
Notes d’intention
DU METTEUR EN SCÈNE JEAN-PHILIPPE DAGUERRE
Pour présenter Anouilh je me servirai de cette citation de Ch. Mercier, amateur du dramaturge
et critique contemporain:
« Anouilh des débuts considéré comme anar, comme ce que la bourgeoisie appellerait aujourd’hui
un « gauchiste «; Anouilh de la n regardé comme un réactionnaire, comme ce que la même
bourgeoisie (qui aime bien les étiquettes) appellerait un « fasciste « (..)
Parce qu’avant tout, Anouilh est Anouilh, un homme libre, et surtout quelqu’un de violemment
apolitique, réactionnaire au sens noble du terme (en réaction contre les idées reçues dominantes
d’une époque;en réaction contre le totalitarisme intellectuel, de quelque bord qu’il puisse être ) ».
Dans « La Belle vie », Anouilh situe l’action juste après la Première guerre mondiale dans un
pays qui ressemble à l’Allemagne par les noms qu’on y rencontre, mais une Allemagne dans
laquelle se serait déroulée la Révolution russe de 1917.
Alors «La Belle vie dans tout ça ? Quelques lignes pour vous en donner une idée. Les
Révolutionnaires (nous les appellerons « les Rouges ») viennent de prendre le pouvoir. Les
prisons (la pièce commence dans l’une d’elles) sont pleines d’aristocrates et de bourgeois,
hommes, femmes, vieillards. Ils attendent leur exécution. Quant aux «enfants de moins de
quinze ans, après un temps de rééducation «, ils seront placés en usine. Bref, pour les adultes,
c’est « l’élimination pure et simple « qui est programmée. Seulement il y a l’éducation du
peuple. Et il ne faut pas que le peuple oublie. (...) Le gouvernement provisoire a donc décidé
que, dans chaque ville importante, une famille bourgeoise serait épargnée, qu’elle continuerait
à vivre à sa façon et que le peuple serait admis, pendant ses loisirs, à venir la regarder vivre
pour ne pas oublier .
Voilà ce que le «Camarade Commissaire « vient annoncer à la famille Von Valençay qui va
se retrouver au « Musée du Peuple « et servir à l’édication des masses laborieuses. Nous
allons donc vivre dans l’ancien hôtel particulier des Waldshutz, avec ces Aristos surveillés par
leur ancien domestique, Albert, qui est devenu « le Camarade Sous-commissaire Adjoint «. Et
nous assisterons au délé du Comité Révolutionnaire, avec commissaire-ouvrier, commissaire
intellectuel, camarade Président..., puis à celui du Peuple... donc du spectateur...