occupé et ont vécu le début de leur relation en semi-clandestinité. Il est l'auteur d'une trentaine
de romans dont Rue des boutiques obscures, Prix Goncourt 1978.
Le style d'Hélène est relativement sobre, par moment télégraphique. Son journal est
comme une lettre à J-M, partagé entre des passages descriptifs et réflexifs. Imprégnée par la
littérature anglaise et par la poésie, elle donne à ses amis des noms de héros de romans (p. 28)
« Sparkenbroke », « Lancelot of the Lake ».
A travers son journal, Hélène s'adresse à Jean et à « ceux qui peuvent comprendre »
son quotidien (p. 179) : c'est à dire : « des gens simples, des gens du peuple, mais très peu
d'amis » (p. 180). Elle se heurte là, à un problème d'isolement vis-à-vis de ses proches qui ne
comprennent pas ce qu'elle vit ; elle renonce alors à s'adresser à : « une partie de l'humanité »
(p. 180).
Concernant la visée de son journal, Hélène Berr écrit : « Il y a deux parties dans ce journal, je
m'en aperçoit en relisant le début : il y a la partie que j'écris par devoir, pour conserver des
souvenirs de ce qui devra être raconté, et il y a celle qui est écrite pour Jean, pour moi et
pour lui » (p. 197). Son intention est donc double. Elle insiste sur l'importance de son premier
objectif : « Je ne tiens plus à rien qui soit matériel ; ce qu'il faut sauvegarder c'est son âme et
sa mémoire » (p. 197).
Le devoir de mémoire devient alors sa principale préoccupation : « Aujourd'hui […],
j'ai été brusquement la proie d'une impression : qu'il fallait que j'écrive la réalité » (p. 167),
« Je voulais écrire ceci hier soir... Ce matin, je me force à le faire, parce que je veux me
souvenir de tout ». Elle écrit car elle s'interroge : « Qui en parlera? » « Qui dira la souffrance
de chacun ? » (p. 278) et décide d'être le vecteur entre le présent et le futur via son journal :
« Je note les faits hâtivement, pour ne pas les oublier, parce qu'il ne faut pas oublier »
(p. 106), « J'ai un devoir à accomplir en écrivant, car il faut que les autres sachent », « Il
faudrait donc que j'écrive pour pouvoir plus tard montrer aux hommes ce qu'à été cette
époque ». Elle pense que son écriture donne un sens à ce qu'elle vit, à sa réalité, c'est pourquoi
elle déclare : « Chacun dans sa sphère doit faire quelque-chose. Et si il le peut, il le doit » ce
qui démontre son intention de généraliser l'entreprise de l'écriture, le témoignage. Un jour sa
mère s'exclame : « Il faudrait tout de même noter ces choses-là, pour s'en souvenir après.
Sait-elle que je le fais, et que je tâche d'en oublier le moins possible? » (p. 274).
Cependant, le jeudi 10 septembre, Hélène déclare : « Je ne tiens même plus ce journal,
je n'ai plus de volonté, je n'y mets plus que les faits les plus saillants pour me rappeler »
(p. 137). Hélène énonce ensuite, les difficultés de l'écriture : elle évoque alors, successivement
: la répulsion à exciter la pitié des autres (« et pourtant j'essaie toujours de leur arracher leur