langage. Mais à quoi bon soigner, une à une, sur l’arbre linguistique, les
feuilles malades? Si la maladie est dans les racines et le tronc, on perd
son temps à guérir les feuilles: l’arbre linguistique malade continuera à
produire inépuisablement, effrontément, ses feuilles, ses fleurs et ses
fruits malades.!
!
Quand tu as sous les yeux un texte bousillé, de niveau collégial ou
universitaire, des fautes de tous genres agrémentent ce texte:
l’orthographe est dysentérique, les accords se font au gré de la dyspepsie,
la ponctuation est tirée au fusil à moutarde; mais ce qui frappe le plus,
c’est l’espèce de bouillie où flottent et grouillent tous ces petits
monstres. On a l’impression, justifiée, d’être devant le chaos mental: pas
de structure, pas de charpente: un amas de viande désossée et en
décomposition. De la pensée(?) désintégrée, réduite à l’état de gruau, de
compote, pour ne pas dire de compost. Tout est à faire, à refaire.!
Par où commencer le travail de <récupération>? Certes, il n’existe pas de
remède miraculeux, qui assurerait une guérison spectaculaire en quelques
semaines, par exemple après 45 périodes de <rééducation>. Si on s’est
déformé systématiquement l’esprit pendant des années en pensant et en
écrivant sous la dictée du hasard, il ne faut pas espérer retrouver la santé
mentale en criant lapin ou coucou. Au moins peut-on espérer des résultats
plus sûrs et durables, si on compte, non pas sur une thérapeutique de
l’aspirine, du cataplasme, des tisanes au gingembre, du yoga ou de
l’acupuncture, mais sur une méthode qui vise en priorité à remettre de
l’ordre dans la pensée.!
!
C’est ce que je tente de faire ici. Conscient que mon entreprise civique
sera beaucoup moins populaire que les méthodes expéditives et
superficielles. C’est ainsi que la DGEC, à qui j’avais soumis mon projet, m’a
fait, en substance cette réponse lapidaire comme fin de non recevoir: <<La
méthode ne répond pas aux objectifs visés par les cours de récupération.>
Apparemment, <récupérer> la langue et la pensée, ce n’est pas un objectif
que la DGEC fait sien. Elle cautionnera donc de sa haute autorité des
méthodes aussi infantiles que celles qui ont mené les deux tiers de nos
étudiants là où ils en sont. La TPS sur les livres n’est pas la seule à
<imposer l’ignorance>>.!
Quant à nos linguistes universitaires, beaucoup d’entre eux ont tendance
à cultiver une sérénité olympienne face à la désintégration linguistique et
mentale. Si je leur dis que la langue et la pensée de la majorité de nos
étudiants du collégial sont en compost, ils me font dire par M. Bibeau que
je suis méprisant et incompétent. <<Depuis quand, me dira M. Bibeau, la
qualité de la langue est-elle en relation avec la qualité de la pensée? Et
rien, jamais, ne permet de dire qu’une langue est en décomposition. Car la