Alkemie
Revue semestrielle de littérature et philosophie
Numéro 1
Métaphore et concept
2
Directeurs de publication
Mihaela-Genţiana STĂNIŞOR (Roumanie)
Răzvan ENACHE (Roumanie)
Comité honorifique
Sorin ALEXANDRESCU (Roumanie)
Jacques LE RIDER (France)
Irina MAVRODIN (Roumanie)
Sorin VIERU (Roumanie)
Conseil scientifique
Magda CÂRNECI (Roumanie)
Ion DUR (Roumanie)
Ger GROOT (Belgique)
Arnold HEUMAKERS (Pays-Bas)
Carlos EDUARDO MALDONADO (Colombie)
Simona MODREANU (Roumanie)
Eugène VAN ITTERBEEK (Roumanie, Belgique)
Constantin ZAHARIA (Roumanie)
Comité de rédaction
Cristina BURNEO (Equateur)
Nicolas CAVAILLÈS (France)
Aurélien DEMARS (France)
Andrijana GOLUBOIC (Serbie)
Aymen HACEN (Tunisie)
Dagmara KRAUS (France)
Daniele PANTALEONI (Italie)
Ciprian VĂLCAN (Roumanie)
Johann WERFER (Autriche)
ISSN: 1843-9102
Administration et rédaction: 5, Rue Haţegului, ap. 9, 550069 Sibiu, Roumanie
Courrier électronique: mihaela_g_[email protected], al[email protected]
Tel : 00(40)269224522
Périodicité : revue semestrielle
Revue publiée avec le concours de la Société des Jeunes Universitaires de Roumanie
Les auteurs sont priés de conserver un double des manuscrits, qui ne sont pas retournés
© Tous droits réservés
Director: Mircea Trifu
Fondator: dr. T.A. Codreanu
Tiparul executat la Casa Cărţii de Ştiinţă
400129 Cluj-Napoca; B-dul Eroilor nr. 6-8
Tel./fax: 0264-431920
www.casacartii.ro; e-mail: [email protected]
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SOMMAIRE
ARGUMENT..................................................................................................5
AGORA
Jacques Le Rider, L’art philosophique ou la peinture pure. Réflexions sur une
prétendue différence franco-allemande à l’époque du réalisme ........................... 13
Ciprian Vălcan, La philosophie à la portée des centaures.................................... 39
Simona Modreanu, Trois écrivains en quête de lumière...................................... 48
Aymen Hacen, Michaux et Cioran : Susana Soca – métaphore de l’exil............. 60
DOSSIER THÉMATIQUE : MÉTAPHORE ET CONCEPT
Carlos Maldonado, Beauté et science: à la recherche de l´inconnu..................... 73
Constantin Jinga, Emmanuel et le jardin. Étude des valences théologiques de la métaphore
du jardin dans les Saintes Écritures.............................................................................................. 80
Gabriel Marian, Métaphore, concept, catachrèse : l’imaginaire des sciences
humaines à l’époque structuraliste........................................................................ 91
Constantin Mihai, Une théorie de la métaphore................................................ 101
Pierre Fasula, Concept et métaphore chez Robert Musil ................................... 108
Ilinca Ilian Ţăranu, Métaphore et résistance –
Robert Musil et Julio Cortázar............................................................................ 118
DÉS/DEUX ORDRES DU MONDE ET DU LANGAGE
Eugène Van Itterbeek, Vérité poétique et scientifique : le rôle unificateur du
symbole................................................................................................................ 131
Nicolas Cavailles, Décomposition de la philosophie : l’écriture de Cioran....... 136
Alfredo Andrés Abad Torres, Vers une ontologie du langage ............................ 150
EXPRESSIS VERBIS
Les crises de l’identité et de la culture à travers l’écriture. Entretien avec Jacques
Le Rider................................................................................................................................. 161
LE MARCHÉ DES IDÉES
Eugène Van Itterbeek, Tworki. En dialogue avec Marek Bieńczyk ................. 173
Sous le signe de l’éloignement, Correspondance Constantin Noïca – Sanda
Stolojan (extraits)................................................................................................................ 176
4
5
Argument
Les relations entre la littérature et la philosophie ont depuis toujours
nourri les réflexions des créateurs, qu’ils soient philosophes ou hommes de
lettres. Nombreux sont ceux qui prétendaient que la philosophie se distinguait
radicalement de la littérature, aussi par la forme que par le contenu. Si la
première exprimait la vérité par un langage conceptuel, qui aspire à
l’universalité, la deuxième chercherait partout la beauté, se servant d’un langage
symbolique et métaphorique qui possède un grave substrat personnel. D’autres
considéraient que tout est littérature, c’est-à-dire préoccupation pour
l’expression et pour le langage. Les œuvres de Nietzsche, Mallarmé, Proust,
Joyce révèlent que cette association entre littérature et philosophie est non
seulement possible mais encore harmonieuse, tant l’une se nourrit de l’autre. La
légitimité d’un tel rapport est prouvée historiquement par l’ancienne unité de la
poésie et de la philosophie. Le problème de la relation art et philosophie
préoccupait Nietzsche qui écrivait dans Le Livre du philosophe : « Grand
embarras de savoir si la philosophie est un art ou une science. C’est un art dans
ses fins et sa production. Mais le moyen, la représentation en concepts, elle l’a
en commun avec la science. »1
Nietzsche n’y fait que rapprocher le discours spéculatif du discours poétique. Il
regarde les œuvres philosophiques comme des œuvres d’art où il cherche des
modèles de l’être (par exemple chez Héraclite, Parménide, Empédocle,
Démocrite, Socrate). Pour lui, le modèle du philosophe-artiste est Héraclite
dont la pensée, loin de la froideur de la pensée rigoureuse, mathématique,
conceptuelle, reste un modèle de représentation intuitive, un exemple d’exercice
de l’imagination. La philosophie est alors, comme la littérature, une forme de
contemplation du spectacle sublime du monde, tout comme la littérature est,
elle aussi, à la recherche des modèles de l’être.
Le philosophe, comme l’artiste, doit réfléchir aux valeurs de l’existence.
Mais ils ne peuvent pas le faire au-delà du langage. C’est le langage qui leur
offre la possibilité d’exprimer leur pensée conceptuelle et métaphorique. Les
concepts sont, en fait, les transmutations, opérées par le langage, des
expériences ou des sentiments en abstractions. La véritable philosophie ne
réussit pas à survivre si elle ne réalise, au niveau scriptural, l’unification de la
pensée et de la métaphore dans une œuvre d’art, et au niveau de l’être, la
communication-communion entre l’homme rationnel et l’homme intuitif. Les
philosophes, ainsi que les artistes, pensent métaphoriquement (voir Friedrich
Nietzsche, Martin Heidegger, Lucian Blaga, Paul Ricœur, Maurice Blanchot,
etc.). L’exercice spéculatif se trouve tout près de l’imagination poétique, plus
près peut-être que de la démonstration rigoureuse. Pour Heidegger, le
métaphorique n’existe qu’à l’intérieur du métaphysique. Il surprend le caractère
solidaire du méta-phorique et du méta-physique, exprimant tous deux le
mouvement de la pensée vers l’intelligible, vers l’idée et le transfert de sens, du
1 Cf. Nietzsche, Das Philosophenbuch (Le Livre du philosophe), Aubier – Flammarion, 1969.
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