L’ENTREPRISE ET LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE Hedi BEN MRAD Professeur à la Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis Introduction On a écrit, à propos de la concurrence que « à dose modérée, c’est un excitant ; à dose massive, un poison »1. A en croire cet adage, une « bonne ou une saine concurrence » nécessite plusieurs « mains » : l’une est « invisible », l’autre est « visible »2. On peut, certainement, relever le caractère partiellement mythique de la première3 mais on ne peut que s’incliner devant la réalité de la seconde. Sans épiloguer sur cet interventionnisme économique de l’Etat de type libéral, il est tout juste pertinent de questionner l’action de cette « main visible » sur le jeu de la concurrence, dont l’entreprise (ou opérateur économique) constitue l’acteur essentiel, sinon exclusif. En droit de la concurrence, affirme le Conseil de la concurrence « l’entreprise économique n’est pas déterminée conformément à des critères juridiques exclusifs, mais sur la base de critères économiques permettant de couvrir toutes les sociétés, organisations et groupements et toutes les personnes morales qui « exercent 1 J. Ibert, La gestion paradoxale des relations entre firmes concurrentes, Rev. Fr. de gestion 2004/1, n° 148, p. 158. 2 “La main visible de l’Etat, écrit D. Brault, ne doit se monter que si la main invisible du marché ne joue pas son rôle et que cette défaillance a pour raison une entrave artificiellement mise en œuvre par des opérateurs ». D. Brault, Droit et politique de la concurrence. Economica 1997, p. 291. 3 H. Defalvard, La main invisible, mythe et réalité du marché comme ordre spontané. Rev. D’éco. Pol. 1990, p. 870. L’entreprise et le Conseil de la concurrence une activité économique indépendamment de leur nature et leur forme et sans égard à leur existence de droit ou de fait, ou si elles ont été créées ou sont dominées par des personnes privées ou publiques… »4- 5 . Il s’agit, grosso modo, d’une « entité mobilisant du travail et du capital pour produire des biens et services marchands »,6 dans un milieu concurrentiel. Moteur de la compétition économique, selon les tenants de l’économie de marché, la notion concurrence relève davantage de l’économie que du droit. Son intrusion, de plus en plus réelle, dans le champ juridique l’affecte d’un coefficient d’incertitude, variable selon le degré et l’intensité de l’emprise du droit sur l’économie. Liée à la formation de l’économie de marché, l’évolution du concept de concurrence n’est pas uniforme. Selon certains économistes la concurrence a revêtu, selon les époques, trois aspects qui continuent de coexister. Elle est conçue, d’abord, comme une institution sociale intuitivement considérée comme favorable à l’intérêt général7. Cette pensée classique tenait la concurrence pour une « notion empirique qui désigne un type de comportement jouant un rôle primordial dans une économie libérale »8. Il s’agit d’une « intuition que le principe de concurrence permet de déterminer les prix »9. Ensuite, avec l’école néo-classique10 la concurrence était 4 CC. Affaire n°3152, 26-7-2004, Société Loisirs Tabarka /club municipal de plongée sous marine. VIIIe Rapport du conseil de la concurrence, 2004, 2e partie, p. 51. Voir dans le même sens, C.C. Affaire n°5177, 2 juin 2005, IXè Rapport du CC. 2005, p. 56 ; Affaire n°5178 , 2 juin 2005, IXè Rapport 2005, p. 62 ; Affaire 5174, 2ç décembre 2005, IXè Rapport du CC. 2005, p. 142 ; Affaire n°61111, 12 avril 2007, XIe Rapport 2007, 2e Partie, p. 11. 5 Ont été qualifiées, d’entreprises économiques, les associations et les personnes physiques exerçant des professions libérales (Affaire n°5177 du 2 juin 2005). 6 M. Rwal, L’entreprise et l’Etat : Genèse et évolutions d’une relation inter organisationnelle atypique. XV° conférence internationale de Management stratégique/Annecy/Genève 13-16 juin 2006. 7 Il s’agit, grosso modo, de la pensée classique avec François Quesnay, Say, Adam Smith, Ricardo et Stuart Mill. 8 L. Doghri, Dimensions et comportements des entreprises. Essai d’application au secteur industriel tunisien, thèse de doctorat d’Etat, Tunis 1984, p. 308. 9 A. Bienaymé, L’intérêt du consommateur dans l’application du droit de la concurrence : un point de vue d’économiste, R.I.D. éco. 1995, p. 366. 10 Dont, Coumot et Alfred Marshall. 2 L’entreprise et le Conseil de la concurrence conçue comme un ensemble de conditions de marché strictement définies. Avec Walras et Pareto, on parlera de la concurrence pure et parfaite11. Enfin, la concurrence est présentée comme un phénomène empiriquement observable, mais fragile et menacé d’auto-destruction12. Cette présentation résulte de la démarche des économistes qui s’attachent, de plus en plus, à observer les phénomènes de production et le comportement spontané des entreprises, plutôt que de s’attacher aux marchés abstraitement définis. Cette philosophie nouvelle de la concurrence praticable, renvoie aux nouvelles réflexions de J. Chamberlin sur « la concurrence monopolistique », de J. Robinson relative à « la concurrence imparfaite » et de Schumpeter concernant « l’entrepreneur innovateur » avec, pour ce dernier, une insistance particulière sur le lien très fort entre innovation et dynamique économique. Saisie par le droit13, la concurrence s’est trouvée dans le sillage de l’Etat « régulateur »,14 avec le conseil de la concurrence15 comme principale autorité chargée de l’application du droit de la concurrence16. 11 Ses éléments essentiels sont : la rationalité complète des agents, la mobilité parfaite et sans coûts des agents et des facteurs de production, la continuité et la divisibilité des unités économiques, l’information complète et l’absence de collusion ». L. Doglin, Thèse précitée, p. 309. 12 Cette nature dynamique de la concurrence fait qu’elle peut revêtir la forme de l’affrontement, de la coopération (ententes) ou les deux à la fois, selon les stratégies du marché et les données du marché. Selon certains auteurs, « les firmes jouent sur (ces) deux modes relationnels : l’activité des entreprises est affaire de coopération lorsqu’il s’agit de confectionner le gâteau et de compétition quand vient le moment de la partager ». P. Le Roy, Les stratégies de renforcement du Leadership de marché : stabiliser ou perturber la concurrence. Rev. Fr. de gestion 2004 / 1 , n°148, p. 21. 13 La simplicité de la formule contraste avec l’ampleur du phénomène. En effet, la toute puissance du marché international, qui a marqué la fin du XXe siècle et le début du « millénaire, a mis à rude épreuve les Etats-Nations. Des législations nationales sur la concurrence sont mises en place, de par le monde, afin de réguler la fonction concurrentielle des marchés de plus en plus ouverts sur l’extérieur. Une action internationale s’est déployée au sein de certains organismes comme la CNUCED, l’OCDE et l’OMC, pour arrêter des règles juridiques minimales en matière de concurrence. L’élaboration de la loi type sur la concurrence, au sein de la CNUCED, offre un début de preuve de l’enjeu international de la concurrence, accentué par la globalisation de l’économie, consécutive au déploiement planétaire de l’économie de marché. L’Europe est allé jusqu’à établir un Réseau européen de la concurrence permettant aux autorités de concurrence des Etats membres de coordonner la mise en œuvre des articles 81 et 82 du traité CE et de 3 L’entreprise et le Conseil de la concurrence L’absence de définition légale du conseil de la concurrence a donné lieu à de vives controverses. On parle à son égard, ainsi que de ses homologues en droit comparé, « d’organisme de type juridictionnel chargé d’exercer une magistrature économique », « d’organisme consultatif de type administratif, remplissant une mission quasi juridictionnelle d’intérêt public », de « quasi-juridiction » ou « d’autorité administrative indépendante »17. En Tunisie, le Conseil de la concurrence ( dénommée initialement Commission de la concurrence ») s’est attribuée depuis 2002, la qualité d’ « autorité indépendante édictant des décisions de nature juridictionnelle et exerçant une fonction consultative s’entraider dans la gestion des cas. De même qu’un Réseau international de concurrence a été créé en 2001, à l’initiative des Etats-Unis, regroupant des autorités de concurrence et des représentants du secteur privé. 14 Sur la régulation, d’une manière générale, voir : Ch. A. Morand, Régulation, complexité et pluralisme juridique. Mélanges P. Amselek, Bruylant, 2005, p. 615, C. Teitgen – Colly, les instances de régulation et la constitution, RDP n°1 , p. 153 ; La régulation : Nouveaux modes ? Nouveaux territoires ? RFDA 2004, n°109, S. Rousseau et B. Zuindeau, Théorie de la régulation et développement durable. Rev. De la régulation 2007, n°1, p. 1 ; F. Cafaggi, Gouvernance et responsabilité des régulateurs privés, RIDE 2005, p. 111 ; M. A. Freson-Roche (s. la dir.), Responsabilité et régulations économiques, Presses de Sc. Po.et Dalloz ; S. Barbou des palaces, contribution (S)du modèle de concurrence régulatrice à l’analyse des modes et niveaux de régulation. RFAP 2004/1, n°109, p. 37 ; D. Briand Meledo, Autorités sectorielles et autorités de concurrence. RIDE 2007, p. 345 ; M. D’Alberti, La régulation économique en mutation, RDP 2006-1, p. 231 ; M. Lambard, Institutions de régulation économique et démocratie politique. AJDA, 2005, p ; 530 ; M.M. Mohamed Salah, les transformations de l’ordre public économique. Vers un ordre public régulatoire, Mélanges G. Farjat ; Ed. Frison –Roche 1999, p. 261 ; G. Marcou, La notion juridique de régulation, AJDA 2006, p. 347. 15 Le conseil de la concurrence est doté d’une composition inédite regroupant des magistrats, des professionnels et des « experts ». 16 La lecture de certaines définitions du droit de la concurrence peut illustrer l’incertitude qui règne en la matière : “l’ensemble des règles gouvernant les rivalités entre agents économiques dans la recherche de la conservation d’une clientèle » (J. Azéma). « L’ensemble des règles qui s’appliquent aux opérateurs économiques dans l’activité concurrentielle afin que la concurrence soit suffisante tout en n’étant pas excessive (Y. Serra). « Le droit de la concurrence a d’une certaine manière succédé au droit de la planification » (Ch. Leroy), « le droit de la concurrence ne doit pas être autre chose qu’une branche dérivée de la théorie macro-économique ». 17 En France, la LME (loi de modernisation de l’économie du 4 aout 2008) a tranché la question en affirmant que « l’Autorité de la concurrence est une autorité administrative indépendante » (Art. L.461-1). 4 L’entreprise et le Conseil de la concurrence dans le domaine de la concurrence »18. Dans une jurisprudence récente, le conseil de la concurrence s’est auto-qualifié comme « un organe juridictionnel spécialisé intégrant l’ordre juridictionnel administratif »19. Indépendamment de cette auto-qualification jurisprudentielle, le législateur a reconnu au Conseil de la concurrence une double compétence. La compétence consultative20 qui s’est consolidée en 2005, est à la fois facultative et obligatoire. La consultation facultative bénéficie au ministre chargé du commerce pour « les projets de textes législatifs et toutes les questions afférentes au domaine de la concurrence », et aux « autorités de régulation sectorielles… (pour) les questions afférentes au domaine de la concurrenc »21. Quant aux « organisations professionnelles et syndicales, les organismes ou groupements de consommateurs légalement établis et els chambres de commerce et d’industrie », ils peuvent requérir l’avis du conseil de la concurrence par l’intermédiaire du ministre chargé du commerce « sur les questions de concurrence dans les secteurs relevant de leur ressort ». Il serait souhaitable d’étendre le domaine de la consultation facultative aux collectivités locales et aux commissions parlementaires. Quant à la consultation obligatoire, elle pèse sur le gouvernement pour « les projets de textes réglementaires tendant à imposer des conditions particulières pour l’exercice d’une activité économique ou d’une profession ou à établir des restrictions pouvant entraver l’accès au marché »22. Elle est, aussi, retenue pour les pratiques 18 VIè Rapport du Conseil de la concurrence 2002, p. 16. 19 Affaire n°71140, 17 juillet 2008, Topnet… XIIe Rapport CC. 2008, p. 209. 20 Voir Tableau n°2. 21 Au niveau contentieux, le conseil de la concurrence est tenu de “demander l’avis technique des autorités de régulation lors de l’examen des requêtes, dont il est saisi, et qui sont afférentes aux secteurs relevant de leur ressort ». (Article 11 al. 3 de la loi 91-64). 22 Le pouvoir dont dispose le gouvernement pour soumettre un projet de texte réglementaire au conseil de la concurrence s’exerce sous le contrôle du juge administratif sur la base du recours pour accès de pouvoir. 5 L’entreprise et le Conseil de la concurrence anticoncurrentielles « dont les auteurs justifient qu’elles ont pour effet un progrès technique ou économique et qu’elles procurent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte ». Ces pratiques sont soumises à l’autorisation du ministre chargé du commerce après avis du conseil de la concurrence. Enfin, le conseil de la concurrence est obligatoirement consulté, par le ministre chargé du commerce, sur « tout projet de concentration ou toute opération de concentration ». Dans tous les cas de figure, les avis du conseil de la concurrence ne constituent pas des avis conformes. Quant à la compétence contentieuse du conseil de la concurrence, et sous réserve des applications jurisprudentielles, elle est limitée au pratiques anticoncurrentielles, objet de l’article 5 de la loi 91-6423. Avec le conseil de la concurrence, on peut les ramener à trois catégories essentielles, à savoir les ententes explicites ou implicites injustifiées, l’abus de position dominante ou d’un état de dépendance économique et l’application de prix abusivement bas24. A un autre niveau, et à côté de l’auto-saisine, le conseil de la concurrence peut être saisi par le ministre chargé du commerce, les entreprises économiques, les organisations professionnelles et syndicales, les organismes ou groupements de consommateurs légalement établis, les chambres de commerce et d’industrie, les autorités de régulation et les collectivités locales. 23 24 Cette loi a été modifiée à cinq reprises : - Loi n°93-83 du 26 juillet 1993. - Loi n°95-42 du 24 avril 1995. - Loi n°99-41 du 10 mai 1999. - Loi n° 2003-74 du 11 novembre 2003. - Loi n°2005-60 du 18 juillet 2005. X Rapport du CC, 2006, p. 53. 6 L’entreprise et le Conseil de la concurrence Jusqu’en 2008, le conseil de la concurrence à rendu plus de 150 décisions, alors que ses avis s’élèvent à 23125. Cette activité du conseil de la concurrence, particulièrement au niveau contentieux, semble dessiner des rapports avec l’Entreprise, teintés de « suspicion » légitime (1ère Partie) mais aussi de collaboration (2ème Partie). PARTIE I L’ENTREPRISE SURVEILLEE Dans toute compétition, il y a de bons et de mauvais joueurs. La compétition économique n’échappe pas à cette règle du jeu. Vis-à-vis de l’entreprise, le Conseil de la concurrence est chargé de chasser les mauvais joueurs dans un souci de « protection de l’intérêt économique général et de sauvegarde des mécanismes du marché »26. Il s’agit de l’ordre public économique. Cette notion cardinale du droit de la concurrence, qui manque encore de teneur et de visibilité juridique, est le fondement même du double contrôle exercé sur les comportements (A) et sur les structures (B). A) Le contrôle des comportements Les pratiques anticoncurrentielles visent à interdire les pratiques attentatoires au fonctionnement d marché selon la loi de l’offre et de la demande. Ce sont toutes les pratiques qui limitent la concurrence entre les entreprises, prévues par l’article 5 de la loi 91-6427, et qui relèvent de la compétence du conseil de la concurrence en premier ressort, et du Tribunal administratif en appel et en cassation. Ces pratiques anticoncurrentielles se distinguent, en Tunisie, des pratiques restrictives, objet du Titre 2 de la loi 1991-64. Ces derniers sont, généralement, 25 Voir Tableau n°1 et 2. 26 Affaire n°71136, 13-12-2008, SRNICOM/Artès Renault, XIIe Rapport, 2008, p. 248. 27 Cet article entretient de fortes ressemblances avec l’article L. 420.1 du code de commerce français (anciens articles 7 et 8 de l’ordonnance française de 1986). 7 L’entreprise et le Conseil de la concurrence classées, sur la base civile ou pénale de la peine encourue. C’est ainsi, par exemple, que la prohibition des prix imposés relève des pratiques restrictives pénalement sanctionnées, alors que les pratiques discriminatoires relèvent des pratiques restrictives civilement sanctionnées. Ces pratiques sont présumées avoir « soit par elle-même soit sous certaines conditions, pour effets de fausser la concurrence ou de porter atteinte aux intérêts légitimes d’un concurrent »28. Elles couvrent une série de pratiques « qui sont interdites en elles-mêmes parce que présumées nocives, tant pour les entreprises qui en sont les victimes que pour le fonctionnement normal du marché »29. Autrement dit, leur effet restrictif est présumé « sans qu’il y ait lieu ni d’apprécier si la pratique a ou non une incidence sur le bon fonctionnement d’un marché ni de dresser un bilan économique des avantages et des inconvénients qui peuvent être liés à la pratique »30. Pour revenir aux pratiques anticoncurrentielles, elles renvoient à des comportements d’entreprises très variés qui visent à un « endormissement de la concurrence, à édulcorer la lutte concurrentielle ou même à la supprimer »31. Leur champ d’application est très vaste. Sur le plan légal, la prohibition des pratiques anticoncurrentielles a connu un élargissement de son champ d’application. Limitée initialement aux ententes (a) et à l’abus de position dominante, cette prohibition s’est élargie à l’état de dépendance économique(b) et aux offres de prix ou pratiques de prix abusivement bas (c)32. 28 D. Brault, Droit et pratique de la concurrence Economica 1997, p. 150. 29 Y. Serra, Le droit français de la concurrence, Dalloz 1993, p. 106. 30 D. Brault, Droit et politique de la concurrence, op. cit., p. 150. 31 Y. Serra, Le droit français de la concurrence, op. cit., p. 79. 32 Les contrats de concession et de représentation exclusive a fait l’objet d’une réglementation déroutante. Leur prohibition en 1995 a été assouplie en 1999 pour être supprimée en 2005. 8 L’entreprise et le Conseil de la concurrence a) Les ententes : Selon la pratique jurisprudentielle, il s’agit d’une forme de coordination qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique aux risques de concurrence. Les ententes ne sont pas condamnées en elles-mêmes, mais seulement, lorsqu’elles portent atteinte à la concurrence. Depuis 1999, le conseil de la concurrence a incriminé certaines pratiques des directeurs des auto-écoles dans le gouvernorat de Siliana pour s’être entendus sur la hausse des tarifs de la conduite automobile et de l’avoir pratiquée de manière uniforme. La preuve de cette entente résultait, selon le conseil, d’une réunion tenu le 14 juin 1996 avec le président de la chambre syndicale. De plus, les directeurs des auto-écoles ont avoué cette entente tout en la justifiant par l’organisation de la profession33. La forme des ententes prohibées peut prendre des formes très variées. On peut signaler d’abord les ententes anticoncurrentielles horizontales qui peuvent consister en des ententes de prix ou de marges entre entreprises en principe concurrentes, l’élaboration et la diffusion de recommandations ou de directives en matière de prix ou de remises par des organismes professionnels, des échanges d’informations ou des ententes entre soumissionnaires à un même appel d’offres. Ensuite, on peut faire état des ententes anticoncurrentielles verticales. Il s’agit, selon le conseil de la concurrence, de « conventions conclues entre des opérateurs situés à différents stades du processus de production ou de distribution comme, par exemple, entre une producteur et ses 33 Voir sur les ententes : Affaires n°5183, 20 juillet 2006, SONEDE/INOPLAST et autres…, Xe Rapport, 2006, p. 65. 9 L’entreprise et le Conseil de la concurrence distributeurs auxquelles les seconds adhèrent explicitement ou tacitement »34. Cette situation peut se manifester dans diverses clauses de conditions générales de vente ou d’accords de coopération, ainsi que dans les contrats de distribution exclusive ou sélective, ou encore les contrats comportant une clause d’exclusivité. En ce qui concerne le problème du parallélisme des formes on signalera que « tout parallélisme n’implique pas une entente tacite »35. Sur la question de savoir si la constatation d’un comportement parallèle peut constituer la preuve suffisante d’une pratique concertée, il a été retenu qu’en présence d’un tel comportement sur le marché, il doit être prouvé que la concertation constitue la seule explication possible. b) L’abus de position dominante et l’état de dépendance économique L’abus de position dominante soulève des problèmes épineux. On peut signaler celui de la délimitation du marché pertinent, ou marché de référence. Selon le Conseil de la concurrence, le marché est défini comme « le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service spécifique »36. La détermination du marché pertinent fait appel à la notion de substituabilité des produits et services sur un marché déterminé. Sont, ainsi, considérés comme « substituables » et comme se trouvant sur un même marché, les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les regardent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande »37. Parmi les éléments pris en 34 Rapport du Conseil de la concurrence, 1998. 35 J.B. Blaisse-F. Jenny, Le droit de la concurrence : les années récentes, Bilan et synthèse, RIDE, 1995, p. 91. 36 Rapport du Conseil de la concurrence, 2008. 37 XIIIe Rapport du Conseil de la concurrence français. Son la notion de substituabilité en Tunisie, voir, Affaire n°5179, 22 juin 2006, COSMETICA Universel/Euro-Italia, Xe Rapport conseil de la concurrence, 2006, p. 63 ; Affaire n°5186, 20 juillet 2006, SOCODI/Bouig, Xe Rapport, op. cit., p. 66. 10 L’entreprise et le Conseil de la concurrence compte, les caractéristiques propres des produits, leurs conditions d’utilisation technique, les coûts d’usage ou de mise à disposition, la stratégie des offreurs. Le second problème rencontré en matière d’abus de position dominante a trait à la position dominante collective (ou Shaked Monopoly). Celle-ci exige que les entreprises du groupe en cause soient suffisamment liées entre elles pour adopter une même ligne d’action sur le marché. Mais, il arrive parfois qu’on reconnaisse une position dominante collective détenue par plusieurs entreprises qui n’appartiennent pas à un même groupe au sens financier du terme. En tout cas, pour retenir l’abus de position dominante, le Conseil de la concurrence est amené à constater que « les entreprises en cause avaient utilisé la position dominante qu’elles détiennent pour chercher à éliminer un concurrent ou à empêcher l’arrivée sur le marché d’une nouvelle entreprise »38. L’état de dépendance économique a été introduit en 1999. Sa finalité est de « prévenir les abus que peut être tenté de commettre une entreprise qui, ayant ou non une position dominante sur son marché, peut être pour une entreprise un partenaire obligé »39. Plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies pour que les dispositions relatives à l’abus de dépendance économique puissent être appliquées : il doit y avoir abus de dépendance économique ; l’abus de dépendance économique doit avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel sur un marché et, enfin, la victime de l’abus doit être dépourvue de toute solution de remplacement de même valeur. Pour cette dernière condition, le droit allemand parle de possibilités suffisantes et supportables de s’adresser à d’autres entreprises. c) Offre de prix ou pratique de prix abusivement bas 38 Rapport du Conseil de la concurrence, 1998, CE 17 octobre 2008. Société OGDF, AJDA 2009, n°1, p. 56. 39 D. Brault, Droit et politique de la concurrence, op. cit., p. 273. 11 L’entreprise et le Conseil de la concurrence Cette pratique n’est répréhensibles qui si elle est « susceptible de menacer l’équilibre d’une activité économique et la loyauté de la concurrence sur le marché ». Le Conseil a, ainsi, considéré qu’une revente à perte par une entreprise occupant une position dominante sur un marché, est répréhensible en raison de son objet ou de son effet sur la libre concurrence et l’équilibre général du marché, d’autant qu’elle est préjudiciable aux derniers publics40. La variété de ces différentes pratiques anticoncurrentielles, n’a pas empêché le Conseil de la concurrence de leur assimiler la concurrence déloyale et les infractions économiques, sous certaines conditions41. L’autre innovation, en la matière, est la soumission des personnes publiques au droit de la concurrence et l’alignement de leurs comportements marchands sur ceux des personnes privées42. Question cardinale du droit de la concurrence qu’il faudrait traiter avec lucidité et sur le long terme. B) Le contrôle des structures A la différence du contrôle des comportements des entreprises, celui des structures n’est pas très pesant. En effet, la matière des concentrations d’entreprises relève de la politique de la concurrence qui échappe, en grande partie au Conseil de la concurrence. Appréhendée comme un « phénomène d’augmentation de la dimension de certaines unités à l’intérieur du secteur d’activité auquel elles appartiennent »43, la concentration fait partie intégrante de la logique concurrentielle. La concurrence 40 Affaire 4162, 25 mai 2005, Ministre du commerce/st Baccouche IXe Rapport, 2005, p. 62. 41 Voir, affaire n°4161, 26 mai 2005, STIL/Agromed, Xe Rapport, 2005, 2e partie, 27 et s ; Affaire n°61109, 9 août 2007, Floris distribution / SA H ; XIe rapport 2007, 2e partie, p. 98. 42 Voir, Affaire 5181, 10 novembre 2005 ; Société MADIVET/Ste BSA médicale ; IXe Rapport 2005, p. 110. 43 Teulon (F) (S. la dir), Dictionnaire Histoire, Economie, Finances, Géographie PUF 1999, p. 149. 12 L’entreprise et le Conseil de la concurrence engendre la concentration, laquelle tue la concurrence44. De ce point de vue, tout contrôle de la concentration reste fortement imprégné par la conception que l’on se fait de la concurrence et de la finalité qu’on lui assigne. S’agissant d’un contrôle des structures des entreprises, le contrôle des concentrations constitue, donc, un véritable moyen de protection de la concurrence. On avance même que la concentration ne soulève pas de défi majeur pour les politiques de la concurrence « tant que les marchés demeurent contestables c'est-à-dire que les barrières à l’entrée sont minimes et que les coûts de sortie sont faibles. Ceci est conditionné par le fait que la concentration ne doit pas dépasser un certain seuil qui reste différent d’un secteur à l’autre mais, aussi difficilement identifiable d’avance 45. C’est la raison pour laquelle, le contrôle des concentrations devient de plus en plus impératif dans une économie qui se mondialise et dont les unités constitutives est l’une des conditions de la compétitivité internationale. Il permet, en tout cas, de favoriser la constitution de grandes unités économiques efficientes mais en les empêchant de se transformer en structures « génératrices de comportements anticoncurrentiels »46. En somme, il s’agit de limiter le pouvoir de marché des entreprises sans inhiber leur capacité concurrentielle. Or, le Conseil de la concurrence, outil de régulation du marché concurrentiel, participe faiblement à cette opération de contrôle. La loi 91-64 a institué un contrôle administratif obligatoire exercé par le ministre chargé du commerce, mais tempéré par l’intervention secondaire du conseil de la concurrence. Ce dernier est, certes, obligatoirement consulté par le ministre chargé du commerce sur « tout projet de 44 45 46 Voir G. Fayat, Droit économique, PUF, 1971, p. 143. Voir, les mutations de l’économie, Sous la dir. De Ch. De Boissieu, economica, 2000, p . 9 et s. Y. Serra, Le droit français de la concurrence… op. cit., p. 99. 13 L’entreprise et le Conseil de la concurrence concentration ou toute opération de concentration »47, mais son avis n’est pas conforme. Plus intéressante, par contre, la possibilité offerte au conseil de concurrence de saisir, en phase contentieuse, le ministre chargé du commerce afin de lui soumettre des propositions destinées à certaines entreprises « en position dominante résultant d’un cas de concentration... »48. Il s’agit d’un pouvoir de « veille » par lequel le Conseil de la concurrence participe à la correction de certains effers nocifs de la concentration d’entreprises. En définitive, ce double contrôle des comportements et des structures, aussi contraignant soit-il, est largement bénéfique aux « bons joueurs », autrement dit, aux entreprises performantes et loyales dont la collaboration avec le Conseil de la concurrence participe à l’établissement d’une saine concurrence. DEUXIEME PARTIE L’ENTREPRISE SOLLICITEE Si on nous accorde que le conseil de la concurrence, à l’image de ses homologues étrangers, participe d’une logique de « droit de la régulation », on se permettra d’avancer que l’impératif de collaboration avec l’entreprise fait partie intégrante de sa mission de « police des marchés ». On remarquera de manière liminaire que la régulation comme « technique incitative »49, n’est pas la négation du rôle de l’Etat dans le bon fonctionnement des rouages économiques mais « une autre façon d’agir étatique procédant d’une 47 Article 9, dernier al. de la loi 91-64. 48 Article 20 de la loi n°91-64. 49 Ch. A. Morand, Régulation, complexité et pluralisme juridique, Mélanges P. Amselek, Bruylant, 2005, p. 615. 14 L’entreprise et le Conseil de la concurrence philosophie sociétale qui s’accommode de la subsidiarité politique, de l’autonomie juridique des agents et de l’économie de marché »50. C’est ainsi que l’autonomie du régulateur, ajoutée à son expertise technique, « donne crédit à son action : la retraite de l’Etat obéit à une logique de l’efficacité, mettant en avant un régulateur de terrain, bon connaisseur de celui-ci, en relation de concertation51 avec les opérateurs ou les administrés, avec lequel, en quelque sorte, ceux-ci puissent s’identifier »52. Cette fonctionnalité de collaboration est à explorer au double niveau de ce qui est convenu d’appeler « les procédures négociées »53, particulièrement la procédure de clémence(A) et le rôle du Conseil de la concurrence dans les poursuites pénales(B). A) La procédure de clémence Le terme clémence « désigne tous les systèmes qui offrent l’immunité totale ou une réduction des amendes qui, sinon, auraient été infligées au participant à une entente illicite, en échange d’une divulgation librement consentie, avant ou pendant la phase d’enquête, d’éléments de preuve relatifs à l’entente présumée répondant à des critères précis »54. Sans bénéficier de cette dénomination, ce procédé, retenu depuis la réforme de 2003, offre au Conseil de la concurrence, après audition du commissaire du gouvernement d’ « exonérer de la sanction ou l’alléger pour quiconque qui apporte des 50 C. Champand, Régulation et droit économique, RIDE, 2002, p. 61. 51 C’est nous qui soulignons. 52 Y. Gaudemet, la concurrence des modes et des niveaux de régulation RFAP, 2004, n°109, p. 15. 53 Les procédures négociées en droit de la concurrence : Engagements et transactions. Droit français droit communautaire. Conférence 3 avril 2008 Paris. Concurrences n°2-2008 ; A. Tercinent, Le programme de clémence américain : un modèle sous le sceau du pragmatisme, RDAI 2007, n°6, p.767. 54 Comm. CE, Communication relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence, JOUE n°C. 101, 27 avril 2004, note 1. 15 L’entreprise et le Conseil de la concurrence informations pertinentes non accessibles à l’administration et de nature à révéler des accords ou des pratiques anticoncurrentielles auxquelles il a pris part »55. Au-delà des conditions et des procédures de sa mise en œuvre, ce dispositif juridique permet de faciliter l’action des autorités de la concurrence afin de détecter « les ententes les plus graves, qui sont le plus souvent secrètes »56 et nocives au bon fonctionnement du marché. C’est la raison pour laquelle, il est impératif de dépassionner le débat sur la moralité du procédé et l’interpréter positivement. On s’en remettra, sur ce point, à l’argumentaire du communiqué de procédure du 20 mars 2009 relatif au programme de clémence français : « le législateur a considéré qu’il est de l’intérêt de l’économie française, et notamment des consommateurs, de faire bénéficier d’un traitement favorable les entreprises qui informent l’autorité de la concurrence de l’existence d’ententes illicites et qui coopèrent avec elle afin d’y mettre fin. En effet, ces ententes sont néfastes pour les économies nationales : elles portent une atteinte grave aux intérêts des consommateurs, en particulier quand elles conduisent à un accroissement artificiel des prix ou à une limitation de l’offre sur le marché, et elles soustraient les entreprises à la pression qui, normalement, les incite à innover. Le bénéfice que tire les consommateurs et les citoyens de l’assurance de voir les ententes plus sûrement et plus fréquemment détectées et interdites est plus important que l’intérêt qu’il peut y avoir à sanctionner pécuniairement toutes les 55 Article 19 de la loi 91-64. En Algérie, l’article 60 de l’ordonnance n°03-03 du 19 juillet relative à la concurrence, est rédigé de la manière suivante :”le conseil de la concurrence peut décider de réduire le montant de l’amende ou ne pas prononcer d’amende contre les entreprises qui, au cours de l’instruction de l’affaire les concernant, reconnaissent les infractions qui leur sont reprochées, collaborent à l’accélération de celui-ci et s’engagent à ne plus commettre d’infractions liées à l’application des dispositions de la présente ordonnance. Les dispositions de l’alinéa 1 ci-dessus ne sont pas applicables en cas de récidive quelle que soit la nature de l’infraction commise », JORA n°64 du 26 octobre 2003, p. 3. 56 L.Idot, Programme de clémence et droit de la concurrence. L’entrée dans la Phase II, RJEP 2007, n°640, p. 89. 16 L’entreprise et le Conseil de la concurrence entreprises ayant participé à l’entente, y compris celles – là même qui, en la révélant, permet à l’autorité de découvrir et de sanctionner de telles pratiques »57. Il s’agit, donc, d’une lutte contre les ententes injustifiables dont pourraient bénéficier les entreprises s’adonnant à une compétition économique loyale et transparente. Dignement accepté par l’Entreprise et intelligemment utilisé par le Conseil de la concurrence, ce procédé de clémence serait un outil précieux d’une gestion préventive des pratiques anticoncurrentielles les plus caractérisées. En incitant les entreprises à venir se dénoncer en contrepartie d’une immunité totale ou partielle d’amende, ce procédé accorde à l’entreprise le droit de « se repentir », mais pour la noble cause : la sauvegarde de l’économie de marché. Vue sous cet angle, la clémence retrouve ses titres de noblesse comme expression de la grandeur d’âme et de la bonté. Ainsi conçue, elle ne pourrait que favoriser une coopération fructueuse entre le Conseil de la concurrence et l’Entreprise, au grand bénéfice de l’économie nationale. Dans cet élan de la « dépénalisation du droit de la concurrence »,58 que faut-il penser de la faculté offerte au Conseil de la concurrence de transmettre les dossiers au parquet, et qui est, à priori, aux antipodes de cette logique de coopération ? B- Le Conseil de la concurrence et la saisine du juge pénal On écarte de notre propos les dispositions de l’article 36 de la loi 91-64, lequel prévoit une peine d’emprisonnement allant de seize jours à une année et d’une amende de 2.000 à 100.000 dinars ou de l’une de ces deux peines seulement, à l’encontre de « toute personne physique qui, par des moyens détournés, aura pris une part 57 Rapport annuel 2008, Autorité de la concurrence. La Documentation française, Paris, 2009, p. 508. L.Idot, Le droit des Etats membres de l’Union européenne. In Concurrence et droit pénal des pratiques anticoncurrentielles par recours à l’article L.420-6 du code de commerce. Colloque Paris 13 novembre 2007. Concurrences 2008, n°1, p.14. 58 17 L’entreprise et le Conseil de la concurrence déterminante dans la violation des interdictions édictées par l’article 5 de la présente loi ».59 Il s’agit là du juge pénal et non pas du Conseil de la concurrence. Notre préoccupation se limite aux dispositions de l’article 20, al.1er, 3è tiret de la loi 91-64, selon lesquelles « le Conseil de la concurrence peut :-transmettre le dossier au parquet en vue d’engager les poursuites pénales ».60 Cette disposition juridique, banale en apparence, recèle pourtant des potentialités d’action que le Conseil de la concurrence semble utiliser à bon escient. En effet, et à notre connaissance, aucune transmission au parquet n’a été faite depuis 1991.61 Que signifie le « délaissement » de ce texte ? L’occasion de sa mise en œuvre ne s’est pas encore présentée, ou bien s’agit-il d’une douce mise en marche vers la désuétude de cette règle ? Le message qui se dégage de cette attitude bienveillante du Conseil de la concurrence à l’égard des entreprise contrevenantes traduit, nous semble-t-il, un refus de la logique conflictuelle dans ses rapports avec l’Entreprise, d’une manière générale. C’est une manière de l’inviter à une plus étroite collaboration afin que la régulation de la concurrence devienne une fonction partagée entre les acteurs les plus pertinents. D’ailleurs, cette attitude non formalisée nous rappelle le point 47 du programme de clémence du 17 avril 2007 en France. Le Conseil de la concurrence français a considéré que « la clémence est au nombre des motifs légitimes qui justifient la non transmission au parquet d’un dossier dans lequel les personnes physiques, appartenant 59 C’est l’équivalent de l’article L.420-6 du code de commerce français qui punit de 75000 euros et de quatre ans d’emprisonnement tous ceux qui ont pris « frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation ou la mise en œuvre des pratiques visées aux articles L.420-1 et 420-2 du code de commerce ». En Algérie, par exemple, l’article 57 de l’Ordonnance de 2003 ne retient pas la peine privative de liberté. 60 C’est l’équivalent de l’article L.462-6 du code de commerce français. 61 En France, huit transmissions au parquet jusqu’en 2007. Voir, G. Parleani, La sanction pénale des pratiques anticoncurrentielles. Concurrence et droit pénal. Colloque 13 novembre 2003..op.cit. p.3. 18 L’entreprise et le Conseil de la concurrence à l’entreprise qui a bénéficié d’une exonération des sanctions pécuniaires seraient susceptibles de faire aussi l’objet de telles poursuites ». L’attitude du Conseil de la concurrence tunisien ne nous semble pas déroger à cette logique qui mise sur la responsabilité de l’entreprise et dont le Conseil vise à valoriser par la mise en veille de la menace pénale. Sauf que, cette voie nécessite une meilleure coordination entre le conseil de la concurrence et le juge pénal afin de sécuriser l’entreprise sans l’inscrire dans l’impunité. En prolongeant cette réflexion, à titre conclusif, il y a lieu de signaler l’orientation vers l’usage de modes alternatifs de règlement de litiges en matière de concurrence. leur internationalisation impose des choix décisifs : La transaction62 et l’arbitrage semblent prioritaires pour le droit de la concurrence tunisien. Voir, Communication de la commission relative aux procédures de transaction engagées en vue de l’adoption de décisions en vertu des articles 7 et 23 du règlement (CE) n°1/2003 du Conseil dans les affaires d’entente (2008/C 167/01). Joue C 167/1, de juillet 2008. 62 19 L’entreprise et le Conseil de la concurrence Tableau n°1 : Activité juridictionnelle du Conseil de la concurrence Requêtes 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 T. 1 9 2 0 2 1 1 11 4 3 11 9 19 33 25 30 19 180 3 4 4 11 23 22 21 157 Saisine d’office Décisions 0 0 4 4 0 8 5 7 6 4 8 11 10 24 Tableau n°2 : Activité consultative du Conseil de la concurrence Avis 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 T. 2 0 1 1 0 6 12 16 8 12 12 15 17 11 45 48 25 231 Tableau n°3 : Répartition des requêtes par secteurs économiques 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Total Industrie 7 5 3 6 10 7 3 41 Commerce 1 1 3 9 5 10 6 35 Services 11 9 19 33 25 30 23 152 20 L’entreprise et le Conseil de la concurrence Tableau n°4 : Origine des requêtes 2001 Ministre chargé du commerce Entreprises éco- nomiques 2002 2003 4 2 7 Organisations professionnelles et syndicales 2004 2005 2 2006 2007 2008 Total 2 6 4 18 15 105 6 8 25 19 23 2 9 7 1 1 Organismes ou groupements de consommateurs 20 1 1 Chambre de commerce et d’industrie Autorités de régulation Collectivités locales Saisine d’office 3 1 21 4 4 12 L’entreprise et le Conseil de la concurrence Tableau n°5 relatif à la répartition des avis en fonction de leur objet : 2001 Textes Législatifs et règlementaires Cahiers des charges Projets de concentration économique Appels d’offres Problèmes Juridiques et pratiques Ententes (art.6) Etudes Total 3 2002 6 2003 5 2004 1 2005 2 2006 7 2007 13 2008 8 T. 45 6 2 2 3 1 32 27 16 89 1 1 2 2 _ 3 3 _ 12 2 _ 1 1 1 5 1 2 _ 2 _ 1 _ 3 _ _ 5 14 _ _ 12 1 _ 12 _ _ 15 _ 8 17 _ 6 11 2 _ 45 2 _ 48 1 _ 25 6 14 185 22 L’entreprise et le Conseil de la concurrence Tableau n°6 : Sanctions prononcées par le Conseil de la concurrence 2001 Affaire n°2000/3,Déc.n°4-01, 24-5-01, Assoc.Nat.des experts-comptables../Steg, Xé Rapport, p.66. -entreprise condamnée :STEG -Injonction de modifier le cahier des charges… -Amende pécuniaire : 15.000 dinars 2002 Affaire n°2000/1, Déc. 6-6-02, آ ا وا/ ان, VIè Rapport, p.37 : -entreprise condamnée : آ ا وا -injonction d’arrêter les pratiques. 2003 Affaire n°2137, 27-3-03, Ministre du commerce…/Transports marchandises-et autres. VIIè Rapport, p.8. -entreprise condamnée : ??? -injonction d’arrêter l’entente -amende pécuniaire : entre 9000 et 63100. dinars Affaire n°2136, 17-7-03, Universel Equipements../Henkel.., VIIè Rapport, p.44. -entreprise condamnée :???? -injonction d’arrêter les pratiques -amende pécuniaire : 75000 dinars -publication du dispositif du jugement Affaire n°2139, 25-9-03, Ministre du commerce…/AAMC-et autres, VIIè Rapport,p.59. -entreprise condamnée : AAMC- et autres -injonction d’arrêter les pratiques -amende pécuniaire : entre 34000 et 82000 dinars -publication du dispositif du jugement Affaire n°2142, 25-9-03, Ministre du commerce../Laboratoires Sifo et Sicom distribution, VIIè Rapport, p.93. -entreprise condamnée : Sifo et Sicom Injonction d’arrêter les pratiques -amende pécuniaire entre 50000 et 70000 dinars -publication du dispositif du jugement Affaire n°2145, 25-12-03, Ministre du tourisme et du commerce…/A. Zine-et autres, VIIè Rapport, p.122 -entreprise condamnée : A. Zine- et autres -amende pécuniaire : entre 2000 et 7000 dinars 23 L’entreprise et le Conseil de la concurrence 2004 Affaire n°3146, 27-3-04, Agromed/ Stil , VIIIè Rapport, p. 8. -entreprise condamnée : STIL - amende pécuniaire : 100000 dinars -publication du dispositif du jugement Affaire n°3150, 25-6-04, Ch.Nat. des propriétaires et gérants des stationsservices/APB-et autres VIIIè Rapport, p. 23. -entreprise condamnée : APB-et autres -amende pécuniaire entre 5000 et 183000 dinars -publication du dispositif du jugement Affaire n°3152, 26-7-04, Société Loisirs Tabarka/Club municipal de plongée.., VIIIè Rapport, p.45. -entreprise condamnée : Club municipal.. -injonction d’arrêter les pratiques 2005 Affaire n°4162, 5-5-05, Ministre du commerce…/Sté Baccouche, IXè Rapport, p. 15. -entreprise condamnée : Sté Baccouche -amende pécuniaire : 60000 dinars -publication du dispositif du jugement Affaire n°5181, 10-11-05, Madivet/BsaPharmacie centrale…, IXè Rapport, p. 110. -entreprise condamnée : Bsa, Phamacie centrale… -injonction d’arrêter les pratiques -amende pécuniaire entre 1450 et 150000 dinars -publication du dispositif du jugement Affaire n°4157/4158, 16-12-05, Sifaf/Missaoui-et autres, IXè rapport, p. 122. -entreprise condamnée : Missaoui- et autres -injonction d’arrêter les pratiques -amende pécuniaire : 5000 dinars pour chaque entreprise Affaire n°3149, 9-12-04, Société italienne Imaser /Ismaltex, VIIIè Rapport, p.81. Entreprise condamnée : Ismaltex -injonction d’arrêter les pratiques -publication du dispositif du jugement Affaire n°4160, 29-12-05, socodi/groupe ISL Beauté, IXè Rapport, p. 150. Entreprise condamnée : ISL Beauté -amende pécuniaire entre 20000 et 50000 dinars Affaire n°4155, 16-12-04, Ministre du commerce../centre spécialisé…, VIIIè Rapport, p.98. -entreprise condamnée : Centre spécialisé…et autres -injonction d’arrêter les pratiques -amende pécuniaire entre 2000 et 3000 dinars -publication du dispositif du jugement Affaire n°5196, 31-12-05, Ch.synd.nat.des propriétaires et gérants de stationsservices /Exon Mobil Tunis, IXè Rapport, p. 168. -entreprise condamnée : Exon Mobil -amende pécuniaire : 200000 dinars. -injonction de supprimer les clauses contractuelles abusives -publication du dispositif du jugement 24 2006 Affaire n°5198, 16-11-06, A.Chaabani/Intercolor, -entreprise condamnée : Intercolor -injonction d’arrêter les pratiques -amende pécuniaire : 12000 dinars -publication du dispositif du jugement Affaire n°51106, 29-12-06, F.Amari/Sotupresse, Xè Rapport, p. 126. -entreprise condamnée : Sotupresse -injonction d’arrêter les pratiques - amende pécuniaire : 15000 dinars -publication du dispositif du jugement Affaire n°5179, 22-6-06, Cosmetica universel/Euro Italia-et autresXè Rapport, p. 52. -entreprise condamnée : EuroItalia Prima-et autres -amende pécuniaire entre 20000 et 50000 dinars -publication du dispositif du jugement Affaire n°5186, 20-7-06, Socodi/Puig et Arguania, Xè Rapport, p. 83. Entreprise condamnée : PUIG -injonction d’arrêter les pratiques -amende pécuniaire : 50000 dinars -publication du dispositif du jugement L’entreprise et le Conseil de la concurrence 2007 Affaire n°61117, 1-11-07, ministre du commerce…/Sté Kadhi et Fils, XIè Rapport, p. 104. -entreprise condamnée : Sté Kadhi et Fils - amende pécuniaire : 100000 dinars -publication du dispositif du jugement 2008 Affaire n° 71135, 31-12-08, FORUM des nouveautés-Ed.Gründ…. XIXè rapport, p. 184. Entreprise condamnée Gründ - Amende pécuniaire 5000 dinars Publication du dispositif du jugement Affaire n°61127, 13-12-07, Sté Mobi-BOB/ Ch.Rég.des voitures Taxi-et autres, XIè Rapport, p.117. -Entreprise condamnée : Ch. Rég.- et autres -Iinjonction d’arrêter les pratiques -Amende pécuniaire : 10000 dinars -Publication du dispositif du jugement Affaire n° 71141, 31-12-08, Bouattour-SGE « GES », XIXè rapport, p. 203. entreprise condamnée GES Affaire n° 71136, 13-12-07, SRNI COM/ Ates Renault XIXè rapport, p. 134 -Entreprise condamnée Artes Renault -Exonération du paiement de l’amende Affaire n° 81159, 31-12-08, Ministre du commerce-Soulmi autres, XIXè rapport, p. 249. Entreprise condamnée Souilmi et autres - - Affaire n° 51102, 27-12-07, Souissi Home Centre/Black & Decker, XIXè rapprt, p. 150. Entreprise condamnée Black & Decker - Injonction d’arrêter les pratiques - Amende Pécuniaire 50 000 dinars - Injonction d’arrêter les preatiques Amende pécuniaire : 50 000 dinars Publication du dispositif du jugement Affaire n° 51103, 27-12-07, YOMOTEX-Golden PALACE-Autres, XIX è rapport, p. 174 Entreprise condamnée Textils Mora Publication du dispositif du jugement Affaire n° 61125, 27-12-07, Ben Mohamed-SOTUPRESS, XIXè rapport, p. 215. Entreprise condamnée SOITUPRESS Amende pécuniaire : 60 000 dinars Publication du dispositif du jugement 25 Amende pécuniaire : publication du dispositif du jugement Amende pécuniaire entre 5000 et 15 000 dinars L’entreprise et le Conseil de la concurrence 26