zone, il est pertinent de
s‟interroger sur l‟influence de l‟AMP au plan social, économique et environnemental sur sa
périphérie.
4) INTERÊT DE LA RECHERCHE
Le littoral nord sénégalais à l‟image des zones côtières et marines du Sénégal, est marqué par
une forte dégradation des écosystèmes aquatiques, ce qui a fortement influencé à la baisse la
disponibilité des ressources ichtyologiques, quantitativement comme qualitativement. C‟est le
cas, de plusieurs espèces démersales côtières, les requins et les raies. Ce constat partagé par
plusieurs spécialistes dont DIOUF P.S, 2001, qui reconnaît que ‘‘Le problème majeur lié à la
ressource, est l’état d’exploitation inquiétant pour la plupart des stocks à haute valeur
commerciale, notamment les espèces démersales côtières.’’
Ce phénomène est d‟autant plus vrai à Saint-Louis qui abrite l‟une des plus importantes
communautés de pêcheurs artisanaux, de par son effectif. Ces pêcheurs, du fait de la rareté du
poisson au niveau local, sont obligés de s‟expatrier même en dehors du territoire national, ce
qui ne manque pas de provoquer souvent des conflits entre le Sénégal et ses pays voisins.
D‟autre part, la mise en place de l‟AMP de Saint-Louis accentue les restrictions vis-à-vis des
petits pêcheurs traditionnels, dépourvus de moyens adéquats. Ce qui en retour constitue une
menace réelle sur l‟intégrité de l‟AMP et sur les conditions de vie des populations locales.
Enfin, la mise en place de l‟AMP n‟a pas été précédée par de véritables études scientifiques
ou même sociales. Ce qui n‟a pas permis une meilleure connaissance des potentialités.
Dès lors, notre recherche revêt comme intérêt principal, la participation à la génération ou à
l‟enrichissement
des
connaissances
de
l‟AMP,
au
plan
social,
économique
et
environnemental.
De même, cette recherche se veut d‟être un outil de sensibilisation pour tous les acteurs de la
conservation de l‟AMP, afin qu‟ils prennent conscience des enjeux de la dégradation de la
biodiversité marine et côtière et par là provoquer leur mobilisation pour une gestion durable
des ressources halieutiques.
9
5) METHODOLOGIE DE RECHERCHE
La méthodologie adoptée pour cette recherche peut être déclinée en quatre étapes qui sont les
suivantes :
Etape n°1 : Recherches exploratoires
Elles englobent la recherche bibliographique, l‟enquête exploratoire et l‟observation.
La recherche bibliographique
La recherche bibliographique a été une phase importante de cette première étape de la
méthodologie. Elle a été faite au niveau des centres de documentation de la section de
géographie et de l‟UFR/LSH mais aussi de la bibliothèque de l‟UGB, au niveau du Bureau
d‟information des parcs, réserves et A.M.P du nord (BIPRAMP), au niveau de la
documentation de l‟ADC, du PNLB et enfin par de longues et interminables recherches sur
Internet. Ces différentes recherches, notamment celles effectuées à travers le web, nous ont
permis de prendre connaissance d‟une documentation importante en terme de quantité et de
qualité.
Ainsi, des ouvrages généraux, des mémoires, des articles et des publications portant sur les
thématiques des aires protégées, de la conservation de la biodiversité et sur le développement
local, sont consultés. Elles sont complétées tout le long de cette étude par des ouvrages,
articles, notes de cours, revues, etc. Ces différentes lectures nous ont permis de prendre
davantage connaissance avec les concepts suivants :
Aires protégées
Définitions :
Selon la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles,
une aire protégée est « une aire contenant des systèmes naturels, en grande partie non
modifiés, gérée aux fins d’assurer la protection et le maintien à long terme de la diversité
biologique, tout en garantissant la durabilité des fonctions et produits naturels nécessaires au
bien-être de la communauté. »
10
Dans cet entendement, les objectifs poursuivis par une aire protégée sont :

assurer la protection et le maintien à long terme de la diversité biologique et des autres
valeurs naturelles du site;

promouvoir des pratiques rationnelles de gestion afin d‟assurer une productivité
durable;

protéger le capital de ressources naturelles contre toute forme d‟aliénation engendrée
par d‟autres formes d‟utilisations du sol susceptible de porter préjudice à la diversité
biologique de la région;

contribuer au développement régional et national.
Pour l‟UICN, les aires protégées peuvent être appréhendées selon six catégories qui sont les
suivantes :
I. la protection intégrale : il s‟agit d‟aires protégées gérées principalement pour la science ou
la protection de la nature sauvage (Ia : réserve naturelle intégrale / Ib : zone de nature
sauvage)
II. la conservation des écosystèmes et le tourisme : ce sont des aires protégées gérées
principalement dans le but de protéger des écosystèmes et à des fins récréatives (parc
national)
III. la conservation d’éléments naturels : ces aires protégées sont gérées principalement
dans le but de préserver des éléments naturels spécifiques (monument naturel)
IV. la conservation au moyen de mesures de gestion actives : il s‟agit d‟aires protégées
gérées principalement à des fins de conservation, mais comportant des interventions au niveau
de la gestion (aire de gestion des habitats / des espèces)
V. la conservation des paysages terrestres ou marins et des loisirs : ce sont des aires
protégées gérées principalement dans le but d‟assurer la conservation des paysages terrestres
ou marins et à des fins récréatives (paysage terrestre / marin protégé)
VI. l’utilisation durable des écosystèmes naturels : il s‟agit d‟aires protégées gérées
principalement pour l‟utilisation durable des écosystèmes de ressources gérées (aire protégée
de ressources naturelles gérées)
11
Selon l‟Institut Français de la Biodiversité (IFB), le terme d‟espace protégé peut désigner les
aires protégées au sens des catégories de l‟UICN mais aussi d‟autres zones n‟intégrant pas
cette classification. De très nombreux types d‟espaces protégés existent en référence à leur
statut juridique (parcs nationaux, parcs naturels régionaux, réserves naturelles, cynégétiques
ou ornithologiques, forêts classées…), à leur propriétaire (public, privé, communautaire…), à
leur référent social et culturel (patrimoine mondial, sanctuaire, bois sacré, siège d‟esprits et
d‟ancêtres, élément d‟une cosmogonie…), à leurs objectifs (conservation, production,
recherche, vision, exploitation des ressources, protection des paysages, restriction de
constructibilité, développement durable…), à leur perspective (intemporelle ou de durée
prévue, permanente ou révisable…), à leur taille (pays entier, massif montagneux, zone de
ranching, mare…).
Toutefois, la décomposition de l‟expression “espace protégé” fait ressortir des éléments
communs :
• une notion de limite géographique et physique ;
• une valeur culturelle, politique ou biologique passée, actuelle ou future ;
• une référence à une possible dégradation par un agresseur ;
• un dispositif permettant d‟éviter cette agression.
D‟autre part, notons aussi que nombre de spécialistes incluent aussi dans la notion d‟aire
protégée des objectifs, des exclusions ou restrictions d‟activités, des dispositifs
réglementaires, des statuts juridiques, des plans d‟aménagement et des programmes de
gestion. L‟emploi du terme aire protégée dans le cadre de cette présente étude, s‟inscrit en
droite ligne de ces dernières considérations. C‟est à dire, le terme aire protégée fait référence
aux objectifs de conservation et de développement, ce qui nécessite un statut, une
réglementation des activités humaines et un plan d‟aménagement et de gestion.
Evolution du concept d‟aire protégée :
La création d‟aires protégées est sans doute un des plus anciens outils de gestion des
ressources vivantes. Depuis des siècles, des aires protégées ont été créés, notamment en
Europe, dans le but de protéger des ressources particulièrement utiles. C‟est le cas de réserves
cynégétiques ou forestières créées pour mieux exploiter et gérer certaines de leurs ressources
au profit de minorités ou des États.
12
Les réserves fauniques africaines créées au XXe siècle étaient au départ surtout destinées à la
protection de quelques espèces prisées pour la chasse ou les parcs zoologiques. De même, le
classement de forêts en Afrique de l‟Ouest a souvent été justifié par les besoins en matériaux
pour la constitution et l‟approvisionnement de réseaux de chemin de fer. Dans ces exemples,
les aires protégées sont considérées comme étant des outils de protection d’une nature utile à
l’homme. Leur gestion se concentre principalement sur quelques espèces cibles dont on
cherche à améliorer les stocks et à préserver le patrimoine génétique. L‟incidence sur d‟autres
éléments de la diversité biologique reste secondaire. De même, les activités des populations
humaines peuvent y être tolérées à condition qu‟elles n‟aient pas d‟impact sur les espèces
cibles.
Une autre vision s‟est développée aux États-Unis d‟Amérique, sous l‟impulsion de John Muir,
du Sierra Club et de Gifford Pinchot, directeur du Forest service, à la fin du XIXe siècle. Elle
a abouti à la constitution d’un mouvement conservationniste et utilitariste visant à
promouvoir la distribution des richesses matérielles, résultats de l’exploitation des ressources
naturelles, dans un but de bien-être et de progrès partagés par tous. (2)
Cette approche sera appliquée avec la création de parcs nationaux afin de conserver des sites
pittoresques pour préserver, ou recréer, le paysage tel qu‟il était lors de sa découverte par les
Européens au XVe siècle, pour la satisfaction de nombreux visiteurs. Elle sera ensuite
exportée avec la création d‟aires protégées dans des pays relativement vastes où certains
espaces apparaissent peu perturbés par des activités anthropiques récentes, avec la volonté de
conserver des paysages et une nature “vierges”. Cette approche n‟est pas dénuée de
considérations mystiques et tente en quelque sorte de recréer un jardin d‟Eden.
Bien entendu, ce modèle d‟aires protégées “mis sous cloche” nécessitait aussi l‟absence ou
l‟exclusion totale des populations humaines, à l‟exception des scientifiques et des touristes.
De nombreuses aires protégées ont ainsi été créées dans des régions où les populations
humaines étaient particulièrement restreintes, voire absentes. Ailleurs, des aires protégés ont
parfois été créées en excluant les populations humaines qui y résidaient ou y avaient certaines
de leurs activités. Des procédures de “déguerpissement” ont existé dans de nombreux pays.
De très nombreux conflits entre populations et aires protégées se sont manifestés. Les
conséquences ont pu se révéler désastreuses pour la survie ou la santé des populations
humaines qui auparavant tiraient des ressources nécessaires de ces espaces.
2
In les cahiers de l’IFB (Février 2010). Des espaces protégés pour concilier conservation de la biodiversité et
développement durable, page 22
13
La destruction des systèmes coutumiers d‟appropriation et de gestion de ces espaces ou
ressources et l‟inefficacité des nouveaux systèmes de contrôle ont parfois engendré un accès
libre de fait. Cette tragédie de la conservation a fortement remis en cause la légitimité de ces
types de procédures et a poussé à réintégrer l‟homme dans la logique de l‟espace protégé.
Sous l‟impulsion de l‟Unesco et de son programme intergouvernemental de recherche sur
l‟homme et la biosphère (MAB), le concept de réserve de la biosphère s‟est développé à
partir du milieu des années 1970. Les réserves de la biosphère tentent à la fois de conserver la
biodiversité et de pérenniser les ressources biologiques en permettant leur utilisation durable.
L‟homme y est au centre des préoccupations comme partie intégrante des écosystèmes. La
gestion des écosystèmes, la recherche et l‟éducation sont les points fondamentaux de cette
approche.
Aujourd‟hui, l‟approche par les aires protégées dans certains pays est de plus en plus marquée
par une valorisation humaine de l‟espace rural. D‟autres démarches tentent d‟intégrer des
activités humaines dans une perspective de conservation. La tendance récente cherche plutôt à
concevoir les modèles d‟espaces protégés comme des aménagements du territoire locaux ou
régionaux et de développement durable des activités humaines. L‟homme est ainsi réintégré
dans le modèle et les populations locales deviennent des partenaires de la gestion des aires
protégées.
Aire marine protégée
Définition :
Selon l‟Ifremer (2010), « Une Aire Marine Protégée (AMP) est un espace délimité en mer
pour lequel un objectif de protection de l’environnement à long terme a été défini. Pour
atteindre cet objectif, des mesures de gestion sont mises en œuvre : suivi scientifique,
programme d’actions, chartes de bonne conduite, protection du domaine public maritime,
réglementations, surveillance, information du public… »
Cette définition n‟est pas pour autant satisfaisante dans la mesure où elle fait plus allusion à la
protection de l‟environnement qu‟au développement visé à travers les AMP. C‟est pourquoi,
dans le cadre de cette étude, nous adoptons la définition proposée par le décret de création des
AMP de Saint-Louis, Kayar, Joal, Bamboung et Abbéné.
14
Ce dernier stipule dans son rapport de présentation que „„les AMP constituent un avantage
certain pour la conservation de la structure, du fonctionnement et de la diversité des
écosystèmes ; de leur reconstruction en cas de dégradation ; l'amélioration du rendement de
la Pêche et des retombées sociales et économiques pour les communautés locales.’’(3)
Conservation
Dans le dictionnaire le Petit LAROUSSE (édition 2005), le terme conservation signifie
l‟action de conserver, de maintenir intact, dans le même état ; état dans lequel une chose
subsiste. Cette définition donne à la notion de conservation, un caractère statique.
Selon la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles,
la conservation est « toute action ou démarche qui vise à préserver au mieux les ressources
naturelles et de maintenir leur potentiel productif afin de répondre de façon équitable aux
besoins fondamentaux des populations actuelles en s’appuyant sur leur participation active
mais également dans le respect des générations futures. »
Cette définition de la conservation est intéressante dans la mesure où elle fait appel aux
concepts de gestion et de durabilité. En effet, la gestion en termes d‟action ou de démarche
fait référence à la combinaison des facteurs (humains comme matériels) pour préserver au
mieux les ressources et leur potentialité productive. C‟est dans ce sens que la FAO pense que
pour qu‟il y ait une bonne conservation, „„il faut aménager et conserver les ressources
naturelles et aussi orienter les changements techniques et institutionnels de manière à
satisfaire les besoins des générations actuelles et futures dans les secteurs de l’agriculture
des forêts et des pêches.‟‟
La durabilité, quant à elle inscrit la conservation des ressources dans le long terme, par la
mobilisation et la participation des populations en particulier et de toutes les parties prenantes
en général, dans un but de répondre équitablement aux besoins des générations actuelles et
futures.
3
Décret 2004-1408 du 04 novembre 2004 de la république du Sénégal, portant création de cinq aires marines
protégées.
15
Dès lors, nous entendons par conservation, la gestion durable des ressources naturelles
définie par l‟ISE, l‟ENEA et Wisconsin en 1992 comme étant ‘‘l’utilisation durable et
rationnelle, des ressources naturelles, renouvelables ou non, par les collectivités locales, de
même que leur régénération, pour la satisfaction de leurs besoins socio-économiques et
culturelles’’.
De nos jours, l‟expression conservation de la biodiversité est davantage usitée pour traduire
la conservation des ressources naturelles dans les aires protégées. A cet effet, la stratégie
nationale et le plan d‟action pour la conservation de la biodiversité mettent en exergue la
nécessité d‟agir prioritairement au niveau des sites à haute densité de biodiversité, en
l‟occurrence les aires protégées (parcs, réserves et aires marines).
Sur la base du consensus, les aires protégées constituent l‟approche la plus efficace pour
conserver la diversité biologique, la communauté scientifique internationale a fixé à 12% le
taux optimal de territoire à protéger, à cette fin.
Le Sénégal est aujourd‟hui à 8% de sa superficie couverte par les aires protégées, soit un gap
de 4% à combler. Les stratégies mises en œuvre sont principalement axées sur la création de
Réserves Naturelles Communautaires (RNC) et d‟Aires Marines Protégées (AMP) et sur la
promotion de la co-gestion. La pertinence des stratégies mises en œuvre tient au fait que:
-
elles sont centrées sur la lutte contre la pauvreté, principale menace sur la biodiversité;
-
elles s‟insèrent dans la dynamique de décentralisation grâce à une forte
responsabilisation des collectivités locales ;
-
elles encouragent la synergie et le partenariat avec les autres intervenants ;
-
enfin, elles s‟appuient fortement sur les initiatives locales (actions des ONG, OCB,
etc.).
Le développement local
Le concept de développement local associant deux termes renvoie à l‟articulation de deux
caractéristiques fondamentales à savoir : la durée qui doit marquer la démarche de
développement qui se veut être un processus, et l‟espace, qui se veut être un territoire local
concerné par cette démarche. Pour JP PRUD‟HOMME, le développement local est « une
intervention structurée, organisée, à visée globale et continue dans un processus de
changement des sociétés locales en proie à des déstructurations et des restructurations ». (JP
PRUD‟HOMME, 1996, cité par NDIAYE P. S, ENEA, décembre 2000, 123 p.)
16
Selon E. Dansero, 2005 ‘‘Au-delà des différentes interprétations, quand on parle de
développement local, on se réfère généralement à un ensemble d’acteurs locaux (publics,
privés et leurs différents partenaires) qui partagent implicitement ou explicitement certaines
visions de développement, et à la valorisation des ressources présentes sur le territoire
(matérielles ou non).
Ces acteurs, grâce à leur connaissance du territoire, et pour l’engagement et les liens (de
confiance, d’identité etc.) qu’ils ont avec celui-ci, réussissent à démarrer et gérer des
dynamiques positives de changement de manière relativement autonome et localement
spécifique.’’
Dans des approches de ce genre, la société locale et les ressources territoriales sont mises
en place de manière plus efficace et durable que si l‟on avait effectué des interventions plus
hétéro dirigées vers un contexte local. „„Le développement local est donc fortement lié, au
nord comme au sud, à l’échec des modèles et des politiques de développement « provenant
d’en haut », ainsi qu’aux thématiques de la décentralisation territoriale et de la
participation.‟‟(E. Dansero, 2005).
Cependant, dans le cadre de cette présente étude, nous nous inscrivons dans la définition
qu‟en donne ELONG Mbassi quant il affirme que « le développement local, c’est la
mobilisation des acteurs locaux ou extérieurs pour la mise en valeur des potentialités d’un
territoire, en même temps que les résultats de cette activité. Ce qui le caractérise, c’est avant
tout qu’il intéresse un espace moins grand que le territoire national. Cet espace peut englober
plusieurs localités ou agglomérations. Le développement local concerne le jeu de plusieurs
acteurs locaux ou extérieurs dont les intérêts ne sont pas toujours convergents, mais qui
trouvent tous avantage à la réalisation du potentiel du territoire auquel ils s’identifient pour y
être nés, y résider ou y développer leurs activités ». (ELONG Mbassi, 1998, cité par NDIAYE
P. S, ENEA, décembre 2000, 123 p.)
Etat des connaissances sur la recherche
Les aires marines protégées sont utilisées depuis plus de 25 ans pour protéger les ressources,
l‟habitat et la biodiversité marine (National Research Council, 2001). Elles sont considérées
comme une alternative pratique aux méthodes classiques de gestion des pêcheries.
17
En effet, le contrôle des captures ou de l‟effort de pêche requiert de grandes quantités
d‟information et est fastidieux, coûteux à mettre en œuvre et souvent mal adapté aux stocks
multi spécifiques (Roberts et Polunin, 1991).
Plusieurs « effets réserves » sont décrits dans la littérature comme la conservation des habitats
et de la diversité par une protection de populations surexploitées, menacées ou rares ; la
préservation des écosystèmes ; l‟amélioration de la gestion des pêcheries notamment par une
redistribution spatiale de l‟effort de pêche et une protection de certaines étapes du cycle
biologique ; des effets socio-économiques comme la protection d‟un héritage culturel, le
développement du tourisme et de l‟éducation des populations locales à la préservation de
l‟environnement.
Les effets de la protection au sein des zones mises en réserve commencent à être relativement
bien connus. Les réponses des populations exploitées à l‟interdiction de pêcher ont été
étudiées à l‟aide d‟études de terrain portant principalement sur la variation de la structure de
taille, de la densité et de la biomasse (Bell, 1983 ; Garcia Rubies et Zabala, 1990 ; Wantiez et
al., 1997 ; Sarramégna, 2000a ; Château, 2002 ; LERVEM, 2002).
Une étude réalisée sur 124 AMP à travers le monde (PISCO, 2007)5, montre :
-
une augmentation de la biomasse (végétale et animale) de 446 % ;
-
une augmentation de la densité (rapport plante/animal et surface donnée) de 166 % ;
-
une augmentation de la taille des espèces de 28 % ;
-
et une augmentation de la diversité spécifique de 21 %.
Aux Philippines, plusieurs réserves marines ont été mises en place. En 1974, 25% du récif
entourant l‟Île de Sumilon est fermé à la pêche. Huit (8) ans plus tard l‟abondance globale des
poissons à l‟intérieur de la réserve est 2 fois plus importante que dans la partie pêchée de l‟Île
(Russ, 1985 ; Alcala, 1988 ; Russ et Alcala, 1989 ; Alcala et Russ, 1990). Les différences
étant bien évidemment davantage marquées pour les espèces ciblées par les pêcheurs.
En Floride, Bohnsack compare des populations de poissons entre le sanctuaire marin national
de Key Largo qui a été protégé de la pêche à la ligne depuis les années 60, et des sites non
protégés (Bohnsack, 1982). Pour plusieurs espèces, il trouve des densités plus importantes et
des tailles plus grandes, plus particulièrement pour les Lutjanidés et les Gaterins qui sont plus
ciblés (augmentation de 93 % et 439 % respectivement au bout de 2 ans de protection).
Des chercheurs français et sud-africains6 ont montré que la mise en place d‟une aire marine
protégée était immédiatement bénéfique aux manchots du Cap, une espèce endémique à
l‟Afrique australe en voies d‟extinction qui se nourrit exclusivement de poissons.
18
Ces expériences démontrent les bienfaits d‟une aire marine protégée pour la conservation des
espèces menacées ou susceptibles de l‟être ainsi que de leurs habitats.
En revanche, les interactions entre la zone mise en réserve et les zones adjacentes non
protégées sont une source de polémiques en raison du manque de preuves permettant de
décrire ces effets et de mesurer leur importance. De tels effets ont rarement été constatés par
des données in situ, notamment une exportation de larves des zones protégées vers les zones
non protégées liée à une augmentation des produits de la reproduction (œufs, larves) issus des
réserves, du fait du plus grand nombre de reproducteurs de grandes tailles à l‟intérieur de
celle-ci (Roberts et Polunin, 1991) ; une protection de la diversité génétique des stocks face à
une pression sélective exercée par la pêche (Roberts et Polunin, 1991) ; une augmentation de
l‟abondance ou de la biomasse au sein des populations non protégées, grâce à l‟émigration
d‟individus depuis l‟extérieur des réserves ou « spillover effect », menant à l‟accroissement
des captures dans les zones avoisinantes pêchées (Harmelin et al., 1995 ; Roberts et Polunin,
1991 ; Bohnsack 1996 et 1999 ; Russ, 2002 ; Gell et Roberts, 2003).
Le spillover a fait l‟objet de beaucoup d‟études dans la littérature scientifique (Russ et Alcala,
1989 ; 1996 ; 1999 ; Alcala et Russ, 1990 ; Roberts et Polunin, 1991 ; White et Calumpong,
1992 ; Carr et Reed, 1993 ; Demartini, 1993, Holland et al., 1996), cependant les flux
migratoires des adultes, juvéniles et larves restent des paramètres peu connus et difficiles à
étudier (Bohnsack, 1990). Ils dépendent de la nature et de l‟étendue des échanges entre zones
protégées et non protégées (Russ et al., 1992, Goni, 2000). Ces différentes études revèlent la
difficulté d‟évaluer l‟effet spillover et suscitent beaucoup de controverses scientifiques.
Toute fois, il faut signaler que des travaux récents (Garcia-Charton et Planes, 2002 ; Planes et
al.,) montrent qu‟un gradient d‟abondance et de richesse spécifique de poissons existe entre
zone réserve et les zones adjacentes non protégées et qu‟un phénomène d‟exportation de
poissons adultes se met en place à partir de la Réserve naturelle marine de Cerbère-Banyuls,
Méditerranée, vers les zones avoisinantes non protégées.
La mise en place d‟aires marines protégées peut cependant soulever certaines difficultés en
termes de choix (objectifs, type, taille, lieu, etc.) (Halpern, 2003).
19
De plus, le manque de données de terrain (Willis et al., 2003), les lacunes importantes dans
l‟échantillonnage et le manque de rigueur et de replicats dans le suivi (Hurlbert, 1984 ;
Stewart-Oaten et al., 1986 ; Underwood, 1990 ; 1993), continuent d‟entretenir des incertitudes
quant à l‟efficacité réelle des AMP en terme d‟outils de gestion et ce d‟autant plus que
certains travaux aboutissent à des résultats confus, voire opposés aux modèles théoriques
(Samoilys, 1988 ; Roberts et Polunin, 1992, Jones et al., 1993 ; Rowley, 1994 ; Edgar et
Barrett, 1997).
Leur efficacité dépend de nombreux facteurs, notamment des espèces concernées, de la taille
et de la position des aires protégées, du niveau d‟exploitation de la zone avant la protection
ainsi que des moyens d‟information et de surveillance mis en œuvre par les organismes
gestionnaires de ces zones (Demartini, 1993). Ces caractéristiques conditionneront les
résultats qui seront positifs, nuls voire négatifs par rapport à ceux qui sont attendus (Munro,
1996).
Les impacts socio-économiques des AMP sont mis en évidence par plusieurs auteurs
notamment sur les pêcheries (Sanchirico, 2000 ; Boncoeur et al., 2007 ; Badalamenti et al.,
2000), les activités récréationelles (Dixon et al., 1993), la plongée sous marine (Ramos, 1992)
et l‟observation des mammifères marins (Davis et al., 1993).
Par exemple, une étude réalisée par Dixon (1993), dans le Parc marin de Bonaire7 (commune
néerlandaise située dans les Petites Antilles, montre que : 0.19 million de dollars de revenus
liés au Parc marin proviennent des cotisations des plongeurs, 10.4 millions des hôtels, 4.8
millions des clubs de plongées, 4.7 millions des restaurants, magasins de souvenirs, location
de véhicule, etc., et enfin 3.3 millions de dollars des transports aériens locaux. Les coûts liés à
la zone protégée sont de : 0.52 million de dollars pour la mise en place de la réserve, la
réhabilitation et les investissements et aussi 0.15 million de dollars de coût annuels. Soit 23.3
millions de revenus et 0.67 million de coûts annuels.
L’enquête exploratoire
Parallèlement aux lectures, les enquêtes exploratoires (entretiens semi directifs) sont menées.
Ces entretiens ont concerné plusieurs personnes ressources : des chercheurs; responsables de
services techniques ; coordonnateurs de projets, d‟ONG en l‟occurrence le WWF et de
programmes de développement, acteurs à la base, etc.
20
Le contenu de ces entretiens a fait l‟objet de différentes analyses utilisées comme matériaux
pour construire ce présent document de recherche.
L’observation
L‟observation à travers des visites de terrain nous a permis de mieux comprendre de visu les
réalités d‟ordre économique, social, environnemental et politique, dans et autour de l‟AMP.
Cette étape de recherche exploratoire a coïncidé avec la phase de diagnostic de terrain pour
l‟élaboration du plan de gestion de l‟AMP, appuyée par le WWF qui avait favorisé la
constitution d‟une équipe de terrain dont je faisais parti en tant que personne ressource.
Cette première étape nous a permis de dégager les perspectives de recherches, mais aussi de
déterminer les paramètres liés aux concepts qui structurent notre sujet de recherche à savoir :
La conservation de la biodiversité et le développement local.
Ces paramètres sont :
o pour la conservation de la biodiversité marine et côtière : le mode de gestion, le
degré de préservation des ressources, l‟efficacité de la réglementation, etc.
o pour le développement local : les acteurs locaux, leur mobilisation et leur
participation et enfin les bénéfices tirés des ressources conservées.
Etape n°2 : Recherches de terrain
Cette phase a pour but de renseigner les indicateurs objectivement vérifiables qui découlent
des hypothèses de recherche.
Compte tenu des moyens techniques et financiers mais aussi du temps qui nous est accordé
pour ce travail de recherche, la zone d’étude a été circonscrite à l‟AMP de Saint louis d‟une
superficie de 49 600 ha et de sa périphérie qui englobe des quartiers de la ville de St Louis
situés sur la Langue de Barbarie et les villages de Doune Baba Dièye, Tassinère, Pilote barre
et des 16 villages périphériques à la fois du Parc National de la Langue de Barbarie et de
l‟AMP.
21
Ces villages périphériques composent par extension la toute nouvelle communauté rurale de
Ndiébène Gandiol issue de la réforme administrative de 2008.
La méthode d‟enquête est basée sur des interviews semi-structurées, au moyen d‟un guide
d’entretien, appliquées à toutes les parties prenantes à la gestion de l‟AMP ;
Ces acteurs sont principalement : d‟une part, le conservateur de l‟AMP, le service régional
des pêches maritimes de Saint-louis, pour les questions relatives à la tutelle de la gestion des
AMP, le modèle de gestion en cours, le zonage participatif, l‟efficacité de la gestion, etc ;
D‟autre part, les acteurs locaux à savoir : le comité de gestion, les élus locaux, les
organisations communautaires de base et les partenaires financiers, pour les questions
relatives à leur implication et les bénéfices tirés de la conservation des ressources marines et
côtières dans l‟AMP.
De même des entretiens sur des thématiques particulières ont été effectués. Ce sont des
entretiens avec les agents de l‟Etat en particulier ceux de la DPN et de la DPM pour la
question de la tutelle administrative.
Enfin, des focus groupe ont été effectués auprès de groupes cibles comme les femmes
transformatrices et le groupement des jeunes pêcheurs.
Etape n°3 : Exploitation et analyse des données du terrain
Cette étape consiste en une classification par rapport aux indicateurs de départ, des données
recueillies sur le terrain. Ainsi une analyse des indicateurs obtenus, a été faite afin de
confirmer ou infirmer les hypothèses de recherche et par la même occasion donner une
réponse à la (ou aux) question(s) de recherches.
Vu la nature du sujet traité, à savoir mesurer l‟influence de l‟AMP de Saint-Louis sur le
développement local, l‟exploitation des données a nécessité l‟utilisation de logiciels
classiques de traitement de textes et de données comme Word et Excel.
De même, pour le traitement cartographique, le logiciel arc wiew a été utilisé pour actualiser
les cartes de l‟AMP, notamment ses limites, le zonage participatif, etc.
22
Etape n°4 : Elaboration du document de mémoire
Cette étape consiste en un travail de rédaction du document de recherche qui retrace toute la
démarche et les résultats auxquels on est abouti et qui est déposé auprès de l‟Université sous
forme de mémoire de master II.
La rédaction de ce document s‟est faite autour de trois principales parties conformément à nos
hypothèses de recherche.
Une première partie qui concerne la connaissance physique de l‟AMP et de sa périphérie et
une deuxième partie qui a mis l‟accent sur le processus de mise en place et de gestion actuelle
de l‟AMP et une troisième partie axée sur l‟évaluation des bénéfices tirés par les groupes
socio-professionnels locaux.
La rédaction de la première partie s‟est surtout appuyée sur les études monographiques faites
dans la zone à travers le rapport diagnostic du plan de gestion de l‟AMP élaboré en 2009 et
les documents techniques que sont entre autres : le Livre Blanc du PDU de Saint-Louis, les
POAS et PLD de Gandon et de Ndiébène Gandiole.
La deuxième et la troisième partie sont surtout constituées des résultats de nos propres
investigations dans le cadre de ce présent TER.
23
PREMIERE PARTIE :
CONNAISSANCE DE L’AIRE MARINE PROTEGEE
DE SAINT-LOUIS ET DE SA PERIPHERIE
24
CHAPITRE I : PRESENTATION GENERALE DE L’AMP DE SAINT-LOUIS
1.1 MILIEU PHYSIQUE
1.1.1 LOCALISATION
Crée par Décret n° 2004-1408 du 04 novembre 2004, L‟Aire Marine Protégée de Saint-Louis,
de par ses positions à terre, est à cheval entre la communauté rurale de Ndiébène Gandiole et
la commune de Saint Louis.
Dans la Communauté Rurale de Ndiébène Gandiole, elle
concerne du Nord au Sud, les villages de : Keur Barka, Diele Mbame, Keur Bernard,
Tassinére, Mouit, Mboumbaye et Dégouniaye.
Dans la commune de Saint-Louis, elle intéresse surtout les quartiers situés sur la Langue de
Barbarie dont le principal est le grand quartier pêcheur de Guet-Ndar (Carte 1.)
Carte 1 : Localisation et limites de l‟AMP de saint louis
Guet
Nda
r
WWW.ausenegal.c
om
(Source : Rapport diagnostic Plan de gestion AMP, 2009)
Azoaint-
Louis
Les coordonnées géographiques de l‟AMP sont les suivantes (Tableau 1) :
Tableau 1 : Délimitation de l’AMP de Saint-Louis
Zones de relevés
Coordonnées
1
2
Positions à terre
Latitudes
Longitudes
Positions en mer
Latitudes
Longitudes
15°58'.5 N
15°50'.0 N
15°58'.5 N
15°50'.0 N
16°31'.5 W
16°31'.5 W
16°48'.5 W
16°48'.5 W
Source : Décret 2004-1408 portant création d’Aires Marines Protégées
25
De par ses positions en mer, la limite ouest de l‟AMP se situe à environ quarante (40) km de
la côte. Ce qui confère à l‟AMP de Saint-Louis, une superficie quasi-rectangulaire de 49 600
hectares, dont la longueur en mer est de 40 km et la largeur sur la côte, 15 km.
1.1.2
CARACTERISATION BIOPHYSIQUE DE L’AMP
a) Climat
Le climat de la zone de l‟AMP comme dans l‟ensemble de la région de Saint-Louis, est régi
par les anticyclones tropicaux atlantiques (Açores et Sainte-Hélène) et l‟anticyclone saharolibyen dont les influences alternatives entraînent des migrations saisonnières de l‟Équateur
météorologique (EM) qui déterminent les caractéristiques des flux (alizé et mousson) et les
types de temps résultants.
Cependant, bien que située en domaine climatique sahélien, du fait des totaux de pluie qui se
situent entre 200 et 300 mm, la frange côtière du domaine dans laquelle se trouvent la
Communauté Rurale de Ndiébène Gandiol et la Commune de Saint-Louis bénéficie fortement
des effets adoucissants de l'alizé maritime. Sa situation littorale lui confère un climat typique
appelé climat subcanarien. Deux saisons principales marquent le régime climatique : une
saison sèche avec une circulation d‟alizé et une saison des pluies avec une circulation de la
mousson.
Figure 1 : Courbe d’évolution de la pluviométrie (1900 -2000)
Les pluies sont pour l‟essentiel enregistrées pendant la période hivernale (juillet - octobre)
avec des maximums qui se situent entre août et septembre. C‟est une saison chaude et humide
pendant laquelle souffle la mousson, de direction variable avec une intensité qui oscille autour
de 3,50 m/s.
26
Ces vents de la mousson, chargés d'humidité au dessus de la mer, sont généralement
accompagnés de précipitations abondantes. Ils peuvent contribuer à ramener vers la côte les
eaux chaudes du large. De faibles pluies peuvent apparaître en juin et en novembre ; elles
sont perçues comme des débuts précoces ou des fins tardives.
b) Les températures
Les températures au niveau de la région sont fortement modérées par l‟influence adoucissante
de la mer et des alizés maritimes. L'évolution des températures laisse apparaître des maxima
et des minima principaux et secondaires. Les températures maximales enregistrent leur
maximum principal au mois de novembre avec 34°C et le maximum secondaire en mars avec
32,4°C ; le minimum principal est noté en janvier (30°C) alors que le minimum secondaire est
de 30,2°C (mai). Les températures minimales ont leur maximum en septembre et leur
minimum en janvier avec respectivement 25,4°C et 15,6°C.
c) L’évaporation et l’humidité relative
La présence de l‟eau un peu partout fait que la demande évaporatoire dans l‟AMP est à
l‟image de Saint-Louis qui reste relativement faible, conséquence d‟une hygrométrie assez
Évaporation en mm
élevée variant entre 20 % d‟humidité relative et 95,3 % en moyen selon les saisons.
A
B
FIGURE 2 : EVOLUTION DES TEMPERATURES MENSUELLES DE 1980 A 1990 (A) ET DES HUMIDITES
RELATIVES DE 1961 A 1990 (B) A SAINT-LOUIS (IN RAPPORT DIAGNOSTIC PLAN DE GESTION AMP, 2009)
L'évaporation a une évolution unimodale avec le maximum en février équivalant à une
moyenne de 60 mm et le minimum en septembre avec 25,3 mm (Figure 2A).
27
Les humidités relatives minimales moyennes et mensuelles moyennes restent unimodales,
alors que l'humidité relative maximale moyenne est bimodale avec des maxima enregistrés en
juin (93%) et en septembre (94,4 %), tandis que les minima sont observés en janvier (71,5 %)
et en juillet (91 %) (Figure 2B).
1.1.3 GEOMORPHOLOGIE DE LA REGION DE SAINT-LOUIS
L‟histoire géologique de Saint-Louis s‟inscrit dans le cadre général du Delta du fleuve
Sénégal. La formation du delta du Sénégal remonte à la période post-nouakchottienne qui
correspond à une régression consécutive à une baisse du niveau marin (Kane, 2005).
Cette région est caractérisée sur le plan géologique par l‟absence d‟affleurements des
formations tertiaires et secondaires. Pendant le quaternaire, la région a connu différentes
phases de transgressions et de régressions qui ont été déterminantes dans sa formation et son
évolution en raison des phénomènes d‟oscillations climatiques qui ont affecté l‟ensemble du
golfe dont les effets ont été accentués par les mouvements tectoniques locaux.
Il s‟est formée à partir des 16e et 17e siècles, la flèche littorale qui sépare actuellement le
fleuve Sénégal de la mer à partir de Saint-Louis jusqu‟à Taré (30 km au sud). Ce cordon
littoral est appelé « Langue de Barbarie » par les anciens navigateurs européens qui
mouillaient sur la côte sénégalaise. Elle constitue la limite terrestre de l‟AMP et abrite le
quartier pêcheur de Guet-Ndar.
La Langue de Barbarie se présente sous la forme d‟une longue flèche sableuse fragile et
instable, façonnée par le jeu de la dynamique littorale. Son extrémité détermine la position de
l‟embouchure du fleuve Sénégal. Cette flèche littorale de sable fin blanc, qui est le plus
récent des cordons littoraux du front deltaïque est le résultat d‟un long processus alternatif
d‟engraissement et de démaigrissement de la plage par la dérive littorale.
Au cours du siècle dernier, cette flèche, qui ne s‟est ni élargie, ni surélevée depuis son origine,
a fréquemment migré vers le sud, entraînant dans sa progression le recul de l‟embouchure
(Monteillet, 1981 cité par Kane, 2005).
28
a) - Morphologie et sédimentation des fonds de pêche
De Yoff à la Langue de Barbarie, la côte est uniformément sableuse et plate, bordée de haut
cordon de dunes actuelles et subactuelles (Bonnardel, 1967). L‟épaisseur totale des sédiments
pré-quaternaires est de 36 m à Saint-Louis. Il existe ainsi des niveaux sableux et ou sabloargileux d‟assez grande épaisseur dans cette région (sable et lumachelle jusqu‟à 36 m de
profondeur). De manière globale, plusieurs séries de reliefs longitudinaux existent devant la
côte du Sénégal (Pinson-Mouillot, 1980). Ces zones rocheuses sont recouvertes de sédiments
et se développent en une succession de petits bancs parallèles à la côte à - 15, - 20 m de
profondeur au nord de Saint-Louis. La nature du fond a une influence sur la vulnérabilité des
espèces par rapport aux engins de pêche : ainsi, sur les fonds rocheux, inaccessibles aux
chalutiers, les poissons ne peuvent être capturés qu'à la ligne ou aux filets maillants.
Sur certains fonds de vase, des espèces comme la crevette (Penaeus duorarum), qui
s'enfouissent dans le sédiment le jour, ne sont capturées par les chalutiers qu'à l'aide de
chaluts équipés de dispositifs permettant de fouiller la vase ou bien la nuit, lorsqu'elles
s'élèvent au-dessus du fond.
A proximité de l'embouchure, notamment dans la zone d‟influence de l‟AMP, les bancs
rocheux sont surmontés par des sédiments vaseux ou sableux qui sont les témoins d‟anciennes
lignes de rivages (Domain, 1977). Ces fonds de sables vaseux sont excellents pour la pêche et
de ce point de vue, Saint-Louis est la plus favorisée de toute la grande côte.
b) - Le plateau continental
Le plateau continental se limite à l'isobathe 200 m, sa largeur est de 27 milles soit 50 km au
niveau de Saint-Louis. Son profil se présente comme un plan ondulé avec des replats
s‟étendant quelques fois sur 10 km (Figure 3). Il est très important en morphologie littorale
dans la mesure où de son extension dépend l‟amplitude des marées. Très étendu à SaintLouis, il se rapproche doucement de la côte, tout en suivant sensiblement son contour, lorsque
l'on descend vers le sud. Il englobe l‟Aire Marine Protégée comprise entre les isobathes 10 et
81 m. Les sables vaseux couvrent toute sa partie inférieure et entoure ainsi la vasière de SaintLouis. L‟essentiel des activités de pêche s‟y concentre.
29
Figure 3 : Profil du plateau continental à Saint-Louis
(Source : Guilcher A. (1954), Ndiaye A. (1975)
c) - Conséquences de la morphogénèse : l’instabilité d’un espace géographique
soumis à un processus inexorable de réduction
La Langue de Barbarie s‟est formée à partir de la dérive littorale nord-sud engendrée par les
grandes quantités de sable provenant de l‟abrasion des dunes rouges du subactuel à l‟actuel.
Ce transport de sable a pour effet de repousser l‟embouchure et de la faire migrer vers le sud.
Aussi, sous l‟effet de l‟érosion hydrique cette bande de terre, d‟une part a connu par le passé
des ruptures naturelles de façon cyclique et d‟autre part, est soumise en permanence à un
phénomène de recul du trait de côte qui est de plus en plus reporté vers l‟intérieur (Badiane,
1993). Selon P. Michel (1993), treize ruptures sont connues entre 1900 et 1981. Six d‟entre
elles seulement sont importantes (en durée et en dimension) de telle sorte qu‟une périodicité
de 14 ans est établie pour évoquer l‟instabilité de la Langue. La vitesse de recul du rivage
serait de l‟ordre de 1,6 à 2 m par an (Sall, 1982, cité par Badiane, 1993). Ce qui concorde
avec les renseignements obtenus auprès des vieux pêcheurs de Guet-Ndar pour qui, il y a 50
ans, la mer qui est aujourd‟hui à moins de 100 m des habitations, se trouvait au moins à 1 km
de Guet-Ndar. Nous avons constaté l‟exigüité de l‟espace séparant la mer des zones habitées.
Ce qui traduit une tendance à l‟érosion du rivage par la mer qui grignote de plus en plus
l‟espace occupé.
En somme, les menaces qui pèsent sur la Langue de Barbarie sont réelles et le quartier de
Guet-Ndar court un grand risque de disparition si l‟érosion du rivage continue. Ndiaye (1975)
et Badiane (1993) ont prédit une disparition de Guet-Ndar si les processus d‟érosion du rivage
ne sont pas stoppés au niveau de la Langue de Barbarie. Cela montre la précarité dans laquelle
vivent les principaux usagers de l‟AMP de Saint-Louis.
30
1.1.4
HYDROLOGIE MARINE
a) - Les remontées d’eaux froides
Les côtes sénégalaises sont baignées par d'importantes remontées d'eaux profondes ou
"upwellings" qui proviennent des eaux centrales du sud de l‟Océan Atlantique. Ce régime
hydrologique est caractérisé par l‟existence de deux systèmes de grands courants aux
caractéristiques bien différentes :
-
un courant froid nord équatorial (le courant des canaries) qui se déplace vers le sud le
long des côtes mauritaniennes et sénégalaises. Il s'agit d'un courant de dérive quasi
permanent pendant toute la saison des alizés, les eaux de surface subissant un
entraînement mécanique sous l'influence du vent du nord.
-
le contre-courant équatorial qui transporte vers l'Est les eaux chaudes et salées,
formées sur la bordure sud du tourbillon nord-atlantique
Ces eaux recouvrent progressivement le plateau continental où l'on peut alors observer des
températures de l'ordre de 16 à 18°C et des salinités de 35,5 à 36,0 pour_mille. La durée
moyenne de la saison froide varie en fonction de la latitude comme le montre celle de
l‟upwelling (Tableau 2). L'action fertilisante de ces remontées d'eaux profondes résulte d‟un
apport à la surface d'eaux riches en sels nutritifs généralement issus de la reminéralisation de
la matière organique que l'on trouve sur le fond. A Saint-Louis, elle se fait sentir de novembre
à mai. C‟est la période où les petits pélagiques sont abondants au niveau de L‟AMP de SaintLouis.
Champignan et Domain (1978) rapportent que quand l‟upwelling sénégalais se déclenche, les
espèces à affinité saharienne ou espèces d‟eaux froides (Dentex gibbossus, Sparus
coerusleostictus, Pagellus bellotti, Epinephelus aenus, Pomatomus saltator), localisées d‟août
à octobre dans les eaux mauritaniennes (entre 20 et 30° N), migrent vers le sud, dés le mois
de novembre pour se stabiliser vers 10 à 16° N en février et mars. Il faut aussi souligner que la
reproduction des espèces démersales a lieu pendant la saison froide, précisément à la période
de transition saison froide - saison chaude entre avril et juin (période localement appelée « le
thiorone »).
31
Tableau 2 : Durée moyenne de l’upwelling sur la cote ouest africaine
Zones
Latitude Nord
Périodes
Durée moyenne
d’Upwelling
(mois)
23°
toute l‟année
12
Cap Blanc
Nouakchott
17°50
octobre à juin
9
Saint-Louis
16°
novembre à mai
7
(S o u r c e : m o d i f i é e d e S c h e m a i n d a e t N e h r i n g , 1 9 7 5 i n r a p p o r t d i a g n o s t i c p l a n d e g e s t i o n A MP )
b) - Les aquifères
L‟esquisse de l‟histoire géologique a permis de comprendre pourquoi le sou sol de cette
région recèle de l‟eau salée. Il s‟agit de l‟eau de mer retenue dans les dépôts marins anciens
ou récents qui n‟a pu être évacuée et remplacée par l‟eau douce en raison de l‟absence de
relief et du climat qui devient aride. Son origine est double car résultant :
-
des apports par les lagunes du quaternaire nées de la transgression nouakchottienne. Le
sel est resté prisonnier dans les formations avec une grande mobilité à cause de ses
déplacements en circuit fermé. L‟évaporation de saison sèche le fait remonter vers la
surface où il permet le déplacement des phénomènes éoliens. Tandis que la pluie le
fait migrer vers le sous sol par lessivage ;
-
des apports actuels favorisés par le jeu des courants de marées qui envahissent les
vasières où une partie du sel reste retenue dans la vase.
La conséquence est que dans cette région proche du littoral, la nappe phréatique très
minéralisée et affleurant, a une composition voisine de celle de l‟eau de mer. Cela se traduit
par des phénomènes de salinisation des terres qui les rendent improductives et freinent le
développement d‟activités agricoles dans la zone.
c) - Les eaux de surface
Les eaux de surface sont essentiellement constituées par l‟estuaire du fleuve Sénégal. En effet,
l‟AMP de Saint-Louis est sous l‟influence directe du fleuve Sénégal avec lequel elle est reliée
par le canal de délestage creusé en 2003, devenu par la suite la nouvelle embouchure avec
l‟ensablement et la fermeture progressive de l‟ancienne embouchure située en aval de
Gandiole.
32
1.2
MILIEU BIOLOGIQUE
1.2.1. LA FLORE MARINE
Le caractère dominant de ce domaine littoral est la vaste étendue de vasières où se sont
développés des herbiers dominés par les zostères (Zostera noltii) et les cymodocées,
fondements de cet écosystème à forte influence estuarienne et base d'un réseau alimentaire
complexe.
Les espèces rencontrées le long de la côte ouest africaine sont constituées par Zostera noltii,
Cymodocea nodosa et Halodule wrightii. Ces espèces recouvrent les vastes plaines entre les
estuaires, ainsi que dans les zones sous les estuaires près de la côte à l‟image de la Langue de
Barbarie. Les algues microscopiques semblent être abondantes, notamment grâce à la
présence de diatomées benthiques dans les vasières non recouvertes d‟herbier. Les prairies
aquatiques jouent en effet un rôle crucial en servant de support à de nombreuses algues
épiphytes et à une microfaune très diversifiée d'invertébrés benthiques ; elles permettent
l'oxygénation du milieu et la fixation des sédiments ; enfin, elles fournissent aux poissons et
aux macro-invertébrés un abri contre les prédateurs, offrant un milieu idéal pour la
reproduction et le grossissement (Wolf et al,. 1993b).
De façon générale, la productivité primaire phytoplanctonique et celle du complexe herbierépiphyte au large de Saint-Louis sont encore mal connues et méritent d‟être mieux quantifiées
grâce à des études scientifiques et de suivis écologiques réguliers et bien réparties dans le
temps et dans l‟espace.
1.2.2. LES RESSOURCES HALIEUTIQUES
a) Les invertébrés marins
Associés aux vasières, les invertébrés benthiques occupent une place importante dans le
réseau alimentaire des espèces marines, assurant le relais entre les producteurs primaires
(chlorophylliens) et les consommateurs supérieurs.
33
Au niveau de la Langue de Barbarie, les crabes représentent la partie la plus visible d'une
faune benthique dense et diversifiée dont la composition spécifique et l'abondance sont encore
insuffisamment connues. Elles envahissent l'estran par millions en période de basse mer.
Cette abondance ne doit cependant pas faire ignorer une faune benthique abondante et
diversifiée bien qu'encore très incomplètement décrite. En effet, l‟embouchure du fleuve
Sénégal est réputée être une zone de nurserie et de grossissement pour plusieurs types de
crustacés, dont les plus importants sont les crevettes, les langoustes, les crabes et les cigales.
b) Le poisson : la principale ressource exploitée
Comme évoqué plus haut, l‟abondance des crustacées à Saint-Louis, favorise la présence
d‟une faune ichtyologique très diversifiée. Aussi, le poisson reste la principale ressource
exploitée dans l‟AMP et ses environs. La pêche des poissons fait partie des usages les plus
anciens que les habitants de la Langue de Barbarie ont exercés sur l‟océan depuis le déclin de
la pêche fluviale à Saint-Louis. Des fluctuations d'abondance liées à l'alternance des saisons
froide et chaude et aux cycles de reproduction, sont notées pour les espèces migratrices
notamment les pélagiques comme la sardinelle. Par contre il est constaté une forte diminution
des stocks d‟espèces démersales côtières du fait d‟une surpêche liée à leur haute valeur
commerciale.
 Les espèces pélagiques : une abondance liée à la longue activité de l’upwelling
dans cette zone
Elles constituent les captures les plus importantes en termes de volume (80 % des volumes
débarqués à Saint-Louis). Les espèces les plus représentées sont la sardinelle (S. aurita et S.
maderensis) qui constitue à elle seule plus de 90 % des débarquements en pélagiques, le
chinchard (T. trecae) et le mulet (M. cephalus) (Tableau 3). Ces espèces effectuent des
migrations saisonnières Nord-Sud d‟amplitude variable dont dépend la disponibilité pour la
pêche au Sénégal.
34
Tableau 3 : Principales espèces de poissons pélagiques pêchées à Saint-Louis
APPELLATION
VERNACULAIRE
FRANÇAIS
PERIODE
SCIENTIFIQUE
Kirikiri
Thonine
Euthyllis alleteratis
Thath
Liche Vadigo
Campogramma glacos
Silingkeu
Barre tachetée
Dicentrarchis peunctatis
Yaboy Tass
Sardinelle plate
Sardinella maderensis
Yaboy Meureuk
Sardinelle ronde
Sardinella aurita
Deem
Grand mulet
Mugil sp
Warangal
Liche amie
Lichia amia
Yawal
Scyris d‟Alexandrie
Scyris Alexandria
Rôm
Mulet
Morome Punta
Diai bu nioul
Chinchard noir
Trachurus tracae
Diai
Chinchard jaune
Decapterus ronchus
Ngot
Tassergal
Pomotomus saltator
Ndiarweule
Liche glauque
Trachinoctis ovatis
Kobo
Ethmalose
Ethmalosa fimbriata
Tawett
Carangue du Sénégal
Carang sénégalus
Décembre à Juin
Mai à Octobre
Sompatt
Pristipomme ordinaire
Pomadasis peroteti, suillum,
(Koroth)
jubeleni
Source : rapport diagnostic plan de gestion AMP, 2009
Pour la Sardinella aurita, la phase de descente dans les eaux sénégalaises à partir de SaintLouis, coïncide avec le début de la saison froide. La phase de concentration, de pré-ponte a
lieu en mars-avril au sud du Sénégal de mai à septembre. Les individus effectuent leur
remontée vers le nord jusqu‟à 25° nord avec une phase de ponte (Boely et al., 1978, cité par
Barry M et al.). Les juvéniles et les jeunes reproducteurs restent dans les nurseries de la petite
côte sénégalaise et du Banc d‟Arguin (Mauritanie) pendant une année avant de se joindre aux
adultes. Ainsi, l‟AMP de Saint-Louis ne semble pas être pour les pélagiques un site de
reproduction. Tout porte à croire que leur présence pendant l‟upwelling, est liée à leurs
migrations soit vers le sud du Sénégal à partir de janvier, soit vers la Mauritanie à partir du
mois de mai.
Les cycles migratoires des autres espèces pélagiques présentent à peu prés le même schéma
spatio-temporel avec des amplitudes différentes. En réalité l‟AMP de Saint-Louis ne constitue
pour les pélagiques pas plus qu‟un couloir de migration.
35
 Les espèces démersales côtières : distribution géographique et bathymétrique
des stocks
Les fonds de mer constituent le cadre de vie des espèces démersales. Leur répartition en
fonction de la nature sédimentologique du fond (fond vaseux, vaso-sableux, et rocheux) et de
la profondeur permet de distinguer principalement trois communautés : la communauté à
Sciaénidae, la communauté à Sparidae, la communauté du rebord du plateau.
Tableau 4: Principales espèces de poissons démersaux pêchées dans l‟AMP de Saint Louis
APPELLATION
VERNACULAIRE
FRANÇAIS
SCIENTIFIQUE
Thiof
Mérou blanc
Epinephlus aeneus
Kocc
Mérou de méditerranée
Epinephlus gigas
Tiki ou youfouf
Pageot
Pagellus copei
Diarégne
Dentex
Dentex filosus
Banda
Dorade grise
Plectorhichis méditerranneis
Magne magnére
Dentex à gros yeux
Dentex macrophtalmus
Beur ou Sakhabi
Courbine
Argirosomus regius
Doye
Mérou de Gorée
Epinephlus goreens
Mori
Loche
Merluccius sénégalensis
Rascasse
Rascasse
Scorpaena stephanica
Khassaw
Fiatol
Stromateus fiatola
Rour
Mérou noir
Epinephelus canunis
Soum
Langouste verte
Penaeus régius
Sipax
Crevette blanche
Penaeus notialis
Khedd
Brochet
Sphyraena phyreana
Badéche
Badéche
Mycteroperca rubra
Kibaro
Dorade
Sparus ehrenbergii
Khal
Othelite Bobo
Pseudotolithus elongatus
Sole
Sole langue
Cynoglossus sénégalensis
Ndiané
Capitaine
Polydactylus quadrifilus……
Kibaro nar
Pagre
Pagrus erhenbergi
Feutt
Othelite du sénégal
Pseudotolithus senegalensis
Tonone
Othelite nain
Pseudotolithus typus
PERIODE
Toute l‟année avec une
forte intensité entre
Avril et Juin
Toute l‟année avec une
forte intensité entre
36
Yaranka
Poulpe
Octopus vulgaris
Kong
Machoiron
Arius sp
Yeureundeu
Seiche
Sepia officinalis
Khedd
Barracuda
Sphyraena piscatoreum
Juillet et Octobre
Source : rapport diagnostic plan de gestion AMP, 2009
 La communauté à Sciaénidae
Elle comprend :
-
Des espèces très littorales vivant au voisinage des embouchures et des cours d‟eau
telles que les carpes blanches, les mâchoirons et les soles. Ces espèces à faciès
d‟estuaire sont en général abondantes en saison chaude sur les fonds (moins de 20 m).
où elles se rassemblent pour la reproduction ;
-
Des espèces à faciès mixte telles que les capitaines qui sont abondantes en saison
chaude prés de la côte où a lieu la reproduction, alors qu‟en saison froide, elles ont une
distribution plus profonde (Sun, 1975 cité par Thiam et al.). La saison chaude est selon
les pêcheurs la période où ils les pêchent en abondance, capturant de grandes quantités
de femelles reproductrices. Ils réduisent alors, leur potentiel de reproduction. Or, le
renouvellement est lent avec une maturité sexuelle à 4 ans ou plus. Cette
surexploitation fait que les espèces adultes se rencontrent de moins en moins à SaintLouis. Du coup, ils se reportent sur les juvéniles en jouant sur le maillage des filets
qu‟ils ont tendance à réduire. L‟exemple des poseurs de filets dormants qui utilisent
des mailles 32 mm alors que la norme autorisée par le code de la pêche est de 100 mm
(article 28a) est assez illustrant. Ils occasionnent donc des dégâts impressionnants sur
la population juvénile et bloquent le processus de renouvellement des stocks.
 La communauté à Sparidae
Elle comprend :
-
les espèces des fonds meubles comme la seiche que l‟on rencontre jusqu'à 150 à 250
m;
-
les espèces à faciès des fonds durs (le mérou, les daurades…) qui sont inféodés au
fonds rocheux continus ou discontinus et à leur voisinage.
37
Le phénomène de reproduction du mérou est permanent, mais on distingue une ponte
principale en mai-juin et une ponte secondaire en juillet-septembre4. Les trois
principales zones rocheuses caractérisées par les pêcheurs sont : « Diattara » (moins
de 10 km au nord-nord ouest de Saint-Louis sur la frontière sénégalo-mauritanienne),
« Praia » (environ 14 km à l‟ouest de Saint-Louis) et « kher wu reywi » terme wolof
qui signifie « la grande roche » (environ 6 km au sud-ouest de Saint-Louis, banc
rocheux qui va de Guet-Ndar à la moitié nord de l‟AMP) ;
-
les espèces du faciès mixte tel que le pageot. La ponte a lieu sur les fonds de 50 m. La
principale nurserie se situe sur la petite côte du Sénégal.
 La communauté du rebord du plateau
Principalement composées de crustacées, les espèces de cette communauté (surtout la crevette
blanche, les langoustes…) se rencontrent entre la côte et la profondeur de 75 m (Thiam,
1978). Pour la crevette, le cycle vital passe par une phase lagunaire des juvéniles. Les
juvéniles et les sub-adultes se retrouvent ainsi dans l‟estuaire. Ce sont des espèces que l‟on
retrouve dans l‟AMP notamment au voisinage de l‟embouchure.
c) Les mammifères marins
Les rares observations d‟échouages accidentels de certaines espèces de petits cétacés sur les
plages de la Langue de Barbarie ont permis de signaler la présence dans les eaux saintlouisiennes de mammifères marins parmi lesquels nous pouvons citer la baleine, le dauphin
souffleur (Turciops truncatus) et le phoque moine (Monachus monachus). Ces espèces sont
classées par l‟UICN comme « vulnérables » et menacés d‟extinction.
d) Les tortues marines
Même si la façade atlantique du Parc National de la Langue de Barbarie (PNLB) est un site de
nidification des tortues marines, les pêcheurs avouent que la présence de cette espèce semble
aujourd‟hui anecdotique. L‟échouage, les traces et/ou carcasses de quatre espèces ont été
signalés à Saint-Louis.
4
Barry M et al., (1994). Evaluation des ressources exploitables par la pêche artisanale sénégalaise. pp 132
38
La tortue verte (Chelonia mydas), espèce herbivore, semble être la plus observée. Les autres
espèces sont beaucoup plus rares :
-
la tortue à écailles imbriquées (Erethmochelis imbricata) se rencontre généralement
dans les eaux peu profondes ;
-
la tortue luth (Dermochelys coriacea) est une espèce de haute mer qui ne se rapproche
de la côte que tous les deux ans pour les besoins de la ponte.
-
lepidochelys olivacea et Lepidochelys kempii, sont les espèces les moins fréquentes à
observer.
Les tortues ne font plus l'objet d'une pêche ciblée mais sont souvent victimes des filets à
requins. En outre, leur chair est très appréciée par les populations de pêcheurs.
Il convient de souligner ici les actions de protection des cétacés et tortues marines initiées par
le WWF-WAMER depuis 2007. A ce titre, il mène depuis cette date au niveau de la Langue
de Barbarie une campagne de suivi des tortues marines sur les différents lieux présumés de
ponte pour s‟assurer de leur présence effective en vue de mettre en place un programme local
de préservation de cette espèce.
Aussi pour consolider cette initiative du WWF, il est important de prévoir des études
scientifiques sur les tortues marines à Saint-Louis pour une meilleure connaissance de cette
espèce menacée. Sur ce registre, des études complémentaires de l‟inventaire des espèces et
des sites de ponte doivent être poursuivies dans l‟AMP pour rassembler des données de base
sur les espèces présentes et obtenir une cartographie des sites de ponte.
e) L’avifaune
Les nombreuses zones humides qu‟elle abrite, font de la région de Saint-Louis la réserve
ornithologique la plus importante du Sénégal (Tableau 5). Ce groupe faunistique est depuis
longtemps la "vitrine" de cette partie nord du pays du fait qu‟elle abrite deux sites
d‟importance internationale pour les oiseaux d‟eau, résidants et migrateurs(zones de
reproduction), notamment le Parc National des Oiseaux du Djoudji (PNOD : première zone
humide d'importance au sud du Sahara et le troisième parc ornithologique du monde) et le
Parc National de la Langue de Barbarie (PNLB).
39
Tableau 5 : Périodes de nidifications pour certaines espèces d’oiseaux rencontrées au nord du Sénégal
Espèces
J
F
M
A
M
J
J
A
S
O
N
D
Pélican blanc Pelecanus onocrotalus
Grand cormoran Phalacrocorax carbo
Cormoran africain P. africanus
Aigrette garzette Egretta garzetta
Aigrette des récifs Egretta gularis
Héron cendré Ardea cinerea
Spatule blanche Platalea leucorodia
Flamant rose Phoenicopterus ruber
Goéland railleur Larus genei
Mouette à tête grise Larus cirrocephalus
Sterne naine Sterna albifrons
Sterne hansel Gelochelidon nilotica
Sterne pierregarin Sterna hirundo
Sterne caspienne Sterna caspia
Sterne royale Sterna maxima
Sterne bridée Sterna anaethetus
Source : rapport diagnostic plan de gestion AMP, 2009
Les superlatifs ne manquent pas pour décrire les importantes concentrations de limicoles
paléarctiques qui, après s'être reproduits au cours du printemps dans le nord de l'Europe et de
la Russie, migrent progressivement vers le sud pour prendre leurs quartiers d'hiver en Afrique.
C‟est plus de deux millions de ces oiseaux qui s'arrêtent sur le Parc National du Djoudj entre
octobre et mars, mettant en évidence la richesse de ce milieu où les migrateurs trouvent abri et
nourriture en abondance (l‟effectif total de l‟avifaune au Djoudj est estimé à plus de
3 000 000 d‟individus toutes espèces confondues au plus fort de la saison en Décembre avec
90 % d‟oiseaux d‟eau qui sont pour la plupart des migrateurs du paléarctique (PAG du
PNOD, 2005). Chez les migrateurs paléarctiques, les canards (sarcelles d‟été, canards pilet,
canards souchet) et les limicoles (Chevalier combattant et barge à queue noire) sont les plus
représentatifs.
L‟îlot aux Oiseaux, situé au sein du PNLB dans l'estuaire du fleuve Sénégal est également un
endroit de nidification important pour les espèces piscivores telles que la Mouette à tête grise,
le Goéland railleur, le Sterne royale et le Sterne caspienne. Située entre le PNLB et le PNOD,
l‟AMP de Saint-Louis renferme de toute évidence des couloirs de passage des oiseaux
migrateurs qui transitent par Saint-Louis.
40
CHAPITRE II : PRESENTATION DE LA PERIPHERIE DE L’AMP
L‟Aire Marine Protégée de Saint-Louis, de par ses positions à terre, est à cheval entre la
communauté rurale de Ndiébène Gandiole et la commune de Saint Louis. Ainsi, sa périphérie
est caractérisée par la coexistence de deux zones d‟aménagement du territoire à vocation
différente : une zone urbaine constituée par les quartiers de la commune de Saint-Louis situés
sur la Langue de Barbarie et une zone rurale constituée par les villages situés dans la
communauté rurale de Ndiébène Gandiole. Aussi, du fait que la notion de limite de la zone
périphérie d‟une aire protégée est encore très relative (car il n‟existe aucune disposition
juridique ou réglementaire fixant la limite exacte de la périphérie), nous considérons comme
périphérie de l‟AMP, dans le cadre de cette étude, toute la zone qui englobe les deux
collectivités locales qui entourent l‟AMP à savoir la commune de Saint-Louis et la
communauté rurale de Ndiébène Gandiole. C‟est pourquoi dans la présentation de la
périphérie de l‟AMP, nous ferons un aperçu général sur ces deux collectivités territoriales.
2.1 LA VILLE DE SAINT-LOUIS, UNE PERIPHERIE COMPLEXE
2.1.1 GENERALITES
L‟importance de Saint-Louis à tout point de vu, au plan national et international, a fait que
cette ville bénéficie d‟un intérêt particulier dans tous les domaines de la vie socio-économique
et environnementale.
Sur le plan physique, Saint-Louis, „„ville de l‟eau‟‟, s'étale sur un territoire à structure éclatée
tripolaire et se déroule sur 10 km (Voir Planche ci-dessous). D'Ouest en Est, la Langue de
Barbarie (1), l'Ile (2), le faubourg de Sor (3), singularisent un périmètre fortement marqué par
le relief du Bas Delta.
Sur une superficie communale de 4579 hectares, la ville de Saint-Louis, hors eau, couvre
3632 hectares. Les plans d'eau inclus dans l'aire communale, représentent 20 % du territoire
de la ville (soit 943 hectares). Saint-Louis est caractérisée par la présence de plusieurs cours
d'eau dont leur remplissage est fonction de la crue du fleuve.
41
Le Fleuve se décompose en deux bras : le petit bras situé entre la Langue de Barbarie et l‟Ile
et le grand bras situé entre l‟Ile et Sor (carte 2).
Saint-Louis
Sénégal
3
CARTE 2 : LOCALISATION DE SAINT LOUIS
Fleuve
Sénégal
2
1
Océan
Atlantiqu
e
Planche : Photo aérienne de Saint-Louis (Source : ADC, 2005)
Saint-Louis, est sur l‟emplacement d‟une ancienne lagune transformée en estuaire lorsque le
fleuve fut attiré vers le sud après que le niveau de la mer fut abaissé au néolithique jusqu‟au
niveau actuel (Brigaud et Vast, 1987).
Cette région est caractérisée sur le plan géologique par l‟absence d‟affleurements des
formations tertiaires et secondaires.
Le contexte socio-économique de Saint-Louis en général, celui de la Langue de Barbarie en
particulier est fortement marqué par la présence de l‟océan qui conditionne quasi totalement
l‟ensemble des activités de ce cordon littoral.
La Langue de Barbarie est caractérisée par une présence humaine appartenant à la
communauté des pêcheurs de Guet-Ndar, pionnière de la pêche artisanale maritime.
Les wolofs de Guet Ndar forment avec les Lébous du Cap-Vert et les Nyominka des îles du
Saloum, les trois communautés de pêcheurs les plus importantes du Sénégal (Kébé, 1986).
L‟histoire des populations de la Langue de Barbarie est intimement liée à la pêche, à la fois
comme source alimentaire et activité génératrice de revenus. C‟est une activité qui a
longtemps joué un rôle moteur dans l‟économie de la ville de Saint-Louis.
42
Le peuplement de la Langue de barbarie a été et reste essentiellement dominé par les wolofs
autochtones et les maures.
Les quartiers de la Langue de Barbarie (Goxumbaac, Ndar Tout et Guet-Ndar) regroupent 23
% de la population communale estimée à 165 038 habitants en 2002. Guet-Ndar reste l‟un des
quartiers le plus peuplé de la commune avec 20 432 hts soit 12 % de la population.
Déjà en 1982, Guet Ndar était peuplé, d‟environ 13000 habitants entassés sur 0,17 km2, soit
plus de 70 000 habitants au km2. Sur la base du recensement général de la population de 1988,
Guet Ndar comptait environ 15 000 habitants puis environ 20 000 habitants en 2002. Peuplé à
90 % de wolof, Guet Ndar se présente par ailleurs comme le quartier saint-louisien
ethniquement le plus homogène (Diop, 1986).
2.1.2 ORGANISATION SOCIALE
La base sociale d‟organisation de la pêche piroguière à Guet-Ndar est la famille. Des
changements profonds sont notés dans sa structure et dans sa base économique.
Autrefois, les relations étaient de type matrilinéaire. La femme mariée reste dans le domicile
de ses parents. Les enfants issus des unions sont pris en charge à la fois par le père et l‟oncle
maternel qui assure l‟éducation et la formation. Ce sont généralement des unions à l‟intérieur
d‟une même famille qui sont scellées (les conjoints appartiennent à la même famille, ont les
mêmes ascendants et vivent souvent dans la même concession).
Ceci explique sans doute le fait que le père ne s‟oppose pas à la forte implication des oncles
maternels dans la vie des enfants. Selon leur nombre, et le capital disponible (nombre de
pirogues), les enfants sont répartis sous le contrôle du père entre les oncles, ou réunis sous la
direction de l‟aîné des oncles. Ils représentent ainsi une force de travail assez importante dans
l‟économie domestique. Cette organisation à caractère matrilinéaire, tourne autour de deux
pôles, à savoir, la direction du processus de production assurée par l‟aîné des oncles maternels
et l‟écoulement du produit, sous la responsabilité de l‟aînée des sœurs du pêcheur.
43
Plus tard, la quasi monétarisation des produits de la pêche par le passage d‟une pluriactivité à
une activité unique basée sur la pêche maritime, comme seule source de revenus allait
déstructurer l‟économie domestique (semi marchande) et créer les conditions d‟une
contestation de la distribution de la force de travail familiale. Cela a secoué les fondements de
la famille élargie.
Il se produit ainsi, l‟émergence et la multiplication d‟unités familiales restreintes, réduisant du
coup l‟autorité de l‟oncle maternel tout en consolidant les prétentions du père sur les enfants.
Les lois dans la structure sociale, la hiérarchie des pouvoirs dans la famille restent presque
identiques dans la production marchande. Les rapports familiaux relèvent toujours des
relations d‟aîné à cadet propre à la logique de la communauté domestique. Les pêcheurs
appartiennent à un équipage composé de frères, souvent de proches parents. Ils vivent dans
une situation d‟interdépendance et assurent tous les besoins en commun. De ce fait, les
risques d‟éclatement sont minimes d‟autant que celui qui a la prétention de se séparer du
groupe doit, de toute façon, soit s‟intégrer dans un autre groupe, soit en créer un lui-même.
Si la famille organise de manière autonome, les systèmes de production de pêche à la ligne et
aux filets dormants, elle est de plus en plus secondée dans sa tâche pour ce qui est de la senne
tournante par une armée de travailleurs sans moyens de production, employés en dehors de
leur cadre familial et rémunérés à la part.
En somme, la structure familiale a connu des modifications, en s‟adaptant aux changements
qui se sont opérés, dans l‟économie de la pêche. La famille, même si elle ne fonctionne plus
avec les mêmes règles, reste néanmoins, la base sociale d‟organisation de la pêche piroguière.
2.1.3 LA PECHE ARTISANALE A SAINT-LOUIS
Activité principale des populations des quartiers st-louisiens situés sur la Langue de Barbarie,
la pêche à St-Louis est l‟un des secteurs moteurs de l‟économie locale.
La propriété des moyens de production connaît des formes multiples : propriété de tout ou
partie de l'équipement, par un individu ou un groupe (moyens hérités par exemple…). Cette
propriété est rémunérée par les parts attribuées à l'équipement (moteurs, embarcations,
engins), caractérisées par une disparité liée au coût du matériel.
44
Ainsi, plusieurs types de pêches sont pratiqués à Saint-Louis. La pêche des pélagiques se fait
surtout avec les filets dérivants de surface et avec la senne tournante tandis que les espèces
démersales sont capturées à l‟aide de la ligne simple, de la palangre et des filets dormants. Le
tableau 6 présente les principaux engins de pêche utilisés, la saisonnalité et les espèces
capturées).
Tableau 6 : Les principaux engins de pêche, saisonnalité et espèces cibles
Engins
Senne
tournantes
J F M A M J J A S O N D Principales espèces
Sardinell es, Tassergal,
mulets, Ethmalose
Filets
dormants
Filets
dérivants
Ligne
normale
Palangre
Activité intense
Sole,
mâchoirons,
Langouste,
Dorade,
Carpe blanche
Chinchard,
Thonine,
Liche amie
haute
valeur
commerciale : Dorade,
Pageot, Mérou
Dorade, pageot
Activité modérée
Lieux de pêche
Saint-Louis entre janvier
et mai, Mauritanie en
saison chaude
Principalement
dans
l’AMP
Toute la zone des 6 miles
en face de Saint-Louis et
AMP
Tous les fonds marins
rocheux (Diattara et
Praia surtout)
Même lieux que les lignes
Pas d‟activité
Source : rapport diagnostic plan de gestion AMP, 2009
En 2005, le CRODT a recensé 1542 pirogues opérationnelles (susceptibles de prendre la mer)
sur la zone d‟influence de l‟AMP de Saint-Louis (Tableau 7). Par contre le nombre de
pirogues actives (c'est-à-dire ayant pêché au cours du mois précédent l‟enquête) s‟élevait en
août à 1229 pirogues, le taux d‟activité étant de 80 %.
45
Tableau 7 : Unités de pêche recensées selon la localité
Localité
Saint-Louis
Sennes
tournantes
142
Filets dormants
de fond
Filets dérivants
de surface
Ligne
normale
Glacière
365
190
255
259
K Barka
9
10
1
2
D Baba
35
37
2
3
D Mbame
20
1
Pilote
15
13
Tassinére
10
9
Mboumbaye
Palangre
366
1
16
Mouit
6
11
Degouniaye
24
23
K Bernard
3
3
7
23
(Source : CRODT, 2005)
2.2 LA COMMUNAUTE RURALE DE NDIEBENE GANDIOL, UNE PERIPHERIE
NOUVELLE
2.2.1 GENERALITES
Toute nouvelle création issue de la réforme administrative et territoriale de 2008, la CR de
Ndiébène Gandiole était anciennement contenue dans les limites de la communauté rurale de
Gandon. Elle est située au Nord du Sénégal dans le département de Saint Louis,
arrondissement de Rao. Elle se trouve à 18 km au sud de la ville de Saint-Louis, et est
enserrée entre le Fleuve Sénégal à l‟ouest, la CR de Gandon à l‟est, la commune de Saint au
nord et la CR de Sakal, dans la région de Louga au sud Ndiébène Gandiole qui dépendait
administrativement de la CR de Gandon, est devenue CR à la faveur. Elle est composée de 32
villages.
La CR de Ndiébène Gandiole se trouve dans la zone écologique communément appelée le
Gandiolais. Celle-ci, située dans la frange maritime, constitue le trait dominant du cadre
physique de la CR.
46
Photo N°1 : Le salin, trait dominant du cadre écologique gandiolais
Une bonne partie (plus de la moitié) de la façade côtière de l‟AMP se situe entièrement dans
la C.R. D‟où les revendications de plus en plus fortes sur la dépendance administrative de
l‟AMP, par les populations locales de la C.R.
Sur le plan pédologique, la C.R de Ndiébène Gandiole est caractérisée par une diversité des
sols qu‟on peut regrouper à travers quatre catégories principales à savoir : les sols sableux
propices aux cultures sous pluies, les sols alluviaux ou „„hollaldé‟‟ très propices au
maraîchage et à l‟arboriculture, les sols „„fondé‟‟ disséminés un peu partout dans la CR et les
sols salins propices à la production de sel.
Si la majorité des sols se prêtait jadis à l‟agriculture en particulier le maraîchage (car le
Gandiolais fait partir des zones recordman de production d‟oignons au Sénégal), aujourd‟hui
avec l‟avènement de la brèche de Saint-Louis depuis 2003, toute la zone de la C.R connaît
une salinisation forte de ses terres.
La végétation, quant à elle est largement dominée par la steppe arbustive que l‟on retrouve un
peu partout dans la CR. Les principales espèces sont le seing, le sump, le nep nep, le vereck,
le gouye, le cad, le tamarinier, le prosopis, le cactus, etc. On note également la présence de la
strate herbacée.
Les ressources fauniques aussi sont très abondantes et diversifiées dans la C.R du fait de la
spécificité du milieu qui se situe dans le bas delta du fleuve Sénégal. Sur la zone continentale,
cette faune reste dominée par la présence de petits mammifères comme les rats palmistes, le
lièvre à oreilles de lapin mais aussi les mammifères moyens comme le chacal, le single rouge,
etc. Sur les plans d‟eaux marqués par la présence du fleuve et de la mer, on note une
impressionnante faune aquatique composée d‟espèces d‟eaux douces, saumâtres et salées.
Parmi ces dernières, on peut citer entre autres les tortues de mer, les oiseaux d‟eau et les
différentes espèces de poisson.
47
De même, c‟est dans cette communauté rurale que se situent deux des plus grands sites
nationaux de conservation de la faune à savoir le Parc National de la Langue de Barbarie qui
jouxte l‟AMP et la Réserve Spéciale de Faune de Guembeul située à une dizaine de
kilomètres de la côte.
Photo 2 : Le PNLB, un exemple réussi de préservation de la faune / Photo 3 : La RSFG participe au repeuplement de la faune
Le réseau hydrographique de la C.R est particulièrement dense du fait de la spécificité de la
zone qui constitue le bas delta du fleuve Sénégal. C‟est-à-dire là où les eaux du fleuve, après
avoir parcouru plus 1800 km, se jettent en mer à travers l‟embouchure qui se situe très
souvent à hauteur de cette zone du Gandiolais.
Ce caractère humide de la zone se manifeste par les nombreux plans d‟eau qui sillonnent la
CR dont on peut citer entre autres : Ndialakhar, le Miguegne, le khant, le ngalam, « Xiron »,
Panghar, Tongouyaye, Mbay, Tas Taslé, Bountou bath, Albar, Lobert, Mouye, Panghar, etc.
Photo 4 : Plans d’eau et mares, une caractéristique majeure du paysage gandiolais
Ces milieux qui pour la plupart du temps contenaient des eaux saumâtres, sont de nos jours
devenus très salés du fait d‟une plus grande intrusion des eaux de mer qui s‟infiltrent
davantage dans la zone à travers la „„Brèche‟‟ de Saint-Louis.
48
A ces problèmes de salinisation des plans d‟eau, s‟ajoute le déversement des eaux usées de
Saint-Louis, avec l‟implantation dans la partie nord-est de la C.R, d‟une des plus grandes
stations d‟épuration de l‟ONAS de Saint-Louis.
Photo 5 : Eaux usées de la station d’épuration de Saint Louis dans le village de Keur Barka,
2.2.2
ENVIRONNEMENT HUMAIN
La répartition démographique dans la C.R de Ndiébène Gandiole s‟effectue comme le montre
la carte qui suit :
Carte 3 : Répartition de la population de la CR de Ndiébène Gandiole (Carte reprise)
Source : POAS de Ndiébène Gandiole (2009)
49
Le Gandiole est une zone anciennement peuplée. D‟après de nombreux témoignages, le
village de Doune Baba Dieye, l‟un des plus anciens de la zone est plus vieux que Saint Louis.
Les potentialités halieutiques et agricoles ont attiré pendant longtemps de nombreux migrants
venus du Walo, des autres localités du Sénégal et même de la Mauritanie. C‟est dire que, les
potentialités économiques et la recherche de meilleures conditions de vie ont fortement
influencé le processus de conquête et d‟appropriation de l‟espace. Aujourd‟hui, toutes les
parties du territoire communautaire sont occupées par des populations wolof, peuls et maures.
Les densités au km2 sont très fortes par exemple dans les gros villages comme Tassinère,
Ndiébène Gandiole et Mouyitte. La proximité de la ville de Saint Louis, capitale régionale,
influence fortement la dynamique de peuplement. La dynamique spatiale notée dans les
villages de Keur Barka, Ngaina, Ndiébène Gandiole, Tassinère, Mouyitte, avec l‟importante
extension du bâti, illustre suffisamment l‟évolution du peuplement et de l‟espace.
Toutefois, la migration de jeunes pêcheurs vers les autres centres de pêche du Sénégal et les
risques environnementaux consécutifs aux aménagements sur le fleuve Sénégal et aux
changements climatiques, constituent une sérieuse menace pour l‟avenir de la zone.
En ce qui concerne l‟organisation sociale, on peut remarquer que les chefs de villages sont des
personnalités respectées par toutes les catégories sociales et leur mise en place se base sur des
règles traditionnelles de succession familiale. Ils sont déterminants dans le maintien de la
cohésion sociale dans le village. Il en est de même pour les imams, désignés par consensus.
Ces deux personnalités que l‟on retrouve dans tous les villages de la C.R, sont des leviers
important pour la mobilisation sociale.
2.2.3
LES PRINCIPALES ACTIVITES ECONOMIQUES
a) Le maraîchage
Il constitue la principale activité des populations du Gandiole en raison de l'humidité des sols
« deck-dior » favorable à l'activité et à la présence de l'eau pendant pratiquement toute
l'année.
Les spéculations sont la tomate, l'oignon, le navet, la carotte, les choux pommés, les
aubergines, le piment, les pastèques, la patate...
50
Les „„céannes‟‟, puits traditionnels de profondeur variant entre un mètre cinquante (1,50 m) à
six mètres (6 m) et pouvant même atteindre dix (10) mètres au niveau des espaces dunaires,
constituent les principaux points d'approvisionnement en eau destinée au maraîchage. Il existe
un autre type de maraîchage pratiqué sur les zones limitrophes du fleuve Sénégal (Dieule
Mbame, Mbambara) sous forme de culture de décrue.
b) Les cultures sous pluie
Cette activité se pratique pendant l'hivernage sur des sols assez fertiles et concerne les
spéculations telles que l'arachide, le niébé, la pastèque, le mil, l'oseille et le manioc. Les
facteurs limitant restent cependant, les déficits pluviométriques avec les débuts tardifs ou fins
précoces de la saison pluvieuse, et la salinisation des terres du fait des effets cumulés du
barrage de Diama et du canal de délestage.
La fumure organique «Toss » constituée de déjections animales (petits ruminants et bovins)
est utilisée pour la fertilisation du sol et l‟augmentation des rendements.
c) L'élevage
Comparé à l‟agriculture, l‟élevage est dans cette zone une activité presque marginale. Il est de
type extensif et concerne les ovins, caprins, bovins et l'aviculture. Celui des petits ruminants
est de loin, le plus représentatif. Quant à l'élevage de bovins, il est spécifiquement réservé aux
villages et hameaux peulh. Le bétail se déplace, une bonne partie de l'année, vers le centre et
le sud du pays.
d) L’exploitation du sel
L‟exploitation de sel est une activité très importante dans la CR. Ndiébène Gandiole compte,
en effet, plusieurs sites de production dans sa partie occidentale, dans la zone de Ndiébène
gandiole. Les principaux sites sont Niakou, Degue 1, Dégue 2, Mame Biram Boye, M‟botou,
Keur Barka, Ngaina et Guembeug.
e) La pêche
Elle est une activité importante de par sa spécificité. Elle se pratique du côté fleuve comme du
côté mer, avec cependant une prédominance de la pêche fluviale.
51
Dans les villages de Keur Bernard, Tassinère et Pilote Barre, elle est la principale activité
économique des populations. D‟après les données fournies par le centre des statistiques de
Saint Louis, la zone du gandiolais, compte 150 pirogues motorisées pour 450 pêcheurs et 65
de ces pirogues ont été récemment immatriculées avec l‟appui de l‟Union Européenne.
Ces données illustrent parfaitement l‟importance de la pêche dans le panorama des activités
économiques locales. D‟ailleurs, pour de nombreux spécialistes de la pêche, l‟avenir de cette
activité dans la région se trouve dans le Gandiole compte tenu de l‟importance du potentiel
d‟une part et d‟autre part, des contraintes spatiales que connait le secteur dans la ville de Saint
Louis.
Mais le secteur gagnerait à mieux être organisé. A Pilote Barre, il existe une organisation de
transformatrices dont l‟avenir est prometteur. Ainsi, l‟activité de pêche procure des revenus à
de nombreuses familles de la CR, leur permettant ainsi de lutter contre la pauvreté.
Toutefois, la pêche connait ces dernières années un net recul du fait de la diminution des
ressources halieutiques consécutive à la réalisation du barrage de Diama et du canal de
délestage de Saint Louis.
Ces ouvrages ont également provoqué la disparition de certaines espèces et la diminution de
la taille d‟autres. La conséquence de cette situation est l‟émigration des jeunes pêcheurs de la
collectivité vers les autres zones de pêche du pays comme la Casamance et la Petite Côte.
f) Le tourisme
Le Gandiole est l‟une des principales zones touristiques du département de Saint-Louis. La
CR dispose d‟un important potentiel touristique. Il s‟agit des paysages de dunes, des plans
d‟eau, du site d‟oiseaux aquatiques (pélican, warang), du site de Maroum Dieuleuk (reposoir
d‟oiseau), site de balacos (batiment historique), site des salines dans la zone de Mouyitte, des
canons à Gouye Reine et la phare de Gandiole. A cela s‟ajoute l‟existence de plusieurs
campements (Zébrabar, Keur Aminata Diallo, Résidence « Océane-Savane, Téranga, « Nioko
Bokh) et d‟une Dune de sable à Tonghor. En outre, la CR de Ndiébène Gandiole dispose d‟un
riche patrimoine naturel constitué par la RSFG, le PNLB et de circuits touristiques dans la
zone de la Langue de Barbarie. Pourtant jusque là, ce potentiel n‟a pas été exploité
convenablement par les autorités communautaires de l‟ex CR de Gandon.
La valorisation de cet important potentiel par le conseil rural pourrait avoir des incidences très
positives sur le développement socioéconomique de la CR.
52
L‟activité touristique à l‟échelle locale est handicapée entre autres par le manque de
financement des initiatives locales, l‟absence d‟un syndicat et la dégradation de certains sites.
C‟est pourquoi d‟ailleurs, l‟association des écogardes originaires des villages riverains du
PNLB a entrepris des actions de préservation du site touristique.
53
DEUXIEME PARTIE :
LE PROCESSUS DE MISE EN PLACE DE L‟AMP
ET LA MOBILISATION DES ACTEURS LOCAUX
54
CHAPITRE 1 : DEFICIT DE MOBILISATION DES ACTEURS LOCAUX DANS LE
PROCESSUS DE MISE EN PLACE DE L’AMP
L‟analyse du processus de mise en place de l‟AMP a pour objectif d‟identifier les principales
étapes déjà franchies et les acteurs effectivement mobilisés jusque là dans le cadre de la
conservation des ressources de l‟AMP. L‟intérêt d‟une telle démarche réside dans le fait
qu‟elle peut permettre d‟expliquer le manque de mobilisation de certains acteurs. Ainsi pour
chaque étape, nous essayerons de :
-
voir les acteurs les mieux impliqués ;
-
savoir, le pourquoi de l‟implication d‟un tel acteur au détriment d‟un autre ?
-
comprendre et expliquer le manque de mobilisation de certains acteurs locaux vis-à-vis
de l‟AMP.
1.1
LA CREATION DE L’AMP
La création de l‟AMP de Saint-Louis est intervenue avec le décret 2004-1408 du président de
la république du Sénégal, en date du 04 novembre 2004, qui consacra par la même occasion,
la création de quatre autres AMP le long de la côte sénégalaise.
Cependant, il convient de signaler que de façon générale, la création des AMP au Sénégal,
s‟est faite suivant trois types de démarches (SENE, 2010) :
- Une approche top-down, où les autorités avec l‟appui des scientifiques identifient les
sites potentiels d‟AMP et prennent un acte officiel de création, souvent un décret.
Cette approche est appliquée aux premiers parcs marins ou ayant une composante
marine notamment le Parcs Nationaux (Langue de Barbarie, Delta du Saloum, Iles de
la Madeleine).
- Une approche down-up qui met en avant les communautés locales qui prennent
l‟initiative de création. Elles peuvent être appuyées par des ONGs locales ou
internationales. Une reconnaissance officielle de ces AMP par les autorités est requise.
C‟est le cas par exemple de la Réserve Naturelle de Popenguine ;
55
- Une approche participative initiée par les ONGs internationales et nationales. Ces
initiatives sont souvent prises par les ONGs qui commencent par informer et
sensibiliser les différents acteurs sur l‟importance et les avantages des AMP. Cette
approche essaie de faire participer tous les acteurs dans la totalité du processus de
création.
Cette dernière approche dite „„participative‟‟, est celle officiellement utilisée pour la création
de l‟AMP de Saint-Louis. Cependant, les entretiens effectués auprès des différentes parties
prenantes à la création de l‟AMP, nous ont permis de voir que dans la pratique, l‟approche est,
à bien des égards, similaire à celle Top-down.
Tout d‟abord, la création de l‟AMP de Saint-Louis a été faite par décret présidentiel
(processus descendent), c‟est à dire par décision de l‟autorité centrale, pour dit-t-on renforcer
le régime de gestion intégrée des zones côtières et maritimes du Sénégal, en proie en de fortes
dégradations.
Pour le cas spécifique de Saint-Louis, cet acte de création par l‟autorité centrale n‟a été
précédé d‟aucune initiative locale (de type convention locale ou entente entre acteurs locaux
pour la gestion des ressources locales) qui pourrait traduire un caractère endogène et
ascendant du processus de création de cette AMP. Contrairement à d‟autres localités du pays
comme Joal et Bamboung (iles du Saloum), où l‟avènement de ce décret a été précédé par une
volonté réelle des acteurs locaux d‟auto-gérer les ressources marines et côtières de leur terroir.
Aussi, rappelons que le décret 2004-1408 portant création des cinq AMP dont celle de SaintLouis, est intervenu dans un contexte de Sommet Mondial sur le développement durable à
Johannesburg (2002), qui a mis en exergue une fois de plus, le rôle joué par les AMP dans la
conservation de la biodiversité. Ce sommet avait ainsi recommandé la création de réseaux
représentatifs couvrant 20 à 30 % des surfaces des océans à l‟horizon 2012.
Mieux, le Congrès Mondial sur les Parcs Nationaux de Durban en 2003 a précipité la
matérialisation des engagements pris par le Sénégal pour la création et la mise en place de
cinq nouvelles AMP dont celle de Saint-Louis.
Ensuite, même s‟il y a eu la participation théorique des acteurs locaux dans le processus
d‟identification du site, comme le prétendent les initiateurs, notons cependant que l‟initiative
de départ de l‟AMP à Saint-Louis est surtout l‟œuvre d‟ONG comme le WWF.
56
En ce qui concerne la mobilisation des OCB, notons que sur les dix (10) organisations socioprofessionnelles évoluant dans la périphérie de l‟AMP, quatre (4) seulement ont participé de
façon effective au processus d‟implantation de l‟AMP et sont des membres actifs du Comité
de Gestion. Il d‟agit du Syndicat National des Pêcheurs Marins du Sénégal (SNPMS) dont le
président est également président du Comité de Gestion de l‟AMP, d‟une section locale du
Collectif National des Pêcheurs du Sénégal (CNPS), l‟Association des Jeunes Pêcheurs de
Guet-Ndar (AJPGN) et de la Mutuelle d‟Epargne et de Crédit pour les Organisations de
Pêcheurs Artisanaux de Saint-Louis (MECROPAS).
De ces constats, on peut bien affirmer que le mode de création de l‟AMP de Saint-Louis a
mobilisé très peu d‟acteurs locaux, d‟où le fait que l‟initiative de création de l‟AMP ne
bénéficie pas encore d‟une adhésion populaire capable de porter et de faire progresser l‟idée
d‟AMP.
Par ailleurs, les enquêtes effectuées auprès des membres de ces organisations, ont montré le
manque d‟une véritable implication du principal acteur à la base qu‟est la population vivant
autour de l‟AMP. Seuls les quelques dirigeants d‟OCB citées ci-haut ont été consultés pour
valider des avis sur le choix du site.
1.2
LA MISE EN PLACE ET LE FONCTIONNEMENT DES ORGANES DE
GESTION
L‟étape de la création de l‟AMP de Saint-Louis par décret présidentiel, a été suivie par une
longue phase de mise en place de l‟aire protégée et de l‟organisation de sa gestion. Cette
gestion qui est un exercice quotidien, vise la définition et la mise en œuvre de règles
spécifiques pour l‟accès et l‟usage des ressources de l‟AMP. C‟est pourquoi, il a été mis sur
pied, deux principaux organes de gestion qui sont : l‟administration dirigée par un
conservateur et le comité de gestion qui regroupe toutes les parties prenantes à l‟AMP. Ainsi,
il s‟agit dans cette étape, d‟analyser globalement ces organes de gestion de l‟AMP afin de
comprendre les modalités de leur constitution, les acteurs qui les composent et leur
fonctionnement.
57
1.2.1 L’ADMINISTRATION DE L’AMP
Jusqu‟à une période récente, c'est-à-dire janvier 2009, la gestion institutionnelle des AMP au
Sénégal (y compris celle de Saint Louis) relevait de la compétence du Comité Technique
Interministériel chargé de la gestion des Aires Marines Protégées, créé par arrêté
interministériel n° 001654 du 03/03/2006. Le mandat du Comité Technique était de faciliter la
coordination de la mise en place des AMP et la définition des procédures de leur gestion
concertée. L‟administration des nouvelles AMP qui venaient d‟être créées, devait ainsi se
faire sous la double tutelle du Ministère de l‟Environnement et de la Protection de la Nature et
celui de l‟Economie Maritime. Cependant, il faut noter que ce comité n‟a jamais été
fonctionnel depuis sa création, pour cause de rivalité entre les deux principales institutions
ministérielles pour le contrôle de la tutelle administrative des AMP.
Cependant, la gestion administrative et opérationnelle des AMP a toujours été confiée à la
Direction des Parcs Nationaux (DPN). Ce qui fait qu‟à l‟image de toutes les aires protégées
sous la tutelle de la DPN, l‟AMP de Saint-Louis est administrée par un conservateur nommé
par le ministre de l‟environnement et de la protection de la nature sur proposition du directeur
des parcs nationaux. Ce conservateur paramilitaire lui-même est appuyé dans sa tâche par un
personnel paramilitaire composé de techniciens de la conservation et de gardes ou de
surveillants des ressources.
Ainsi conformément à leur statut, le fonctionnement du personnel administratif de l‟AMP
s‟inspire fondamentalement du modèle de commandement militaire pour son organisation
administrative et la gestion de l‟AMP.
Le conservateur est responsable de la gestion de l‟AMP. Il planifie, ordonne, supervise et
contrôle l'ensemble des activités relatives à la protection et aux aménagements techniques et
touristiques de l'espace et des ressources naturelles dans les limites de l'aire protégée,
conformément aux lois et règlements mis à sa disposition.
Cette forme d‟administration de l‟AMP, qui rappelle le mode de gestion classique des aires
protégées, ne laisse que peu de place aux initiatives des autres parties prenantes à la gestion.
En effet, le seul à qui le conservateur a obligation de rendre compte, est le directeur des parcs
nationaux, qui lui-même reste sous le contrôle du ministre, c'est-à-dire de l‟Etat central.
58
Néanmoins, le conservateur conscient de la vocation de l‟AMP et dans un souci d‟efficacité,
s‟ouvre de plus en plus aux différentes parties prenantes, qu‟il associe dans la prise de
décision à travers le comité de gestion.
1.2.2 LE COMITE DE GESTION
La mise en place des AMP est accompagnée de la mise en œuvre du concept de cogestion qui
suppose une implication et une responsabilisation le plus large possible de tous les acteurs,
dans la gestion quotidienne des AMP.
Cette option s‟est matérialisée à Saint-Louis par la mise en place d‟un organe central
dénommé : comité de gestion de l‟AMP de Saint-Louis. Sa constitution s‟est faite à travers
une Assemblée Générale (AG) qui regroupe toutes les parties prenantes à la gestion de
l‟AMP. L‟AG désigne en son sein les membres du bureau exécutif du C.G. qui est dirigé par
un président issu de la population locale.
a)- L’Assemblée Générale
L‟Assemblée Générale (AG) est l‟organe suprême du système de gestion participative des
espaces et ressources naturelles de l‟AMP. C‟est l‟instance qui défend les intérêts de l‟AMP
vis à vis des autorités et des utilisateurs extérieurs, qui réfléchi et décide sur les questions qui
dépassent les intérêts propres des populations, incluant ainsi les projets d‟investissement
communs. Il adopte des politiques qui sauvegardent les intérêts collectifs des parties prenantes
et prend des décisions sur des questions non résolues au niveau des autres instances de
décision.
L‟A.G est composée, selon le règlement intérieur : des parties prenantes, des élus locaux, des
services techniques du département, des autorités coutumières et religieuses, des ONG
locales, des établissements scolaires, des privés du tourisme, etc. (Titre II, article 3, arrêté
préfectoral n°57 du 02 septembre 2008, portant statut et règlement du comité de gestion de
l‟AMP de Saint-Louis).
59
Ce même article 3, donne des précisions sur ce qu‟est une partie prenante. Il s‟agit dans le
cadre de l‟AMP de Saint-Louis des acteurs suivants :
 Le conservateur de l‟AMP représentant la DPN et le MEPN ;
 Le représentant du service de la pêche/MEM ;
 Le représentant de l‟inspection régionale des Eaux et Forêts de St-louis ;
 Le (ou les) représentant(s) du conseil local de pêche ;
 Le (ou les) représentant(s) du GIE interprofessionnel des pêches ;
 Le (ou les) représentant(s) du GIE des jeunes pêcheurs ;
 Le représentant de la mairie de Saint-Louis ;
 Le (ou les) représentant(s) du syndicat d‟initiative et de tourisme de St-Louis ;
 Le représentant des senneurs de plage ;
 Le représentant du CRODT ;
 Le représentant de la presse ;
 La représentante du GIE des femmes transformatrices.
Si à priori la composition de l‟AG semble complète, la réalité en est autre. En effet, il se pose
un manque de dynamisme des parties prenantes. Le nombre d‟une rencontre prévue
régulièrement chaque année par le règlement intérieur, n‟a jamais été respecté. Depuis sa mise
en place, cette instance ne s‟est jamais réunie. C‟est pourquoi certaines parties prenantes
comme le syndicat d‟initiative et de tourisme, quelques pêcheurs interviewés, ne se sentent
plus concernés par cette instance. Il existe aujourd‟hui de réels problèmes liés au déficit de
communication entre les différentes parties prenantes à l‟AG.
b)- Le bureau du comité de gestion
Mis en place en 2006, il est composé de 6 membres élus en A.G, dont un président qui est la
personne morale du comité de gestion. Ce bureau est l‟organe exécutif du système et la
principale instance de décision de l‟AMP. C‟est en son sein que sont débattues et “affinées‟‟
les questions importantes inhérentes au processus de gestion participative de l‟AMP, comme
la surveillance, l‟application de sanctions, etc.
60
Ses compétences se résument principalement à
-
La réalisation du zonage participatif de l‟AMP ;
-
la définition des engins de pêche devant être utilisés dans l‟AMP ;
-
la gestion des conflits entre les différents groupes socio-professionnels ;
-
l‟élaboration, l‟adoption et l‟application du règlement intérieur consensuel fixant
les conditions d‟accès aux ressources ;
-
la gestion quotidienne de l‟AMP ;
-
l‟évaluation de l‟efficacité des mesures de gestion proposées ;
-
l‟approbation et le suivi des contrats de gestion entre les différentes parties
prenantes et les services de conservation ;
-
l‟élaboration du Plan de Travail Annuel (PTA).
Pour le traitement sectoriel de toutes ces questions, le bureau exécutif s‟est doté de manière
consensuelle de commissions techniques réparties comme suit : une commission de règlement
des conflits, une commission de surveillance et une commission de communication.
L‟analyse du fonctionnement de ce bureau exécutif fait ressortir des difficultés qui freinent
même le fonctionnement du Comité de gestion dans sa globalité. En effet, de l‟avis unanime
de tous les acteurs rencontrés, le problème de fonctionnement de l‟AMP est lié à l‟inertie du
bureau exécutif et de ceux qui le dirigent. Ces dirigeants, très contestés du reste par les
différents groupes sociaux interviewés (jeunes, vieux et femmes) du quartier de Nguet-Ndar,
sont aujourd‟hui en manque de légitimité, car leur mandat de deux ans étant longtemps
épuisé.
D‟autre part, leur omniprésence dans presque toutes les fonctions électives de toutes les
organisations de leurs quartiers, a fini de les rendre peu crédibles pour faire porter à la base
l‟idée de l‟AMP. Ce qui explique certainement le défaut d‟acceptation de l‟idée d‟AMP par
les populations, qui lient très souvent, l‟existence de l‟AMP à ces personnes qui dirigent le
comité de gestion.
En somme, même si les organes de gestion de l‟AMP sont aujourd‟hui mis en place, il reste
néanmoins, que leur composition actuelle ainsi que leur fonctionnement posent un certain
nombre de problèmes :
61
 Les organes, en particulier le comité de gestion, fonctionnent timidement, sans aucune
planification cohérente et respectée de leurs activités dans le temps ;
 Les instances du comité de gestion, notamment l‟assemblée générale ne fonctionne pas
régulièrement au point que plusieurs parties prenantes ne sont plus associées à la
gestion de l‟AMP ;
 Le bureau exécutif ainsi que ses commissions dirigées presque uniquement par des
représentants des OCB de Nguet-Ndar, sans réelle connexion avec leur base, peinent à
se faire entendre et à faire accepter l‟idée de l‟AMP auprès des populations locales.
Cet ensemble de contraintes internes font que les organes de gestion de l‟AMP sont très peu
fonctionnels, au point que l‟efficacité de gestion de l‟AMP en souffre. En effet, faute de
légitimité mais aussi et surtout de moyens, certains de ces organes sont aujourd‟hui incapables
de faire respecter le règlement intérieur de l‟AMP. Aucune surveillance participative n‟est
encore effectuée pour préserver les ressources de l‟AMP.
Par ailleurs, ces contraintes de fonctionnement font que plusieurs parties prenantes sont
aujourd‟hui totalement déconnectées de tout ce qui se fait dans la cadre de l‟AMP. Ce qui
explique le manque de mobilisation des acteurs autour des organes de gestion et de ce fait de
la conservation des ressources de l‟AMP.
62
L’ONG WWF
Ministère chargé de
la pêche
Ministère chargé de
l’Environnement
Direction des Parcs
Nationaux
Service Régional
des Pêches
Maritimes
Comité scientifique
. Institutions de
recherche
. Cabinets d‟étude
. Universitaires
. Personnes ressources
Programme Aires
Marine Protégées
FORMULATION
D’UN PLAN DE
GESTION
DE L’AMP DE StLOUIS
Assemblée Générale
. Organisations
professionnelles
. Représentants d‟élus
locaux
. Service techniques de
l‟État
. ONGs , bailleurs…
Comité de Gestion
. Organisation de base
. Notabilité locales
. Organismes socioprofessionnelles
. Services techniques de l‟État
Figure 4. Cadre institutionnel de gestion participative
Source : rapport diagnostic plan de gestion AMP, 2009
63
1. 3
LA COMMUNICATION ET LA SENSIBILISATION DES ACTEURS
Etape importante du processus de mise en place de l‟AMP, la communication et la
sensibilisation avaient pour objectif de toucher directement la population dans sa diversité,
afin qu‟il y ait adhésion du maximum possible d‟acteurs locaux dans le projet de constitution
de l‟AMP.
C‟est pourquoi, au-delà de la mobilisation des acteurs autour des organes de gestion, des
mécanismes de communication et de sensibilisation ont été développés pour permettre une
bonne appropriation du processus de mise en place par les différentes parties prenantes qui
doivent être informées de toutes les décisions prises dans le cadre de l‟AMP. À leur tour, les
parties prenantes ou leurs représentants doivent transmettre les décisions de gestion à la base
au niveau de leurs mandataires, ce qui permettra à terme de diffuser l‟information le plus
largement possible. C‟est là, tout le sens de l‟important volet communication et sensibilisation
autour de la mise en place de l‟AMP.
C‟est dans ce cadre que se situent l‟organisation courante d‟émissions radios au niveau des
stations de la RTS/SL et de SUD FM/SL principalement, organisées et animées par le comité
de gestion de l‟AMP. Ainsi une tranche horaire d‟une heure par station, leur est accordée pour
communiquer avec le grand public sur l‟AMP et ses activités.
De même, la mise en place de l‟AMP a été l‟occasion pour les gestionnaires du site, avec
l‟appui de leurs partenaires comme le WWF, de descendre à la base auprès des „„MBARS‟‟
(lieu de rencontre des pêcheurs après le travail) situés le long de la zone périphérique de
l‟AMP, pour sensibiliser les acteurs de la pêche. Cette stratégie qu‟ils appellent dans leur
jargon, la „„communication rapprochée‟‟, a permis de toucher et d‟échanger avec un large
public spécifique et des catégories sociales différentes (jeunes, adultes, vieux).
Cependant, même si les efforts consentis en matière d‟information et de sensibilisation des
différents acteurs peuvent être jugés importants, beaucoup de choses restent à faire pour une
meilleure acceptabilité sociale de l‟AMP. En effet, les entretiens menés lors de la phase
terrain dans le quartier de Nguet-Ndar et plus précisément au niveau des trois sous quartiers
que sont LODO, DACK et PONDOKHOLE, nous ont révélés que même si l‟existence de
l‟AMP est largement connue, il n‟en demeure pas moins que cette dernière ne bénéficie pas
de l‟acceptation des usagers des ressources de la zone. Il ressort des entretiens un quasi rejet
de l‟AMP au niveau des deux sous quartiers DACK et PONDOKHOLE, pour des raisons
disent-ils de bouleversement des habitudes de pêche et de pertes de revenus.
64
Au niveau de LODO où le rejet de l‟AMP semble être nuancé, c‟est parce que les populations
n‟accordent plus une importance à la zone qu‟occupe l‟AMP, qui selon eux est fortement
dégradée.
Dans tous les cas, le constat général qui se dégage au niveau des trois sous quartiers, est que
même si l‟existence de l‟AMP est connue à la base, les activités dans le cadre de la gestion de
cette dernière restent méconnues par les populations locales.
De ce fait, les gestionnaires de l‟AMP se doivent de mettre à la disposition du public toutes
les informations concernant leurs activités. Des outils variés sont donc à développer tels que
des séances d‟échanges dans les „„Mbars‟‟ sur les opérations et observations sur l‟AMP, des
expositions, l‟édition de brochures ou l‟ouverture d‟une salle d‟accueil du public. Ces
communications devront être complétées par des interventions lors de manifestations diverses
(journées de l‟environnement, expositions, etc.).
L‟animation et la sensibilisation à l‟environnement marin et côtier sont également des axes de
travail à plusieurs niveaux. D‟une part, il s‟agit d‟intervenir directement auprès du public et
donc de disposer d‟outils adaptés, mais aussi de fournir des outils aux enseignants désireux de
mettre en place des interventions portant sur l‟AMP. La sensibilisation à l‟environnement
marin et côtier auprès des jeunes est un volet primordial pour l‟AMP. L‟objectif est de
travailler directement auprès des enseignants et des jeunes pour leur présenter les activités et
la biodiversité de l‟AMP. Il s‟agit donc de fournir des outils adaptés et d‟intervenir dans le
milieu scolaire, ce qui n‟est pas encore le cas aujourd‟hui.
1. 4
LE PLAN DE GESTION DE L’AMP
La réalisation du plan de gestion de l‟AMP de Saint-Louis, moment fort de planification
participative sur le devenir du site, s‟inscrit dans la dynamique globale et en faveur de la
gestion durable des ressources marines et côtières. Il est entrepris dans le cadre plus large du
Programme Aires Marines Protégées du WWF WAMER, qui vise à doter le Sénégal et la
sous-région ouest-africaine d‟un réseau fonctionnel d‟Aires Marines Protégées permettant
d‟une part de préserver la diversité biologique et culturelle de la zone, et, d‟autre part, de
promouvoir l‟amélioration des moyens d‟existence des populations locales (lutte contre la
pauvreté des communautés de pêcheurs).
65
Le processus de formulation du plan de gestion a été officiellement lancé en 2006 par le
WWF WAMER et les partenaires locaux. Il a conduit à la réalisation de nombreux travaux
pour mieux appréhender la problématique de la gestion intégrée et durable de l‟AMP. Ces
travaux, axés sur la connaissance des dynamiques de l‟environnement biophysique et socioéconomique de l‟AMP, ont permis, d‟une part d‟examiner l‟état des ressources naturelles et
les relations entre les populations et l‟environnement, et, d‟autre part, d‟explorer les
mécanismes de gestion durable et participative de ce milieu.
L‟ensemble du processus de mise en place et d‟élaboration du plan de gestion de l‟AMP de
Saint Louis a duré près de quatre ans. Au cours de cette période, différentes activités pilotes
ont été réalisées. Ces activités, exécutées en collaboration avec les communautés de base, ont
concerné divers domaines notamment, la formation en cogestion, les visites d‟échanges, une
campagne d‟information et de sensibilisation sur
le concept
d‟AMP, ses objectifs, sa
missions et les résultats attendus.
Dans l‟élaboration d‟un plan de gestion intégrée pour une AMP, la difficulté majeure à
surmonter réside dans l‟établissement de partenariats actifs entre tous les acteurs et parties
prenantes impliqués dans le développement et l‟utilisation des ressources marines et côtières.
Dans ce domaine, et fort de l‟expérience acquise dans l‟élaboration de plans d‟aménagement
et de gestion, le WWF/WAMER entendait rassembler toutes les institutions gouvernementales
et organisations professionnelles réunies au sein d‟un groupe de travail.
Parmi les membres de ce groupe de travail constitué pour collecter et analyser les données de
base, synthétiser et discuter les options de gestion, on peut citer :
-
les principaux services de l‟Etat (DPN, DPM, Eaux et Forêts) ;
-
les universitaires/chercheurs (UGB) pour une meilleure connaissance des dynamiques
écologiques et sociétales ;
-
les populations locales, regroupées au sein des associations, organisations
professionnelles et groupement d‟intérêt économique (GIE).
L‟approche prévue pour le processus de formulation du plan de gestion incluait également la
mise en place de cadres de concertation permettant aux acteurs de discuter des contraintes et
des priorités en termes de gestion.
66
Cette approche a ainsi offert l‟opportunité de contribuer à la dynamique actuelle de
décentralisation par la création et/ou la consolidation de cadres de concertation pour la gestion
durable des ressources marines et côtières et le renforcement des capacités des institutions
chargées de la mettre en œuvre. Ces fora ont associé à la fois, le WWF/WAMER, les
organisations professionnelles, les services techniques de l‟Etat et des personnes ressources
ayant une grande expertise dans la planification et la gestion des zones côtières.
C‟est dire donc que tout le processus de planification ayant abouti au plan de gestion s‟est
appuyé sur le principe fort de la cogestion où les différentes parties prenantes sont
représentées dans des instances locales de gestion et défendent leurs intérêts. Cette approche
participative est reconnue aujourd‟hui comme incontournable si l‟on souhaite une
appropriation du plan par les acteurs et leur implication dans sa mise en œuvre avec un
minimum de conflits. En cela, elle permet en outre de compenser la fragilité institutionnelle
de l‟État qui rencontre actuellement des difficultés à définir clairement la tutelle ministérielle
chargée de définir et de conduire la politique de conservation de la biodiversité dans les AMP.
L‟analyse critique du plan de gestion montre que même si le processus de réalisation du plan
semble mobiliser beaucoup d‟acteurs, il n‟en demeure pas pour autant que la prise en charge
de la dimension du développement local autour de la périphérie de l‟AMP reste moins
évidente. En effet, l‟essentiel des actions prévues dans le plan est axé sur la conservation dans
l‟AMP. Les véritables actions de développement local, de mobilisation et d‟exploitation
durable des ressources sont très peu évoquées dans le plan de gestion.
Néanmoins, nous pensons que l‟actuel plan de gestion de l‟AMP s‟inscrit dans la logique de
constitution d‟une AMP, d‟où la priorité accordée aux actions de conservation qui plus tard
céderont progressivement la place aux actions de développement. Dans cette perspective, il
faudra veillez à la bonne articulation entre le plan de gestion de l‟AMP et les différents plans
locaux de développement autour de l‟AMP et pourquoi pas même des plans locaux de
développement qui prennent en charge le devenir de cette AMP ?
67
CHAPITRE II : DES ACTEURS LOCAUX OUBLIES DANS LA GESTION DE
L’AMP
L‟analyse du processus de mise en place de l‟AMP dans le chapitre qui précède, a permis de
mettre en exergue le déficit de mobilisation des acteurs locaux dans toutes les étapes déjà
franchies. Ce déficit de mobilisation des acteurs au niveau local peut empêcher à l‟AMP
d‟être un outil de promotion du développement local dans sa périphérie. En effet, dans toutes
les étapes franchies, le constat est le même, l‟implication des acteurs locaux les plus
pertinents a fait défaut tout le long du processus. C‟est dans cette optique qu‟il est intéressant
de s‟interroger sur les véritables acteurs locaux, oubliés ou laissés en rade et dont leur
implication dans la gestion de l‟AMP s‟avère pertinente.
Cette option part des constats suivants :
 Le comité de gestion censé regrouper tous les acteurs autour de l‟idéale AMP, ne joue
pas pleinement son rôle. Ce qui nous fait dire que la véritable contrainte à
l‟implication et à la mobilisation des acteurs locaux au profit de l‟AMP est le mauvais
fonctionnement de son Comité de gestion. En effet, les personnes ressources locales et
certains services techniques membres à part entière du C.G, sont rarement associés
aux réunions, encore moins à la prise de décision concernant la gestion de l‟AMP.
 L‟implication des collectivités locales, n‟est qu‟à titre consultatif et sous forme de
représentation lors de grandes rencontres, mais ne concerne pas leur participation
effective à la prise de décision et ou à l‟apport de moyens matériels et financiers pour
une meilleure gestion de l‟AMP.
 Les partenaires financiers et techniques externes, ne parviennent pas à trouver un cadre
unificateur et d‟harmonisation de leurs interventions.
 L‟adhésion populaire à la quelle devrait aspirer l‟AMP tarde à se matérialiser, même si
de plus en plus on note l‟implication de certaines personnalités locales comme les
leaders des principales organisations communautaires dans la gestion de l‟AMP. Tout
compte fait la masse reste encore peu convaincue de l‟utilité et des avantages que
pourrait procurer l‟AMP. Dès lors, nous pensons que les communautés de base qui
sont les principaux usagers de l‟AMP et de ces ressources, doivent être informées
régulièrement de tout ce qui concerne le processus de gestion.
68
Elles doivent être préparées à assumer pleinement la mise en œuvre de l‟AMP et
comprendre les véritables défis et enjeux économiques attachés à la conservation de la
biodiversité marine et côtière.
Ainsi, de ces constats, nous pensons qu‟il n‟y a pas de développement local dans le cadre de
l‟AMP de Saint-Louis, si ce dernier s‟entent d‟abord par mobilisation des acteurs locaux.
En effet, E. Dansero (2005), dans son article : le développement local entre le Nord et le Sud
du monde, pense qu‟ « au-delà des différentes interprétations, quand on parle de
développement local, on se réfère généralement à un ensemble d’acteurs locaux (publics,
privés et leurs différents partenaires) qui partagent implicitement ou explicitement certaines
visions de développement, et la valorisation des ressources présentes sur le territoire
(matérielles ou non) ».
Idée renforcée par les chercheurs de GIRARDEL, qui entendent par développement local «
une mobilisation endogène d’acteurs locaux en vue de la réalisation d’un projet inscrit dans
un territoire, permettant d’y vivre mieux ».
Si nous considérons que le projet inscrit dans le terroir et devant permettre de vivre mieux, est
l‟AMP, nous sommes en mesure d‟affirmer que le processus de mise en place de l‟AMP n‟a
pas permis de mobiliser tous les acteurs locaux. En effet, le diagnostic des acteurs fait
ressortir une absence quasi-totale de certains acteurs locaux dont leur implication dans la
gestion des ressources halieutiques locales demeure plus que nécessaire dans une perspective
de développement local.
Dans ce chapitre, il est ainsi question d‟identifier tous ces acteurs locaux qui sont peu ou pas
mobilisés dans le cadre de la gestion de l‟AMP et dont leur implication est jugée pertinente.
2.1
LES ACTEURS LOCAUX ISSUS DE LA DECENTRALISATION
 LE CONSEIL RURAL DE NDIEBENE GANDIOLE
Le conseil rural est la principale structure de pilotage du développement local dans la
communauté rurale de Ndiébène Gandiole.
69
Le présent conseil rural a été mis en place à l‟issue des élections locales de mars 2008. Il
compte 36 conseillers élus dont le Président du conseil rural (PCR) assisté de deux viceprésidents qui constituent l‟organe exécutif. La répartition géographique des conseillers à
travers le terroir communautaires montre une certaine disparité quant à leur village d‟origine.
Le village de Ndiébène Gandiole, chef lieu de la communauté rurale, compte à lui seul 13
conseillers, soit 36% du nombre total de conseillers. Cependant, toutes les zones de la CR (six
au total d‟après le POAS de la C.R) ont au moins un représentant dans le conseil rural.
Le PCR est l‟organe exécutif du conseil rural et est assisté par une assistante communautaire
(ASCOM). Cependant pour impliquer tous les conseillers dans la gestion des affaires locale,
le conseil rural de Ndiébène Gandiole a mis en place en son sein une vingtaine de
commissions techniques dont celles charges de l‟Environnement et de l‟Aménagement
territoriale.
Ces dernières dirigées par un président choisi par ses pairs élus, identifient chacune en ce qui
le concerne, les problèmes dans son secteur et proposes des axes stratégiques de
développement au conseil rural. Il constitue de ce fait, d‟excellents cadres de gouvernance et
de promotion du développement local.
Il convient de noter que le conseil rural bénéficie de l‟appui-conseil des services déconcentrés
de l‟Etat à savoir la sous-préfecture et le CADL.
Pour ce qui des rapports entre le conseil rural et l‟AMP, le constat est qu‟il n‟y a pas encore
de contacts formels, encore moins une quelconque implication du conseil rural dans la gestion
de l‟AMP.
Aussi, du fait que la CR est une nouvelle création (réforme administrative et territoriale de
2008), celle-ci ne dispose pas encore de toutes les informations relatives à l‟AMP. Les
structures les plus dynamiques dans la CR sont l‟ARD, les services des domaines et de
l‟urbanisme et le CADL de RAO. Au titre des autres partenaires techniques et financiers, le
conseil rural travaille en collaboration avec Plan International, Sicoval, le PGIES, le projet
biodiversité et la SAED.
Pourtant, la loi 96-07 du 22 mars 1996 relative au transfert de compétences aux collectivités
locales, donne des prérogatives réelles à la communauté rurale en matière de gestion des
ressources naturelles locales.
70
 LE CONSEIL MUNICIPAL DE SAINT-LOUIS
Saint-Louis possède une ancienne tradition communale. L‟actuel conseil municipal, compte
70 membres élus lors des dernières élections municipales, rurales et régionales de mars 2008.
Ce conseil est dirigé par un Maire choisi parmi les élus. Le Maire et ses adjoints forment
l‟organe exécutif du conseil municipal.
La loi 96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux régions, communes,
communautés rurales précise les principes fondamentaux et les modalités générales de
transfert de compétence. Cette loi transfère aux communes neuf domaines de compétence
parmi lesquels on peut citer :
-
Environnement et gestion des ressources naturelles
-
Domaines
-
Planification
-
Aménagement du territoire
-
Urbanisme et habitat.
-
Santé, population et action sociale
-
Jeunesse, sports et loisirs
-
Culture
-
Education
Au niveau du conseil municipal de Saint-Louis, tous ces domaines transférés sont gérés par
des commissions mises en place par les élus eux-mêmes. Cependant vu la spécificité de la
pêche à St-Louis, il existe au sein du conseil municipal, une commission chargée
spécifiquement de la pêche.
Ceci traduit les principales orientations du conseil municipal dans le cadre de ces domaines
transférés, qui part du principe de base selon lequel, l‟épanouissement des secteurs
économique, culturel et touristique de la ville dépendra d‟une part des résultats de la politique
de conservation des ressources naturelles halieutiques.
C‟est pourquoi, dès la création de l‟AMP, le conseil municipal à travers ses représentants, n‟a
cessé de s‟impliquer dans les activités de conservation et de gestion de l‟AMP. Cependant,
force est de reconnaître qu‟avec le peu de dynamisme qui caractérise les organes de gestion de
l‟AMP, la participation du conseil municipal aux activités de l‟AMP reste ponctuelle.
71
Les quelques rares fois qu‟il est impliqué dans les activités de l‟AMP sont sous forme de
représentation lors des cérémonies de lancement de l‟AMP et d‟ateliers de validation du plan
de gestion.
Pourtant, la longue expérience et le partenariat fécond dont bénéficie le conseil municipal de
Saint-Louis en matière d‟environnement et de gestion des ressources naturelles, pourraient
beaucoup contribuer à la mise en place réussie d‟une AMP.
En effet, au-delà de son caractère d‟instance politique, le conseil municipal de Saint-Louis
possède aujourd‟hui un bras technique très fonctionnel qu‟est l‟Agence de Développement
Communal (ADC), qui pourrait appuyer techniquement les organes de gestion de l‟AMP,
dans le cadre de la conservation des ressources halieutiques.
L‟ADC mise en place en 2002 par le Conseil municipal de Saint-Louis, elle est chargée de :
 mener les réflexions et études susceptibles de promouvoir le développement économique et
social, l’aménagement et l’environnement de la Commune de Saint-Louis ;
 assurer l’appui et le conseil auprès de la Commune dans la conception de programmes
municipaux, de plans d’action et de projets selon une démarche concertée de l’approche
participative ;
 assurer le suivi et le contrôle de la mise en œuvre des projets de développement
communaux pour le compte de la Commune. (Livre blanc du PDU de St-Louis).
Elle contribue ainsi à la définition des politiques et projets urbains et aux démarches de
planification urbaine.
Son approche est double avec une entrée quartier à travers le programme de renforcement et
d‟appui au développement des quartiers et une entrée ville avec les autres programmes macrourbains axés sur la planification urbaine, la gestion des déchets solides, la promotion du
développement économique local.
Le bilan institutionnel fait apparaître qu‟avec cet outil de gestion urbaine qu‟est l‟ADC, la
Commune de Saint-Louis s‟est approprié les dispositions du CCL qui font prévaloir la pleine
responsabilisation des CL dans la gestion des affaires locales.
72
Le dispositif de l‟ADC et ses ramifications à l‟échelle des quartiers, ont permis à la Commune
d‟améliorer considérablement ses capacités de management et de gestion urbaine ; elle a aussi
favorisé le dialogue entre elle et les acteurs sociaux par la création de conseils de quartier qui
sont devenus de véritables instruments de promotion de la citoyenneté et de la démocratie
locale. Pour exemple, nous faisons cas ici de l‟exemple du CQ de Nguet-Ndar qui peut être un
acteur pertinent dans le cadre de la gestion de l‟AMP.
 Le Conseil de Quartier de Nguet-Ndar
C‟est une structure que l‟on retrouve à Nguet-Ndar comme presque partout dans les quartiers
de Saint-Louis.
Le conseil de quartier de Nguet-Ndar est un cadre de concertation et d‟action, mis en place
sous l‟impulsion de la mairie de Saint-Louis qui dans sa volonté d‟impliquer davantage la
base (les quartiers) dans les actions de développement, a jugé nécessaire de mettre en place
ces cadres. Ce conseil réunit en son sein, toutes les personnalités résidant dans le quartier dont
le chef de quartier, l‟imam, les élus locaux résident, les représentants des jeunes, des femmes
et des groupes socioprofessionnels du quartier.
L‟une des forces du conseil de quartier est sa proximité avec la base et est composé de
personnalités reconnues et respectées par les habitants du quartier.
En somme, le Conseil Municipal de Saint-Louis ainsi que le Conseil Rural de Ndiébène
Gandiole, sont des acteurs de choix qui restent très peu impliqués dans la gestion de l‟AMP,
alors qu‟ils pourraient être de véritables piliers pour porter l‟AMP à la base.
2.2
AUTRES ACTEURS PEU IMPLIQUES DANS LA GESTION DE L’AMP
 Le Syndicat d’Initiative de Saint-Louis
Structure privée à caractère administratif, le Syndicat d‟Initiative de Saint-Louis regroupe
l‟ensemble des acteurs régionaux évoluant dans le secteur du tourisme.
73
Il a pour vocation principale l‟accueil et l‟information des touristes, ainsi que la promotion et
le développement de l‟activité touristique dans la région de Saint-Louis. De ce fait, il s‟est
doté d‟un bureau d‟information qui accueille jusqu‟à 12 000 visiteurs par an pour les
renseigner, de manière générale, sur les produits et sites touristiques, les établissements
hôteliers, les excursions, les visites guidées, les restaurants, les loisirs sportifs et culturels, les
événements, les fêtes, etc.
Mais, au-delà de sa mission d‟information, le Syndicat d‟Initiative, avec l‟appui de ses
partenaires, initie plusieurs actions de valorisation du patrimoine et de promotion d‟un
tourisme responsable dans la région de Saint-Louis. C‟est en cela qu‟il peut être utile à l‟AMP
qui doit être intégrée comme site touristique.
Dans cette perspective, l‟AMP de St-Louis avec son étendue de 49 600 ha et ses potentialités
halieutiques, pourrait être une destination de choix, presque unique en son genre, pour les
touristes amateurs de la pêche sportive et des plongées sous marines.
Pour le moment, le constat est que le Syndicat d‟Initiative est peu impliqué dans la mise en
place de l‟AMP, alors qu‟il doit être un acteur de base pour le développement du potentiel
éco-touristique de l‟AMP.
 L’ARD
Structure regroupant la Région, les Communes et les Communautés rurales, l'ARD a pour
mission d'apporter aux Collectivités locales de la région, une assistance gratuite, dans tous les
domaines d'activités liés au développement, en vue : (i) de rendre moins onéreuse,
l'établissement de leurs plans et d'harmoniser et de renforcer leur cohérence avec le plan
national de développement économique et social ; (ii) de favoriser la constitution et la
conservation des banques de données nécessaires à toute planification ; et (iii) d'assurer la
coordination et les études, en matière d'urbanisme et d'habitat, de planification,
d'aménagement du territoire et d'environnement.
En définitive, nous pensons que ces structures et organisations à caractère public ou privé, du
faite de leur expertise avérée au niveau local, méritent d‟être impliquées davantage dans la
gestion de l‟AMP.
74
TROISIEME PARTIE :
LA
PROMOTION
ECONOMIQUES
TRAVERS
DES
DES
L‟AIRE
ACTIVITES
ACTEURS
MARINE
SOCIO-
LOCAUX
PROTEGEE
A
DE
SAINT-LOUIS
75
CHAPITRE
I:
LE
CADRE
JURIDIQUE
DE
L’AMP
PERMET-IL
DE
PROMOUVOIR LES ACTIVITES SOCIO-ECONOMIQUES LOCALES ?
L‟étude du cadre juridique de référence de l‟AMP a pour objectif de comprendre les
dispositions juridiques et ou réglementaires qui autorisent l‟exercice de certaines activités
socio-économiques, qui non seulement ne compromettent pas la conservation des ressources,
bien au contraire, participent à leur valorisation au profit des acteurs locaux.
1.1
LE CADRE LEGAL GLOBAL DE L’AMP
La gestion des ressources biologiques est régie au niveau international par des traités ou
accords multilatéraux. Selon Beaucillon (2005), deux traités conclus sous l‟égide de l‟ONU
doivent être pris en considération pour cerner le cadre juridique qui gouverne les aires
marines protégées. Le premier, relatif au secteur marin, est considéré comme le fondement
ultime de la protection du milieu. Le second, lié à la protection de la biodiversité traduit le
consensus international en la matière.
a)- La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer
Le régime de liberté (de navigation et de pêche) qui s‟appliquait dans le domaine maritime
prend fin avec l‟adoption par les Nations Unies le 10 décembre 1982 à Montego Bay en
Jamaïque de la Convention sur le droit de la mer. Ratifiée par le Sénégal en 1984, elle entre
en vigueur en 1994. Elle procède à la définition des zones marines où l‟Etat côtier exerce sa
souveraineté et des espaces maritimes internationaux.
Cette classification a pour intérêt de circonscrire les zones où l‟Etat à l‟obligation et la
compétence d‟agir au bénéfice de la préservation des écosystèmes (Beaucillon, 2005). Cette
convention attribue ainsi aux Etats côtiers des droits souverains aux fins d‟exploitation,
d‟exploration, de conservation et d‟aménagement sur des ressources biologiques se trouvant à
l‟intérieur de leur Zone Economique Exclusive (ZEE). Cette ZEE s‟étend généralement sur
200 miles, soit 370 km au-delà des lignes de base. La Convention sur le droit de la mer
stipule dans son article 56 que « les Etats ont un droit de pêche exclusif et sont propriétaires
des ressources vivantes et minières dans la bande marine de 200 miles adjacente à leurs
côtes » mais précise dans l‟article 61 que « cette zone ne doit pas faire l’objet d’une
surexploitation ».
76
L‟Etat côtier peut y réglementer l‟activité de pêche ainsi que toute autre activité économique,
contraignant les pays de pêche lointaine à négocier avec les pays côtiers l‟accès à leur
ressource halieutiques.
La haute mer ou espace maritime international est la zone qui commence par la limite
extérieure de la ZEE. C‟est le principe de la liberté des mers qui y prévaut : liberté de pêche,
de navigation, de survol etc.5 L‟article 116, relatif au droit de la mer oblige les Etats pêchant
en haute mer à ne pas nuire aux intérêts des Etats côtiers et l‟article 119 prohibe la
surexploitation des ressources de la mer.
Prenant à leur compte cette convention, les Etats ont lancé des investissements massifs dans
des industries de pêche et de transformation des produits halieutiques pour répondre à la
demande croissante de poisson et de produits de la pêche. Ce qui a eu comme principale
conséquence dans les années 80, une surexploitation des ressources halieutiques. Dés lors,
apparaît de nouvelles approches de gestion du milieu marin prenant en considération la
conservation des ressources.
b)- La Convention sur la Diversité Biologique (CDB)
Adoptée à Rio en 1992, elle a été ratifiée par le Sénégal en 1994. La plupart des dispositions
de la CDB obligent les Etats signataires à coopérer pour la conservation et l‟utilisation
durable de la diversité biologique. Elle s‟applique donc à la biodiversité de l‟espace marin et
côtier. En son article 2, elle procède à la définition de la zone protégée considérée comme
étant « toute zone géographiquement délimitée et qui est désignée ou réglementée, et gérée en
vue d’atteindre des objectifs spécifiques de conservation ». Chaque Partie contractante doit
selon l‟article 8, établir un système de zones protégées qui soient gérées suivant des méthodes
modernes (plans, Stratégies, Politiques intégrées à celle des autres secteurs - art. 6)
(Beaucillon, 2005). Ces prescriptions renforcent les dispositions relatives au respect de la
biodiversité ainsi que les obligations édictées par la Convention sur le Droit de la Mer. En
effet, l‟article 22 évoque la primauté de cette dernière sur la CDB en cas de conflit. Ainsi, au
regard de la CDB, les AMP jouent un double rôle (Beaucillon, 2007). Elles doivent tout
d‟abord contribuer à la conservation stricte du patrimoine écologique (article 8).
5
SENAGROSOL-CONSULT (2007). « Elaboration d‟un plan d‟aménagement et de gestion de l‟AMP de Cayar : Rapport
bilan diagnostic »
77
Elles interviennent ensuite comme recommandée par l‟article 10, dans le processus de gestion
durable des ressources naturelles de l‟Etat côtier.
1.2
CADRE
LEGAL
NATIONAL :
LES
INSTRUMENTS
JURIDIQUES
APPLICABLES
Créée par décret 2004-1408 du 04 novembre 2004, l‟AMP de Saint-Louis s‟intègre dans un
environnement régit par des régimes juridiques nationaux, qu‟il convient de souligner. Il
s‟agit principalement du régime juridique du Domaine Public Maritime et du régime juridique
de la pêche maritime
a)- Le régime juridique du Domaine Public Maritime
La loi 76-66 du 02 Juillet 1976 portant Code du domaine de l‟État définit le statut juridique de
la zone géographique érigée en AMP en l‟inscrivant comme composante du domaine public
naturel dont fait partie la mer territoriale (art 5a), soit 12 miles à partir des lignes de base :
c‟est le domaine maritime, imprescriptible et inaliénable de par sa nature. Le code du domaine
de l‟État dispose dans son article 20 alinéa 1 que « Nul ne peut sans autorisation délivrée par
l’autorité compétente, occuper ou exploiter une dépendance du domaine public ou l’utiliser
dans les limites excédant le droit d’usage qui appartient à tous sur les parties de ce domaine
affecté au public ».
b)- Le régime juridique de la pêche maritime
Intégralement située dans l‟espace maritime, l‟AMP de Saint-Louis est aussi un lieu qui abrite
des pêcheries traditionnelles. Alors que l‟instrument principal en matière de réglementation de
la pêche maritime est le code de la pêche maritime. Le code dispose qu‟il s‟applique à toutes
les activités de pêche qui s‟exercent dans les eaux maritimes sous juridiction sénégalaise. Le
décret 98-498 fixant les modalités de la loi portant Code de la pêche maritime, complète et
précise ce dispositif juridique, notamment son chapitre 4 intitulé « Mesures de conservation »
qui détaille les engins de pêche autorisés et le maillage des filets, la taille et le poids minima
des espèces capturables et les zones réservées exclusivement à la pêche artisanale. Ces règles
visent la préservation de la biodiversité marine, de l‟équilibre des stocks et la gestion durable
des ressources halieutiques. L‟article 30 du décret interdit l‟usage et la détention « à bord des
embarcations de pêche des filets maillants fabriqués à partir d’éléments monofilaments ou
multimonofilaments en nylon ».
78
Dès lors, certaines difficultés majeures qui découleraient de la superposition de deux systèmes
(traditionnel et moderne), peuvent se poser avec acuité dans l‟application de la réglementation
sur la zone de l‟AMP. C‟est ce qui justifie sans doute l‟existence d‟un règlement intérieur
pour l‟AMP, qui est inspiré d‟une part, par les deux régimes juridiques évoqués ci-dessus et
d‟autre part, par le système traditionnel de gestion des pêcheries de la zone.
En somme, le cadre de juridique de référence consacre l‟AMP de Saint-Louis à la fois comme
site de conservation des ressources halieutiques mais aussi de promotion des activités socioéconomiques par l‟autorisation à l‟exercice de certaines types de pêche mais aussi du tourisme
balnéaire, dans le cadre d‟une réglementation. En d‟autres termes, aucune disposition du cadre
juridique de l‟AMP ne s‟oppose à ce que les ressources conservées soit aussi exploitées
durablement au profit des acteurs locaux. Dès lors, nous nous posons la question du pourquoi
l‟AMP tarde à favoriser les activités socio-économiques des communautés locales ?
79
CHAPITRE II : EFFETS DE LA MISE EN PLACE DE L’AMP SUR LES ACTIVITES
SOCIO-ECONOMIQUES
2.1
LA PÊCHE DANS LA PERIPHERIE DE L’AMP
2.1.1 ANALYSE DE L’EVOLUTION DE L’ACTIVITE DE PECHE AUTOUR DE L’AMP
La pêche dans la périphérie de l‟AMP de Saint-Louis est pratiquée principalement par les
populations „„Nguet-Ndariennes‟‟. Le groupe socioprofessionnel concerné au sein de cette
population par cette activité, est constitué principalement des jeunes de moins de 45 ans.
Le tableau 8 suivant nous donne une idée sur le nombre de pêcheurs évoluant à Saint-Louis
durant les sept (7) dernière années.
Tableau 8 : Effectifs des pêcheurs et des pirogues en activité autour de l‟AMP
Année
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
(1)
(2)
(3)
(4)
(5)
(6)
(7)
157
173
233
378
346
334
433
1845
1835
2407
3409
2674
2556
3325
Nombre de
pirogues
Nombre de
pêcheurs
Source : Service Régional des Pêches de Saint-Louis, juillet 2010
Dans la partie rurale de la périphérie de l‟AMP, c'est-à-dire dans la zone du gandiolais, on
dénombre aussi selon le centre des statistiques de Saint Louis, 150 pirogues motorisées pour
450 pêcheurs.
Dans la zone de l‟AMP de Saint-Louis, comme partout ailleurs sur la côte sénégalaise, la
pêche bénéficie de conditions naturelles favorables et l‟existence de communautés ayant une
longue tradition de pêche, les Nguet Ndariens. Ces communautés ont, depuis longtemps,
pratiqué tout le long de la côte, une pêche artisanale qui s‟est modernisée avec la motorisation
des pirogues et l‟utilisation des sennes tournantes.
On distingue deux types de pêche à Saint-Louis : la pêche pélagique côtière et la pêche
démersale. Ces types de pêche sont pratiqués à l‟aide d‟une pirogue.
80
Cette pêche piroguière, la plus populaire et la plus répandue est pratiquée par des pêcheurs
utilisant des engins qui déterminent à leur tour la taille de l‟embarcation. La pêche à pied se
pratique également le long de l‟AMP utilisant l‟épervier.
Cependant, la motorisation des pirogues est l‟élément clé du développement de la pêche
artisanale en ce sens qu‟elle a permis une augmentation de la taille des embarcations, une
extension des zones de pêche, une plus grande autonomie en mer et une amélioration des
engins de pêche.
Ces progrès dans le secteur de la pêche à Saint-Louis ont eu comme conséquence une
amélioration des débarquements ainsi que les revenus tirés par les populations pêcheurs. C‟est
pourquoi, pour évaluer l‟apport de l‟AMP sur une activité socio-économique telle que la
pêche dans sa périphérie, ces deux principaux paramètres, à savoir les débarquements et la
valeur commerciale, ont été mis en avant.
Ceci pour comprendre réellement les effets de la conservation des ressources dans l‟AMP sur
la disponibilité de la principale ressource exploitée par les populations qu‟est le poisson et sur
les revenus tirés de cette exploitation.
La figure 5 montre l‟évolution de la situation des mises à terre et leur répartition entre 2003 et
2009 (seules statistiques disponibles au service des pêches de Saint-Louis). Cependant, ces
données demeurent tout de même intéressantes, dans la mesure où elle couvre la période
d‟avant la création de l‟AMP et jusqu‟en cinq ans après, c'est-à-dire en 2009.
Figure 5 : Evolution des débarquements en poissons entre 2003 et 2009
81
D‟après la figure 5 (ci-dessus), l‟évolution des mises à terre depuis 2003, n‟a cessé de croitre
avec des piques enregistrés en 2004 et en 2008 où respectivement les barres de 50 000 tonnes
et de 60 000 tonnes ont été franchies. Mieux, les quantités mises à terre entre 2003 et 2009,
constituent des records qui n‟ont jamais été atteintes depuis au moins 1992. En effet, dans le
PDU de Saint-Louis, il est démontré que les mises à terres, évaluées à prés de 30 000 tonnes
en 1992, se situaient à seulement 39 000 tonnes entre 1995 et 1997 (Plan Directeur
d‟Urbanisme de Saint-Louis, Service Régional des Pêches, 1998).
Cette situation de hausse de la quantité de poisson mise à terre, coïncidant avec la création de
l‟AMP intervenue en novembre 2004, pourrait laisser croire à un effet immédiatement positif
de celle-ci sur la disponibilité en poisson à Saint-Louis. Aucun argument objectif ne peut
permettre de tirer cette conclusion.
Tout d‟abord, la création de l‟AMP en 2004 n‟a été que sur le papier, c'est-à-dire par décret et
n‟est accompagnée, ni suivie jusqu‟à maintenant, d‟aucune action significative sur le terrain
qui peut expliquer ou encore moins justifier l‟abondance du poisson pour les pêcheurs de
Saint-Louis.
Ensuite, la zone de l‟AMP est aujourd‟hui tellement dégradée et dépourvue de ressources, au
point que les pêcheurs St-Louisiens ne s‟orientent plus vers ce site pour leur activité de pêche.
La plupart des prises se fait en dehors de la zone de l‟AMP, pour cause de rareté du poisson
dans le site.
En fin, signalons qu‟au-delà de l‟inexistence de matérialisation des limites de l‟AMP, aucun
contrôle sur l‟usage des ressources dans le site n‟est encore effectué. En d‟autres termes,
aucune action allant dans le sens de la préservation et ou de restauration des ressources dans
l‟AMP, n‟est encore entreprise pour pouvoir justifier un tel état de fait.
D‟ailleurs, deux raisons principales indépendantes de l‟AMP sont souvent avancées par les
acteurs de la pêche pour justifier cet accroissement des quantités mises à terre depuis 2003. Il
s‟agit selon eux d‟une part, de l‟augmentation de l‟effort de pêche et d‟autre part de
l‟amélioration des conditions de débarquement par la création in extrémis du canal de
délestage communément appelé, la „„brèche‟‟ de Saint-Louis. En effet, selon des données
recueillies auprès du SRP/SL, l‟effort de pêche à Saint-Louis s‟est accru entre 2003 et 2009.
Puisque de 2003 à 2009, le nombre de pirogues en activité est passé de 157 à 433 (voir en
annexes) soit plus que le double de ce qui existait en 2003. De même, le nombre de pêcheurs
est passé entre 2003 et 2009 de 1845 à 3325, soit 80 % d‟augmentation.
82
Sur le plan des conditions de débarquement, il est intervenu en octobre 2003, la création de la
brèche de Saint-Louis, suite aux menaces d‟inondation de l‟ile et des quartiers de Saint-Louis.
Lorsque l‟embouchure était à une trentaine de kilomètres au sud de Saint-Louis, les sorties en
mer de même que les débarquements s‟effectuaient du côté de l‟océan au niveau du secteur
proximal, malgré tous les dangers liés à l‟existence de la barre et à la force des houles. Les
mises à terre du côté de la plage nécessitaient à la fois du temps et beaucoup de main d‟œuvre
surtout pour les pirogues de senne tournante. En plus elles se faisaient dans des conditions
périlleuses. Il fallait à l‟arrivée des pirogues porteuses, qui ne pouvaient souvent accoster sur
la plage à cause de la traversée difficile de la barre, faire des va-et-vient avec de petites
pirogues entre la grande pirogue restée au large et la plage. Pour éviter cette situation, certains
débarquaient côté fluvial en faisant un détour de plus de 40 km pour passer par l‟embouchure.
Avec la nouvelle embouchure, les embarquements et débarquements se font désormais côté
fleuve, ce qui constitue un gain substantiel de temps et de carburant pour les pêcheurs. Cette
nouvelle possibilité a semble-t-il dopé la pêche maritime à Saint-Louis comme le montre
l‟évolution des volumes de débarquement qui sont passés de 35 638 T en 2003 à 53 787 T en
2004 d‟après les statistiques du Service Régional des Pêches.
En revanche, si l‟augmentation de l‟effort de pêche et l‟amélioration „„accidentelle‟‟ des
conditions de débarquement ont permis à l‟activité de pêche de faire un grand bon en avant, il
serait intéressant de s‟interroger sur le devenir à long terme des ressources dans l‟AMP du fait
de l‟augmentation de la pression sur la ressource avec une surexploitation des stocks déjà très
menacés.
2.1.2
L’AMP, UN ESPACE DE CONVOITISE ET DE CONFLITS ENTRE LES
DIFFERENTS TYPES DE PECHE
Sur l‟ensemble de la côte nord, de la Mauritanie à la fosse de Cayar, les fonds sont disposés
en une droite horizontale avec l‟alternance de roche et de vase. Aussi, le pêcheur perçoit l‟aire
de pêche au niveau de Saint-Louis comme un point où la séparation entre fonds rocheux et
sablo-vaseux n‟est pas nettement tranchée.
Ainsi, les fonds de pêche de nature rocheuse sont appelés « xer » et les sablo-vaseux mélangés
de coquillage « joxoor ».
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Le listing des lieux de pêche à Saint-Louis a abouti à leur distribution par zone. Une vingtaine
de pêcheries a été citée par les pêcheurs et ventilée dans trois zones : kell, tank et Gopp,
respectivement la partie faisant face à Guet-Ndar, celle se trouvant au sud (partie qui englobe
l‟AMP) et au nord (vers la Mauritanie). Kell et Gopp représentent les principaux lieux de
pêche car abritant les trois pêcheries les plus fréquentées, à savoir : Diattara, Praia (partagé
avec la Mauritanie) et Xerwu reywi qui se prolonge jusque dans l‟AMP.
Tableau 9. Les principaux lieux de pêche connus à Saint Louis
ZONE DE PECHE
Xer wu rey wi,
Boutourail, xer
Assane, Boss yi,
Guentbi
Xer wu reywi,
Dem ndum, Xeru
mam Mori, Praya
gop et tank,
Diattara Hopital
Gouy Maréme ,
Fatou Ndiaye,
Coletbi, Hopital,
Sidi, Madabo,
Ndiago, Lakhrat
PROFONDEUR
10 à 20 m
20 à 50 m
15 à 20 m
ESPECES
PRINCIPALES
PRINCIPAUX
ENGINS
SAISONNALITE
LOCALISATION
Dans l‟AMP
Tonone, Thiof,
Langouste,
sompatt,
Badéche, sole
siketmbaw,
ndiané, sipax.
Filets
dormants,
Thiof, Kocc,
Tonone,
Sompatt,
Daurade, Sole,
Langouste, feutt
Ligne,
Filets
dérivants,
palangre
Toute saison
Entre la
brèche et
Guet-Ndar
Mérou, Othelite,
Doye, kocc,
Tassergal, Liche
amie,
Ethmalose,
Dentex, Requin
Ligne,
palangre
Toute saison
De Guet-Ndar
à Boyo
(Mauritanie)
Toute saison
Lignes,
Palangres,
Chaque zone renferme des lieux précis de pêche qui sont des lieux de refuge, de frai et de
croissance d‟alevins principalement d‟espèces démersales et benthiques.
Même si certains pêcheurs pensent qu‟il y a une répartition uniforme des espèces dans les
différents lieux de pêche, une bonne partie d‟entre eux affirme qu‟il y a des espèces
dominantes dans chaque lieu de pêche.
Ainsi comme nous le constatons, l‟AMP englobe en son sein, la presque totalité des lieux de
pêche situés au sud de Nguet-Ndar, qui sont hautement importants pour les pêcheurs de SaintLouis. Ce qui laisse apparaître une possibilité de soustraction de ces lieux de pêche, aux
pratiques courantes des populations pêcheurs, d‟où un manque à gagner, à court terme, de
revenus tirés de la pêche.
84
Alors qu‟aucune stratégie alternative n‟est encore mise en place, dans le cadre de la mise en
place de l‟AMP, pour compenser cette perte de revenus des pêcheurs.
Sur un autre plan, le règlement intérieur de l‟AMP qui est sensé organiser la pratique de la
pêche dans la zone de l‟AMP, n‟a encore connu aucune application. Ce qui fait persister non
seulement, une exploitation non rationnelle des ressources, mais aussi et surtout un état de
conflit entre pêcheurs. En effet, il est ressorti au cours des entretiens, qu‟il existe une
opposition manifeste entre les pêcheurs poseurs de filets et ceux qui font la ligne. Il en est de
même, entre les pêcheurs à la senne tournante et les autres catégories de pêcheurs surtout les
lignes.
En fait, la recherche active d‟espèces identiques ou ayant la même niche écologique (le cas
des filets dérivants de surface et des sennes tournantes) dans la même aire de pêche, c'est-àdire au tour de Xer wu reywi (zone centrale de l‟AMP) et ses environs, est une source
permanente de conflits entre pêcheurs artisans de Guet-Ndar, d‟autant plus qu‟ici, les
pêcheurs n‟ont qu‟une seule activité qui est la pêche.
Situation exacerbée par le fait que selon Sarr (1985) « les ressources halieutiques
appartiennent à la catégorie des ressources communes, aussi les prélèvements opérés par un
pêcheur réduit de façon immédiate la disponibilité de la ressource et donc les captures des
autres pêcheurs, pour un effort donné de ces derniers».
Toutefois les pêcheurs relativisent ces différends qui selon eux, dégénèrent rarement en
conflits armés, pas plus qu‟ils ne se règlent en justice. La solution se fait toujours à l‟amiable
généralement au niveau des « mbaars » grâce à des comités de conflits. Chaque « mbaar »
dispose d‟un comité de conflits constitué de sages (pêcheurs à la retraite, les plus influents)
qui interviennent en cas de conflits.
Par contre, l‟antagonisme entre chalutiers et pêcheurs piroguiers constitue la première et la
principale source de conflits entre utilisateurs de la mer. L‟extension du champ d‟action de la
pirogue motorisée a entraîné une période nouvelle de concurrence et de conflits malgré la
délimitation juridique des zones respectives de compétence entre la pirogue et le chalutier.
Aujourd‟hui, malgré le système des filets dormants (moins touchés), la pêche piroguière subit
la violence de l‟expropriation par la destruction de ses engins de capture par la piraterie
industrielle. Les dégâts causés par les bateaux pirates ne constituent pas seulement un manque
à gagner pour les pêcheurs, c‟est une atteinte à l‟outil de travail du pêcheur.
85
En réalité, l‟activité de cette multitude d‟engins utilisés dans un espace de pêche aussi
restreint par des unités ayant des stratégies et tactiques de pêche très diverses pour exploiter
une ressource limitée, engendre une concurrence le plus souvent déloyale (Bakhayoko et
Kébé, 1989) et des répercussions négatives sur le stock halieutique. La lutte acharnée pour
capturer le poisson avec des moyens inégaux et si fortement disproportionnés, n‟est que le
signe symptomatique de la raréfaction de la ressource et cette lutte est caractérisée par une
situation de pénurie qui pénalise en premier le petit producteur, la pirogue.
Ainsi, malgré une relative croissance des débarquements depuis 2003, comme le montre les
données, les pêcheurs se plaignent de plus en plus de la rareté du poisson surtout des espèces
nobles. En effet 75 % des quantités débarquées sont constituées des espèces pélagiques dont
la dominante reste de loin la sardinelle (S. aurita et S. maderensis) qui constitue à elle seule
plus de 90 % des débarquements en pélagiques.
De même, ils s‟inquiètent du fait que l‟essentiel de leurs zones traditionnelles de pêche est
incluse dans la zone d‟emprise de l‟AMP. Ce qui peut leur valoir une interdiction de pêcher
par les autorités en charge du site et de ce fait, l‟AMP constitue à leurs yeux une vraie menace
pour la promotion de leur seule activité de survie qu‟est la pêche. En d‟autres termes et selon
leur propre entendement, l‟AMP est un facteur qui ne fera qu‟accentuer leurs difficultés sur le
plan social et économique.
Cette conception du groupe des pêcheurs sur l‟AMP est sans doute, l‟un des facteurs qui
expliquent l‟attitude souvent réticente de ces derniers vis-à-vis de l‟AMP. Pourtant, le
règlement intérieur du site, n‟exclut en aucune façon les activités de pêche à l‟intérieur de
l‟AMP. Seulement, cette activité devrait être soumise à une réglementation et à un contrôle.
Ce que n‟acceptent pas souvent certains pêcheurs qui utilisent des engins et des méthodes de
pêches peu soucieux des impacts négatifs sur les ressources halieutiques.
En définitif, les éléments qui précèdent montrent de façon objective que l‟AMP, crée depuis
plus de six ans maintenant, n‟a aucun effet sur la promotion de l‟activité de pêche à SaintLouis. Pis, son existence reste très peu sentie par les pêcheurs, en mer comme à terre. Seuls
quelques panneaux d‟indication installés à terre, rappellent aux pêcheurs l‟existence d‟un tel
site dans le domaine maritime de Saint-Louis.
86
2.2
LES ACTIVITES CONNEXES A LA PÊCHE
2.2.1 LA TRANSFORMATION
Exclusivement pratiquée par les femmes, épouses de pêcheurs en générale, cette activité
connait deux grandes périodes contrastées qui se succèdent : une période d‟abondance
d‟octobre à juin et une période creuse de juillet à août.
On a noté l‟existence dans la périphérie de l‟AMP (partie Saint-Louisienne) de deux centres
de transformation : le premier nommé Centre de Goxumbathe, se trouve à l‟extrémité nord du
quartier, du même nom, sur un terrain marécageux à la frontière sénégalo-mauritanienne. Ce
centre de transformation est de petite taille, comptant une quarantaine de transformatrices,
travaillant sans manœuvres masculins mais avec l‟aide de leurs enfants.
Le centre compte une centaine de claies de séchage de taille réduite et de fabrication locale
uniquement. Faute de points de débarquements à proximité immédiate, Le poisson est
acheminé depuis Guet-Ndar, d‟où il est transporté jusqu‟au centre en charrette et par la route.
Le second centre de transformation est celui de Guet-Ndar, situé au sud du quartier du même
nom, coincé sur une étroite bande de terre entre les habitations au nord, le fleuve à l‟est, le
cimetière au sud et la mer à l‟ouest.
C‟est l‟un des plus importants centres du Sénégal, et pendant longtemps, ce fut aussi le plus
important. Plus de 250 femmes transformatrices, toutes des habitants de Guet-Ndar
s‟entassent sur ce site.
Fig.6 : Evolution des quantités de poison transformé (Unité en Kg)
Fig.7 : Evolution comparative (Unité en Kg)
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Les principaux produits sont le poisson séché ou „„guedj‟‟ et le poisson fumé appelé
„„kéthiakh‟‟
La figure 6 montre de façon explicite, l‟importance de l‟activité de transformation des
produits de la pêche à Saint-Louis. Elle concerne 20 à 30 % des débarquements (fig.7) avec
une valeur commerciale estimée qui dépasse les 2 milliards de F CFA en 2008.
Cependant, comme le montre la figure 7, cette activité reste fortement tributaire des
débarquements. Son évolution est strictement liée à celle des débarquements (fig.7). C‟est
pourquoi, le principal facteur pouvant influencer son évolution reste la disponibilité du
poisson.
Dès lors, on peut constater que l‟AMP, puisse que n‟ayant pas encore d‟effets sur la
disponibilité du poisson, n‟a tout simplement pas favorisé le développement de l‟activité de
transformation.
Cette assertion a été confirmée lors des entretiens effectués auprès des responsables des deux
principaux groupements féminins de transformation de Saint-Louis à savoir le GIE TAKKU
LIGUEY et le GIE DIAMBAROU SINE. Ces derniers ont révélé que non seulement l‟AMP
est mal connue par les femmes transformatrices mais aussi, ses effets positifs sur leur activité
sont inexistants. Aucune amélioration de leurs revenus découlant de la présence stricte de
l‟AMP n‟est encore notée depuis sa création.
Notons par ailleurs que l‟activité de transformation à Saint-Louis est confrontée à des
difficultés liées à l‟exiguïté des ateliers qui sont obsolètes et inadaptés. Cette activité affecte
de manière significative son environnement immédiat par :
88
 L‟utilisation de combustibles inadéquats (récupération de déchets comme des
pneus….) pour la transformation des poissons. Des fumées toxiques se dégagent et
peuvent affecter la santé des femmes (qui travaillent sur les sites de transformation) et
des populations environnantes.
 L‟occupation illégale des sols freine tout investissement et ne permet pas une
reconnaissance formelle de l‟activité.
 L‟insalubrité par le déversement des déchets de la transformation (existence de dépôts
anarchiques des déchets à proximité des sites de transformation).
 L‟absence de système d‟évacuation des eaux usées déversées sur les plages ou les
berges.
Cette situation environnementale pourrait avoir des impacts sanitaires nocifs sur la qualité des
produits transformés.
2.2.2 LE MAREYAGE
Activité purement commerciale, le mareyage était destiné initialement à la satisfaction de la
demande locale de la ville de Saint-Louis. Il a été pendant longtemps, l‟apanage exclusif des
femmes de Guet- Ndar. Mais, suite à l‟ouverture de nouvelles destinations comme les autres
régions du pays et l‟axe du Fouta, avec le déclin de la pêche continentale, de nouveaux
acteurs non originaires de la ville intègrent cette filière.
Selon le service régional des pêches, il existe 185 mareyeurs dont une vingtaine de femmes,
qui sont effectivement installés à Saint-Louis. On note même dans ce lot, la présence de
mareyeurs d‟autres nationalités composées de 15 maliens, 4 à 5 mauritaniens et 3 gambiens.
Egalement, en période forte de campagne (Octobre à Mai-juin), on peut compter jusqu‟à plus
de 100 autres mareyeurs évoluant dans Saint-Louis.
De même, le mareyage destiné à la consommation locale, occupe quelques 400 à 600 femmes
appelées micro-mareyeuses.
89
Le groupe des mareyeurs est réparti entre différentes catégories comprenant : des mareyeurs à
long rayon d‟action ( 100 km), des mareyeurs des villes proches de Saint-Louis (axe SaintLouis / Rosso et axe Saint-Louis / Louga) et des micro-mareyeurs pour l‟approvisionnement
en détail du marché local constitués par les femmes exclusivement.
Figure 9 : Evolution comparative (Unité en Kg)
Figure 8 : Evolution des quantités de poisson maréyé (Unité en Kg)
Le mareyage est une activité importante, comme l‟atteste les données des figures 8 et 9 cidessus, qui montrent que 60 à 70 % des débarquements sont directement remis entre les mains
des mareyeurs.
Les entretiens effectués auprès d‟une centaine de femmes micro-mareyeuses habitant
principalement le quartier de Nguet-Ndar, ont montré que ces dernières ne connaissent, ni ne
sentent véritablement l‟AMP dans le cadre de leur activité.
Deux contraintes principales se posent pour ce secteur du mareyage. Il s‟agit de :
-
l'insuffisance des infrastructures de stockage en frais pour pallier les méfaits de
surproduction surtout des pélagiques ;
-
l‟inadaptation et le sous équipement des aires de débarquement.
90
2.3
LES AUTRES ACTIVITES
2.3.1 LE MARAICHAGE
Le maraîchage est la principale activité économique pratiquée dans le gandiolais où il
bénéficie de conditions favorables.
Le développement du maraîchage, au-delà de l‟existence de conditions favorables à sa
pratique, doit beaucoup son émergence à la crise de l‟agriculture pluviale dans la zone. C‟est
en effet, les difficultés rencontrées par celle-ci, consécutivement à la baisse de la
pluviométrie, à la crise de la filière arachidière, aux difficultés d‟accès aux intrants, qui ont
poussé les paysans vers la reconversion.
Les productions maraichères ont connu cependant ces dernières années une nette baisse suite
à la salinisation de plus en plus des terres agricoles qui est due selon les producteurs à
l‟ouverture du canal de délestage (brèche de St-Louis) à hauteur de la limite nord de l‟AMP.
Ce qui fait penser aux producteurs maraîchers de la périphérie de l‟AMP que cette dernière a
eu des effets négatifs sur leurs activités. En réalité, l‟ouverture du canal de délestage en 2003,
pour dit-on sauver la ville de Saint-Louis des risques d‟inondation, a juste précédé la création
de l‟AMP de plus d‟un an. Mais, du fait que ces effets négatifs sur les terres agricoles ont
commencé à se faire ressentir avec la création de l‟AMP, les producteurs entretiennent une
confusion en liant les effets de la brèche à l‟existence de l‟AMP.
Ce qu‟il convient d‟ailleurs, pour les gestionnaires de l‟AMP, de corriger afin d‟éviter toute
confusion auprès des maraichers, car cette activité agricole est une véritable alternative pour
réduire voire réguler l‟effort de pêche dans l‟AMP.
2.3.2 LE TOURISME
Des efforts importants de développement touristique pour Saint-Louis et ses environs ont été
amorcés au début des années 1990, dans le cadre d‟une volonté locale appuyée par la
coopération décentralisée avec la ville de Lille et la région Nord-Pas-de-Calais.
Le tourisme est un secteur qui a favorisé le développement d‟activités dans le domaine du
commerce et de l‟artisanat et qui demeure un secteur porteur qui se base sur la découverte en
rapport avec la valorisation du patrimoine historique, culturel et naturel de la ville.
91
Aujourd‟hui malgré ces efforts consentis, le tourisme à Saint-Louis et environs
particulièrement dans le Gandiolais, reste confronté à des difficultés liées à la dégradation de
l‟environnement naturel et à l‟absence d'un plan d'aménagement au niveau des réceptifs
hôteliers sur la Langue de Barbarie où les constructions se sont faîtes en dehors de tout
schéma d‟ensemble.
Dans cette perspective, l‟AMP peut être un véritable atout pour la diversification des produits
touristiques locaux aux bénéfices des acteurs touristiques et des collectivités locales
périphériques.
Pour le moment, aucun effet de l‟AMP n‟est encore ressenti par les acteurs touristiques locaux
qui souvent méconnaissent même l‟existence de l‟AMP. Mais ce qui est claire, c‟est que
l‟AMP peut être un véritable levier de promotion du secteur touristique et de ses acteurs
locaux dans sa périphérie si sa fonctionnalité est atteinte.
Au sortir de cette troisième partie, nous pouvons affirmer sans risque de se tromper, que
l‟AMP de Saint-Louis, créée et mise en place depuis six (6) ans, n‟a pas produit d‟effets
favorables sur les activités socio-économiques des groupes socio-professionnels locaux que
sont : les pêcheurs, les transformatrices, les maréyeurs, les agriculteurs du gandiolais et les
acteurs touristiques.
92
CONCLUSION GENERALE
La gestion des aires protégées en général et des aires marines protégées en particulier au profit
d‟un développement local est encore une question qui se pose avec une certaine acuité.
L‟aire marine protégée de Saint-Louis n‟échappe pas pour autant à cette difficulté de trouver
un modèle adéquat de gestion qui la mettrait en phase avec le contexte de multiplicité ou de
pluralité des acteurs locaux dont certains sont renforcés aujourd‟hui dans leurs prérogatives
par les lois de la décentralisation.
Cette étude a tenté autant que se peut, de faire un inventaire des acteurs locaux évoluant
autour de l‟AMP de Saint-Louis. Cependant, le constat majeur et qui répond d‟ailleurs à notre
première hypothèse de recherche, est que malgré l‟existence de divers acteurs locaux évoluant
dans sa périphérie immédiate, l‟AMP ne bénéficie pas encore de la mobilisation effective de
ces derniers. En d‟autres termes, l‟adhésion massive à la quelle devait s‟attendre l‟AMP pour
une matérialisation effective du concept de cogestion, reste loin d‟être une réalité. En effet,
l‟étude a montré que même si beaucoup d‟acteurs existent et évoluent autour de l‟AMP, ces
derniers, surtout ceux reconnus légitimement par les lois de la décentralisation, restent peut
impliquer dans la marche des organes de gestion de l‟AMP. Le comité de gestion qui devait
jouer un rôle de croix de transmission entre les autorités administratives étatiques et la base
(populations et OCB), ne s‟acquitte pas convenablement de son rôle.
Il en est de même, des effets positifs attendus sur les activités socio-économiques de l‟AMP
au profit des groupes socio-professionnels locaux. Pour l‟heure, nous n‟avons noté aucune
amélioration significative des conditions de vie des populations locales et même des autres
acteurs découlant de la conservation des ressources halieutiques dans le cadre stricte de
l‟AMP de Saint-Louis.
Dans ce sens, des perspectives d‟étude s‟ouvrent quant à l‟évaluation actuelle du niveau de
pauvreté dans la périphérie de l‟AMP, pour une évaluation ultérieure de l‟impact de la
conservation des ressources halieutiques dans la lutte contre la pauvreté.
En somme, nous pouvons constater qu‟à la lecture des résultats auxquels on est abouti, nous
somme à mesure de dire que la relation évidente que nous avions établi au départ entre la
conservation de la biodiversité et le développement local, s‟avère inexistante dans le cadre de
la gestion de l‟aire marine protégée de Saint-Louis. Cependant, il serait attentif de se
demander, le pourquoi de la non effectivité de cette relation dans le cadre de l‟AMP de SaintLouis ?
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Une bonne conservation de la biodiversité devrait-elle réellement promouvoir le
développement local ou vis versa ?
Dans tous les cas, il n‟existe pas de conservation qu‟on peut qualifier de bonne dans le cadre
de l‟AMP
Au demeurant, nous pensons que l‟AMP peut être un outil de promotion du développement
local, à condition que sa mise en place soit effective sur le terrain et que le fonctionnement de
ses organes de gestion soit amélioré. En effet, sa mise en place effective sur le terrain qui
passera nécessairement par la matérialisation de ses limites côtières et maritimes et
l‟effectivité du contrôle de l‟accès aux ressources par une autorité compétente, peut favoriser
une régénération des ressources halieutiques, point de convergence commun à tous les
acteurs. Ces conditions à remplir sont justement les paramètres d‟une bonne conservation de
la biodiversité marine et côtière qui se traduit par l‟existence d‟un modèle de gestion
participative, d‟une efficacité dans la gestion, d‟un degré de préservation des ressources, le
respect de la réglementation, etc.
De même, l‟amélioration du fonctionnement des structures de gestion de l‟AMP,
principalement le comité de gestion, peut permettre une plus grande mobilisation des acteurs
locaux au profit de la conservation de la biodiversité dans et autour de l‟AMP.
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