Depuis sa première représentation en 1964 ,
dans
la mise en scène
de Jean-Marie Serreau, jamais une troupe noire
en
France
n'a
remis en chantier
La Tragédie du roi Christophe d'Aimé Césaire. Trente ans après
la
décolonisation,
rien n'indique que cette tragédie, hélas, soit révolue ...
Cest
don
c à une nouvelle
génération d'acteurs noirs
de
s'emparer de toute urgence de ce texte,
de se confronter à son ambition, de rendre compte
de
son actualité, de redonner
vie à son foisonnement
et
force à sa langue.
Comme dans une tragédie d'Eschyle
aux
accents c1audéliens, Aimé Césaire raconte
la
démesure
d'un
roi. Christophe, libérateur
de
Haïti
aux
côtés de Toussaint
Louverture, veut à toute force remettre son peuple debout, affirmer la grandeur
de
l'Etat
en
construisant une gigantesque citadelle, à flanc de montagne. Cet cHort
titanesque ttansforme
le
personnage historique en figure mythique.
Le
libérateur-
tyran a
le
visage de Prométhée, de Sisyphe, mais aussi de Don Quichotte
ou
d'Aguirre
le
conquistador fou.
Le
personnage
du
roi est toujours suivi de son ombre dérisoire,
le
fou qui
se
moque de l'enflure royale,
et
de la" vanité politique de
la
grenouille qui veut
être aussi grosse
qu'un
bœuf...
Ces
deux figures antithétiques se détachent
d'un
chœur
qui intervient
ponctuellement dans la narration collective
du
poème.
Nous nous éloignons ainsi de la reconstitution historique
pour
nous rapprocher
d'un
cérémonial plus naïf, plus primitif, qui mêle la poésie
et
le
chant, l'histoire
et
le
mythe,
le
réel
et
le
merveilleux.
Cest
une manière de saluer tous ensemble, selon
la
belle expression
d'Antoine Vitez. notre "Shakespeare noir".
Jacques Nichet.