environnement, mais bien d’éprouver celui-ci, d’en faire l’expérience. Ces notions requièrent
une vie mentale, capable entre autres d’émotions et de sensations (comme la douleur ou le
plaisir). Lorsqu’une entité est sentiente, on dit alors qu’elle a des intérêts: elle a intérêt à ne
pas souffrir, intérêt à vivre des plaisirs, intérêt à rester en vie, etc. Des fonctions biologiques
sans sentience n’ont pas la même importance morale tant qu’elles ne sont pas associées à
une vie mentale: il faut pouvoir vivre ce qu’on subit pour en être réellement affecté. Et c’est
pourquoi les humains et les autres animaux sentients ont un statut moral si fondamental: non
pas à cause de leur intelligence, non pas parce qu’ils réagissent chimiquement à leur
environnement, mais bien parce qu’ils sont les sujets d’une vie psychologique unifiée.
Une analogie pourrait être utile. Pensons à une personne humaine tombée dans un coma
irréversible. Même si sa conscience est disparue, son corps demeure vivant et continue
d’accomplir ses fonctions biologiques: il respire et digère, son système immunitaire continue
de travailler, ses cheveux et ses ongles poussent, à la différence qu’il doit maintenant être
alimenté artificiellement. Si la personne comateuse est véritablement dans un état irréversible
et qu’elle est atteinte de mort cérébrale, il est difficile de dire qu’elle a encore des droits et
qu’elle peut être affectée par ce qui lui arrive. Son corps reste en vie, mais elle (la
personne) n’est plus vivante.
Cela nous mène au deuxième problème de l’éthique végétale: il n’est toujours pas
démontré que les plantes sont sentientes. Parler d’intelligence et de communication est
une chose, mais démontrer la sentience en est une autre. En fait, comme le fait remarquer
John Sanbonmatsu, les chercheurs en neurobiologie végétale admettent eux-mêmes qu’ils
n’ont aucune base scientifique pour avancer une telle chose:
«Après m’être un peu renseigné au sujet du Laboratoire, j’ai donc contacté Frantisek
Baluska, un de ses principaux chercheurs, et je lui ai demandé si lui-même et ses collègues
croyaient vraiment que les plantes sont sentientes et conscientes, qu’elles ressentent les
émotions comme le font les animaux, etc. Baluska m’a écrit que, alors qu’un jour il « se
pourrait que […] la sentience et la conscience spécifiques aux végétaux se révèlent encore
plus complexes que celles des animaux et des humains, » en réalité, « [n]ous ne pouvons
malheureusement rien affirmer quant à la vie affective des plantes, car la science actuelle ne
possède pas encore la maturité requise pour poser ces questions. » Autrement dit, ils n’en
savent rien, et ils ne se risqueraient pas à avancer cette assertion.»2
Autrement dit, cela demeure de la pure spéculation, car le saut d’intelligent à sensible est loin
d’aller de soi. Pour y aller d’une autre analogie, pensons sinon au système immunitaire.
Celui-ci est très sophistiqué: il est capable de développer des anticorps en rencontrant des