D`après Grisélidis Réal De et avec Coraly Zahonero D`après

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Grisélidis
Grisélidis Réal
De et
et avec
avec Coraly Zahonero
De
D’après
D’après
de la
la Comédie-Française
Comédie-Française
de
au Théâtre du Petit Louvre
à 18h15
Revue de presse
du 8 au 30 juillet
Relâches les 14, 21 et 28 juillet 2016
Studio Théâtre - Comédie-Française
Théâtre de Suresnes Jean Vilar
Théâtre du Petit Louvre - Avignon
Service de presse | Zef
Isabelle Muraour 06 18 46 67 37
Emily Jokiel 06 78 78 80 93
[email protected]
www.zef-bureau.fr
Le Théâtre de Suresnes Jean Vilar
Direction Olivier Meyer
présente
Grisélidis
D’après la parole et les écrits de Grisélidis Réal
Conception et interprétation
Coraly Zahonero de la Comédie-Française
avec
Hélène Arntzen, saxophones
Floriane Bonanni, violon
Revue de presse
Presse écrite
Presse web
Web Télévision
Radios
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PRESSE ECRITE
Date : 07/08 MAI 16
Page de l'article : p.25
Journaliste : Armelle Héliot
Pays : France
Périodicité : Quotidien Paris
OJD : 314312
Page 1/2
CULTURE
Grisélidis Réal,
une femme
et ses doubles
THÉÂTRE Au Studio-Théâtre de
la Comédie-Française, la sociétaire
Coraly Zahonero évoque en mots
et en musique un destin hors norme.
sont plus ce qu'ils étaient, hommage fervent à Raymond Devos par Elliot
ARMELLE HÉLIOT
Jenicot, après Compagnie de Samuel
[email protected]
Beckett, texte difficile interprété avec
blog.lefigaro.fr/theatre
rigueur et sensibilité par Christian
Gonon sur la musique spécialement
^i
ingulis» est une série de composée par Philip Glass, voici donc
quatre monologues, portés par des co- Coraly Zahonero, une femme en quête
médiens français. Grisélidis en est le de la vérité d'un personnage combatdernier volet. Il célèbre une femme qui a tant : Grisélidis doit une partie de sa nomarqué les esprits et continue de fasci- toriété à sa défense des prostituées dans
ner le monde du théâtre.
les années 1970.
Après Ce que j'appelle oubli de Laurent
Dans ce cycle, chaque comédien est
Mauvignier par un Denis Podalydès ha- responsable de son choix, de la mise en
bité et impressionnant, après Les fous ne scène, des collaborateurs dont il s'en-
Tous droits réservés à l'éditeur
COMEDIE 2169487400524
Date : 07/08 MAI 16
Page de l'article : p.25
Journaliste : Armelle Héliot
Pays : France
Périodicité : Quotidien Paris
OJD : 314312
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Coraly Zahonero
incarne Grisélidis Réal,
dans un spectacle
qu'elle a elle-même
conçu.
toure. Ces « soles » témoignent de la diversité des personnalités, du sens de
l'indépendance que les comédiens
conservent par-delà la discipline de la
troupe. Des moments brefs, une heure,
une heure et quelque. Pas plus. Des moments très aimés du public, qui plébiscite aussi le « Cabaret Léo Ferré » qui se
donne juste avant, à 18h30 (jusqu'à -dimanche).
Le noir est une couleur
C'est d'une passion profonde pour
Grisélidis Réal qu'est né le spectacle que
propose Coraly Zahonero. Elle s'est in-
Tous droits réservés à l'éditeur
téressée à cette femme rétive disparue
en 2005, au point de remonter aux
sources, de rencontrer ses enfants. Elle
a obtenu des documents rares qui enrichissent cette évocation : dans le foyer
du Studio-Théâtre dont la grande baie
vitrée donne sur la pyramide inversée
de la galerie du Carrousel du Louvre, on
découvre des dessins, des peintures de
Grisélidis Réal. Une révélation comme
l'est la réplique de ce livre composé à la
main en un pliage enfantin que l'artiste
destinait à l'un de ses amoureux.
S'il y a une ligne, dans la vie parfois
très chaotique et douloureuse de
Grisélidis Réal, c'est l'amour. Passions
folles et rapports tarifés. Née en 1929 à
Lausanne, elle étudie aux Arts et Métiers
de Zurich. Elle veut dessiner et écrire,
mais le destin en décidera autrement.
Son unique roman s'intitule Le noir est
une couleur comme si elle reconnaissait
au plus sombre de sa vie des lueurs d'espérance.
Coraly Zahonero fait de cette formule
la métaphore qui soutient son spectacle
dans une scénographie et des costumes
de Virginie Merlin, des lumières de
Philippe Lagrue. Elle a fait appel à deux
musiciennes belles et douées, Hélène
Arntzen au saxophone, Floriane
Bonanni au violon, qui ajoutent à
l'émotion. L'interprète affronte les
contradictions du «personnage». Sa
crudité dérangeante comme sa douceur. Sa complexité comme sa candeur.
Ses faiblesses comme sa force. Grisélidis
revit tout en demeurant une énigme. •
Studio-Théâtre (Paris Ier) jusqu'au 8 mai.
Tél.:0144 581515. Reprise au Theâtre
Jean-Vilar de Suresnes (92) les 17 et 18 mai.
www.theatre-suresnes.fr. Puis à Avignon
Off, au Petit Louvre du 8 au 30 juillet.
COMEDIE 2169487400524
CRITIQUE
«GRISÉLIDIS» SORT DE
SA CHRYSALIDE
Par Anne Diatkine— 5 mai 2016 à 18:11
Magnétique, Coraly Zahonero incarne la prostituée
et écrivaine gevenoise sur la scène du StudioThéâtre de la Comédie-Française.
Coraly Zahonero dans la peau de Grisélidis Réal, au Studio-Théâtre du Francais. Photo
Vincent Pontet
«Singulis» : un programme en cours depuis mars de quatre monologues, portés
par quatre acteurs du Français, et pour le dernier, Coraly Zahonero a choisi de
faire voir et entendre Grisélidis Réal, écrivaine et prostituée genevoise, auteure
notamment du Noir est une couleur, et dont on peut lire aussi Grisélidis
courtisane, une série d’entretiens avec Jean-Luc Hennig parus aux éditions
Verticales. Yeux noirs lourdement faits, cheveux corbeau, robe en velours
frappé noir, une dizaine de bracelets aux poignets : lorsqu’on regarde des photos
de Grisélidis - son prénom de naissance qui provient d’un conte de Perrault -, on
s’aperçoit que l’interprète a opté pour la ressemblance maximale.
A travers ses mots, sa voix, son corps, l’actrice mute dans l’autre femme,
comme on se réfléchit dans un miroir. Et ça marche, c’est Grisélidis qui
s’adresse à nous, spectateurs, avec un léger accent suisse, son éducation
contradictoire - excellente et terrible -, et finalement la subtilité de sa position et
un besoin pédagogique vis-à-vis des autres, ici le public de la ComédieFrançaise, un peu moins âgé que dans les autres salles de la maison, pas
complètement le tout-venant, néanmoins. La praxis sans la théorie et
inversement n’a aucun intérêt, c’est ce qu’on se dit en écoutant les mots de la
prostituée, qui de toute expérience fait son miel narratif et réflexif. Mouvements
de main délicat, maintien parfait, buste droit, yeux qui aimantent : le corps
raconte tout, et il faut redire que Coraly Zahonero, qui a tout conçu, du choix de
texte à la mise en scène, est parfaite dans son incarnation. Sur scène, lorsque le
rideau de velours noir se lève, la petite lampe rouge, le sapin de Noël qui
clignote, le lit recouvert d’un jeté léopard dit encore le désir d’être au plus
proche d’une vérité peut-être illusoire, mais en tout cas recréée.
Anne Diatkine
Grisélidis de Grisélidis Réal m.s. Coraly Zahonero Jusqu’au 8 mai au Studio-Théâtre (75 001), puis les 17 et
18 mai au théâtre Jean-Vilar de Suresnes (Hauts-de-Seine), et enfin au Festival d’Avignon.
CANARD ENCHAINE
Date : 11 MAI 16
Page de l'article : p.7
Journaliste : M. P.
Pays : France
Périodicité : Hebdomadaire
Page 1/1
ELEBREE dans les anC
nees 70 pour sa defense de
la prostitution et ses écrits
hauts en couleur, glorifiée par
l'écrivain Jean-Luc Hennig, la
prostituée suisse Gnselidis
Real, morte dans l'oubli en
2005, continue de fasciner
Dans un spectacle sensible et
grinçant, dont elle signe l'adaptation et la mise en scene, la
sociétaire de la Comedie-Française Coraly Zahonero adopte
Failure (cheveux longs, noir sur
les yeux, robe de Gitane, bracelets autour des poignets) et la
voix canaille de celle qui fit de
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son metier « un humanisme >
De la salle au plateau en forme
de chambre a coucher, elle
évoque des episodes de sa vie,
flanquée de deux musiciennes
Le style a la fois fleuri, cru
et lyrique de Gnselidis est percutant Les formules sont truculentes Les propos dérangent
toujours La violence des
clients, elle la comprend La laideur d'un chauve obese qui n'a
qu'une dent ou la difformité
d'un nain bossu, elle l'embrasse
Les misères de cette pauvre'humanite, elle se donne pour mission de les soulager Gnselidis
est a la braguette ce que la
Croix-Rouge est a l'aide humanitaire
De tous ses combats, c'est
l'hypocrisie de l'Eglise et des
hommes politiques, « qui repartent les comites légères et le soleil au cœur » avant de faire enfermer les filles, qui la révolte
le plus Cette femme passionnément libre, l'etincelante Zahonero la traite comme une
reine
M. P.
• Vu a la Comédie-Française, a
Pans En tournée
COMEDIE 9972887400505
Date : 29 AVRIL 16
Page de l'article : p.50
Journaliste : Anna Nobili
Pays : France
Périodicité : Hebdomadaire
OJD : 339003
Page 1/1
T H E A T R E
FEMME
PUBLIQUE
PAR ANNA MOBI U
SEULE EN SCENE, CORALY
ZAHONERO FAIT
ENTENDRE LA VOIX DE
GRISELIDIS REAL, ARTISTE,
MILITANTE ET PROSTITUEE.
On aime les acteurs du Français
ensemble, on les aime aussi en solo Dans
le cadre du cycle des Smgulis, Denis
Podalydès a explore les mots de Mauvignier, de Elliot Jemcot, ceux de Devos et
Christian Gonon, ceux de Beckett Place
a la brune Coraly Zahonero, brillante
dans la comedie autant que dons le
drame La voilà seulement accompagnée
d'une saxophoniste et d'une violoniste,
pour faire entendre la parole de Grisélidis
Real, après un intense travail d'adaptation
de ses écrits et entretiens Grisélidis Real
Quel nom I Et quelle héroïne I Beauté
rare, peintre, écrivain, prostituée etfière
de l'être Toute sa vie durant, cette Genevoise -disparue en 2005 -s'est écorché
« les pieds et l'âme » sur le trottoir, maîs
l'avait choisi Notamment via « la revolution des putes », elle s'est battue comme
une diablesse pour faire reconnaître leur
rôle socio I, elle qui disait aimer ses cl lents
et comprendre leur misère sexuelle et
affective Line parole forte et crue, un
plaidoyer brûlant à l'heure où une nouvelle loi les pénalise
« GRISELIDIS », lusqu'au 8 mai, Studio-Théâtre
de la Comédie-Française, puis les 17 et 18 mai
à Suresnes (92)
Tous droits réservés à l'éditeur
COMEDIE 5414777400508
C'est l'une des plus fines lames de la Comédie-Française :
Coraly Zahonero se glisse dans la peau scarifiée par la vie
de Grisélidis Réal, prostituée militante, auteur inspirée et
éternelle révoltée. Ayant écrit elle-même ce Grisélidis, elle
avance sur les traces de Judith Magre, qui incarna elle
aussi la prêtresse suisse du trottoir.
GRISÉLIDIS. Théâtre du Petit-Louvre, 18h15.
PRESSE WEB
Grisélidis: un spectacle vérité sur la prostitution
9 juillet 2016/dans A voir, Les critiques, Paris, Théâtre /par Stéphane Capron
Coraly Zahonero a créé ce spectacle autour de Grisélidis Réal en 2013, elle le
reprend au Studio de la Comédie-Française avant de l’emmener cet été dans le
Off à Avignon. Une plongée documentée et sensible dans le quotidien de la
prostitution. Un spectacle qui vaut plus que tous les discours des politiques sur ce
sujet.
Grisélidis Réal, écrivaine, prostituée, révolutionnaire, née à Lausanne en 1929 est décédée en 2005 à la
suite d’un cancer, a commencé à se prostituer en Allemagne dans les années 60 avant de devenir dans
les années 70 très active dans les milieux protestataires. Cette « catin révolutionnaire » fonde un Centre
International de documentation sur la prostitution et une association d’aide aux prostituées à Genève.
Ses textes sont régulièrement mis en scène. On se souvient de l’adaptation de Clotilde Ramondou en
2011 lors du 1er Festival Hautes Tensions au Parc de la Villette
Coraly Zahonero, sociétaire de la Comédie-Française, est accompagnée sur scène de deux
musiciennes, Hélène Arntzen au saxophone et Floriance Bonanni au violon. Elle jouent des airs
d’Europe de l’Est et du jazz. La comédienne débute le spectacle dans la salle, puis s’assied sur un coussin
sur le bord de la scène pour s’adresser directement au public. Un petit grain de gouaille dans la voix lui
donne de la fragilité et de l’humanité. Dans sa bouche, l’acte sexuel tarifé n’a rien de déshonorant. « Il
n’y a pas de criminalité, il n’y a que de la souffrance » explique Grisélidis Réal dont les écrits analysent le
comportement des clients en désacralisant « le péché de la chair » tout en faisant bien la différence
entre les filles esclaves et victimes de mafieux et les autres.
On rit beaucoup dans ce spectacle. Il brocarde les politiques qui fustigent la prostitution mais qui ne
manquent pas de rendre visite à Grisélidis Réal ! Coraly Zahonero décrit avec beaucoup d’humour les
clients: le nain bossu ou l’obèse chauve qui n’a qu’une dent. On entend la voix de la féministe engagée à
la toute fin de ce spectacle touchant qui apporte une pierre documentée dans le débat toujours
d’actualité sur la pénalisation des clients des prostituées.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Fascinante et troublante Griselidis
Publié le 11 juillet 2016
Griselidis Real est morte d’un cancer à l’âge de 76 ans. Poétesse, peintre, elle était aussi prostituée
et est devenue, au fil de ses publications et déclarations, un des emblèmes du féminisme qui a
toujours défendu les prostituées et leur profession, défendant le rôle humain, social de la
profession.
On ne se remet jamais d’une enfance massacrée
Coraly Zahonero s’attaque à ce récit avec détermination et douceur à la fois. Accompagnée de
deux musiciennes, Hélène Arntzen au saxo et Floriane Bonnani au violon, elle incarne la
prostituée avec un mimétisme étudié jusque dans les moindres détails : coiffure, maquillage,
bijoux
et
un
petit
accent
suisse
mâtiné
d’une
légère
gouaille.
Tour
à
tour provocante, humaine, douce, crue, elle raconte les clients, les bossus, les petits, les brutes,
ceux qui veulent parler, ce qui veulent se sentir aimés. Elle raconte aussi son enfance, sa mère , le
divorce, la fuite, la prison, et comment elle est devenue, elle a choisi, de se prostituer.
On ne fait pas l’amour, on soulage des hommes qui ont besoin de nous
L’atmosphère est cosy, tamisée, et la mise en scène est savamment étudiée : les intermèdes des
musiciennes viennent adoucir en temps venu le récit, les silences savamment dosés de Coraly
Zahonero apportent respiration et laissent planer les mots en suspens dans la salle. Des mots qui
sont
crus
parfois,
tendres
souvent,
et
le
récit
devient
saisissant d’humanité et
de ferveur, d’humilité et de charisme. Dans la dernière partie, Grisélidis s’adresse à son amant
disparu et le texte devient d’une sensualité troublantemagnifiquement poétique.
Que dire de plus ? On se régale devant la magnétique Coraly Zahonero, l’humour toujours
savamment distillé, la dénonciation de la morale bourgeoise et hypocrite qui combat la
prostitution et l’utilise en même temps. Une femme singulière, donc, hors normes, que la
sociétaire du Français rend encore plus fascinante, humaine, troublante.
Au Studio Théâtre, quatre propositions "solo"...ou
presque
Par Armelle Héliot le 2 mai 2016 17h24 | Réactions (0)
Parmi les très bons moments à signaler, quatre monologues traités selon la personnalité des
interprètes qui en sont complètement responsables.
Denis Podalydès, avec une force intérieure retenue, quelque chose de déterminé et pourtant
comme lézardé dans sa présence, a dit ce que j'appelle oubli de Laurent Mauvignier. Dans des
lumières de Stéphanie Daniel, il reprend ce texte qui ne commence ni ne finit, file sur soixante
pages sans que jamais la moindre pause ne soit ménagée.
Urgence à dire. Le propos de Laurent Mauvigner est un peu de l'ordre de la magie. La parole
n'efface rien, la parole pourtant, parce qu'elle demeure ouverte, suspendue et ouverte, laisse
comme une espérance de consolation.
Un homme a bu une canette dans les rayons mêmes d'un supermarché. Il a été repéré. Quatre
vigiles se sont jetés sur lui. Il en est mort. C'est un fait divers véritable de l'été 2009.
Laurent Mauvignier a fait ce texte d'adresse au frère.
Denis Podalydès, intelligence aigüe, ultra sensibilité communicative, dit ce texte.
Première station.
Rupture de ton. Elliot Jenicot propose Les Fous ne sont plus ce qu'ils étaient, d'après Raymond
Devos. Hommage sincère et espiègle à la fois. Le Belge qui sait tout du music hall ne pouvait que
rencontrer "sérieusement" Raymond Devos un jour. Son hommage est fraternel. Parfois l'on devine
même des montées de pudeur, des frémissements. Il se demande s'il sera aussi bien que le très
grand homme. Ce qui est joli dans le moment Jenicot, c'est cette modestie et ce courage qu'il faut
pour y aller, en toute simplicité. Le mime, la pantomime sont des moyens qu'il maîtrise. Mais il y a
toujours un infime excès en plus, sous le regard de Frédéric Faye. Une interprétation virtuose et
sans aucun surlignage, dans des lumières de Philippe Lagrue.
La rigueur de Beckett et son goût du romanesque, c'est ce qu'a choisi Christian Gonon. Il s'est
appuyé sur un dramaturge, Pascal Antonini et c'est, pour ce spectacle, Julien Barbazin qui signe les
lumières, très importantes dans ce travail. Très importantes et suscitées par les textes de Samuel
Beckett.
Le comédien a pu utiliser la musique originale composée en 1984 par Philip
Glass,Compagny. Compagnie est un texte long, difficile. une voix peu à peu dissipe la ténèbre d'où
elle vient. Peut y retourner.
Au commencement le texte de Compagnie n'est pas pensé pour la scène. Samuel Beckett en a
composé lui-même une version scénique. On se souvient de Pierre Dux (ancien Sociétaire et
Aministrateur général de la Comédie-Française, et formidable comédien) interprétant, sous le
regard intransigeant de Pierre Chabert, qui connaissait très bien les écrits du futur prix Nobel de
littérature, cette partition complexe.
Il y a quelque chose d'un "flamenco puro", ici. C'est du pur Beckett, un acteur pur qui nous parle
avant de se taire...Et le travail sur la voix, les voix est ici aussi essentiel que tenu avec art.
Photographie Vincent Pontet.
Seule jeune femme dans ce quatuor, Coraly Zahonero a choisi les écrits d'une femme dont on
entend beaucoup la voix au théâtre ces temps-ci. Mais il est toujours intéressant de découvrir une
autre façon d'incarner Grisélidis Réal et ses mots.
Coraly Zahonero a puisé dans les écrits et aussi dans les interviews données ici et là par cette
femme de grand caractère, cette femme dérangeante.
Elle a construit un spectacle assez sophistiqué, s'entourant de deux jeunes musiciennes très douées
à la belle présence : Hélène Arntzen aux saxophoens et Floriane Bonanni au violon.
Dans un décor de maison confortable et mystérieuse, la comédienne a cherché une vraie
ressemblance physique avec Grisélidis Réal. Longs cheveux bruns encadrant le visage, regard fardé
(maquillages et coiffures de Véronique Soulier-Nguyen), lumières de Philippe Lagrue. Une
atmosphère qui convient aux passages crus comme aux moments les plus mélancoliques.
Grâce aux enfants de Grisélidis Réal, l'interprète donne à entendre des textes que l'on ne connaît
pas forcément et surtout l'on découvre, dans le foyer du Studio, des dessins saturés, colorés et un
livre, exemplaire unique créé pour l'un de ses amoureux.
On reverra ce spectacle les 17 et 18 mai au Théâtre Jean-Vilar de Suresnes et, un peu plus tard, du
8 au 30 juillet, à Avignon, au Petit Louvre, dans le cadre du festival off.
Et normalement, ces "Singulis" sont destinés à être repris dans la programmation de la ComédieFrançaise la saison prochaine.
« GRISELIDIS », CORALY ZAHONERO, PETIT LOUVRE
Posted by lefilduoff on 18 juillet 2016 ·
LEBRUITDUOFF – 18 juillet 2016
Grisélidis – d’après Grisélidis Réal – De et avec Coraly Zahonero de la ComédieFrançaise au Théâtre du Petit Louvre à 18h15 du 8 au 30 juillet – Relâches les 14, 21 et
28 juillet 2016.
« Grisélidis » est avant tout un hymne à la liberté. Née dans les années 30 à Lausanne,
Grisélidis Réal devient, d’abord par nécessité puis par choix, prostituée et très rapidement
militante, menant une lutte ouverte et acharnée afin de faire reconnaître les droits de ces
femmes à vivre de ce métier. Farouchement attachée aux libertés individuelles et au droit à
jouir de son propre corps, elle devient, dans les années 70, une des meneuses de la «
Révolution des prostituées » durant laquelle ces femmes réclamèrent simplement la
reconnaissance de leurs droits.
Coraly Zahonero, sociétaire de la Comédie-Française, prête sa voix et son corps à Grisélidis et
nous offre une parole de liberté et un cri de vérité souvent crue. Grisélidis nous parle d’elle
mais aussi de ses clients qu’elle considère parfois presque comme des patients à qui elle
apporterait son amour quasi humaniste ou son soutien contre seulement de l’argent. Elle nous
parle aussi de la vie et de tous ses faux-semblants qu’elle exècre. Elle veut avant tout jouir de
son corps, être seule maitresse de sa vie, mais devient très vite aussi la porte-parole de toutes
les sans-voix, de toutes ces femmes reléguées de force dans l’ombre d’une société refusant de
les voir et de les nommer.
La comédienne est troublante de vérité, l’incarnation est réelle et son jeu est subtil. Tout n’est
que nuances, comme si Coraly Zahonero avait voulu nous peindre la vie de Grisélidis et de
ses combats comme elle-même pouvait peindre ses tableaux. Sur scène, un décor simple et
peu de déplacements arrivent à porter le spectateur et à le faire entrer dans l’univers de cette
femme particulière qui nous paraît de plus en plus proche au fil du spectacle. Les deux
musiciennes, Hélène Arntzen au saxophone et Floriane Bonanni au violon, accompagnent la
comédienne et rythment sa vie, ses colères, et ses certitudes dans une pièce tout à la fois
intimiste et universelle qui ne laisse personne indifférent et qui nous porte à plus d’humanité.
Pierre Salles
Autour du spectacle :
– Exposition des dessins de Grisélidis Réal :
Maison Ripert – 28, rue Bonneterie – 84000 Avignon
– Les intrépides : Mardi 19 juillet 11h30 à 13h : conservatoire d’Avignon, amphithéâtre
Mozart extrait de 10 mn du spectacle, avec Coraly Zahonero
ACCUEILVIDÉOS
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Critiques / Théâtre
Grisélidis d’après les écrits et les paroles de Grisélidis Réal
par Dominique Darzacq
Emmenée par Coraly Zahonero, la pute insoumise passe
brillamment du trottoir à la scène
Ecrivain, Peintre, Prostituée, ainsi que, selon ses vœux, l’indique son épitaphe, Grisélidis Réal
repose depuis 2009 au cimetière des rois de Genève, le Panthéon suisse, aux côtés de Calvin.
Une manière d’ultime et éternel pied nez aux conventions de celle qui affirmait « Dieu
n’existe pas. Et s’il existe c’est un con. C’est une honte d’avoir fabriqué une planète
pareille », et qui hissa la prostitution au rang des sciences humaines, batailla toute sa vie
contre le carcan de la morale, celle « qui culpabilise à mort », qui « massacra son enfance » et
qu’elle décida de fuir à trente ans en emmenant avec elle deux de ses enfants et son amant
noir, rejoignant « le grand troupeau des nomades en transhumance »
Munich sera la première marche d’une descente aux enfers que Grisélidis Réal sut transformer
en flamboyante réussite, la première étape d’un parcours hors normes qui la fera singulière et
plurielle. Confrontée à la misère, la mère se prostitue. Jetée en prison pour avoir vendu du
haschich, la diplômée de l’Ecole d’art de Genève reprend ses pinceaux, peint et écrit. Dès
lors, artiste et catin, elle peint et écrit pour ne pas mourir et se prostitue pour vivre. Pute
révolutionnaire, elle fait le job en militante, revendique le rôle social de la prostitution,
« Nous gagnerons l’espace qui nous revient, à nous qui sommes le baume sur la blessure,
l’eau dans le désert ».
La cause de ses « copines », comme elle aimait à désigner les prostituées, sera son combat.
S’élevant contre les maffias ignobles qui exploitent les filles, elle prônait une prostitution
libre et indépendante, ira jusqu’aux Nations-Unies défendre une activité qu’elle considérait
comme « un art, une science, un humanisme ». Tel du reste qu’elle le pratiquait et ne cessant
de combattre l’hypocrisie d’une société qui condamne la prostitution et va aux putes éjaculer
en catimini. « Je préfère crever en pute vieillie, infirme et alcoolique, droguée et cancéreuse
même s’il le faut, plutôt que de m’envelopper dans le linceul blanchi de leur hypocrisie ».
Ne cessant de peindre et d’écrire, d’une vie durement gagnée sur le chantier du lit, Grisélidis
Réal a fait une œuvre singulière où s’enchevêtrent ses folies intimes et la folie des hommes.
Le pinceau, aveu des fantasmes de l’artiste est baroque, onirique, hanté de reptiles et d’étoiles.
La plume à la verve gouailleuse qui appelle un chat un chat, parle du sexe crument et de
l’amour, le vrai, avec lyrisme, est celle d’une femme debout, et à sa manière d’une reine.
C’est à cette femme-là, à partir de ses nombreux écrits et en osmose avec son combat pour la
liberté que Coraly Zahonero nous donne à voir et entendre en un spectacle ciselé à fleur
d’âme, tout à la fois drôle et bouleversant.
Accompagnée de deux musiciennes : Hélène Arntzen (saxophones) et Floriane Bonanni
(Violon), du trottoir « équateur invisible qui traverse la terre et écorche les pieds et l’âme »,
au boudoir où l’hétaïre analyse avec bienveillance le comportement de ses clients, Coraly
Zahonero incarne au plus près une Grisélidis un rien gitane, lucide et passionnée et sans autre
effet que la finesse et la vérité du jeu, nous fait bien percevoir ce qui sous la gouaille, gît de
douleur et de poésie. Du grand art. Allez-y voir.
Au Studio de la Comédie-Française où il est actuellement à l’affiche le spectacle est
accompagné d’une exposition des œuvres picturales de Grisélidis.
Grisélidis d’après les textes de Grisélidis Réal, conception et interprétation Coraly Zahonero,
sociétaire de la Comédie-Française. Avec Hélène Arntzen (saxophones), Floraine Bonanni
(Violon) durée 1h10 - Photos © Vincent Pontet -collection Comédie-Française.
Studio de la Comédie- Française 20h30 jusqu’au 8 mai
Théâtre Jean- Vilar de Suresnes les 17 et 18 mai
Théâtre du Petit Louvre Festival Off Avignon du 8 au 30 juillet
Festival d’Avignon : notre
sélection pour le Off (5)
Par L'Art-vues Juil 21, 2016
Grisélidis, de et avec Coraly Zahonero, le Petit Louvre à 18h15 jusqu’au 30
juillet.
« Moi je ne supporte pas l’injustice et l’hypocrisie, il faut mettre sur la table la
vérité, il faut la regarder en face, et il faut l’accepter, il faut la soutenir, il faut
la démystifier. C’est possible, au lieu de la haine, du mépris, de
l’incompréhension… » Ce sont les mots de Grisélidis Réal, écrivain, peintre
et péripatéticienne qui mena dans les années 70 la « Révolution des
prostituées » à Paris pour obtenir la reconnaissance de leurs droits.
Contestant l’argument de la contrainte imposée par un souteneur, Grisélidis a
toujours déclaré que la prostitution peut aussi être un choix et une libre
décision, « un art, une science et un humanisme » ajoutait-elle. C’est autour
de cette affirmation que la comédienne de la Comédie Française Coraly
Zahonero construit le personnage hors norme de Grisélidis dans la pièce
éponyme, à partir d’écrits et d’entretiens. Elle en délivre les mots dans leur
nudité touchante, leur simplicité, avec une affirmation de soi qui vaut liberté.
Derrière le récit anecdotique du parcours d’une vie, il y a l’évidence d’un
amour du genre humain qui ne se paie pas de simples mots. Un beau
moment de vérité.
Luis Armengol
L'Oeil d'Olivier
Coraly Zahonero vs Grisélidis : Fusion
passionnelle
Olivier Fregaville-Gratian d'Amore 15 juin 2016 Rencontres, Théâtre
Coraly Zahonero, sociétaire de la Comédie Française, signe une pièce intense et engagée autour de Grisélidis
Réal © Vincent Pontet
L’une est sociétaire de la Comédie-Française. L’autre écrivaine, peintre, « pute ». L’une n’a
pas assez d’une vie pour exprimer tout ce qu’elle a en elle. L’autre en a vécu mille. Les deux
sont brunes. Les deux sont des femmes lumineuses, flamboyantes, des féministes, des
humanistes. La rencontre entre ces deux êtres intenses ne pouvait être que passionnelle.
Dans sa loge, au-dessus de la salle Richelieu, Coraly Zahonero se confie sur ce rendez-vous
virtuel avec une femme d’exception à l’histoire fascinante qui a donné naissance au Singulis
Grisélidis qui sera joué cet été au festival d’Avignon.
Comment êtes-vous devenue comédienne ?
Coraly Zahonero : Je suis arrivée au théâtre par instinct. Née en province, Je n’allais pas au
spectacle quand j’étais petite. Enfant, je cherchais un moyen d’expression. J’ai à peu près tout
essayé : la peinture, la musique, le sport. Puis, un jour, j’ai vu à la télévision Francis Huster
parler de théâtre. Sa façon de parler de sa passion, de son métier, m’ont touchée. J’avais 15 ans,
j’étais un peu amoureuse du comédien, j’ai alors voulu essayer ce dont il parlait si bien. Mes
parents m’ont offert un stage au cours Florent et j’ai eu une révélation. Je me suis sentie tellement
bien sur le plateau, que j’ai eu envie de continuer. À ma demande, mes parents, qui ne sont pas du
tout du sérail, m’ont inscrite au conservatoire de Montpellier et m’ont abonnée au théâtre des 13
vents. Très vite, j’ai eu mes premiers chocs : La veillée de Jérôme Deschamps avec qui j’ai
travaillé depuis, et Lucrèce Borgia montée par Antoine Vitez. Ces deux spectacles ont été
fondateurs pour moi. Ils ont marqué mon esprit d’adolescente. Après, tout est allé très vite. Guy
Vassal, mon professeur au conservatoire, décide de produire Roméo et Juliette pour les festivals
qu’il dirige dans le Sud. Il suggère au metteur en scène, Jean Négroni de m’auditionner pour être
Juliette. Ce dernier m’engage immédiatement. J’ai alors 16 ans et demi. Avec l’assentiment de
mes parents, j’ai tout quitté (lycée et famille) et suis « montée » à Paris pour les répétitions. Le
jour où mes copains passaient le bac de français, je jouais la première de Roméo et Juliette au
théâtre de Montpellier. Après cette experience, il m’était impossible de revenir à une vie normale
d’adolescente et de faire ma terminale. Du coup, dès la rentrée suivante, je suis partie m’installer à
Paris, où tout s’est enchainé très vite. Je n’avais pas encore 18 ans quand j’ai passé le concours du
conservatoire national dirigé alors par Jean-Pierre Miquel. J’y ai été reçue à l’unanimité. Une fois
administrateur du Français, Jean-Pierre Miquel m’y a engagée en 1994. J’ai alors 25 ans. Cela fait
à présent 22 ans que je suis à la Comédie-Française.
Coraly Zahonero incarne avec passion Grisélidis Réal © Jean-Erick Pasquier
D’interprète, vous êtes devenue metteuse en scène; comment s’est opérée cette
transformation ?
Coraly Zahonero : Avec le temps, mon désir de théâtre s’est transformé. Aujourd’hui me
confronter à la parole d’un poète, d’un auteur est presque plus important que l’acte de jouer.
Quand j’ai débuté à 15-17 ans, j’étais mue par un besoin d’expression très fort. J’avais
l’impression d’être si multiple qu’une seule vie ne pouvait me suffire pour dire tout ce qu’il y
avait en moi. Le théâtre a canalisé cela. Aujourd’hui, ma vie de femme est construite, j’ai passé
plus de 20 ans dans cette troupe magnifique, à travailler énormément, à faire des rencontres
artistiques essentielles. Maintenant, j’ai besoin de questionner le monde dans lequel nous vivons.
Mon engagement est devenu plus profond, plus politique aussi. La mise en scène, ou plutôt la
conception de projets personnels se sont imposées naturellement. Je pense que ce qui m’est vital
aujourd’hui, c’est de créer, bien plus que de jouer. J’en ai besoin pour me sentir vivante. J’ai
véritablement commencé la mise en scène en 2011 avec Viento del pueblo, un spectacle musical
que j’ai co-signé avec mon mari Vicente Pradal, qui est musicien. C’est la première fois que j’ai
participé activement à l’adaptation et à l’écriture d’un texte. C’est un nouvel acte fondateur qui
m’a permis d’appréhender autrement mon métier. Auparavant, en 2006, je m’étais essayée à la
mise en scène dans un monologue, L’inattendu de Fabrice Melquiot, au studio-théâtre, c’est là
que j’ai constitué ma tribu pour la première fois : Véronique Soulier N’guyen au maquillage et
Virginie Merlin pour les costumes et la scénographie. J’avais alors demandé à Thierry Hancisse
de me diriger.
Comment, dans votre carrière, la rencontre avec Grisélidis Réal s’est-elle produite ?
Portrait de Grisélidis Réal © DR
Coraly Zahonero : Elle est arrivée totalement par hasard. C’est un coup de foudre absolu que j’ai
eu avec cette femme. En me baladant un soir sur Facebook, je vois une petite vignette d’une vidéo
postée par une connaissance. L’image m’intrigue, on y voit une vieille dame avec une toque en
fausse fourrure panthère sur la tête. Son nom est magique, singulièrement beau : Grisélidis
Réal… Mais qui est-elle ?
J’ai cliqué et j’ai découvert un entretien de 45 minutes réalisé par Pascal Rebetez en 2002. De la
première à la dernière image, je n’ai pas décroché. J’ai été totalement absorbée par le personnage,
sa vie, ses convictions. Cette découverte inouïe, virtuelle, imprévue, m’a totalement bouleversée.
À la fin de ce visionnage j’ai voulu en savoir plus sur elle, découvrant qu’elle était morte depuis
quelques années déjà. Puis j’ai fait connaissance avec ses écrits. J’ai lu tout d’abord Le noir est
une couleur, son unique roman, autobiographique. Ce livre est d’une force impressionnante. Page
après page, son incroyable destin se dévoile. Son parcours est d’une grande originalité. Elle s’est
terriblement mise en danger. Pour vivre, pour se créer et s’inventer, il lui fallait renaître tel un
Phénix. Elle l’exprime ainsi dans ses écrits, « l’autodestruction muée en subtile et flamboyante
victoire » En France, peu de gens la connaissent, il m’a donc semblé impératif de la porter sur
scène. C’est une pute qui défend le droit des putes et le faisant, elle démasque les hypocrisies et
les injustices de notre société. J’ai pu, grâce au théâtre, permettre à un plus large public de
découvrir ce que cette femme unique a à nous dire. Partager son humanisme.
Par touche, Coraly Zahonero dresse le portrait d’une pute féministe et humaniste © Jean-Eryck Pasquier
Comment avez-vous adapté ses nombreux écrits, ses nombreuses prises de parole, en
une pièce de théâtre ?
Coraly Zahonero : J’ai fonctionné beaucoup par intuition. Durant une année, j’ai tout lu, tout
écouté, tout vu, et compulsé dans mon ordinateur ce qui faisait écho en moi. Le travail a été
titanesque, tant la matière était riche. J’ai été aidée par ma mère, ancienne sténodactylo, qui a
gentiment retranscrit tous les entretiens de Grisélidis Réal. Pendant tout un été j’ai travaillé à
construire une sorte de puzzle à partir de cette matière, organisant en monologue la parole de cette
femme incroyable. Je crois que j’ai fait plus d’une quinzaine de versions différentes avant de
trouver le ton juste, la bonne formule. Cela a été très artisanal. Je ne voulais surtout pas une pièce
chronologique qui l’aurait enfermée dans une logique narrative. La seule chose qui était pour moi
une certitude, une évidence, c’était le début et la fin du spectacle : Commencer par deux textes
issus du Noir est une couleur – qui ont marqué sa renaissance au monde et construit son
personnage – : la fuite et la première passe (qui en fait n’était pas vraiment la première…) et finir
avec de la poésie, donc avec des textes véritablement travaillés, qui rendent compte de l’écrivain
qu’elle était. Elle est née en 1929, son destin n’aurait peut-être pas été le même à une autre
époque. Elle n’a jamais réussi à vivre de sa peinture ou de ses écrits. Seule la prostitution lui a
permis de s’assumer et d’être libre. Malgré des épreuves terribles, elle ne s’est jamais positionnée
en victime et a toujours gardé la tête haute. C’est cela que je trouve beau et puissant.
Que retenez-vous de cette rencontre, de ce coup de foudre ?
Grisélidis Réal revit sous les trait de Coraly Zahonero © Vicente Pradal
Coraly Zahonero : Tellement de choses. Avec la parole de Grisélidis Réal, on peut construire
mille spectacles. Le mien est celui de la rencontre entre elle et moi. Dans cette lettre magnifique,
écrite à un ami qui l’a trahie, elle dit tout haut ce que personne ne veut entendre : à savoir que la
plupart de ses clients sont des médecins, des politiques, des journalistes, des avocats, des
commerçants…Elle le dit génialement avec une sincérité terrible, sans juger personne. La scène
avec un client nain et bossu est un paroxysme absolu de l’humanisme contenu dans sa pratique de
la prostitution. C’est extrêmement touchant et dérangeant quand elle raconte qu’elle caresse sa
bosse malgré son épouvante parce-que « ça aurait très bien pu lui arriver à elle… ». Elle a une
réelle empathie, une vraie compassion pour l’autre. C’est juste magnifique. Je crois que c’est en
cela que réside sa force, c’est en cela aussi qu’elle est une artiste. Grisélidis a su transformer la
prostitution en art, en science et en humanisme. Massacrée par l’éducation protestante qu’elle a
reçue, elle a été frigide jusqu’à l’âge de 27 ans, un peu schizophrène aussi… elle a dû passer par
l’autodestruction pour naître à elle-même et la prostitution fut son arme, celle qui lui a aussi
permis d’aller à la rencontre des hommes. Du moins dans la première partie de sa vie. Avec sa
fuite à Munich elle a provoqué le destin dans un acte de révolte insensé. Je crois, quand on
analyse son parcours, que tout cela n’est pas arrivé par hasard. Elle-même l’a compris d’ailleurs,
plus tard. Si une femme se retrouve dans une telle situation, à un moment de sa vie, c’est de
l’ordre de l’histoire personnelle et intime. On n’a pas à la juger ni à la condamner…
Afin de s’approcher au plus près du personnage de Grisélidis et de la comprendre, Coraly Zahonero est allée à la
rencontre de prostituées d’aujourd’hui© Jean-Eryck Pasquier
Après avoir côtoyé cette figure du féminisme, quel est votre regard sur la prostitution ?
Coraly Zahonero : Dans le cadre de ce travail, je suis allée à la rencontre de prostituées
d’aujourd’hui. J’ai recueilli leur témoignage. Toutes ont des destins différents. Toutes celles que
j’ai rencontrées pratiquent la prostitution librement et ont en commun une grande gentillesse et
souvent une grande tendresse pour leurs clients. Leur connaissance de la sexualité des hommes est
impressionnante. C’est comme si elles avaient accès à des mystères, à des complexités que la
plupart des femmes ne connaîtront jamais. Elles sont des techniciennes de la sexualité, dotées
parfois d’une grande psychologie. J’ai mesuré à quel point c’était un métier. Pas comme un autre,
évidemment, mais hautement respectable.
La prostitution forcée est un autre sujet, car elle est assimilable à la traite d’êtres humains. Elle
sert de paravent, de repoussoir, afin de permettre de ne pas considérer « les régulières ». Parler des
femmes violées, victimes de réseaux mafieux (c’est aussi une réalité, terrible !), permet de ne pas
parler de la prostitution en tant que transaction entre deux personnes adultes et consentantes. Cet
amalgame effrayant et dangereux n’aide en rien à lutter contre les proxénètes et à sauver ces
pauvres filles, mais réussit par contre très bien à précariser et à stigmatiser toujours davantage les
travailleurs (ses) du sexe.
Grisélidis Réal se raconte et crée sa légende dans le roman autobiographique Le Noir est une couleur
Tant qu’il y aura de la misère, économique et sexuelle, vouloir éradiquer la prostitution, est
hypocrite et irréaliste. Un monde sans prostitution, c’est un monde utopique, un monde de «
bisounours ». Une fois cela posé, je trouve que la seule façon d’appréhender la chose, c’est de
donner une dignité aux femmes (et aux hommes) qui la pratiquent librement, et des droits. Il faut
aussi donner des moyens à ceux qui luttent contre les réseaux. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Quand la société assumera qu’elle a la prostitution qui lui ressemble, cela sera peut-être un sujet
moins difficile à traiter. En leur donnant des droits, on les rend plus fortes et on les aide à pouvoir
choisir leurs clients. C’est en tout cas le message des prostituées que j’ai rencontrées. La sexualité
peut être difficile et douloureuse. C’est une des conséquences des tabous hérités de la judéochrétienté. L’impact des religions est immense. Elles ont fait du corps de la femme un objet
souvent haï parce-que convoité. Ce n’est pas pour rien que le corps des femmes est souvent caché
dans les pays religieux. Le combat, la révolte des prostituées qui crient haut et fort que leur corps
leur appartient et qu’elles en font ce qu’elles veulent, est important. Car, à mon sens, seule la
femme concernée peut dire si elle est humiliée par un rapport sexuel.
Beaucoup de femmes peuvent l’être sans faire la pute et beaucoup de putes ne le sont pas alors
qu’elles se font payer. Je trouve cela fort, extrêmement féministe comme discours. C’est
révolutionnaire.
Poétesse, peintre, écrivaine, Grisélidis a vécu intensément de multiples vies © Jean-Eryck Pasquier
Que pensez-vous de la loi qui vient d’être adoptée et qui met le client à l’amende ?
Coraly Zahonero : Elle est complètement hypocrite, c’est une catastrophe pour les travailleurs
(ses) du sexe. Elle va entraîner leur précarisation. J’ai bien peur qu’à terme, cela crée une nouvelle
fois, deux niveaux de prostitution : celle pour les riches, qui sera toujours cachée et qui
fonctionnera avec les réseaux – l’affaire DSK résonne encore- et celle pour les pauvres qui vont
refuser d’aller sur les lieux classiques de prostitution, craignant l’amende, et qui vont exiger
d’aller chez la prostituée (ou ailleurs). Dans les rencontres que j’ai faites, une des femmes me
disait que ça lui avait déjà été demandé mais qu’elle refusait encore, pour l’instant. Toutefois,
devant la baisse de la clientèle, elle n’aura bientôt plus le choix. Alors oui, je trouve que les
féministes et les politiques qui défendent l’abolitionnisme ont une vision idéologique et donc
dangereuse. C’est en cela que je me retrouve dans le texte de Grisélidis Réal. Contrairement aux
idées reçues et véhiculées, les hommes qui ont recours à la prostitution ne sont pas tous des
pervers, des violeurs, des salopards. Ce sont le plus souvent des types à la sexualité frustrée,
douloureuse ou compliquée. De nombreuses féministes, très brillantes, très intelligentes trouvent
insupportable qu’un homme paye une femme pour faire du sexe avec elle. J’ai du mal à en voir la
gravité, à partir du moment où la transaction se fait entre adultes consentants, je ne vois pas où est
le problème. Résonne en moi ces heures de discussions avec ces prostituées, devenues des amies.
Elles m’ont tellement raconté leur vie, leurs rapports aux clients. La parole de Grisélidis, que je
n’ai pas connue, porte aussi celles de toutes ces femmes devenues des proches. Alors oui, je pense
que la loi n’a pas à se mêler de cela, et à partir du moment où elles payent des impôts, elles
doivent avoir les mêmes droits que tout le monde : la retraite, la protection médicale, etc… J’aime
les femmes, profondément. Elles sont courageuses, elles sont fortes, pleine d’imagination.
Grisélidis Réal est l’incarnation d’un féminisme qui me plait. En se battant pour conquérir sa
propre liberté, et affirmer sa singularité, elle mène une lutte pour l’émancipation de toutes les
femmes sans la détestation des hommes.
Envisagez-vous de faire d’autres spectacles autour de Grisélidis ?
avec délicatesse et fougue, Coraly Zahonero se glisse dans la peau Grisélidis Réal © Vincent Pontet
Coraly Zahonero : Pour l’instant, je ne me pose pas la question. Je l’ai joué quatre fois en 2013,
cinq fois en 2014. Le spectacle trouve enfin son chemin. Né comme une carte blanche, le
spectacle continue grâce à l’accueil du public, particulièrement réceptif. Souvent, les gens sortent
bouleversés. Puis, Olivier Meyer l’a programmé au TOP dans son festival » Seul (e) en scène »
et il est devenu mon producteur et diffuseur avec le Théâtre Jean Vilar de Suresnes. J’ai donc pu
continuer à porter le projet, à le transformer. Depuis 2014, je l’ai énormément retravaillé. Le texte
ne cesse d’évoluer. J’ai rajouté des choses, j’en ai coupées d’autres. Par exemple, depuis le
massacre perpétré à Charlie hebdo, on ne peut plus blasphémer de la même façon.
C’est terrible ! J’ai donc voulu traiter cela aussi. La parole de Grisélidis Réal s’inscrit absolument
dans la réalité du moment. C’est aussi pour cela que c’est très fort. La loi sur la pénalisation des
clients tombe pile au moment où je joue le spectacle. Je me devais de le relever. Le spectacle est
ainsi encore plus percutant. J’ai encore quelques pépites sous le coude et je me laisse absolument
le droit de changer encore les textes. Ses enfants, qui sont ses ayant-droits me font totalement
confiance. La rencontre incroyable qui nous unit, leur mère et moi, par delà sa disparition est
étrange et mystérieuse, pour eux comme pour moi. Grâce à l’aide et au talent de ma maquilleuse,
Véronique Soulier-N’guyen, j’ai pu réincarner Grisélidis Réal. Elle est devenue un personnage
de théâtre. Une reine Egyptienne ! Elle est La Pute, une hétaïre majestueuse…
Grisélidis d’après la parole et les écrits de Grisélidis Réal sera présenté au festival OFF
d’Avignon
Le Petit Louvre – Les Templiers
23 Rue Saint-Agricol
84000 Avignon
Du 8 au 30 juillet – relâche les 14, 21, 28
à 18h15
Durée 1h10

Arkult
Focus, Théâtre — 13 juillet 2016 13 h 10 min
Avignon OFF 2016 : « Grisélidis »,
confessions d’une prostituée humaniste
Marianne Guernet-Mouton
Photo : Jean-Erick Pasquier
Seule en scène, Coraly Zahonero – de la Comédie-Française – pour son premier Festival
d’Avignon incarne l’écrivain-poète-prostituée militante Grisélidis Réal (1929-2005),
après des mois passés à lire ses livres, correspondances, rencontrer et sa famille, et des
prostituées pour élaborer son personnage pour une prestations saisissante.
Dans un décor intimiste composé d’un lit, d’un paravent et d’une coiffeuse, Coraly Zahonero
économise ses gestes mais pas ses mots, ponctués de temps à autres par la saxophoniste
Hélène Arntzen et la violoniste Floriane Bonanni. Son discours semble donné à vif et retrace
la vie de la femme, des moments passés avec ses clients à son activisme pour la « Révolution
des prostituées », militante jusqu’aux Nations Unies. Si les mots sont parfois durs et peuvent
sembler crus, c’est que Grisélidis s’est caractérisée par sa défense publique de la prostitution
qu’elle considérait comme un acte d’humanisme. Par des récits de moments passés avec ses
clients les plus étranges, l’actrice parvient à dresser une sorte de bestiaire du métier et à
injecter de l’humour dans une prestation qui reste grave. Grave non pas pour la prostituée,
mais pour le regard qu’elle jette sur le monde et sur la détresse des hommes dépêchés dans
son lit pour qui le bonheur réside dans la chaleur d’une femme.
Après tout, qu’est-ce qu’une putain ? Au-delà de l’image de déchéance que notre société colle
à la prostitution, pour Grisélidis se prostituer était une manière de venir en aide aux hommes,
de comprendre la souffrance de l’autre et de faire preuve d’humanisme. Partant de son
enfance massacrée par une mère moralisatrice à outrance, la comédienne tient un discours
piquant sur la politique et la religion qui fait du public une assemblée d’iconoclastes prêts à
entendre que « Dieu est un con », et que l’hypocrisie du créateur doublée de la morale judéochrétienne qui sous-tend notre monde si manichéen a assassiné la sexualité. Même si
Grisélidis reconnaissait se sentir piétinée après des nuits passées avec ces hommes à qui elle
volait parfois un orgasme, elle était là, socialiste convaincue pour les expulsés de l’humanité.
Tout de noir vêtue, marquée par des lumières rouges chaleureuses, Coraly Zahonero touche
par sa sincérité et rend un hommage vibrant à l’auteure de « Le Noir est une couleur », pour
qui le sexe ne menait pas à la petite mort, mais au contraire, à la grande vie.
Grisélidis, d’après Grisélidis Réal, de et avec Coraly Zahonero de la Comédie-Française et
Hélène Arntzen (saxophones), Floriane Bonanni (violon).
Festival d’Avignon, Théâtre du Petit Louvre, 13, rue Saint Agricole, 84000 Avignon, jusqu’au
30 juillet, relâches les 14, 21 et 28, 18h15, durée 1h15.
coups de coeur du In et du Off
Grisélidis : prostituée pour l’humanité
« Je suis passée de l’autre côté, celui d’où on ne revient plus. » Ainsi s’exprime Grisélidis Réal, femme
libre, écrivain, peintre et courtisane suisse, qui fit de sa vie de prostituée un combat de vie,
d’indépendance et de liberté.
Dans son unique roman autobiographique « Noir est une couleur », mais aussi dans ses nombreuse
lettres et poèmes, elle fera de la prostitution un art de vivre, une science humaine, accusant la
société d’hypocrisie et de mensonges vis à vis d’une pratique salutaire mais condamnée par la
morale judéo-chrétienne. « Ma mère m’a assassinée, a brisé ma sexualité » clame-t-elle.
De cette enfance massacrée dont elle prendra royalement sa revanche en marge de la la loi,
s’enfuyant avec un GI noir américain rencontré dans un bordel, elle prendra le contre-pied en
sauvant sa propre vie et celle des hommes, cohorte infinie de pauvres et de riches, frustrés ou
impuissants, qui passera dans son lit. S’emparant de ces écrits brûlants, provocants, fulgurants de
beauté, Coraly Zahonero, sociétaire de la Comédie Française, en fait un spectacle haletant, entourée
de deux merveilleuses musiciennes, au violon et au saxophone, qui ponctuent son propos.
Sorcière généreuse, Gitane au grand coeur, infirmière des âmes, Coraly est une Grisélidis magnifique
et gouailleuse, tendre et sulfureuse, dans sa robe de satin noir et son regard félin. Sa voix rauque et
son petit accent helvétique nous ont ensorcelés.
Hélène Kuttner
De la cour au jardin
Des critiques, des coups de coeur, des coups de gueule ! Des
âneries, aussi... Beaucoup !
Grisélidis
Publié le 6 mai 2016 par Yves POEY
Honte à moi !
Je le confesse, non seulement je n'avais jamais rien lu de Grisélidis Réal, mais
j'ignorais totalement tout de cette écrivaine, peintre, anarchiste et prostituée
genevoise (1929-2005).
C'est donc dans cette parfaite ignorance que je me retrouvai au Studio-Théâtre de la
Comédie française pour assister à ce quatrième monologue de la série « Singulis ».
Cette fois-ci, c'est Coraly Zahonero qui s'y colle.
On est tout d'abord stupéfait par la transformation physique de la comédienne : non
seulement, elle présente une troublante ressemblance avec le personnage, mais elle
a choisi de raconter ces textes avec l'accent vaudois, ce qui fonctionne parfaitement.
Pendant une heure, elle va dire les textes de cette femme si lucide sur son « métier »
de prostituée.
Dès son entrée en scène, je devrais plutôt dire dès son entrée dans le public et sur le
proscénium, Melle Zahonero donne le ton : « Si vous avez le courage de m'écouter,
vous prenez des risques ».
Ces risques, ces textes, c'est en quelque sorte une sociologie de la prostitution : rien
ne nous est épargné, rien n'est caché, tout est dévoilé.
Derrière les propos crus, derrière la réalité parfois sordide, c'est bien entendu le
rapport à l'Autre qui transparaît : ce métier qu'on dit le plus vieux du monde est pour
l'auteure un « métier de service public », un métier qui aide les hommes, un métier
indispensable et nécessaire, totalement assumé en tant que tel.
Et dans ce registre-là, la comédienne excelle : tout à tour enjôleuse, caressante,
sensuelle, mais également triste, perdue, tragique, émouvante, elle utilise une
incroyable palette de jeu.
C'est un véritable émerveillement que de la voir, que de l'écouter raconter, dire,
expliquer...
A tel que point que lorsqu'elle m'a fixé en racontant une des passes avec un
micheton (j'étais à ma place favorite au troisième rang, en plein dans l'axe, à hauteur
d'yeux) je me suis demandé si mes voisines n'allaient pas me regarder bizarrement
en sortant de la salle.
Curieuse et saisissante impression !
Et puis également le registre de l'humour.
Car Coraly-Grisélidis nous fait énormément rire : les anecdotes concernant le client
portugais aux "couilles énormes" (sic), ou le client à la fois nain et bossu sont des
grands moments d'anthologie !
La salle rit de bon coeur.
Sont évoqués également les rapports épouvantables de l'auteure avec sa mère, (ceci
explique-t-il cela ?), et puis également la condition féminine, avec la peur qu'inspirent
les femmes à certains hommes, notamment ceux qui ont recours à la prostitution.
(Petite digression, je me suis rappelé les cours de Christian Ingrao, historien,
universitaire français spécialiste de l'histoire du nazisme, qui démontre que le point
commun de toutes les dictatures, de tous les fascismes, c'est justement la peur de
femmes. Et je referme ma parenthèse.)
Alors bien entendu, une question se pose : pourquoi avoir choisi Grisélédis Réal et
son monde, Melle Zahonero ?
Mes hypothèses :
- Le caractère anarchiste et paradoxalement très féministe de ces textes ?
- L'analogie tant de fois établie entre le métier de Mme Réal et le métier de
comédienne ?
- L'actualité politique récente, avec la loi de pénalisation des clients ?
(A ce propos, la salle éclate de rire lorsque la comédienne, décrivant son métier,
hurle « Mais il est où, le socialisme ? »)
- Les trois à la fois ?
Allez savoir....
Mention spéciale aux deux musiciennes qui accompagnent la comédienne, et
notamment à Hélène Arntzen, excellente saxophoniste. (La symbolique de
l'instrument est ici évidente. Suivez mon regard...)
C'est donc une heure formidable qui nous est proposée.
Une heure durant laquelle Coraly Zahonero nous raconte une histoire et surtout, un
personnage.
Une heure en tête à tête avec une personne incroyablement intense.
Une heure de vrai théâtre.
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Studio-Théâtre (Louvre) de la Comédie-Française
Jusqu'au 8 mai - 20h30
Publié dans Critique
Critique - Avignon Off
Grisélidis
La consolante
Par Cécile STROUK
Publié le 20 juillet 2016
Raconter la prostitution avec humour est en soi un tour de force. C’est tellement grave,
tellement intime, tellement décrié qu’on ne s’attend pas à en rire. Et pourtant, le visage de
Grisélidis Réal composé par Coraly Zahonero arrache des sourires. Des rires, même. Des rires
francs et bienveillants face à l’honnêteté qu’elle emprunte pour nous parler.
Cette Grisélidis avignonnaise parle moins d'elle-même que des files indiennes d'hommes
rencontré sur ce matelas. Un nain bossu, un Portugais énervé, un Turc qui ne veut surtout pas
qu'on le prenne pour un Arabe... Tous ces êtres que la frustration d'être ou de ne pas être
accule à se tourner vers une pute. Tous ces interdits intériorisés qu'ils font exploser en
cachette, honteux, dans une impression erronée de puissance. Qui les fait éructer. Quand ils
éructent !
Car la jouissance n'est pas donnée à tous. Et encore moins à Grisélidis, qui ne l'éprouve qu'en
compagnie de cet homme noir qu'elle aimera passionnément avant qu'il ne lui soit arraché.
Finalement, c'est le seul moment où elle nous crie sa souffrance. Le reste est assumé comme
un liberté absolue, qui a un prix certes - celle des maladies, des traces qui décolorent la
matière du corps - mais qu'elle n'abandonne pour rien. En lutte contre l'hypocrisie bourgeoise.
Avec ce grain de voix "gouaillard" et ce rythme permis par les impromptus musicaux live
(violon et saxophone), elle nous prend dans son cercle. Non pas porté par le vice mais par la
vertu d'une justesse sensorielle et intellectuelle. Un hymne à ce pouvoir si communément
associé aux femmes : l'empathie.
ThéâToile
Du théâtre au cinéma mais toujours des étoiles plein les
yeux
Coraly Zahonero : « Je voulais faire entendre cette parole de vérité »
Publié le 19 juillet 2016 par TheaToile
Actuellement au Petit Louvre, tous les jours sauf le jeudi à 18h15 avec son seul-en-scène
incroyable, Grisélidis, dans le cadre du Festival Off d’Avignon, Coraly Zahonero, sociétaire
de la Comédie-Française, a pris le temps de venir nous parler plus en détail de cette figure de
la prostitution et nous donner à entendre une parole sincère qui mérite de faire bouger les
mentalités de ceux qui oseront partir à la découverte de ce sujet.
© Stéphane Lavoué
Quel est le parcours qui vous a amenée jusqu’au théâtre ?
Je cherchais une expression, tout simplement. Quand j’étais petite, j’ai un peu tout fait : du
dessin, de la peinture, du piano, de l’équitation, du tennis… Et puis j’ai tout abandonné. Un
jour, j’ai entendu parler le théâtre. Ça m’a semblé mystérieux, très beau donc j’ai demandé à
mes parents de m’emmener à Paris aux cours Florent pour faire un stage. Ils m’ont offert
quinze jours de stage pour mon Noël et cela a été une révélation. Durant ce stage, on nous
demandait de lire et de préparer du Marivaux, Shakespeare, Tchekhov… Ils étaient tous noté
donc j’ai commencé à lire et je suis tombée sur des textes comme celui de Perdican dans On
ne badine pas avec l’amour. Ça m’a bouleversée. Le goût était pris et à partir de ce momentlà, je suis rentrée au conservatoire de Montpellier et puis j’ai continué.
Comment s’est faite la rencontre avec Grisélidis Réal ?
Par hasard ! Sur internet, je suis tombée sur un entretien et le nom m’a fait rêver, j’ai trouvé
qu’il était très beau. C’était une vieille dame avec une toque en fourrure sur la tête, des yeux
peints un peu à l’égyptienne et je me suis demandé « mais qu’est-ce que c’est que cette bonne
femme ? ». L’entretien durait quarante-cinq minutes, je suis restée jusqu’à la fin. C’était
tellement limpide, fort, précieux ce qu’elle disait. J’ai voulu en savoir beaucoup plus. Nous
étions en 2011 et j’ai vu qu’elle était morte en 2005. Alors, j’ai commandé tous les livres
qu’elle avait écrits. J’ai d’abord lu Le noir est une couleur puis La passe imaginaire et Les
sphinx. J’ai regardé tous ses entretiens et très vite, j’ai eu l’intuition qu’il fallait porter cette
parole sur une scène de théâtre. J’ai eu envie de faire un spectacle avec ça. J’ai donc travaillé
plus d’un an sur le texte pour avoir un matériau comme un monologue, un texte véritablement
théâtral avec tout ce qui avait fait écho en moi. Au départ, je pensais juste faire le spectacle et
le mettre en scène mais on m’a convaincue que ce serait bien que ce soit moi qui le joue. A ce
moment-là, j’ai fait un chemin vers elle pour essayer de créer son personnage puisqu’elle
n’était plus là. Je souhaitais vraiment que ce soit elle qui revienne. Elle est morte, certes, mais
mon intention était qu’elle revienne théâtralement, poétiquement, pour parler ! Elle a un style
littéraire, un parler incroyable. Dans tous ses entretiens, elle est d’une clarté où tout est au
scalpel. Elle a un rapport aux mots extrêmement précis. Je trouvais qu’il y avait le fond – ce
qu’elle racontait – et qu’il y avait la forme. Chez elle, tout est extrêmement lié. En tant
qu’actrice, je me suis dis que pour que l’on m’écoute, autant trouver son essence, c’est-à-dire
ce qui fait que d’un coup, c’est elle ! C’est un vrai travail d’alchimiste et de composition mais
qui est venu de manière organique, naturelle, en l’écoutant beaucoup où je me suis aperçue
qu’elle articulait tout, il n’y a pas un mot, jamais, qui lui échappe. On est loin de la prostituée
soumise et esclave et plus proche de la putain absolue, qui dégage quelque chose de sacré.
C’était important de l’incarner avec dignité, beauté. Pour m’écouter durant une heure dix, il
faut fasciner et donc il faut trouver ce qu’elle avait de fascinant. J’ai rencontré tous ses amis et
ses enfants. Je suis allée à Genève, à Sion [en Suisse ndlr] chez son fils aîné qui m’a montré
des pages dans son ordinateur. C’était un chemin très intime vers elle et cela a été magnifique
avec beaucoup d’amitiés. J’ai aussi, par la même occasion, découvert ce métier à travers des
prostituées merveilleuses qui m’ont beaucoup touchée et bouleversée. Au départ, ce n’était
pas du tout mon envie de parler de la prostitution. Je voulais juste faire entendre cette parole
de vérité.
Qu’est-ce qui a changé dans votre vie depuis que vous avez fait ce chemin vers elle ?
Grisélidis m’a rendue plus forte. Quand elle dit « la vérité, il faut la regarder en face, il faut la
mettre sur la table, il faut la soutenir, il faut la démystifier », cette chose-là qui n’est pas facile
dans la vie, pour moi, cela tombait à pile et m’a permis de dépasser certaines choses. Elle a
une force et un caractère de vie inouïs. S’emparer d’elle c’est d’une telle résistance, d’un tel
humanisme. C’est quelqu’un qui fait du bien. En me traversant, elle me fait du bien.
Ce qui a changé en moi également, c’est mon regard sur la prostitution. C’est vraiment elle –
et les femmes que j’ai rencontré grâce à elle – qui m’ont fait avoir l’avis que j’ai aujourd’hui
sur le sujet. Du coup, par loyauté pour Grisélidis qui n’est plus là, aujourd’hui, je lui rends
hommage en faisant un peu mien ce combat qui était tellement celui de sa vie. Même si je ne
suis pas prostituée, j’ai beaucoup de respect pour ces femmes et je trouve que la loi leur fait
beaucoup de mal et ce n’est pas juste. D’un point de vue légal et sociétal, il y a un chemin
énorme à parcourir pour donner à ces femmes la dignité à laquelle elles ont le droit. Elles font
quelque chose d’extrêmement nécessaire. Celles qui ont le courage et la nécessité de le faire
le font avec intelligence et sensibilité donc je trouve qu’il faut les protéger ces femmes-là et
les soutenir plutôt que de les traiter comme on le fait. On luttera beaucoup plus efficacement
contre les réseaux et le proxénétisme si on protège les femmes qui le font librement.
De mon côté, je porte aussi cette parole en espérant que cela puisse faire un peu bouger les
esprits, les gens, le public car ça amène beaucoup d’informations. Dès que je le peux, j’essaye
de dire ce que je sais sur le sujet et je commence à en savoir beaucoup. Il faut élargir les
cœurs et les esprits
Quelle est votre journée type durant le Festival d’Avignon ?
Avant de jouer je ne fais rien. Je reste dans mon appartement, je me repose, je fais toujours
une italienne, c’est-à-dire que je revois toujours mon texte, pour moi, tranquillement, presque
en dormant. Si je me suis levée tôt je vais faire une petite sieste et je mange des pâtes [rires].
Tout doucement, je pars au théâtre pour y être vers 15h30. A partir de là, je me prépare.
Après, quand il y a des amis, nous allons dîner ensemble.
Pour le moment, je n’ai été voir que deux spectacles : Les Damnés, à la première, parce que
ce sont mes camarades [les membres de la troupe de la Comédie-Française dont Coraly
Zahonero fait partie ndlr] et Catherine Salviat à 21h30. J’y vais doucement parce que je suis
encore bien fatiguée mais j’irai voir des spectacles plutôt à la fin du festival comme Ariane
Ascaride qui joue dans Touchée par les fées juste avant moi [au Petit Louvre ndlr] mais j’irai
de préférence un jeudi qui est mon jour de relâche.
Quelle est votre vision du théâtre et quel rôle joue-t-il dans notre société actuelle ?
Pour moi, le théâtre, c’est un miroir du monde donné aux spectateurs. Parce que c’est un
spectacle vivant, c’est comme si nous nous regardions nous-mêmes. Cela peut vraiment
modifier la pensée de la personne, se regarder et donc peut-être se changer. Pour moi, c’est
vraiment un regard sur le monde et sur l’humain.
Quels sont vos projets après Avignon ?
A la rentrée, je pars en tournée avec Les rustres de Goldoni, mis en scène par Jean-Louis
Benoît, que j’ai joué au Vieux-Colombier la saison dernière, de septembre à décembre inclus.
J’ai un autre projet en gestation donc je préfère ne pas trop en parler pour le moment. Nous
avons très envie de faire une grosse tournée avec Grisélidis et de l’emmener le plus loin
possible. Nous ne l’avons joué que dix fois au Studio-Théâtre cette année dans les Singulis et
au Théâtre Suresnes Jean Vilar [qui produit la tournée ndlr] et nous espérons le reprendre à
Paris, en fixe, dans un théâtre où j’ai le droit de jouer en tant que sociétaire de la ComédieFrançaise mais pour le moment nous n’avons pas de dates.
Théâtre
● Avignon Off 2016 ● Annihiler la
souffrance et faire jaillir l'altruisme, le
temps d'un petit bonheur
"Grisélidis", Comédie-Française Studio, Paris >> Festival
Off d'Avignon
Du fond de la salle à l'avant-scène, Grisélidis (jouée par Coraly Zahonero)
parle d'elle, de sa vie et tient colloque. Prostituée, sociologue, anarchiste,
écrivain. Les mots hésitent à la caractériser.
© Vincent Pontet, collection Comédie-Française.
Accompagné par la plainte du violon et les gémissements du saxo qui peuvent s'accorder et
s'exacerber en une danse endiablée, le personnage est à la lisière des mondes, joue avec
l'ombre (ses ombres) pour donner du relief à la lumière.
Un rideau s'ouvre comme un paravent, elle s'installe à sa table de toilette ou son lit de parade
et le lointain s'élargit à l'azur. D'apartés en apartés, Grisélidis conquiert la scène de sa vie et la
scène du théâtre. Ce qui pourrait être monologue fermé devient témoignage et dialogue.
L'intimité est partagée. Une immense solitude enfermée par tous les tabous devient ainsi
concertante et déconcerte…
Car Grisélidis dit les choses en tout réalisme. Un langage populaire glisse en une langue
recherchée. Sans à-coups, ni effets littéraire de genre. Jamais complaisant, jamais argotique.
Plutôt que de développer un pittoresque du malheur, le personnage lucide sur lui-même et la
misère qui l'accompagne, tient un discours d'amour et de compréhension. Insistant sur le rôle
social éminemment positif de la prostituée.
© Vincent Pontet, collection Comédie-Française.
Coraly Zahonero a de l'enfant le sens de la gravité et de l'émerveillement : le caractère mutin,
la conscience et la présence.
Tout se passe pour le spectateur comme si cette femme avait accumulé, concentré en elle, tous
les désirs inaccomplis de ses aïeules et, dans une fulguration d'énergie, avait franchi la ligne
comme un accomplissement des fantômes et inversé la courbe des destins. Fût-ce au prix de la
pesanteur du quotidien.
La comédienne installe dans l'instantané du théâtre le miroir de la jouissance du premier
amant aimant aimé, rétablit l'émerveillement de cet instant qui annihile toutes les durées de
souffrance. Et de sa misère qui accompagne toutes les misères fait jaillir l'altruisme, le temps
d'un petit bonheur.
Ce spectacle est une très belle illustration de ce que peut être l'effet théâtre. Et Grisélidis
rejoint le paradigme de Marie Madeleine.
"Grisélidis"
© Vincent Pontet, collection Comédie-Française.
D'après la parole et les écrits de Grisélidis Réal.
Conception et interprétation : Coraly Zahonero, de la Comédie-Française.
Avec : Hélène Arntzen, saxophones et Floriane Bonanni, violon.
Collaboration artistique : Vicente Pradal.
Scénographie et costumes : Virginie Merlin.
Maquillages et coiffures : Véronique Soulier-N’Guyen.
Lumières : Philippe Lagrue.
Durée : 1 h 10.
Spectacle pour adultes.
Du 27 avril au 8 mai 2016.
Du mercredi au dimanche à 20 h 30.
Studio Théâtre, Comédie-Française, Paris 1er, 01 44 58 15 15.
>> comedie-francaise.fr
● Avignon Off 2016 ●
Du 8 au 30 juillet 2016.
Théâtre du Petit Louvre, Chapelle des Templiers.
Entrée rue Félix-Gras, au niveau du 29 rue Saint-Agricol.
Tous les jours à 18 h 15, relâche le jeudi.
Tél. : 04 32 76 02 79.
>> theatre-petit-louvre.fr
Jean Grapin
RHINOCEROS.EU
DU 08/07 AU 30/07/2016 AU THÉÂTRE DU PETIT LOUVRE | DURÉE : 1H10 | POUR Y ALLER
Grisélidis est belle dans sa robe noire et parée de bijoux ; elle
arpente comme une reine cette chambre désuète de prostituée des années
1940. Raffinée, la voix chantante et le regard doux, elle nous raconte crûment son
quotidien, les caprices sexuels de ses clients, ses tourments de femme publique. Et
c’est au final une grande claque d’humanité qu’elle nous donne, elle qui a une
compassion infinie pour tous les hommes, qui s’est tant battue contre la société bienpensante et pour la dignité des prostituées, prônant une sexualité féminine épanouie,
plaçant l’amour comme religion et l’hypocrisie comme ennemie personnelle.
C’est Coralie Zahonero, de la Comédie Fançaise, qui a adapté les écrits et
interviews de cette femme hors du commun et qui l’interprète, accompagnée de deux
musiciennes. Sa douceur et sa séduction, ainsi que sa diction parfaite, nous ont
donné pendant une heure le sentiment de réellement rencontrer Grisélidis… Un
immense merci à elle pour avoir porté cette magnifique parole féminine, encore
aujourd’hui.
Crédit photo : Vincent Pontet
CLÉMENCE GROS
Chaque semaine, la tribune des hommes et des femmes qui
résistent, la voix de celles et de ceux qui proposent de
changer la société.
La vie sexuelle et amoureuse, littéraire et
picturale de Grisélidis R.
THÉÂTRE• Grisélidis Réal ou l’écriture au ventre. Entre célébration du corps noir,
vertige des sens, désespérance et corps brisé, voici l’odyssée d’une courtisane au grand
cœur qui pensait son métier de prostituée en termes de mission humaniste. Dans
« Grisélidis » signé Coraly Zahonero, la péripatéticienne, peintre dessinatrice et écrivain
est comme racontée par elle-même, sur un ton proche tour à tour de l’entretien et de la
poésie à l’état sauvage.
Publié le 24 juillet 2016 par Bertrand Tappolet dans la rubrique Culture
"Grisélidis" de et par Coraly Zahonero. Photo de Jean-Erick Pasquier
Celle qui à la fin de sa vie se gaussait de tout, y compris de la mort est dotée d’une prose « qui
se permet des fulgurances magnifiques, bouleversantes, musicales. Gonflées de lyrisme,
chargées d’émotion, ses phrases sont empreintes d’une magnificence baroque et de cette
liberté révoltée des valses tziganes chères à l’auteure », pose la critique littéraire et
nouvelliste, Anne Pitteloud. Elle ajoute : « Les écrits du moi sont bien le lieu privilégié d’une
interrogation sur l’identité, où un ‘je’ mouvant se construit et s’invente dans le processus de
l’écriture. » Ceci, en abordant, au sein du « texte même la question de l’écriture et de ses
limites. »
Grisélidis, la pièce conçue et incarnée par la comédienne Coraly Zahonero appartenant depuis
seize ans à la troupe la plus prestigieuse qui soit, celle de la Comédie-Française, se scelle sur
les paroles du poème Hallali, daté du 11 mai 2002 à l’Hôpital universitaire de Genève. Elles
sont dites lentement par l’auteure, sur un ton appliqué et attentif détachant chaque syllabe :
« Dans le ciel bleu argent / Inéluctable est l’heure, impassible l’instant / Qui fauche à la
racine la fleur de notre vie, / Quand tourne et quand s’arrête la roue couleur du temps /
J’abandonne mes ivresses passées / J’exile mes passions secrètes / Mains douces, mains de
feu zébrant la chair obscure / Alcool noir. Alcool rouge, alcool vert / Sexe bleu, Cœur en fête.
/ Couchez-vous Voluptés / Comme des chiens à mes pied / Et léchez vos blessures / J’entends
la nuit chanter / Bien au-delà des murs / L’aurore s’envoler / Sur son lit de velours ».
En entretien autour de la petite table d’un restaurant jouxtant le Théâtre du Petit Louvre,
Coraly Zahonero explique : « J’ai été bouleversée par son dernier recueil, ‘Les Sphinxs’, un
livre où elle combat le cancer avec une dignité et une force incroyable. Avec la même force et
dignité qui l’ont vue combattre pour les droits des prostituées. Elle y écrit : » A la fin, le
silence et la poésie « . Il est ainsi beau que ce spectacle finisse aussi en poésie. D’où l’envie
que les gens repartent en compagnie de la beauté absolue de cette âme après avoir entendu
des choses très crues. » Et la comédienne d’évoquer « un personnage de légende éminemment
théâtral ». Il l’a peut-être ramenée sur les rivages de certains rôles du répertoire qu’elle a
interprété, dont Mafanwy Price qui faisait le chien dans La Mer d’Edward Bond et ses
personnages en quête de vérité et d’idéaux. Une pièce d’avant le déluge et le début de la
Grande Guerre, comique, tragique et férocement humaniste mise en scène par Alain Françon
en 2016 à La Comédie-Française.
Dans le programme de la Comédie-Française dont son actuel directeur Eric Ruf a souhaité
l’ouverture sur des monologues au fil d’un programme intitulé « Singulis », Coraly Zahonero
écrit : « Rencontrer les mots de Grisélidis Réal, prostituée révolutionnaire et anarchiste, fut
un vrai choc, un bouleversement. Ce spectacle est né de ma volonté de restituer ce choc. J’ai
eu très vite l’absolue certitude que ses mots devaient être dits, qu’ils étaient nécessaires.
J’allais donc inventer son personnage de théâtre pour les mettre debout et les faire résonner
sur une scène. Comme un puzzle, j’ai rassemblé tout ce qui, dans ses écrits et dans ses
interviews, trouvait un écho en moi, jusqu’à ce que j’obtienne un texte homogène. Son style
est unique, fait de gouaille rageuse et drôle, de poésie ciselée. Elle défie toutes les
conventions, avec ses mots terribles de révolte et de beauté qui démasquent toutes les
hypocrisies de notre siècle et tentent de changer le regard de la société sur ces femmes
maudites, dites putains, dont elle fut l’égérie. Elle a lutté toute sa vie pour que les prostituées
soient respectées, remerciées, que la société les reconnaisse, que les lois les protègent et
cessent de les stigmatiser et de les punir. »
Grisélidis Shéhérazade
« J’ai voulu débuté avec son seul texte littéraire romanesque. Empreint d’une grande beauté,
‘Le Noir est une couleur’, se révèle si construit et travaillé. Il décrit la première passe qui
n’est pas vraiment inaugurale. C’est par ce roman qu’elle s’est inventé son destin. Sa vie y
bascule. Elle s’est révoltée. Voulant être libre, elle entreprend cette fuite insensée, folle avec
ce Noir de quarante ans, schizophrène. C’est ce personnage théâtral qui sort de la Nuit,
Grisélidis, la putain, l’hétaïre éternelle, qui revient parler. La poser ainsi en conteuse venant
elle-même raconter ce qu’elle a décidé de fixer pour l’éternité. Il y fallait aussi sa révolte, sa
dimension sociale fustigeant les politiques et leur hypocrisie face à l’activité
prostitutionnelle », détaille la comédienne. Côté silhouette, Coraly Zahonero ne lésine pas, à
l’image de son « modèle », sur le rimmel et le khôl qui dit la gitane autant que la tenue noire
en velours marouflée de motifs en relief.
« Moi je suis de race gitane. J’aime la nuit et son haleine invisible qui donne à l’univers son
espace sans limite », entend-on dans Le Noir est une couleur. Royauté et pauvreté tzigane
s’entremêlent lorsque Marina Salzmann aujourd’hui enseignante et nouvelliste consacrée par
l’ancien Prix Schiller étudie il y a vingt ans « L’Univers vestimentaire dans La Passe
imaginaire ». Elle écrit sur l’accessoire vestimentaire théâtralisé à la corporéité étrangère à
toute fonction utilitariste en faisant du « tissu la métaphore du texte » et pointant « dans la
trame discontinue de l’étoffe noire aussi bien une image de la fragmentation propre au genre
épistolaire qu’une mise en abyme d’une esthétique qui marie le foisonnement stylistique et
diverses figurations du lacunaire ».
Ce, avec la jupe noire de deux décennies. « Elle a tellement été portée qu’elle est devenue une
seconde peau. Son usure fait écho à la fatigue de ce corps dont Grisélidis Réal détaille avec
un humour cru les maladies gynécologiques qu’il faut soigner à coups d’antibiotiques, les
écorchures qu’il faut enduire de crèmes parfois inopérantes, ceci afin de pouvoir bientôt à
nouveau travailler, boire et faire la tête. La ténacité, l’opiniâtreté physique, et le courage sont
les qualités principales que la scriptrice révère chez le peuple nomade qui semble ainsi
accéder à une sorte d’aristocratie. »
« Gipsy Queen », « Royale Courtisane » et « populaire péripatéticienne », Grisélidis Réal
décrit ses clients et activités avec une précision déconcertante et un langage cru au scalpel,
quasi ethnographique et sociologique, empathique et poétique. Elle évoque le « troupeau »
d’hommes de son carnet noir – dont le nain sicilien et sa bosse qui le difforme, lui, et la
trouble, elle– et défend sa profession avec ardeur et fierté. Des clients qui sont souvent des
migrants, des émigrés, des damnés de la terre qu’elle accueille malgré le fait que certains
manquent de l’étouffer, la plaque au mur, la déchire et la brise littéralement.
Ils sont nombreux les éclats d’une existence souvent chaotique qui la montre insurgée et
combattante, du côté de l’amour et de la vie. À tout âge, elle résiste grâce aux petits bonheurs
de la vie, comme s’acheter un petit sapin de Noël électrique pour illuminer ses derniers jours.
Un sapin et sa guirlande lumineuse que l’on retrouve sur scène. Ce qui a guidé au cœur de
cette volée de textes est une phrase « extrêmement juste » du journaliste Jean-Luc Hennig à
l’enterrement de la Courtisane : « Un seul cri lie tous ses mots. C’est donc qu’on doit les lire
tous ensemble pour Grisélidis qui est un être que l’on ne peut morceler », précisément entre
ses activités prostitutionnelles, militantes, littéraires et plastiques.
Un ouvrage artisanal et sisyphien
Pour travailler sa partition, la comédienne a rencontré d’anciennes amies de Grisélidis Réal :
Peggy, une transsexuelle, ou Sonia, aujourd’hui à la retraite. Elle a aussi échangé avec des
femmes à Paris, par l’intermédiaire de Françoise Gilles, sociologue et fondatrice du Bus des
femmes. « J’ai voulu aller à sa rencontre au-delà de la mort et dialoguer avec les êtres qui
l’ont le mieux connues et dont elle était proche : ses quatre enfants, ses amies prostituées en
activité ou retirées. C’est un travail d’alchimiste, médiumnique aussi dans la manière de
prendre sa parole en moi pour la restituer. J’ai pu alors éprouver à quel point la parole de
Grisélidis est encore d’une forte acuité et pertinence pour les prostituées de nos jours. J’ai
ainsi épousé les combat de Grisélidis pour les droits des prostituées »
La nouvelle législation pénalisant le client est dénoncée par leur syndicat français, le
STRASS. Le but de cette loi est bien de mettre fin à la prostitution mais la députée Maud
Olivier, à l’origine de la proposition, reconnaît que ce ne sera pas pour tout de suite.
« L’objectif est de la faire diminuer, de protéger les prostituées qui veulent en sortir, et de
changer les mentalités ». La France a ainsi rejoint mercredi 6 avril dernier le camp des pays
européens sanctionnant les clients de prostituées (Suède, pionnière dès 1999, Norvège,
Islande et Royaume-Uni).
La proposition de loi socialiste renforçant la lutte contre la prostitution a été définitivement
adoptée par les députés, au terme de deux ans et demi débats houleux. A l’issue du vote de
l’Assemblée, l’achat d’actes sexuels sera sanctionné par une contravention de 1 500 euros
(jusqu’à 3 500 euros en cas de récidive). Les prostituées ne seront plus verbalisées pour
racolage et, si elles souhaitent mettre un terme à leur activité, elles pourront bénéficier d’un
accompagnement social, ainsi que d’un titre de séjour temporaire pour les étrangères. On
compte entre 30 000 et 40 000 prostituées en France, selon les estimations officielles, dont
80 % sont d’origine étrangère et le plus souvent victimes de réseaux de proxénétisme et de
traite.
Désireuse de rester « loyale » à Grisélidis Réal, Coraly Zahonero estime qu’une prostituée est
celle qui pratique son activité professionnelle « librement et dans de bonnes conditions, sous
la forme d’un artisanat. Tout ce qui est Eros Center s’identifie, à mon sens, au capitalisme
triomphant. Mon féminisme passe par le fait que le droit des femmes est aussi celui des
femmes à être putes si elles le désirent ». En vain, le STRASS (Syndicat du Travail Sexuel),
s’est opposé à cette évolution législative, comme l’exprime un communiqué publié le 4 avril
2016 sur son site : « Cette mesure est dangereuse en premier lieu pour les prostitué-e-s. Les
associations communautaires, de santé et de lutte contre le sida, et surtout les premier-e-s
concerné-e-s n’ont eu de cesse de s’y opposer. Au mépris de cette opposition, les
parlementaires risquent de voter cette loi, qui ne comporte aucune mesure bénéfique pour les
travailleur-ses du sexe et qui, au prétexte de les » protéger « , va les exposer un peu plus aux
violences, celles des réseaux et celles de la police, à l’isolement, et les éloigner des structures
de santé, de soin et de dépistage et entraver leur accès au droit. »
La création de Coraly Zahonero s’est aussi souvenue des liaisons épistolaires de
l’ « aspahlteuse ». Grisélidis Réal s’est dévoilée durant dix années au gré d’une
correspondance intime soutenue avec le journaliste Jean-Luc Hennig. Et c’est un amour du
travail pénible et « sisyphien », qui palpite détour de cette missive envoyée de Genève au soir
du dimanche 2 février 1986, où elle affirme : « La vraie Prostitution se fait en silence la
plupart du temps, toute en nuances, en efforts surhumains, c’est un travail d’orfèvre,
minutieux, héroïque. Il faut savoir faire jouir tout en se protégeant de l’usure et de la
douleur… » Aux yeux de Hennig, la Prostitution (toujours avec une majuscule) pour Réal est
« avant tout une distribution du bonheur, un soulagement des misères humaines, une espèce
d’angélicat qui lui ferait effeuiller avec bonté les anomalies et les petites perversions cachées
des hommes. »
Le Noir est saveur et douleur
A l’orée de Grisélidis, ce monologue de soi, s’élève une voix nonchalante, sinueuse, un brin
nasillarde. Elle musarde, non sans morgue et ironie distanciée, sur les mots, les survolant tout
en les ciselant d’un accent fleurant bon le Pays de Vaud : « A 32 ans, je me se suis enfuie
avec un Noir, un fou que j’avais tiré d’une clinique psychiatrique et mes deux enfants
arrachés de leur tutelle. Je partais. Je rejoignais le grand troupeau des Nomades en
transhumance ». Elle évoque ensuite « le Noir sacré s’emparait du soleil et me plongeait dans
les entrailles de la Nuit ».
Entre un violon tzigane mélancolique et saxophone dansant, serpentant et quasi priapique, la
figure du Noir est loin de ne s’incarner dans ces sexes pareils à des fleurs. Sur le plateau, elle
se décline visuellement et musicalement sur la pochette de l’album Tutu dû à Miles Davis,
dont le visage sorti d’une obscurité laquée et fuligineuse rejoint une esthétique de statuaire
d’arts premiers, fait entrer le violon dans ses compositions.
Ce dont s’est sans doute souvenu le duo de musiciennes Hélène Arntzen aux saxophones et
Floriane Bonanni au violon accompagnant le Grisélidis imaginé et interprété par Coraly
Zahonero, 504e Sociétaire de la Comédie française et première actrice de l’Institution
théâtrale fondée en 1689 à passer les mots à corps et à cru de la plus célèbre lausannoise de
l’histoire des lettres romandes dans le dernier tiers du siècle dernier. Si la photogénie du
trompettiste américain évoque celle d’une divinité sculpturale façon arts premiers. Il y a aussi
l’amant schizophrène Bill et l’amant Rodwell,
G. I. noir américain rencontré au café Birdland à Munich. « Que son grand sexe velouté, que
j’ai tenu dans mes mains blanches, pareil à un lys noir tressaillant, fasse crier d’amour les
négresses luisantes, et qu’il dresse leurs seins comme des lunes de bronze… si je pouvais
sentir encore en moi sa tige de feu me défoncer le ventre, tornade brûlante de l’amour noir.
Oui, nous nous sommes aimés, nous nous sommes drogués, nous nous sommes anéantis dans
les cris rauques du jazz. »
Court, mais bon…
Il faut bien tenter de remplir les ellipses d’un monologue bien trop court filant sur un tour
d’horloge. Rappeler l’incantation façon cantique charnel servi par Coraly Zahonero transie en
lisière de lit dans la réminiscence thaumaturgique de l’amour fou surgit d’une nuit bleu
pétrole avec le saxe feulant et griffant depuis le mur aux pierres nues du fond de scène que la
première phrase de son premier livre, Le Noir est une couleur d’abord intitulé « Chair vive »
est : « J’ai toujours aimé les Noirs ».Et enchaîner avec ce « le noir, couleur du mystère,
s’inscrit dans l’ombre de toutes choses et les pénètre comme un philtre, les ramenant à la
grande nuit des origines. La race noire et bénie… »
Des tréfonds d’une sordide réalité, le quotidien lugubre avec l’équarrissage d’un corps qui
n’en peut plus de soigner ses plaies, la plus haute des solitudes, la détresse, la violence, la
peur, les incessants mano à mano ou jeu du chat et de la souris avec la police, Grisélidis Réal
remet sur le métier ses odes à la beauté noire, un tribut intense à des physiques dont la vitalité.
La puissance et l’énergie la rachètent des Blancs auxquels elle ne passe rien. Et surtout pas
« leurs petits cœurs secs terminés en sexes débiles… Je vous crache à la gueule et je piétine
vos couilles dérisoires ! ». Les Noirs, c’est la lumière de chorégraphies languides, peau contre
peau et sans fin, les boîtes à jazz. « Je me glisse dans cette jungle au chaud humus noir irisé
de sueur, je disparais dans la houle des danses. » Une sorte de manière de réinventer l’instant
sous la caresse et de vivre l’innocence sur un canevas archaïque et mythologique. « J’ai faim
de leurs grands sexes lisses d’orchidées », confie encore l’hétaïre.
Nuits debout
Eprise parfois de jeunes immigrés tunisiens, elle dira son goût pour ceux de la marge : « Il
faut respecter, aimer et admirer les contestataires, les fous, les marginaux, tous ceux qui
hurlent, boivent, attaquent, et détruisent la puante façade de l’ordre établi, ceux qui pissent
surf les trottoirs, foutent la merde, rient trop fort, chantent dans les rues, tout ça c’est de la vie,
c’est du bordel vivant, ça casse les parois sinistres de cette morgue », écrit-elle pour La Passe
imaginaire. A ses yeux, la Prostitution avec une majuscule est bien « une tentative d’échange
et de reconstruction des rapports humains sur un mode différent »
Etre péripatéticienne c’est donc recréer du lien social, réengager les humains dans des
échanges pluriels (sexuel, émotionnel, intellectuel), qu’elle entrevoit à l’origine comme
bloqués. N’affirme-t-elle point que « la Prostitution est un humanisme » ? Il s’agit bien de se
prostituer comme travailleuse indépendante du sexe et non de proxénétisme asservissant
souvent la femme à une traite d’êtres humains, la contraignant et la forçant. Défendre une
prostitution choisie dans la liberté, et exercée dans des conditions acceptables sans contraintes
ni pratiques mettant en danger la parturiente. Grisélidis Réal a toujours condamné avec
détermination l’esclavage sexuel et le crime constitué par le trafic des êtres, des corps et des
esprits.
Dans cette version scénique, au fond de la chambre recrée de Grisélidis Réal est affiché un
article du Temps reproduisant une contribution du Monde en date du 15 février 2014. On y lit
sur la prostitution en Suisse, ces propos dénonçant les conditions de travail des
péripatéticiennes en France : « Avec plus de mille prostituées en activité, 130 salons, 40
agences d’escort, Genève est victime de sa bonne santé économique dans une Europe en crise.
Le Syndicat des travailleurs et travailleuses du sexe (STTS) a voulu introduire des quotas de
prostituées étrangères, avant d’y renoncer. » Le chômage et la pauvreté atteignent des
niveaux historiques dans leur pays, ce qui pousse les filles à s’exiler et accepter n’importe
quelle pratique « , affirme Angelina, représentante du STTS. Un constat partagé côté français
par Thierry Schaffauser, un des fondateurs du Syndicat du travail sexuel (STRASS). » Même
si la loi pour la pénalisation des clients n’est pas encore définitivement adoptée, car elle doit
encore passer au Sénat, sa médiatisation a de l’impact (elle l’est depuis avril 2016, ndr).
Quoi qu’il en soit, les conditions de travail en France sont mauvaises. En tant que prostituée,
on ne peut pas s’associer ou louer un appartement. On ne peut pas travailler en intérieur,
sauf si on est propriétaire. Quand on exerce dans les cages d’escalier, les bois ou des
camionnettes, il vaut mieux rejoindre un bordel en Suisse. » »
Ecrire pour et contre
L’écriture engage l’être à la vie et à la mort en lisière de démence et de mort volontaire.
« Ecrire c’est tuer, c’est se rouler dans la cendre, c’est échapper au suicide et à la folie. On
lui crache à la gueule, on arrache vivants, seconde par seconde, ses secrets à la pourriture et
on s’en nourrit. J’écris pour me vomir telle qu’on m’a faite, j’écris pour me perpétuer telle
qu’on m’a aimée et blessée, caressée et ressuscitée. Aucun acte n’est raisonnable, s’il n’est
pas suscité tout au fond de nous-mêmes par nos désirs cachés. Il faut leur donner la parole
sous peine de mort », avance Grisélidis Réal dans un texte, « Pourquoi j’écris », publié par La
Gazette de Lausanne, le 3 avril 1971.
« Ecrivain-peintre-prostituée ». L’épitaphe de Grisélidis Réal au cimetière des Rois à Genève
esquisse le parcours d’une femme complexe, marginale et controversée. N’aimait-elle pas à
rappeler qu’elle fut admise après la publication en 1974 de son récit, Le Noir est une couleur
au sein de la Société Genevoise des Ecrivains puis de la Société Suisse des Ecrivains ? Et de
souligner, dans la foulée, ses « rapports suivis avec des écrivains pour lesquels j’ai la plus
grande affection », parmi les lesquels Henri Noverraz, Michel Viala, Ludwig Hohl, Corina
Bille, Alexandre Voisard, Nicolas et naturellement Jean-Luc Hennig.
Co-fondatrice d’un centre international de documentation sur la prostitution, et d’ASPASIE,
une association d’aide aux prostituées qui se séparera d’elle dans la douleur, Grisélidis Réal
n’a cessé de militer en faveur des Courtisanes. Elle fut la première à obtenir pour elle, et ses
paires, le certificat de « bonnes mœurs et de bonne moralité » comme n’importe quelle
citoyenne du canton de Genève, la première aussi à donner des conférences dans les
universités.
A l’hiver 2014, Igor Schimek, fils de Grisélidis Réal lit publiquement une lettre écrite à sa
mère défunte le 31 mai 2005 à 75 ans. S’il n’est pas certain que sa destinataire se serait
retrouvée dans certaines lignes, elles résonnent comme un inextinguible besoin de justice et
de reconnaissance qui est l’humus du spectacle Grisélidis : « Et je te comprends enfin je crois,
jusqu’au tréfonds : / Ton amour pour la véritable justice ne mourra jamais. / Tu as traversé le
prisme de la prostitution, / Redressé ce miroir déformant / Et rendu leur dignité à celles et à
ceux qui la pratiquent avec humanité / (…) Toi Grisélidis Réal tu l’as retournée comme une
chaussette qu’on enlève / Pour montrer ce qu’il y a là-dessous : / L’injustice sociale crée la
misère, / Et la misère crée la prostitution. / Misère matérielle, misère affective ; / Misère du
corps, de l’esprit et de l’âme. / De temps en temps, un être humain comme toi se dresse et
nous dit : / J’empoigne cette misère, je l’assume et je la console, / Avec mes forces et mes
faiblesses. / Pour cela j’utiliserai mon âme, mon esprit et mon corps. / Et si c’est une
souffrance sexuelle, j’y répondrai avec mon sexe. »
Peintre et dessinatrice ignorée
L’activité plastique et graphique de Grisélidis Réal est abondante, mais trop souvent
méconnue et mésestimée. Elle est diplômée d’une école d’art zurichois, la Kunst-Gewerbe
Schule. En 1996, cette admiratrice de Séraphine de Senlis, Leonor Fini, Jacqueline
Fromenteau, Chaïm Soutine, Modigliani, Klee, Kandinsky, Van Gogh, Chagall, déclare : « il
est clair que pour moi, peindre sera toujours l’expression et la réalisation de mes visions
intérieures, comme un double mythique et symbolique de la réalité transcendée à l’échelle
légendaire ».
Elle énonce en 1955 déjà : « J’ai beaucoup de courage et je me réjouis avant tout de faire des
foulards et des dessins » Les foulards, on les retrouve suspendus sur le plateau de la pièce
Grisélidis. Quant aux peintures et dessins, une exposition en met certains en valeur. Les sujets
de son oeuvre peinte et dessinée qui convoquent différents matériaux et modes d’expressions
? Une faune où abondent les oiseaux et le serpent, son animal fétiche.
En plus des animaux, l’artiste intègre à son bestiaire imaginaire divers êtres fantastiques dont
les dragons. Son dessin retient des créatures surnaturelles célèbres, puisées aux mythologies
occidentales, notamment la méduse. Elle imagine aussi des êtres hybrides, tirés d’espèces bien
réelles. D’où des sortes de chimères hybrides mixées entre différents animaux ou entre
l’homme et l’animal. On compte aussi une série de démons et de diables.
Bertrand Tappolet
Grisélidis. D’après Grisélidis Réal. De et avec Coraly Zahonero de la Comédie-Française.
Théâtre du Petit Louvre. Avignon. Jusqu’au 30 juillet. Rens. : + 33 (4) 32 76 02 79 et
www.theatre-petit-louvre.fr. Exposition des dessins de Grisélidis Réal. Maison Ripert, 28 rue
Bonneterie, Avignon. En partenariat avec les Archives littéraires suisses.
Quelques publications de Grisélidis Réal, dont l’ensemble de l’oeuvre et la correspondance
sont déposées aux Archives littéraires suisses : Le Noir est une couleur, La Passe imaginaire,
Carnet de bal d’une courtisane, Mémoires de l’inachevé, Suis-je encore vivante ? aux
Editions Verticales ; A feu et à sang, recueil de poèmes, Ed. Le Chariot. Jean-Luc Hennig,
Grisélidis courtisane, Ed. Verticales.
WEB TELEVISION
Un week-end à Avignon : nos coups
de coeur
Par S.Jouve, L.Houot, L.Ciavarini @Culturebox
Mis à jour le 15/07/2016 à 19H39, publié le 15/07/2016 à 10H18
"Grisélidis", d'après Grisélidis Réal, de et avec Coraly Zahonero, à 18H15 au Petit
Louvre
Au Petit Louvre à Avignon, la foule se presse pour venir voir "Grisélidis", une pièce
écrite, mise en scène et jouée par Coraly Zahonero, sociétaire de la Comédie-Française.
En 2011, bouleversée par Grisélidis Réal, femme, écrivain, peintre, et putain, la
comédienne décide de faire entendre la parole libre et poétique de cette femme
exceptionnelle, découverte par hasard dans un entretien diffusé par la télé suisse
romande datant de 2002.
A Avignon, Coraly Zahonero de la ComédieFrançaise est "Grisélidis", écrivain peintre et
putain sublime
Par Laurence Houot @LaurenceHouot Journaliste, responsable de la rubrique Livres de Culturebox
Publié le 12/07/2016 à 13H52
Coraly Zahonero, dans "Grisélidis"
La pièce se joue depuis trois jours, et pourtant devant l'entrée du Petit Louvre à Avignon,
la foule se presse pour venir voir "Grisélidis", une pièce écrite, mise en scène et jouée par
Coraly Zahonero, sociétaire de la Comédie-Française. Avec Hélène Arntzen au saxophone
et Floriane Bonanni au violon, la comédienne, habitée, donne voix à cette femme au destin
et au tempérament exceptionnel.
Sur scène, pas de rideau. Un décor rassemblé au centre du plateau : un bureau, un petit guéridon, une
lampe, un paravent couvert de vêtements, des tapis. La salle est pleine à craquer, les spectateurs finissent de
s'installer quand du fond de la salle se fait entendre le son d'un saxophone. Deux femmes descendent l'étroit
escalier qui borde les gradins tandis que l'espace s'assombrit jusqu'au noir. Puis elle entre en scène,
Grisélidis. Elle s'assied, et sa voix se fait entendre, râpeuse, un brin gouailleuse, une légère pointe d'accent
suisse. Elle est vêtue de noir, chevelure de jais, une frange qui barre son front. On ne l'arrêtera plus. Les mots
dégringolent comme l'eau d'un ruisseau impétueux.
Grisélidis a tant de chose à dire. Née entre les deux guerres (1929) à Lausanne dans une bonne famille
protestante, elle entre à l'école des Arts et métiers de Zurich à 20 ans et en sort avec un diplôme de
décoratrice, avant de se marier en 1950. Elle divorce, donne naissance entre 1952 et 1959 à quatre enfants
de trois pères différents. Puis elle s'enfuit à Munich.
"Ils viennent se venger sur une putain"
Grisélidis raconte : la misère, la première passe, les clients. En allemand "faire le trottoir", se dit
littéralement "marcher sur le trait", c'est ça la prostitution, "marcher en équilibre sur cette ligne de douleur",
dit-elle. Les hommes. Pourquoi viennent-ils la voir ? Que viennent-ils chercher dans ses bras ? Qu'attendentils d'elle ? Pas le bonheur, ça non, Pas faire l'amour non plus, ça ressemblerait même plus souvent à un
combat, dit-elle. "Ils viennent se venger sur une putain", et ils peuvent être dangereux. Il faut savoir s'y
prendre, redoubler de tendresse ou bien de fermeté. "Moi, on n'a jamais pu me tuer", dit-elle.
Et la misère, de ces hommes n'ont pas de femme à prendre dans leurs bras de ces hommes éduqués dans
l'interdit. Il faut les comprendre. "Vous n'êtes plus vous-même, vous êtes l'autre, vous êtes dans la peau des
autres", explique-t-elle, "Je les aime les gens", poursuit-elle. Pour un peu elle "leur ferait gratuit". Car c'est
surtout du réconfort que viennent chercher tous ces hommes, du nain bossu au bon père de famille, en
passant par le travailleur immigré; Elle les accueille tous, sans distinction, la prostitution comme humanisme.
Et puis il y a les petits matins, le travail d'une longue nuit achevé. Grisélidis se regarde dans le miroir, ne
reconnait plus son odeur, la matière dont elle est faite, la sensation qu'on lui a tout enlevé, et la nausée. "Je
ne sais plus qui je suis", dit-elle.
On remonte à l'enfance, une mère protestante, ultra rigide, qui ne perd jamais une occasion de culpabiliser
sa fille. "On ne perd jamais une miette d'une enfance massacrée", dit-elle. Le bien, le mal, le bonheur imposé
(se marier, avoir des enfants). Grisélidis Réal a tout envoyé balader et payé cher sa liberté. En 1969 elle écrit
un roman autobiographique "Le noir est une couleur", arrête la prostitution pendant quelques années, puis
replonge. Mais en 1975 elle rejoint le mouvement baptisé "la révolution des putes". Elle a trouvé une forme
à son combat.
Coraly Zahonero, magnifique, se donne corps et âme
Sur scène, un dispositif simple, qui concentre toute l'attention du spectateur sur les mots de Grisélidis. De
temps à autres, la voix se tait, relayée par la musique du violon, le chant de l'âme, ou du saxo et ses sonorités
graves, sur des airs gitans qui font danser Grisélidis. Sa vie, son combat pour la liberté, ses amours, la
sexualité, elle parle sans tabou, conjuguant provocation, passion, douceur, et humour. Le verbe est cru, la
langue très belle. Sur scène, Coraly Zahonero, habitée par son personnage, happe le spectateur au premier
mot, l'hypnotise, ne le lâche plus jusqu'au dernier, interprète magnifique de cette voix bouleversante.
Elle porte le projet depuis plus de quatre ans, Coraly Zahonero, sociétaire de la Comédie-Française. En 2011,
bouleversée par Grisélidis Réal, femme, écrivain, peintre, et putain, la comédienne décide de faire entendre
la parole libre et poétique de cette femme exceptionnelle, découverte par hasard dans un entretien diffusé
par la télé suisse romande datant de 2002.
Grisélidis Réal a alors 73 ans. C'est deux ans avant sa mort. "Quarante-cinq minutes d'interview, pas un 'euh',
pas une hésitation, c'était une parole au scalpel. J'étais scotchée", se souvient la comédienne, qui se lance
alors dans une exploration minutieuse de la vie et des écrits de cette femme "d'une grande intelligence".
Coraly Zahonero à Avignon à la sortie du spectacle, "Grisélidis", le 11 juillet 2016
"J'ai capté tout ce qui me parlait d'elle", poursuit-elle. Elle lit "Le noir est une couleur", son unique roman,
publié dans les années 60, mais aussi d'autres textes, comme "Le sphinx", "La passe imaginaire". Elle écoute
attentivement les entretiens filmés, lit ses correspondances, rencontre ses enfants. "J'ai amassé une matière
gigantesque !", s'exclame Coraly Zahonero. et elle décide d'en faire quelque chose.
"Il faut faire exister cette parole de vérité qui fait du bien"
"Je me suis dit, cette femme est morte. Elle n'est plus là pour se faire entendre. Moi je suis actrice, on
m'écoute, il faut faire exister cette parole de vérité qui fait du bien", explique Coraly Zahonero. "Et puis
je trouve qu'il y a une puissance littéraire dans ses écrits, mais aussi dans ce qui se dégage de sa parole,
quand on l'écoute. Pour moi, en tant qu'actrice à la Comédie française, cela a toujours été important de faire
découvrir une langue. Et Grisélidis, c'est un style", poursuit la comédienne.
La comédienne passe alors une année à organiser toute cette matière, pour en faire un spectacle. Résultat,
un très beau texte, cohérent, qui donne vie à un magnifique personnage. Pour travailler son rôle, Coraly
Zahonero a rencontré d'anciennes amies de Grisélidis : Peggy, une transsexuelle, ou Sonia, aujourd'hui
retirée. Elle a aussi rencontré des femmes à Paris, par l'intermédiaire de Françoise Gilles, sociologue et
fondatrice du Bus des femmes. "Quand j'ai parlé avec ces femmes, j'ai entendu les mêmes mots que ceux de
Grisélidis".
"Il y a un parallèle entre le travail d'actrice et celui de prostituée. C'est une chose qui m'a intéressée dans ce
projet. On entre dans la loge comme elles entrent dans leur camion à Vincennes. On se prépare pendant une
heure. On se maquille. On change de nom pour devenir un personnage et on met sa vie de côté, son corps à
distance. C'est la même chose et pourtant il ne viendrait à l'idée de personne de considérer le travail
d'acteur comme une chose dégradante", souligne Coraly Zahonero.
"Elles peuvent être pénétrées plusieurs fois par jour, sans se sentir pénétrées dans leur intimité". poursuitelle., en colère contre les politiques qui veulent interdire la prostitution. "Il faut arrêter de faire un amalgame
entre la prostitution choisie, et les réseaux. Les femmes qui font partie des réseaux ne sont pas des
prostituées, mais des esclaves. Avec ces politiques, on les précarise". Coraly Zahonero attend vendredi 15
juillet la visite de ses amies prostituées, qui feront le voyage pour la voir jouer "Grisélidis" à Avignon.
"Un projet artistique complet, et très fort"
C'est la première fois que la comédienne de la Comédie-Française joue au festival. "J'étais venue voir des
copains, mais moi je n'avais jamais joué ici. C'est une première. Et je suis très heureuse, parce que ça fait
trois jours qu'on joue et c'est déjà plein. Je suis hyper fière de pouvoir faire entendre cette parole ici, à
Avignon. C'est l'aboutissement de quatre ans de travail". Un vrai projet complet, "un acte artistique très
fort", que la Comédie-Française l'a volontiers autorisée à mettre en œuvre.
Les dessins de Grisélidis Réal, et le livre de contes " Le cheval nuage", exposés à la Maison Ripert, Avignon
© Laurence Houot / Culturebox
"C'est important de se nourrir", conclut la comédienne, qui a aussi oeuvré pour la publication d'un livre pour
enfants, dessiné dessiné à l'origine par Grisélidis pour son mari, car elle était aussi peintre. On peut d'ailleurs
voir quelques-unes de ses œuvres, très fortes, dans un restaurant d'Avignon.
"Grisélidis", d'après Grisélidis Réal, de et avec Coraly Zahonero de la Comédie-Française, avec Hélène
Arntzen, saxophones, et Florianne Bonanni, violon (Production au Petit Louvre et diffusion, théâtre de
Suresnes Jean Vilar, Direction Olivier Meyer)
Théâtre du Petit Louvre (Templiers)
Tous les jours à 18h15 jusqu'au 30 juillet 2016, relâche les 14, 21 et 28 juillet
Exposition des oeuvres de Grisélidis Réal
Maison Ripert, 28 rue Bonneterie à Avignon, tous les jours de 9h30 à 2 h du matin.
A lire:
Le Cheval nuage, conte illustré (1950) (Éd. l’œil pour l’œil, 2016)
Le Noir est une couleur (Éd. Balland, 1974 ; Éd; d’en bas, 1989 ; Ed; Verticales, 2005)
La Passe imaginaire (Édi. de l’Aire/Manya,1992 - Éd. Verticales)
À feu et à sang, recueil de poèmes (Édi. Le Chariot, 2003)
Carnet de bal d’une courtisane (Éd. Verticales, 2005)
Les Sphinx (Éd. Verticales, 2006) 4 © J.-D. Rouiller
Suis-je encore vivante ? Journal de prison (Éd. Verticales/phase deux, 2008)
Mémoires de l’inachevé (1954-1993), textes réunis par Yves Pagès (Éd. Verticales, 2011) .
RADIO
Le Festival Off d’Avignon se poursuit jusqu’au 30
juillet…avec ses 1416 spectacles. Le plus grand
théâtre du Monde peut-on lire sur les affiches. Il y a
en a pour tous les goûts.
Il y a de l’humour, du one man show, du théâtre classique, mais aussi beaucoup de spectacles
qui parlent du monde d’aujourd’hui, et ils sont souvent portés par des comédiennes. C’est le
choix de Stéphane CAPRON ce matin dans notre petit journal des Festivals, à travers 3
spectacles…
Parler de la violence aveugle qui touche le monde d’aujourd’hui, c’est le thème d’un
monologue écrit par Rémi De Vos et porté par une formidable comédienne, Juliette
Plumecocq Mech. Le titre est à rallonge : « Toute ma vie j’ai fait des choses que je savais pas
faire ». C’est à 13h30 à la Manufacture. La comédienne est allongée au sol pendant 45
minutes et raconte comment un homme agressé dans un bar et devenu un meurtrier
involontaire.
Dans "L’origine du Monde c’est un peu compliqué" tous les jours à 12h10 à la Conditions des
Soies, 3 comédiennes racontent leurs grossesses. Un spectacle drôle, décalé, féministe, mais
pas trop.
Coralie Zahonero est sociétaire de la Comédie-Française. Elle interprète tous les jours à
18h15 au Petit Louvre, Grisélidis. Un texte percutant sur la prostitution, qui tranche avec tout
ce que l’on peut entendre sur ce sujet. Elle porte la parole de Grisélidis Réal, écrivaine et
prostituée suisse décédée en 2005 et a qui beaucoup écrit sur ce sujet.
Stéphane Capron
RADIO NOSTALGIE
"Griselidis c'est l'histoire d'une prostituée qui nous explique par le menu ce
qu'est sa vie. Le texte est simple mais très fort et l'interprétation de Coraly
Zahonero est d'une justesse remarquable. L'actrice n'incarne pas, elle est son
personnage. L'occasion de rappeler que les prostituées, femmes que l'on refuse
de voir, font office d'exhutoire certes physique mais souvent aussi social. Elles
sont nécessaires mais gênantes. Un spectacle coup de poing."
Sébastien Lulianella
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