Quelles recherches pour de nouveaux modèles de croissance ? L’ANR consulte les entreprises Mercredi 6 octobre 2010 Sommaire Préface..................................................................................................................................................... 2 1. Introduction du colloque ............................................................................................................. 3 1.1 Synthèse de l’intervention d’Alain Claeys, député de la Vienne ............................................... 3 1.2 Synthèse de l’intervention de Jacqueline Lecourtier, directeur général de l’ANR.................... 3 2. Grand témoin : Daniel Cohen ...................................................................................................... 4 3. Quelles recherches pour de nouveaux modèles de croissance ?................................................ 8 3.1 Il est nécessaire de démystifier la société post-industrielle ..................................................... 9 3.2 La R&D doit proposer des offres intégrées et répondant aux besoins ciblés des..................... 9 clients de l’entreprise ...................................................................................................................... 9 3.3 Il faut construire des partenariats intersectoriels, interdisciplinaires et ................................ 11 internationaux ............................................................................................................................... 11 3.4 Les start-up ont besoin de capitaux et de managers expérimentés ....................................... 12 3.5 La recherche doit mieux comprendre son impact sur la fabrication et les emplois ............... 13 3.6 La formation doit permettre le développement de nouvelles compétences ......................... 14 4. Recommandations à l’ANR ........................................................................................................ 15 4.1 Recommandations issues des tables rondes ........................................................................... 15 4.2 Recommandations issues de l’atelier « Les entreprises et les dispositifs de l’ANR » ............. 17 4.3 Recommandations issues de l’atelier « Les entreprises et les programmes de l’ANR » ......... 17 5. Synthèse de l’intervention de Luc Rousseau, directeur général de la compétitivité, de l’industrie et des services, Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi .......................... 18 6. Synthèse de l’intervention de Ronan Stephan, directeur général de la recherche et de l’innovation, Ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur ......................................... 19 Rédaction : Marie de Lattre-Gasquet, Mouna Chaari, Stéphanie Fen-Chong et Anne Tixador ANR - Décembre 2010 1 Préface Le 6 octobre 2010, plus de trois cents personnes - dont deux cents responsables de la recherche dans des entreprises et associations représentantes d’entreprises – ont répondu à l’invitation de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) à venir réfléchir aux moyens dont la recherche publique et privée peut contribuer à l’émergence de nouveaux modèles de croissance. Introduit par Alain Claeys, député de la Vienne, le colloque a été marqué par les réflexions de l’économiste Daniel Cohen qui ont aidé à mieux comprendre notre économie et notre société. Pour les participants aux tables rondes, notre économie est mue par la recherche systématique et continue de l’innovation qui est une source de bénéfices, mais également un centre important de coûts. Par conséquent, l’amélioration de la performance de la recherche, la diminution de ses coûts et leur amortissement sont des préoccupations majeures pour les entreprises qui s’efforcent de rendre le fonctionnement de la recherche plus souple et pertinent. L’approche collective de la recherche est un atout pour la compétitivité des entreprises et nous remarquons que le montage de partenariats public – privé dans le domaine de la recherche est devenu plus facile depuis quelques années, même si des difficultés demeurent. Pour aller vers de nouveaux modèles de croissance, la recherche doit répondre à des questions technologiques, économiques et sociales. La recherche publique doit à la fois être capable de produire de nouvelles connaissances et de répondre aux demandes de collaborations avec le secteur privé pour l‘innovation et la satisfaction des marchés. Les partenariats - interdisciplinaires, intersectoriels, interinstitutionnels et internationaux - sont indispensables. Pouvoir acquérir une double compétence au sein du système éducatif et universitaire français serait un atout pour le développement de ces partenariats. Les reconfigurations des chaînes de valeur ainsi que des propositions de valeur peuvent conduire à de nouveaux modèles de croissance. De plus en plus souvent, l’offre des entreprises intègre le produit, les services, la marque, des promesses et un système de mise sur le marché. De nouvelles questions de recherche se posent donc en termes de conception de produits, de conception de services et d’intégration de systèmes. Mesurer et limiter les déprédations environnementales est l’un des défis du développement durable rencontré par les entreprises. La modularité du processus de production, avec les délocalisations et les externalisations, rend difficile cette évaluation. La recherche doit répondre aux demandes de mesure, d’analyse, de prévention et de limitation des risques. Enfin, les laboratoires publics de recherche se trouvent de plus en plus souvent à la confluence de la science et du marché, moyennant des hybridations inédites entre rationalité scientifique et rationalité économique. Il importe de réfléchir aux conséquences de ces hybridations sur l’ethos de la recherche publique, sur ses objectifs, ses moyens de mesure des résultats et son impact. 2 1. Introduction du colloque 1.1 Synthèse de l’intervention d’Alain Claeys, député de la Vienne Monsieur Claeys s’est félicité de l’invitation d’un grand nombre d’entreprises par l’ANR car elle permet de connaître les analyses des décideurs du secteur privé et de partager les décisions. Il a rappelé que l’Etat dispose de trois grands outils pour financer la recherche privée et la recherche partenariale : l’ANR, le crédit d’impôt recherche et les universités et organismes de recherche. Aujourd’hui, comme les capacités de financement public sont de plus en plus restreintes, il est important de stabiliser les dispositifs et de s’assurer de leur performance et de leur pertinence. Les programmes de l’ANR, a rappelé Monsieur Claeys, s’appuient sur les priorités définies par le gouvernement et visent une croissance durable. Il considère que l’ANR a joué son rôle sans ignorer que son financement et ses modes de financement font l’objet de débats. Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR), qui est le second dispositif de l’Etat pour aider les entreprises, date de 1983 et a été profondément réformé en 2008. Il doit être rendu plus stable et lisible pour les entreprises et il est nécessaire de corriger quelques abus. Monsieur Claeys a rappelé que les PME indépendantes sont la cible du CIR. Le pourcentage de calcul de l’assiette va être modifié et plusieurs propositions sont à l’étude. L’optimisation fiscale, très élevée, conduit les grands groupes à calculer le CIR par filiale et non pas au niveau de la holding ; elle sera modifiée. Le troisième outil, les universités et les organismes de recherche, représentent la force de recherche publique de la France et ont un rôle essentiel à jouer dans les PRES et les pôles de compétitivité. La place des docteurs dans l’économie marchande doit être étudiée. Après l’intervention de Monsieur Claeys, Madame d’Arras, de Suez Environnement s’est réjouie que le législateur ait changé le traitement comptable du CIR et que celui-ci soit maintenant obligatoirement fléché vers la recherche. Depuis 2008, à Suez Environnement, le budget CIR est traité comme une subvention et s’ajoute au budget recherche. Il a également été souligné que le CIR incite les grands groupes à localiser leur R&D en France alors qu’ils pourraient mener leurs recherches dans d’autres pays. Pour les très petites entreprises qui se lancent sur des marchés risqués, le CIR est essentiel. Il a été proposé que le CIR puisse faciliter les collaborations grands groupes – PME-TPE. 1.2 Synthèse de l’intervention de Jacqueline Lecourtier, directeur général de l’ANR Madame Lecourtier a rappelé que l’ANR a été créée pour dynamiser la recherche française en lui apportant davantage de souplesse et en veillant à un équilibre entre recherche fondamentale et recherche appliquée. L’une de ses missions est de développer les coopérations entre la recherche publique et la recherche privée grâce aux programmes partenariaux. L’ANR est organisée en cinq départements scientifiques thématiques et un département transversal - le département partenariats et compétitivité - dont la fonction est d’être à l’écoute des entreprises et de faire des propositions pour que l’ANR réponde mieux à leurs besoins. Depuis sa création, l’ANR a attribué 460 M€ à des entreprises, dont 51 % à des PME au sens européen du terme. L’équilibre entre les projets développés par les grandes entreprises et par les PME est assez satisfaisant. En 2009, 1324 projets ont été financés et 322 projets impliquaient au 3 moins une entreprise. Plus du tiers de ces projets relevaient de la catégorie « services ». La répartition par département est la suivante : • • • • • • • Ingénierie /procédés/ sécurité : 85 % partenarial Énergie durable et environnement : 82 % partenarial STIC / Nanotechnologies : 74 % partenarial Biologie / santé : 30 % partenarial Écosystème et développement durable : 20 % partenarial Non thématique : 4 % partenarial Sciences Humaines et Sociales : pas de partenaire entreprise Le programme non thématique est ouvert aux entreprises mais elles ne représentent que 4 % des projets. Il n’est pas réservé à la recherche publique et les entreprises peuvent présenter des projets, a souligné Madame Lecourtier. Enfin, Madame Lecourtier a rappelé les objectifs du colloque. Il s’agit pour l’ANR de mieux connaître les besoins des entreprises et de réfléchir aux besoins de recherche associés aux nouveaux modèles de croissance économique intégrant développement durable et globalisation, et aux nouveaux défis industriels et ruptures induites « par » et « dans » les activités de service. 2. Grand témoin : Daniel Cohen Daniel Cohen, est professeur d'économie à l'École normale supérieure à Paris I, et à l'École d'économie de Paris (directeur du Centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP). Il est notamment membre du Conseil d’analyse économique (CAE) auprès du Premier ministre, et conseiller scientifique auprès du Centre de développement de l’OCDE. « Trois entrées sont possibles pour comprendre le type d’économie, les mécanismes de croissance et le monde dans lequel nous vivons. Notons tout d’abord – et c’est la première entrée - que depuis le début des années 80, l’esprit du capitalisme a changé. On est donc passé d’un capitalisme de type managérial à un capitalisme actionnarial. C’est ce nouveau capitalisme financier qui, pour l’essentiel, commande aujourd’hui l’organisation et l’économie de la planète. Les bourses définissent en amont les stratégies des grandes entreprises et, en aval, les rapports avec les sous-traitants qui dépendent d’elles. Dans les années 1920, un capitalisme managérial a émergé, faisant suite au capitalisme familial. Ce capitalisme managérial a perduré jusqu’aux années 1980, mais néanmoins, dès 1939, Schumpeter prédisait sa fin. Il estimait que le capitalisme était conduit à s’autodétruire en raison de son succès et des transformations inhérentes à son fonctionnement ; il prédisait une bureaucratisation du capitalisme. Dans un livre célèbre, « Le Nouvel État Industriel », Galbraith parle également de bureaucratisation d’ensemble de l’économie, illustrée par l’image pleine d’humour qu’il donne d’un conseil d’administration : on y voit le PDG entouré de tous ses amis - lui-même d’ailleurs siège dans des conseils d’administration – tandis qu’au fond de la salle, les représentants des actionnaires n’ont pas voix au chapitre quant à la marche de l’entreprise, et n’ont d’autre alternative que d’aller investir ailleurs s’ils sont mécontents. Le krach boursier de 1929 et la Grande Dépression qui s’ensuit ont discrédité la Bourse, aussi bien économiquement que moralement. Durant les années d'après guerre, elle ne donnait quasiment plus 4 son avis sur la gestion des firmes, laissant le champ libre aux "managers". La spéculation, les coups de Bourse étaient déconsidérés. Mais au début des années 1980, le krach a été oublié et on a alors assisté à l’émergence progressive des fonds de pensions, en particulier aux États-Unis. Des noyaux durs d’actionnaires sont apparus, souhaitant participer à la gestion de l’entreprise. Cette période est marquée par la financiarisation de l’économie et l’instauration d’un capitalisme actionnarial : les analystes financiers donnent la tendance, dictent ce qui est bien et ce qui mal, et les dirigeants sont tenus de se soumettre ou de se démettre. Sans épiloguer sur le fait qu’aujourd’hui la crise de 1930 est oubliée, on notera cependant qu’elle revient, notamment par le biais des marchés financiers. Ce constat entraîne une remise à l’équerre du capitalisme financier avec des régulations nécessaires dans le secteur de la finance. La seconde entrée pour comprendre les mécanismes de croissance et le monde dans lequel nous vivons est celle des technologies. Nous vivons une révolution technologique. Tout comme il y eut une première révolution industrielle à la fin du XVIIIème siècle, puis une autre à la fin du XIXème siècle, il est utile de penser la période actuelle comme une troisième révolution industrielle. Chacune de ces révolutions s’appuie sur une série d’innovations : la machine à vapeur, la machine à tisser et la sidérurgie pour la première. L’électricité, le téléphone et le moteur à explosion pour la seconde. Quant à celle que nous vivons actuellement, trois « inventions » lui ont donné naissance : la création par le Pentagone en 1969 de la cellule Arpanet qui est à l’origine d’Internet, le lancement en 1971 du premier microprocesseur commercialisé par Intel, et la commercialisation d’Apple II en 1976 qui servira de modèles aux premiers ordinateurs de bureau. Il faut souligner que si toutes ces innovations se produisent en l’espace de quelques années – les années 70 de chaque siècle comme le note Schumpeter –, elles mettent en revanche près d’un siècle à décliner tous leurs effets. De grandes différences existent entre notre révolution industrielle et celles qui l’ont précédées. Les révolutions précédentes étaient – pour le dire simplement – des révolutions « énergétiques », qui ont profondément transformé le système de production et accru la productivité : placée au centre de l’atelier, la machine à vapeur se substitue aux animaux pour déplacer les charges et augmente, de ce fait, le rendement de l’ouvrier. En diffusant l’énergie d’un point à l’autre de l’usine, l’électricité permet l’alimentation régulière du poste de travail et la mise en place du travail à la chaîne. La révolution industrielle du 20ème siècle ne s’appuie pas sur la découverte d’une nouvelle source d’énergie, elle se développe grâce à une « énergie d’ordre informationnel ». Plus encore que les précédentes, cette révolution entraîne une réorganisation de l’outil de travail et une révision du concept de production économique ; en effet, les analystes financiers comprennent très vite – et c’est là le point de jonction entre révolution industrielle et révolution financière – que, pour réduire les coûts, il faut démanteler l’organisation classique du travail héritée de la première révolution industrielle, où le modèle du factory system imposait de centraliser sources d’énergie et moyens de production dans la même entité. Il faut décentraliser, externaliser : c’est la « désintégration verticale de l’organisation de la production ». La célèbre poupée Barbie donne une excellente illustration de la nature du commerce international aujourd’hui. La matière première – le plastique et les cheveux – vient de Taïwan et du Japon. L’assemblage est fait aux Philippines avant de se déplacer vers des zones des salaires moindres, l’Indonésie ou la Chine. Les moules proviennent des Etats-Unis tout comme la dernière couche de peinture avant la vente… Ce n’est pas une spécialisation sectorielle à laquelle on assiste. La spécialisation porte sur la tâche effectuée par chacun pour fabriquer un produit donné. Autre exemple, la paire de Nike Air Pegasus qui coûte 70 $ aux Etats-Unis. La structure de coût qui y 5 conduit se présente ainsi. Le salaire du travailleur, plus probablement de la travailleuse, qui la fabrique est de 2,75 $. Il faut également ajouter du cuir, des machines pour l’assembler, à quoi s’ajoutent aussi les coûts de transport et de douane. En ajoutant ces éléments, on arrive à un total qui s’élève à 16 $. A ce coût matériel, s’ajoute ensuite l’ensemble des dépenses que Nike va devoir entreprendre pour transformer cet objet physique en objet social, c'est-à-dire en une basket que les gens auront envie d’acheter. Ici se joue le cœur de l’activité de Nike : faire connaître et désirer la basket, en engageant les dépenses de publicité, de promotions qui vont la montrer aux pieds des grands athlètes, lesquels donneront aux téléspectateurs du monde entier l’envie de la porter aussi. L’ensemble de ces dépenses représente un coût qui est équivalent à celui déjà engagé pour fabriquer l’objet physique lui-même. Il faut dépenser autant pour la fabriquer comme objet physique qu’il n’en faut pour la faire désirer comme objet social. Comment passe-t-on ensuite de 35 $ aux 70 $ qui sont facturés au consommateur ? C’est simple : il reste à payer toutes les dépenses nécessaires pour la mettre physiquement au pied du consommateur, c'est-à-dire toutes les dépenses de distribution. Cette structure de coût fait émerger un schéma qui dessine parfaitement les contours de la société post-industrielle dont nous allons parler. La voie de la mondialisation est ouverte, et c’est là notre troisième entrée. Au 19ème siècle, le commerce se base sur le schéma suivant : un pays vend un produit fini avec lequel il achète des matières premières. Au siècle suivant, le schéma change : un pays vend à un autre un bien fini, avec lequel il achète un autre bien fini. Actuellement, les échanges internationaux, s’ils conservent en partie ces éléments, s’appuient sur une troisième logique qui « découpe la production » : chacune des tâches qu’implique la fabrication d’un produit est exécutée dans un endroit différent de la planète en fonction de l’avantage comparatif de chaque pays. Et cette désintégration verticale aurait été inconcevable sans la révolution de l’information, qui a engendré des mutations radicales, non seulement dans le domaine économique, mais aussi dans le domaine social. La mondialisation, pour aller vite, c’est l’entrée de l’Inde et de la Chine dans l’économie mondiale. Au début des années 70, seuls les Etats-Unis, l’Europe, le Japon et les quatre dragons asiatiques vivent dans la sphère du commerce international. Restent à l’écart du système des échanges internationaux la Chine du fait du maoïsme, l’Inde protégée du commerce mondial par de strictes barrières douanières et administratives, l’Amérique latine soumise à un système protectionniste et l’URSS. La mort de Mao et la chute du mur de Berlin vont bouleverser cet ordre des choses. Puis, dans les années 90, l’Inde change de politique économique, la Chine apparaît dans les statistiques et ces pays s’insèrent dans la division internationale du travail en tant que sous-traitants d’une chaîne de valeurs de plus en plus longue, de plus en plus organisée planétairement. Enfin, bien que dans un espace différent, l’Afrique elle-même trouve sa place dans la sphère économique mondiale. On ne doit pas se tromper dans l’ordre des causalités ; ce n’est pas la mondialisation qui a fabriqué le monde dans lequel on est, c’est le monde dans lequel on est qui a fabriqué la mondialisation. Pour bien le comprendre, il suffit de réfléchir à ce qui se serait passé si la Chine et l’Inde avaient prétendu prendre part au commerce mondial dans le type d’économie qui prévalait dans les années 50 et 60. Leur insertion aurait été immédiatement empêchée, parce que les pressions auraient été beaucoup trop fortes socialement dans les pays riches. Mais à partir du moment où l’on est dans une chaîne de valeurs désintégrée, segmentée, les nouveaux pays peuvent s’y intégrer plus facilement, en quelque sorte « morceau par morceau ». Prenons l’exemple du textile en France : même si des pans entiers de cette industrie ont disparu, on garde encore les grands couturiers et les marques, et ceci grâce à l’usage d’Internet qui rend cette nouvelle forme d’économie beaucoup plus fluide. Il faut voir dans ces ruptures quelque chose de plus profond qu’une simple série de circonstances qui aboutit à un schéma nouveau de l’organisation du travail et de la gouvernance des entreprises. Sous ces transformations d’ordre organisationnel et technologique du capitalisme du monde 6 contemporain, il y a en réalité une véritable lame de fond qui marque le passage à une économie post-industrielle. Au 19ème siècle, lorsque l’économie rurale devient industrielle, les populations quittent les campagnes pour la ville, les travailleurs deviennent artisans et ouvriers. Depuis une cinquantaine d’années, des mutations du même type se produisent : au milieu des années 60, d’importantes masses de population abandonnent l’agriculture, et également, en nombre croissant, le secteur industriel, pour aller vers ce qu’on appelle le tertiaire. Et c’est cette tertiarisation qui définit l’économie post-industrielle. Quelles sont les clés qui permettent de saisir la nature de cette société post-industrielle et qui éclairent en profondeur ce passage à une économie post-industrielle ? Dès le début des années 50, Jean Fourastié la qualifie « d’économie de services ». Dans « Le Grand Espoir du XXe siècle. Progrès technique, progrès économique, progrès social » publié en 1949, Fourastié souligne que l’on est passé de l’agriculture à l’industrie, et dans les deux cas, au fond, l’homme travaille la matière, la matière agricole, la matière organique, mais c’est toujours un rapport de l’homme à une nature inanimée. En revanche, dans l’économie de services, qu’il soit docteur ou coiffeur, « l’homme travaille l’homme lui-même ». Et c’est sur cette promesse d’une humanisation de l’économie que Jean Fourastié fonde le grand espoir du 20ème siècle. Le « face à face » – F to F – dans lequel l’activité productrice se fait par le contact direct entre producteur et consommateur devrait remplacer le B to B (« business to business »). Mais cette transformation possible du monde n’est pas aussi radicale que l’espérait Fourastié car, en réalité, le monde tertiarisé n’est pas débarrassé du monde des objets. Prenons un exemple : une partie importante de l’activité tertiaire recouvre la commercialisation des biens. Or, dans cette « nouvelle usine du monde moderne » qu’est l’hypermarché, les travailleurs n’ont qu’un rapport lointain avec les clients alors qu’ils conservent, comme par le passé, un rapport très fort aux objets qu’il faut soulever, installer, déplacer. Les objets sont donc toujours là et, d’ailleurs, les enquêtes conduites par Philippe Askenazy1 montrent que le nombre d’ouvriers recensés comme tels par l’INSEE qui souffrent de pathologies du dos parce qu’ils portent, par exemple, des charges lourdes, ne cesse d’augmenter. Les ouvriers du monde moderne ne sont plus dans les usines, ils sont dans la logistique et pour eux le rapport à l’objet reste écrasant. En termes de volume des biens fabriqués, l’activité industrielle continue de croître sur les tendances antérieures et perdure également une logique de réparation de biens. En France, il n’y a plus beaucoup de fabricants d’automobiles, mais il y a encore de nombreux garages. Cette main-d’œuvre tertiarisée conserve donc un rapport prépondérant à l’objet, à la matière, à la production. En outre, selon une formule d’Éric Maurin2, dans cette économie tertiarisée le donneur d’ordre n’est plus le patron, c’est le client lui-même, et ce nouveau rapport de classe, pour utiliser un terme marxiste, dans lequel la clientèle tend à s’imposer, peut créer des troubles psychologiques d’une autre nature que dans le rapport classique patron-salarié. Un autre aspect de la société post-industrielle est qu’elle est surtout marquée par l’innovation, c’està-dire la conception de biens nouveaux. D’une façon schématique, on peut dire que c’est une société dans laquelle les deux extrémités de la chaîne de valeurs, à savoir la conception du bien d’une part, et de l’autre sa commercialisation et sa prescription, tendent à prendre une place prépondérante au détriment du troisième segment, la fabrication elle-même. 1 2 Économiste français, directeur de recherche au CNRS et chercheur à l’École d'économie de Paris. Économiste et sociologue français, directeur de recherche à l’École des hautes études en sciences sociales. 7 Prenons un exemple : l’industrie du médicament et la médecine. La conception de la molécule compte, la prescription d’un nouveau médicament au patient est évidemment essentielle aussi, mais la fabrication de ce médicament peut se faire à peu près n’importe où. À titre d’illustration, on peut citer le cas des médicaments génériques ou sous licence. En ce qui concerne la structure de coût, elle est identique, qu’il s’agisse de la fabrication d’une paire de baskets de marque ou de l’édition : un quart pour la conception du produit, un quart pour la fabrication ; la moitié pour la commercialisation. Le monde post-industriel peut se caractériser ainsi : ce n’est plus celui qui conçoit, qui pense le bien, qui a nécessairement besoin de le fabriquer ; la fabrication, elle, peut se faire n’importe où. Dans ce monde, les différents segments de la chaîne de valeurs tendent à se dissocier. La source de la plusvalue s’est déplacée, devant bien davantage aux laboratoires de recherche qu’au travail physique. On peut penser la conception et la commercialisation comme une chose en soi, sachant que le reste devient relativement inessentiel par rapport à la notion de produit. En conclusion, je dirai qu’il reste à habiter socialement ce monde nouveau. À partir du moment où les segments de la chaîne de valeurs s’autonomisent les uns par rapport aux autres, il n’y a plus cette solidarité organique qui pouvait exister quand la firme faisait tout, fabriquait le produit, le lançait, assurait le service après-vente. Aujourd’hui on est dans un monde désorganisé, où les conditions d’existence des ouvriers à la chaîne qui vendent le travail de leurs bras sont désolidarisées des conditions d’existence de celles et ceux qui pensent et conçoivent le produit. Là est le chantier social de ce monde post-industriel. » 3. Quelles recherches pour de nouveaux modèles de croissance ? Les représentants des entreprises présents dans les tables rondes3 ont délivré six messages importants aux chercheurs afin que ceux-ci puissent mieux contribuer à l’émergence de nouveaux modèles de croissance : • • • • Il ne faut pas confondre la nouvelle structure de l’industrie et la désindustrialisation. L’innovation traverse d’autant plus le champ économique qu’il y a aujourd’hui un découplage entre la conception, la fabrication, la logistique et la commercialisation. Ce découplage doit pousser la R&D à avoir une approche systémique et interdisciplinaire. Les entreprises ont considérablement élargi le champ de leurs recherches et de leurs partenariats afin d’améliorer l’efficacité et l’efficience des recherches et de l’innovation. Les start-up, qui exploitent des opportunités technologiques ou commerciales et jouent un rôle clef dans l’émergence de nouveaux modèles de croissance, ont besoin de capitaux à risque, de coopérations avec des centres de recherche publics et privés et de managers expérimentés. 3 Sylvain Allano, Directeur scientifique, PSA Gilles Avenard, Président du Conseil d’administration d’HEMARINA et fondateur de Bioalliance Pharma Jean-Christophe Baillie, Directeur, GOSTAI Anne-Marie Boutin, Présidente de l’APCI (Agence pour la promotion de la création industrielle) Antoine Bril, Directeur adjoint recherche, Institut de Recherche SERVIER Jacques Hébrard, Directeur des projets avancés, RENAULT André-Benoît de Jaegère, Directeur de l’innovation, Capgemini Consulting France Eric Molinié, Directeur délégué au développement durable, EDF Denis Ranque, Président de l’ANRT et Président du Conseil d’administration de Technicolor 8 • • La recherche doit mieux comprendre son impact sur la fabrication et les emplois. Pour parvenir à l’intégration de systèmes complexes et une R&D pluridisciplinaire, le système éducatif français devrait permettre l’acquisition de doubles compétences. 3.1 Il est nécessaire de démystifier la société post-industrielle Il ne faut pas confondre la nouvelle structure de l’industrie et la désindustrialisation. Il y a aujourd’hui un découplage entre conception – fabrication (production) – logistique (distribution) – commercialisation. Ce découplage diffère selon les secteurs. Les liens croissants entre biens et services modifient les arguments de localisation mais ils ne réduisent pas la fragmentation de la chaîne de valeur4. Le champ de l’innovation traverse de bout en bout l’ensemble du champ économique. On peut distinguer deux modalités de l’innovation (l’innovation continue et l’innovation de rupture) et deux modalités de la valeur (la chaîne de valeur / la proposition de valeur5). La combinaison de ces deux dimensions constitue un damier à quatre cases reflétant quatre problématiques d’innovation différentes. Au croisement de la problématique de l’innovation continue et de la chaîne de valeur, la question centrale est celle du modèle d’excellence opérationnelle. L’innovation est systémique. La différence entre le produit et le service s’estompe et les deux se complètent de plus en plus. Si la culture de l’industrie se manifeste en particulier par les brevets, celle du service part du capital humain et de l’immatériel. Mais l’industriel développe du service et les grandes entreprises de service sont en train de créer des directions industrielles. Et ce qui est un produit pour certains représentera un service pour d’autres. Par exemple, une méthode de simulation est un service pour un industriel du médicament mais c’est un produit pour un industriel de l’informatique. 3.2 La R&D doit proposer des offres intégrées et répondant aux besoins ciblés des clients de l’entreprise Les clients sont de plus en plus avertis, davantage soucieux d’utiliser que de posséder, désireux que leurs besoins soient immédiatement comblés, conscients de leur existence en tant qu’individu, souhaitant constamment des nouveautés, mobiles, désireux de contribuer eux-mêmes aux innovations. Par voie de conséquence, la compréhension du besoin client, tant dans la relation B to B (Business to Business), que dans la relation B to C (Business to Consumer), est essentielle. Il importe également de comprendre ce qui crée une valeur d’usage. Les sciences humaines et sociales (SHS), au travers de techniques d’observation, parviennent à détecter et comprendre les besoins latents. Les entreprises qui ont longtemps pensé au « produit » pensent aujourd’hui à un système basé sur une offre intégrant le produit + les services + la marque + les promesses + le système de mise en marché au service d’une expérience client. Dès lors, de nouvelles questions se posent à la R&D en termes de conception de produits, de conception de services, et d’intégration de systèmes. Les 4 La chaîne de valeur permet de décomposer l’activité de l’entreprise en séquences d’opérations élémentaires et d’identifier les sources d’avantages concurrentiels potentiels. Ce concept a été introduit par Michael Porter. 5 La proposition de valeur correspond à l’ensemble des attributs de l’offre d’une entreprise reconnus importants par les clients, par lesquels celle-ci peut différencier ses services et produits de ceux de ses concurrents. Cela comprend sa mission, son activité et l’équation économique qui la rend attractive ; à savoir la façon dont elle crée de la valeur dans cette activité et la manière dont elle sait la partager entre tous les acteurs concernés, tout en captant et conservant pour elle même une partie suffisante afin de générer un business rentable. 9 ruptures sur la chaîne de valeur ainsi que sur la proposition de valeur peuvent être une nouvelle source de croissance. La R&D accorde une importance croissante aux clients, allant vers la création de produits individualisés et adaptables par chacun en fonction de ses besoins. Les secteurs automobile et pharmaceutique illustrent cette évolution. Dans l’entreprise PSA, 17 000 chercheurs, ingénieurs et techniciens travaillent dans la recherche et le développement de nouveaux véhicules, mais aussi de nouvelles offres de services, tels que « Mu by Peugeot ». L’offre Mu by Peugeot est double : - La location de produits ou accessoires de la gamme Peugeot. Le détenteur de la carte peut louer ponctuellement un vélo, un scooter, un véhicule plaisir, un véhicule utilitaire, un accessoire de mobilité. - Une offre liée à la prestation d’un partenaire. Le détenteur de la carte peut réserver un billet d’avion, de train, réserver un hôtel ou organiser un voyage sur mesure, ainsi que des stages de conduite. L’offre de l’entreprise Servier illustre le fait que la médecine ne se contente plus de la prise en charge d’un symptôme par un médicament ou un dispositif, mais s’oriente vers des solutions thérapeutiques globales, incluant la prévention, le diagnostic, la thérapeutique, le suivi et la surveillance du patient. L’évolution des industries de la santé va vers la définition plus précise et plus restreinte de populations cibles auxquelles on apporte une solution thérapeutique en s’assurant des bénéfices réels. Le design, activité encore mal connue, est une discipline qui aide les ingénieurs et les chercheurs à se tourner davantage vers les clients. C’est un facteur d’humanisation innovante des technologies. Il commence à être davantage utilisé par les entreprises. Le design est une activité créatrice dont le but est de présenter les multiples facettes de la qualité des objets, des procédés, des services et des systèmes dans lesquels ils sont intégrés au cours de leur cycle de vie. L’APCI (Agence pour la Promotion de la Création Industrielle) est une association indépendante dont la mission est l’information des entreprises sur le rôle du design dans le processus d’innovation, l’organisation d’échanges avec les entreprises et d’ateliers de sensibilisation, et l’animation de réseaux. Le design prend une importance croissante. En 2009, la Commission européenne a publié un document intitulé « Design as a driver of user-centred innovation » (Le design, moteur de l’innovation centrée sur l’utilisateur), pour démontrer l’intérêt du design comme passerelle entre créativité et innovation, entre technologie et marché, et insister sur le fait que l’innovation doit être centrée sur l’utilisateur et tirée par lui. Le design ne se résume pas à la créativité ou à l’esthétique du designer qui va donner forme. Il porte à la fois sur les objets, les procédés, les services, les systèmes tout au long de leur durée de vie et pas uniquement l’objet lui-même. Il y a donc l’idée de l’interface entre la technologie et l’homme. C’est une démarche qui part avant tout du besoin des utilisateurs, et il faut s’intéresser à leurs scénarios d’usage et leurs pratiques. C’est donc une approche de type ethnographique centrée sur la manière dont les gens vivent les choses, plutôt qu’une approche de type statistique. Dans la mesure où le design intervient très en amont dans la conception, se pose la problématique de l’intégrer dans les activités de recherche. Cette intégration va permettre de donner forme et de créer des produits à partir des résultats des inventions, de faciliter le transfert de technologie dans différents secteurs et, enfin, de susciter des recherches en proposant des idées d’innovations aux chercheurs. Le design peut s’appliquer également au secteur des services en tant que secteur économique, mais également dans les services eux-mêmes, dans les organisations. L’utilisateur final est intégré dans la conception sans être pour autant concepteur ; c’est la co-conception. 10 Par exemple : un tissu fabriqué par une petite entreprise française est devenu une matière première pour d’autres produits (ex : mobilier de jardin) et est complètement recyclable. L’entreprise a travaillé avec des designers pour proposer à ses acheteurs des services en même temps que le produit. Elle propose à l’acheteur de rester en contact avec lui tout le long du cycle de vie du produit afin de pouvoir reprendre les tissus en fin de vie et les recycler. Autre exemple : le design des services publics, en particulier celui de l’organisation du service de l’emploi dans une région italienne. La structure de recherche en charge du design a demandé à travailler avec le gouvernement régional (et pas avec le service de l’emploi). Ils ont questionné les utilisateurs des services publics sur leur parcours au sein de ces services. Deux propositions ont été faites : réduire du quart le service public de l’emploi et proposer aux chômeurs des bons qui lui permettent d’aller vers l’organisme d’aide qu’il préfère (public, parapublic ou privé). 3.3 Il faut construire des partenariats intersectoriels, interdisciplinaires et internationaux Au cours des cinq dernières années, les barrières qui séparaient l’enseignement supérieur et la recherche publique d’une part, et l’entreprise d’autre part, ont commencé à tomber. Pour améliorer l’efficacité et l’efficience des recherches et de l’innovation, les entreprises ont considérablement élargi le champ de leurs recherches et de leurs partenariats. Elles sont de plus en plus actives dans les réseaux et les marchés de connaissances. Elles font appel plus librement à des connaissances provenant du monde académique et de la recherche publique. Bien des indicateurs vont dans ce sens : le nombre de contrats CIFRE, le bilan des instituts Carnot, le maintien des budgets de R&D en France malgré la crise. Elles ont également la volonté de tirer parti, à l’échelon local, de l’innovation mondiale. Elles font appel à des chercheurs de toutes disciplines et de tous pays. Ces modèles d’organisation, qui allègent l’intensité capitalistique, permettent de diminuer les risques, augmentent la rentabilité et sécurisent les recherches. Après le management par la structure et le management par projet, on assiste à la naissance du management des communautés et un enjeu important est de l’inventer. Les systèmes d’information jouent un rôle clef dans ces mutations. Ces évolutions ont été illustrées par le secteur automobile et le secteur pharmaceutique. Il y a quinze ans, Thalès avait fait figure de précurseur en ouvrant un laboratoire à l’Ecole Polytechnique. Ce laboratoire mixte avait radicalement changé la vision de l’école Polytechnique sur Thalès et réciproquement. Dans le secteur automobile, PSA monte des partenariats de recherche dans des secteurs où l’on n’attendait pas l’industrie automobile, en faisant notamment appel aux sciences humaines. Comme l’automobile de 2020 ne sera pas celle de 2010, tout doit être repensé, avec des technologies qui ne viendront pas obligatoirement du sérail automobile. La Chaire d’enseignement et de recherche « Modélisations des imaginaires, Innovation et Création» pilotée par le sociologue Pierre Musso est un exemple d’un nouveau type de partenariat à long terme entre académiques et industriels (PSA, Dassault Systemes, Ubisoft, Orange) dédié à la recherche et à l’expérimentation sur les modélisations des imaginaires, des représentations et de la narration. Elle se positionne en amont des processus d’innovation et entend trouver de nouvelles voies dans un contexte international d’innovation intensive et de « technologisation » généralisée de la société. Les OpenLabs et le StelLab sont d’autres exemples de nouveaux partenariats pour PSA. Les OpenLabs sont des structures qui mettent en commun des équipes de recherche et des moyens expérimentaux du Groupe avec ceux de laboratoires partenaires au sein de structures de recherche mixtes. Ils permettront de traiter de thématiques majeures pour l’avenir de l’automobile et d’être au plus près 11 des futures découvertes scientifiques en tous points du monde. Le StelLab (Science Technologies Exploratory Lean LABoratory) est une structure d’animation scientifique qui a pour mission le montage et le pilotage du réseau d’OpenLabs, la mise en réseau de l’ensemble des doctorants, ingénieurs, chercheurs, scientifiques et experts du Groupe, l’accueil d’étudiants et de chercheurs dans le cadre de partenariats scientifiques, et l’organisation de séminaires multidisciplinaires (technologie, design, marketing, …) ouverts aux experts du monde académique. Enfin, l’Université PSA a pour mission d’organiser et centraliser à l’échelle mondiale le développement des compétences dont le Groupe a besoin. Cette Université implantée en France, aura une antenne en Amérique latine et une autre en Chine. MINEATEC IDEAs Laboratory, crée en 2001 par le CEA (Commissariat à l’énergie atomique), France Telecom, ST Microelectronics et Hewlett Packard, est un plateau d’innovation partagéemultipartenaire qui a pour objectif de concevoir les futures applications des nouvelles technologies en basant son efficacité sur l’association de designers, d’industriels et de chercheurs en sciences humaines et sociales. Dans le domaine du médicament, les nouvelles formes de médecine comme la médecine personnalisée provoquent des changements dans le processus d’innovation. Les industries de santé ont la nécessité d’apporter des solutions thérapeutiques qui doivent combiner le médicament (produit) à l’analyse d’un contexte, prenant en compte le diagnostic, la mesure de l’efficacité du médicament, la mesure du bénéfice réel qui peut être apporté au malade. Aujourd’hui, dès la phase de conception du médicament, une trentaine de partenaires avec des compétences différentes sont impliqués pour mesurer les paramètres, tester et aboutir à un médicament. Cela nécessite d’intégrer des compétences très variées qui peuvent être situées à l’intérieur de l’entreprise ou dans les laboratoires publics ou privés nationaux et étrangers. Des partenaires sur un produit peuvent être des concurrents sur d’autres produits. Dans le domaine de l’énergie, la direction de la R&D d’EDF, qui comprend 2000 personnes, travaille avec de nombreux laboratoires nationaux et internationaux. Il y a des freins culturels à ces nouveaux partenariats. Il faut trouver un langage commun pour des personnes qui viennent d’univers différents et, comme l’a montré Armand Hatchuel6, il est très difficile de construire une représentation partagée de l’objet d’innovation à plus forte raison quand il est en rupture ou qu’il se rapporte à des champs de connaissances qui ne sont pas stabilisés. 3.4 Les start-up ont besoin de capitaux et de managers expérimentés Les start-up exploitent des opportunités technologiques ou commerciales qui sont négligées par les entreprises plus établies et ne sont pas développées par les laboratoires publics de recherche. Pour entrer sur le marché, elles ont besoin de capitaux, de coopération avec des centres de recherche publics et privés et de managers expérimentés. Hemarina est une jeune entreprise innovante (JEI) créée en 2007 et Servier, créée en 1954, est aujourd’hui un groupe de 20.000 personnes. Ces deux entreprises ont démarré avec un ou deux entrepreneurs et quelques scientifiques et ont grandi progressivement. Pour Servier, une fois l’innovation lancée, la croissance et le changement organisationnel ont été rapides. Mais cela a impliqué d’investir durablement en R&D, sur l’ensemble des maillons de la chaîne de valeur allant de 6 Directeur adjoint du Centre de Gestion Scientifique de l’Ecole des Mines de Paris 12 la conception du médicament à la délivrance. L’entreprise investit chaque année 25 % de son chiffre d’affaires en recherche et développement. Gostai, jeune entreprise innovante créée il y a cinq ans et spécialisée dans le logiciel pour la robotique et les systèmes complexes, développe Urbi, un Open Source robotique universel qui permet de rendre tous les robots compatibles et qui facilite le développement d’applications pour ces robots. Urbi est aujourd’hui utilisé par une quinzaine de robots différents. Gostai commence également à développer des robots à bas coûts ayant une faible puissance embarquée et qui peuvent, par exemple, aider les personnes âgées. La robotique est une nouvelle industrie dont l’impact sur la société et l’économie pourrait être aussi important que celui de la micro-informatique. Le prix des robots a baissé, leurs fonctionnalités et leurs usages se sont développés. Ces jeunes entreprises innovantes amènent à maturation des recherches provenant de laboratoires publics, inscrivent très rapidement le projet de recherche dans le marché et recherchent des financements externes pour la R&D. L’ANR, OSEO, le CIR et les sociétés de capital-risque jouent un rôle essentiel dans le financement externe de ces entreprises qui démarrent. 3.5 La recherche doit mieux comprendre son impact sur la fabrication et les emplois Les entreprises doivent faire le meilleur usage des ressources dont elles disposent afin de satisfaire les besoins présents et à venir de leurs clients. Elles doivent être en mesure de produire des biens et des services qui correspondent effectivement à des besoins non satisfaits. La dynamique des conditions de production doit leur permettre d’entretenir ce processus et d’y faire accéder l’ensemble des consommateurs. Le développement durable est donc à la fois une source nouvelle de développement pour les entreprises et une obligation provoquant des adaptations souvent coûteuses et douloureuses. L’un des défis du développement durable pour les entreprises consiste à mesurer et limiter leurs déprédations environnementales sur l’ensemble de la chaîne de la valeur. La modularité du processus de production, avec les délocalisations et les externalisations, rend difficile cette évaluation. Un autre défi est relatif à la longueur des cycles d’investissement. La R&D est confrontée à des problématiques technologiques mais également économiques et sociétales. Des exemples ont été donnés dans le secteur de l’énergie, de l’automobile et de la robotique. Les deux principaux dispositifs incitatifs publics pour le développement durable sont les réglementations et les incitations. A la Commission Européenne, le Président José Manuel Barroso pense que les réglementations relatives au développement durable peuvent inciter l’industrie européenne à innover. Mais si les règles sont utiles pour l’industrie, elles doivent être stables, prévisibles et compatibles avec l'horizon des investissements. Pour les entreprises, la croissance verte et les normes qui l’accompagnent, entraînent des coûts supplémentaires, des créations et des pertes d’emplois. Le potentiel de créations d’emplois qualifiés dépend de l’avance technologique des entreprises nationales par rapport à leurs concurrents. Les entreprises doivent privilégier un développement durable, adapté à l’environnement concurrentiel et efficace. Des analyses effectuées récemment montrent qu’il n’y a pas de causalité stricte entre normes sévères et création d’emplois. EDF offre un bouquet de services énergétiques ; il ne vend plus seulement des KwH ou des électrons, mais aussi des conseils, des services. Pour ce faire, la demande et les besoins sont analysés attentivement. L’attention à la croissance et au développement durable sont quasi-génétiques chez EDF pour au moins deux raisons : - La longueur des cycles d’investissement. Entre construction, exploitation et déconstruction, un siècle peut s’écouler. EDF a une responsabilité forte envers les populations et les territoires. Les notions de développement durable et de responsabilité sociale sont très présentes chez les énergéticiens. 13 - La nécessité de répondre à la demande croissante d’énergie tout en parant aux risques climatiques et à la raréfaction des ressources. EDF vit un changement de paradigme : le passage d’un réseau globalement descendant avec EDF qui produit et fournit l’énergie, à un « nouveau » réseau dans lequel les consommateurs deviennent également producteurs d’énergie avec l’éolien, le photovoltaïque, la biomasse, les déchets, etc. Les « black out » provoqués par une pénurie d’offre par rapport à la demande sont terminés ; ils sont maintenant provoqués, en Espagne par exemple, par une surproduction d’électricité. La R&D doit répondre à des problématiques économiques et technologiques, en particulier celles relatives aux règlements. Par exemple, pour le photovoltaïque, le modèle économique actuel, qui repose sur les subventions et les compensations, n’a pas vocation à durer et doit devenir rentable. La R&D doit également répondre à des problématiques sociétales, permettre de mieux connaître les consommateurs et l’acceptabilité des changements. Enfin, pour la R&D, il y a bien entendu de nombreuses questions techniques et industrielles. Un programme interne appelé « Horizon » permet de détecter les signaux faibles, les évolutions des besoins des clients, des politiques, etc. La R&D dans le domaine de l’automobile s’intéresse au développement durable parce que le client s’y intéresse, parce que la réglementation européenne et française l’incite à le faire, et parce que cela permet à l’entreprise de gagner de l’argent et de se développer. La R&D se préoccupe de limiter les pollutions et est également très attentive à des problématiques telles que la maîtrise des matières premières. Le marché de l’automobile en Europe est un marché de renouvellement et l’innovation est le seul moyen de gagner des parts de marché. Mais la R&D est coûteuse. En 2011, le budget de R&D de Renault augmentera de 20% pour atteindre 2,2 milliards d’euros. Ce sera le seul budget en augmentation. Plus de la moitié du budget sera consacrée à la réduction de la consommation des véhicules et leur dépollution. La fabrication demeure un enjeu majeur même si le coût de fabrication a beaucoup diminué. Peu d’ingénieurs et de chercheurs s’intéressent à la fabrication mais pourtant les liens entre la fabrication et la R&D sont essentiels. Avec ses partenaires, Renault commence à construire un site industriel à Tanger qui émet zéro carbone et rejette zéro liquide industriel. Les émissions de CO2 seront réduites de 98 % ; aucun rejet d’eaux usées d’origine industrielle ne sera émis dans le milieu naturel et le prélèvement des ressources en eau pour les process industriels sera réduit de 70 % par rapport à une usine équivalente en capacité de production. Ces résultats sont dus à l’optimisation des process industriels. A l’avenir, les projets de recherche devront être davantage tournés vers les procédés et la fiabilité des moteurs électriques. Si des recherches sont faites sur des sujets tels que le photovoltaïque ou l’électronique de puissance, il faut s’assurer de l’existence d’une capacité de fabrication en France. Gostai fabrique des robots qui pourront contribuer à la diminution de la consommation d’énergie. Par exemple, grâce à la R&D, il devrait être possible de faire de la télé-présence, c'est-à-dire avoir un robot accessible via internet qui assiste à notre place à une réunion, visite une usine à l’autre bout de la planète, etc. Gostai s’efforce également d’utiliser des matériaux biodégradables pour construire la coque des robots. Les membres de Syrobo, le syndicat de la robotique personnelle qui est aussi un centre d’informations et de dialogues, réfléchissent aux impacts de la robotique sur l’emploi. Comme n’importe quelle technologie, la robotique va détruire mais également créer des emplois. L‘objectif est de créer ces emplois en France. 3.6 La formation doit permettre le développement de nouvelles compétences Comme l’avenir de l’industrie est dans l’intégration de systèmes complexes et que la R&D est de plus en plus pluridisciplinaire, le système éducatif français devrait proposer des formations larges, 14 permettant d’avoir des doubles compétences, par exemple un chimiste qui est aussi biologiste. C’est ainsi que les docteurs et ingénieurs français pourront faire face à leurs homologues d’autres pays. L’industrie a évolué et pris la mesure de l’enjeu de l’emploi des docteurs. La demande de bourses CIFRE, qui est un levier du décloisonnement entre la recherche publique et le secteur privé, croît de 10% par an. Aujourd’hui, 15% des doctorants dans les sciences dures comme dans les sciences humaines et sociales sont formés dans les entreprises, et il faut espérer qu’à l’avenir la moitié des docteurs intègreront l’entreprise. EDF a créé la « Fondation européenne pour les énergies de demain » dans le but d’attirer les étudiants dans le domaine de l’énergie. Elle favorise l’émergence de nouveaux partenariats et la mise en place d’actions concrètes dans les écoles d'ingénieurs et universités, en France et dans le monde. Son engagement est au plus près des attentes des étudiants et des besoins des industriels. Trois chaires d’enseignement dans le domaine de l’énergie sont financées. Par ailleurs, EDF mène une politique de « verdissement des métiers ». Le groupe mise sur l’intégration de la dimension verte dans les métiers existants. Dans cette optique, l’entreprise prévoit une révision des fiches métiers pour y intégrer une dimension «développement durable ». En conclusion des tables rondes, Madame Lecourtier, directeur général de l’ANR, a annoncé l’ouverture en 2011 d’un programme intitulé « Sociétés Innovantes. Innovation, Nouvelle économie, Nouveaux modes de vie ». 4. Recommandations à l’ANR 4.1 Recommandations issues des tables rondes - Recommandations générales sur le système de financement de la recherche et de l’innovation o - Ne pas complexifier davantage le système actuel de financement de la recherche collaborative par l’ajout de couches et de moyens de financement supplémentaires. Il y a d’une part l’ANR, opérateur pour la recherche, et d’autre part OSEO, acteur de l’innovation. A côté de ces deux acteurs qui interviennent de manière transversale, il y a l’action locale à travers les pôles de compétitivité, l’action nationale à travers les alliances de la recherche publique et les alliances industrielles (exemple : ARIS, l’alliance pour la recherche et l’innovation dans les industries de santé) et enfin l’action européenne. Recommandations générales sur les programmes de l’ANR o 15 S’assurer que les projets de recherches financés sont dans des secteurs d’activités où la capacité des entreprises françaises à convertir les résultats de la recherche en avantages économiques est importante. La recherche a deux buts : la création de connaissances et la création de richesse. La création de connaissances aura toujours lieu, même si elle ne se fait pas en Europe. Par contre, si la création de richesses se fait dans d’autres pays, par exemple en Inde ou en Chine, les richesses ne seront partagées ni avec l’Europe ni avec la France. o o o o o o o o o - Définir les programmes en fonction des enjeux internationaux et de la nécessité de gagner des parts de marché. L’Europe doit concentrer ses forces de recherche sur les ruptures technologiques afin de créer de nouveaux marchés et tout mettre en œuvre pour que la fabrication ait lieu en Europe. Ainsi, pour le photovoltaïque, la recherche devrait permettre la fabrication des produits en France et en Europe dans quinze ans. Faciliter les transitions et mutations industrielles par des programmes qui permettent d’aboutir à des innovations de rupture et à des ruptures technologiques. Eviter de financer des projets de recherche sur des thèmes trop connus par les industriels. Associer les entreprises le plus en amont possible dans la conception des programmes, y compris dans les programmes du département Sciences Humaines et Sociales (SHS). Poursuivre, et si possible étendre, les programmes internationaux. Les partenaires des entreprises sont intrinsèquement internationaux ; les partenaires sont en Europe, aux Etats-Unis, en Chine, en Amérique latine, au Brésil, etc. L’ANR pourrait aider les entreprises dans ces dimensions internationales. Avoir des appels à projets davantage pluridisciplinaires, incluant par exemple des « sciences dures », des designers, et des sciences humaines et sociales, en particulier pour s’assurer de la connaissance des besoins des clients. Rechercher des résultats non seulement en termes de publications mais également et surtout en terme sociaux. Mettre en avant le rôle des utilisateurs : ils sont à l’origine de l’innovation mais ils doivent également prendre part aux innovations. Conserver dans les programmes non thématiques une approche qui ne soit pas purement relative à la recherche fondamentale. Dans les critères d’évaluation, prendre en compte l’excellence scientifique, mais également la valeur sociétale et économique. Recommandations relatives aux thèmes de recherche des programmes de l’ANR o o Proposition de thème de programme : « Comment innove-t-on dans notre façon d’innover ? » avec des questions telles que : Quels dispositifs d’innovation inter-filières permettent d’accélérer la valorisation de la recherche ? Comment crée-t-on en amont les lieux qui vont permettre d’accélérer le passage recherche-innovation ? Comment les décideurs peuvent-ils tirer parti des réseaux d’innovation mondiaux qui sont en train de se constituer à toute vitesse ? Les projets devraient être pluridisciplinaires et intégrer les sciences de l’ingénieur, les sciences de management, le design, les sciences humaines et la créativité. Proposition de thème de programme : la création d’entreprise, un vecteur important de l’innovation. La problématique pourrait notamment porter sur le concept de « vallée de la mort » que les entreprises ont beaucoup de mal à franchir. En effet, la création d’entreprises en France est très importante mais leur taux de croissance est faible. Il faudrait analyser les inhibiteurs de croissance, puis déterminer les facteurs clés de succès des politiques publiques, de l’action publique pour augmenter le taux de création des « gazelles » qui réussissent. EDF a proposé de mettre à la disposition des chercheurs sa base de données Horizons qui contient vingt ans d’informations sur les consommations en France et dans plusieurs pays européens. 16 4.2 Recommandations issues de l’atelier « Les entreprises et les dispositifs de l’ANR » Pour améliorer l’accès des entreprises aux résultats des projets financés par l’ANR, il faudrait : - Une base de données commune à l’ANR et aux autres financeurs - Améliorer le mode de présentation des résultats en spécifiant les perspectives ou l’applicabilité - Assurer la confidentialité des résultats des projets - Améliorer le système de consultation du site de l’ANR grâce à un moteur de la recherche ou un système d’alerte personnalisé en élaborant un profil d’entreprise par domaine - Avoir un site web ANR pérenne et stable - Diffuser davantage les informations relatives aux « cahiers de l’ANR » - Mieux faire connaître le moteur ARIANE Les entreprises présentes dans l’atelier, en particulier les PME et les TPE, connaissaient peu le dispositif Carnot. Quelques participants avaient connaissance des « Rendez vous Carnot ». Ceux qui connaissaient le dispositif Carnot et les Instituts de Recherches Technologiques (IRT) les trouvaient très complexes. Ils pensaient que les Instituts Carnot pouvaient être utiles pour le travail en réseau pluridisciplinaire sur une grande thématique, pour la normalisation et pour aboutir aux innovations. En ce qui concerne les programmes non thématiques (dénomination préférée à celle de « programmes Blancs »), les participants ont proposé de : - Cibler 25% des programmes non thématiques pour la recherche partenariale en privilégiant les projets les plus gros et les plus structurés Avoir un panel d’industriels dans les comités de sélection Créer davantage de liens avec l’aval des filières Renforcer le programme « retour des post-docs » Mieux flécher le guichet d’entrée Illustrer les liens entre projets des programmes non thématiques et les applications potentielles industrielles ou service pour susciter les partenariats Le programme « Chaires industrielles » a semblé utile pour : - Participer à l’enseignement et aux programmes d’enseignement Partager les thématiques entre la recherche académique et les industries-services Favoriser le rapprochement recherche-enseignement-industrie-service Permettre de faire se rencontrer les savoirs 4.3 Recommandations issues de l’atelier « Les entreprises et les programmes de l’ANR » Afin de connaître les signaux du marché, le processus de programmation de l’ANR (certifié ISO 9001) débute avec une consultation épistolaire annuelle des pôles de compétitivité, d’entreprises, d’organismes publics de recherche et d’universités. Pendant l’atelier, il a été noté que deux participants à l’atelier sur cinq avaient été contactés par l’ANR dans le cadre de cette consultation épistolaire. Tous souhaitent être consultés à l’avenir. 17 - Autres modes de consultation envisagés : o o des panels de porteurs de projets ou partenaires potentiels de projets, des questionnaires ouverts sur le site de l’ANR. - Autres cibles de consultation envisagées : les acteurs des territoires (par exemple les régions, les départements, les chambres consulaires, les communautés d’agglomération, OSEO Innovation en région, etc.) et les fédérations d’entreprises ou d’ingénieurs fortement axées sur la R&D (par exemple, JEInnov, France Biotech, etc.). - Propositions suite à la première table ronde services ? » : o o o o - « Quelles recherches pour l’industrie et les Comprendre que les services doivent permettre de rendre l’industrie plus durable sur le territoire national, sur les plans technologique, environnemental, économique et social. Ils doivent permettre d’augmenter la productivité et la consommation, et de générer davantage de valeur ajoutée. Celle-ci ne doit pas seulement être redistribuée aux actionnaires mais servir à réindustrialiser le pays. Faire un triptyque indissociable entre « Nouvelles technologies - Production - Services ». Avoir une meilleure définition du terme « service » par l’ANR. Définir des critères d’évaluation des projets de recherche liés au service, par exemple savoir s’ils favorisent le développement durable et s’ils permettent de développer de nouvelles filières à partir de nouvelles technologies. Propositions pour les PME : ouverture par l’ANR d’appels à projets dans lequel les PME innovantes (et plus particulièrement les Jeunes Entreprises Innovantes) auraient un rôle central. 5. Synthèse de l’intervention de Luc Rousseau, directeur général de la compétitivité, de l’industrie et des services, Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi Monsieur Rousseau a remercié l’ANR d’avoir organisé cette journée sur ce thème important que sont les nouveaux modèles de croissance. La France, a-t-il rappelé, se positionne dans un contexte de forte concurrence mondiale. Il est préférable pour les entreprises d’avoir une stratégie de différenciation plutôt qu’une stratégie de baisse des coûts. La différenciation peut se faire par l’originalité, par l’image (par exemple, les vins et les produits de luxe) ou en arrivant les premiers sur des marchés à forte croissance et à forte valeur ajoutée. Monsieur Rousseau a insisté sur la nécessité d’innover et d’aller vite. Le taux de renouvellement des entreprises cotées est plus faible en France qu’en Allemagne, le poids du secteur public est plus important, les prélèvements obligatoires et les coûts sont plus élevés. Le renouvellement de la structure industrielle et l’émergence de sociétés dans de nouveaux domaines est complexe. La France a plusieurs atouts historiques et paradoxaux : les objets complexes de haute technologie, tels que l’avion, la fusée, le TGV, le réacteur nucléaire, obtenus grâce à des processus de décision rapide ; des chercheurs et des ingénieurs de qualité. Mais elle est handicapée par son individualisme. La coopération entre le secteur public et le secteur privé peut être encouragée par des moyens financiers. Ainsi, a souligné Monsieur Rousseau, l’exercice « Technologies clés 2015 » 18 permet d’identifier les technologies existantes dont la diffusion se révèle stratégique pour la compétitivité d’un secteur d’activité donné et les technologies émergentes ou d’avenir présentant un potentiel de développement en France. Il faut par la suite construire une feuille de route en répondant à la question : comment être compétitif collectivement ? C’est grâce à cette feuille de route qu’est fixée la stratégie nationale de recherche et d’innovation (SNRI). Monsieur Rousseau a rappelé que les industriels peuvent présenter des projets dans les programmes non thématiques de l’ANR. En France, les coopérations public-privé sont encore en deçà des standards internationaux, malgré les Instituts Carnot qui remplissent leur fonction et les pôles de compétitivité. 6. Synthèse de l’intervention de Ronan Stephan, directeur général de la recherche et de l’innovation, Ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur Monsieur Stephan a souligné le changement de paradigme qui est en cours. La trajectoire à donner à l’innovation n’est plus du ressort de la puissance publique. La réforme du système de recherche s’organise autour de grands principes d’action : l’innovation ouverte, ce qui implique décloisonnement et simplification, le partenariat public – privé et l’ouverture des universités vers les entreprises, la promotion de l’excellence et la confiance dans les acteurs. Ces principes s’appliquent de la même façon aux universités, aux organismes de recherche, à la recherche sur projets et la recherche privée. Les freins à l’activité inventive sont en train d’être levés grâce aux réformes telles que le pacte pour la recherche, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), les investissements d’avenir. Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), et les Alliances ont pour mission de coordonner les principaux acteurs d’un domaine. La recherche partenariale se développe grâce aux pôles de compétitivité, aux Instituts Carnot et au crédit d’impôt recherche. Le moteur de la recherche permet la mise en relation de partenaires publics et privés. Monsieur Stephan a insisté sur le fait que les investissements d’avenir vont permettre de développer l’économie de la connaissance. Sur le montant total de 35 milliards d’euros, 22 milliards sont dédiés à l’enseignement supérieur et la recherche. Les appels à projets nécessitent la participation des entreprises. Un milliard d’euros seront investis en équipements d’excellence. Pour traduire les découvertes scientifiques en applications industrielles et scientifiques, 3,5 milliards d’euros seront consacrés à la valorisation de la recherche. Ils permettront de financer la professionnalisation grâce à des sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT), la création de quatre à six instituts de recherche technologique (IRT) pour rapprocher recherche fondamentale et appliquée (2 milliards d’euros), et le renforcement des Instituts Carnot (500 millions d’euros). Un milliard d’euros vont être consacrés à des instituts d’excellence sur les énergies décarbonées. Monsieur Stephan a rappelé que l’ANR a un programme non thématique, ouvert à la recherche partenariale et a insisté sur la nécessité de la normalisation et la standardisation des processus pour améliorer l’efficience de la recherche. 19