1 Quelques propriétés du spectre d`un opérateur borné

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Université Paris 7, Master 1 de Mathématiques
Année 2008/2009
Notes pour le cours de théorie spectrale
1
Quelques propriétés du spectre d’un opérateur borné
Nous supposons ici que E est un espace de Banach complexe et notons L(E) l’espace des opérateurs
linéaires bornées de E dans E. Rappelons d’abord le résultat suivant :
Lemme 1.1 Soit T ∈ L(E), alors, l’ensemble
C \ B(0, ||T ||) := {λ ∈ C| |λ| > ||T ||}
est contenu dans l’ensemble résolvant ρ(T ) et, plus précisément, on a
∀λ ∈ C \ B(0, ||T ||),
Rλ (T ) =
∞
X
λ−n−1 T n .
(1)
n=0
Démonstration — Ce résultat a déjà été montré lorsque nous avons prouvé que le spectre d’un opérateur
borné est non vide. Il s’agit essentiellement de montrer que la série définie par (1) est convergente si
|λ| > ||T || et que la somme de cette série est l’inverse de λ − T .
Un corollaire du lemme 1.1 est que le spectre d’un opérateur borné est borné et même, plus
précisément,
Sp(T ) ⊂ B(0, ||T ||).
(2)
Donc, puisque nous avons déjà vu que le spectre est fermé, nous concluons que Sp(T ) est un compact
de C.
1.1
Le rayon spectral
Définition 1.1 (rayon spectral) Pour tout opérateur borné T ∈ L(E), on définit le rayon spectral
de T comme étant la quantité :
r(T ) := sup |λ|.
λ∈Sp(T )
Remarquons que, d’après les résultats précédents, on a toujours
r(T ) ≤ ||T ||.
(3)
Théorème 1.1 Soit E un espace de Banach complexe et T ∈ L(E). Alors
(i) limn→∞ ||T n ||1/n existe et est égale à r(T ) ;
(ii) si E = H est un espace de Hilbert complexe et si A ∈ L(H) est auto-adjoint, alors r(A) = ||A||.
Démonstration — (i) Nous commençons par montrer (i) et, pour cela, par établir que limn→∞ ||T n ||1/n
existe. Nous partons de la relation T n+m = T n T m , valable ∀n, m ∈ N, et qui entraîne :
||T n+m || ≤ ||T n || ||T m ||.
Donc, en posant an := log||T n ||, nous en déduisons l’inégalité
an+m ≤ an + am
1
(sous-additivité). Nous allons en déduire que limn→∞ ann existe et est égal à β := inf m∈N∗ amm (ce qui est
équivalent à l’existence de la limite de ||T n ||1/n ). Supposons dans un premier temps que β est dans R
(i.e. la suite amm est minorée). Alors
∀ε > 0, ∃m ∈ N∗ ,
am
< β + ε.
m
β≤
Fixons ε et donc m ∈ N∗ tel que l’inégalité précédente ait lieu. Pour tout n > m, nous écrivons la division
euclidienne de n par m :
∃q ∈ N, ∃r ∈ N tel que 0 ≤ r ≤ m − 1 et n = qm + r.
Alors
aqm+r
qam + ar
qam
ar
am
ar
ar
an
=
≤
≤
+
=
+
<β+ε+ .
n
qm + r
qm + r
qm
n
m
n
n
Soit C := sup0≤r≤m−1 ar < +∞. Alors (toujours parce que ε et C sont fixés), lim supn→∞
limn→∞ C
n = 0. Donc
an
≤ β + ε.
lim sup
n→∞ n
Comme ε est arbitraire, on a en fait lim supn→∞ ann ≤ β. Or
β = inf ∗
m∈N
ar
n
≤
am
an
am
≤ lim inf
≤ lim sup
≤ β,
m→∞ m
m
n→∞ n
ce qui entraîne que toutes ces quantités sont égales et donc que ann converge vers β.
Dans le cas où la suite amm n’est pas minorée, c’est à dire si β = −∞, on a alors :
∀A > 0, ∃m ∈ N∗ ,
am
< −A
m
et, en refaisant le même raisonnement que précédemment, on obtient que, n > m,
ar
an
≤ −A + ,
n
n
où 0 ≤ r ≤ m − 1
et puis que lim supn→∞ ann ≤ −A. Comme A est arbitraire, cela implique que limn→∞
Dans tous les cas, on a montré que
lim ||T n ||1/n = eβ
n→∞
an
n
= −∞ = β.
(avec e−∞ = 0).
A présent, montrons que cette limite coïncide avec r(T ). Pour cela nous montrons eβ ≤ r(T ) et
e ≥ r(T ). Commennçons par la première inégalité (la plus difficile).
a) Preuve de eβ ≤ r(T ). L’idée est de partir de l’information que Sp(T ) ⊂ B(0, r(T )) qui, par passage au
complémentaire, donne C \ B(0, r(T )) ⊂ ρ(T ), c’est à dire le fait que la résolvante Rλ (T ) est définie sur
C\B(0, r(T )). On fait intervenir alors le développement en série au voisinage de l’infini de Rλ (T ) : à cause
de ce qui précède, son rayon de convergence est supérieur ou égal à 1/r(T ). En calculant deux expressions
différentes de Rλ (T ), on obtient l’inégalité souhaitée. Voici les détails : considérons l’application
β
B(0, 1/r(T )) −→
L(E)
z
7−→ R1/z (T ),
où l’on convient que 0 7−→ R∞ (T ) = 0. Cette application est holomorphe sur B(0, 1/r(T )) et nous allons
1
lui appliquer la formule de Cauchy sur ce domaine. Soit 0 < s < r(T
) , alors si z ∈ B(0, s),
R1/z (T ) =
=
Z
R1/v (T )dv
1
2πi ∂B(0,s)
v−z
Z
∞
R1/v (T ) X z n
1
dv
2πi ∂B(0,s)
v
vn
n=0
2
=
=
1
2πi
∞
X
n=0
Z
∂B(0,s)
an z n ,
R1/v (T ) dv
v
1 − vz
où
1
an :=
2πi
Z
∂B(0,s)
R1/v (T )
dv.
v n+1
On en déduit en particulier que
C
,
sn
||an || ≤
où C :=
||R1/z (T )||.
sup
z∈B(0,s)
D’autre part, sur B(0, 1/||T ||), l’application R1/z (T ) est égale à la somme de la série donnée par (1) :
R1/z (T ) =
∞
X
z n+1 T n .
n=0
On en déduit que a0 = 0 et an+1 = T
n
et donc, que
||T n ||1/n = ||an+1 ||1/n ≤
Comme limn→∞
C 1/n
s(n+1)/n
C 1/n
s(n+1)/n
.
= 1s , on obtient :
eβ = lim ||T n ||1/n ≤
n→∞
1
.
s
Et comme cette inégalité est valable pour tout s tel que 1/s > r(T ), cela n’est possible que si eβ ≤ r(T ).
b) Preuve de eβ ≥ r(T ). Si λ ∈ C satisfait |λ| > eβ = limn→∞ ||T n ||1/n , alors
lim ||λ−n−1 T n ||1/n < 1
n→∞
P∞
et donc, par le critère de Cauchy, la série n=0 λ−n−1 T n converge. On vérifie facilement que sa somme
est l’inverse de λ − T , ce qui implique que λ ∈ ρ(T ). Ainsi on a montré que :
∀λ ∈ C,
|λ| > eβ =⇒ |λ| > r(T ),
ce qui n’est possible que si eβ ≥ r(T ). Cela termine la preuve de (i).
(ii) Nous supposons à présent que E = H est un espace de Hilbert et que T = A ∈ H est auto-adjoint.
Nous allons utiliser la propriété
||A|| = sup |hAx, xi|,
(4)
||x||=1
valable pour tout opérateur auto-adjoint A. Nous montrerons (4) au lemme 1.2 plus loin. En effet
(4) entraîne que :
||A2 || = ||A∗ A|| = sup |hA∗ Ax, xi| = sup |hAx, Axi| = sup ||Ax||2 = ||A||2 .
||x||=1
||x||=1
||x||=1
Comme n’importe quelle puissance entière de A est encore auto-adjoint (vérifiez vous-même !), on peut
étendre ce résultat à A4 :
||A4 || = ||(A2 )2 || = ||A2 ||2 = (||A||2 )2 = ||A||4
et par récurrence :
∀n ∈ N,
n
n
||A2 || = ||A||2 .
Donc, en utilisant le résultat (i) :
n
−n
r(A) = lim ||An ||1/n = lim ||A2 ||2
n→∞
n→∞
= ||A||.
3
Lemme 1.2 Soit H un espace de Hilbert et A ∈ H un opérateur auto-adjoint. Alors l’identité (4) est
satisfaite, i.e.
||A|| = sup |hAx, xi|.
||x||=1
Démonstration — Notons provisoirement [A] := sup||x||=1 |hAx, xi|. Premièrement l’inégalité [A] ≤ ||A||
est une conséquence immédiate de l’inégalité de Cauchy–Schwarz |hAx, xi| ≤ ||Ax|| ||x||. Nous allons
maintenant prouver l’inégalité inverse [A] ≥ ||A||, ce qui complétera la preuve. Nous allons pour cela
commencer par établir l’identité
∀x, y ∈ H,
4Rehx, Ayi = hx + y, A(x + y)i − hx − y, A(x − y)i.
(5)
Soit x, y ∈ H, en substituant
x=
x−y
x+y
+
2
2
et Ay =
A(x + y) A(x − y)
−
2
2
dans hx, Ayi, on obtient :
4hx, Ayi =
=
hx + y, A(x + y)i + hx − y, A(x + y)i
−hx + y, A(x − y)i − hx − y, A(x − y)i
R + I,
où
R := hx + y, A(x + y)i − hx − y, A(x − y)i
et
I := hx − y, A(x + y)i − hx + y, A(x − y)i.
On remarque que
hx + y, A(x − y)i = hA(x − y), x + yi = hA∗ (x − y), x + yi = hx − y, A(x + y)i.
Donc on peut écrire
I = hx − y, A(x + y)i − hx − y, A(x + y)i.
En particulier on voit que R est réel et I est imaginaire. Ainsi
4Rehx, Ayi = R = hx + y, A(x + y)i − hx − y, A(x − y)i,
ce qui nous donne (5). A présent nous exploitons cette identité (et nous utilisons la définition de [A] et
l’identité du quadrilatère) :
4Rehx, Ayi ≤ [A]||x + y||2 + [A]||x − y||2 = 2[A](||x||2 + ||y||2 ).
Cela entraîne
sup
4Rehx, Ayi ≤
||x||,||y||≤1
sup
2[A](||x||2 + ||y||2 ) = 4[A].
||x||,||y||≤1
Or, d’après le théorème de Riesz, ||A|| = sup||x||,||y||≤1 Rehx, Ayi. On en déduit donc que ||A|| ≤ [A]. 1.2
Le spectre de l’adjoint d’un opérateur
Commençons par énoncer un résultat général, dont nous ne démontrerons qu’un corollaire.
Théorème 1.2 (théorème de Phillips) Soit E un espace de Banach complexe, T ∈ L(E) et T ′ ∈
L(E ′ ) l’adjoint de T , alors
Sp(T ′ ) = Sp(T )
et
∀λ ∈ ρ(T ),
4
Rλ (T ′ ) = Rλ (T )′ .
Ce résultat a comme conséquence immédiate, dans le cas particulier où E = H est un espace de Hilbert
complexe :
Proposition 1.1 Soit H un espace de Hilbert complexe, T ∈ L(H) et T ∗ ∈ L(H) l’ adjoint hilbertien de
T . Alors
Sp(T ∗ ) = Sp(T )∗ := {λ| λ ∈ Sp(T )} et ∀λ ∈ ρ(T ), Rλ (T ∗ ) = Rλ (T )∗ .
Démonstration (directe) de la proposition — Observons d’abord que, ∀S, T ∈ L(H),
(T S)∗ = S ∗ T ∗
(simple) et donc que, si T est inversible, alors
∗
(T −1 )∗ T ∗ = T (T −1 ) = Id∗ = Id
∗
T ∗ (T −1 )∗ = (T −1 )T = Id∗ = Id,
ce qui signifie que T ∗ est aussi inversible et (T ∗ )−1 = (T −1 )∗ . Comme T 7−→ T ∗ est une involution, la
réciproque est immédiate, autrement dit : T est inversible ssi T ∗ est inversible. Donc
λ ∈ ρ(T ) ⇐⇒ (λ − T ) est inversible ⇐⇒ (λ − T ∗ ) est inversible ⇐⇒ λ ∈ ρ(T ∗ ).
∗
Et alors (λ − T )−1 = (λ − T ∗ )−1 .
Une autre propriété nous sera utile par la suite :
Proposition 1.2 Soit E un espace de Banach complexe et T ∈ L(E). Alors
(i) Si λ ∈ Spp (T ), alors Im(λ − T ′ ) n’est pas dense dans E ′ ;
(ii) Si λ ∈ C est tel que Im(λ − T ) n’est pas dense dans E, alors λ ∈ Spp (T ′ ) ;
(iii) Corollaire : si E est réflexif, i.e. si (E ′ )′ = E, alors λ ∈ Spp (T ) ssi Im(λ − T ′ ) n’est pas dense dans
E′.
Pour démontrer la proposition 1.2, nous utiliserons le résultat suivant (très utile), que nous montrerons
à la fin de ce paragraphe :
Lemme 1.3 Soit E un espace vectoriel complexe normé et F ⊂ E un sous-espace vectoriel complexe.
Alors F 6= E ssi il existe une forme linéaire Φ ∈ E ′ non nulle telle que F ⊂ KerΦ.
Démonstration de la proposition 1.2 — Preuve de (i) : soit λ ∈ Spp (T ), alors ∃x0 ∈ E non nul tel que
(λ − T )(x0 ) = 0. Cela entraîne en particulier que : ∀α ∈ E ′ ,
[(λ − T ′ )(α)](x0 ) = α ((λ − T )(x0 )) = α(0) = 0,
′
′
⊥
i.e. (λ − T ′ )(α) ∈ x⊥
0 := {β ∈ E | β(x0 ) = 0}. Ainsi Im(λ − T ) ⊂ x0 . Cela implique bien évidemment
′
′
⊥
que Im(λ − T ) ne peut pas être dense dans E , puisque x0 est fermé et est différent de E ′ .
Preuve de (ii) : soit λ ∈ C tel que Im(λ − T ) n’est pas dense dans E. D’après le lemme 1.3, il existe
α ∈ E ′ non nulle telle que Im(λ − T ) ⊂ Kerα. Donc,
∀x ∈ E,
α [(λ − T )(x)] = 0
⇐⇒ ∀x ∈ E, [(λ − T ′ )(α)] (x) = 0
⇐⇒ (λ − T ′ )(α) = 0
⇐⇒ α ∈ Ker(λ − T ′ ).
Donc λ ∈ Spp (T ′ ).
Preuve de (iii) : le fait que « λ ∈ Spp (T ) implique Im(λ − T ′ ) n’est pas dense dans E ′ » a été montré
au (i), la réciproque s’obtient en appliquant le (ii) à T ′ et en utilisant le fait que T ′′ = T .
5
Démonstration du lemme 1.3 — Soit E un espace normé complexe et F ⊂ E un sous-espace vectoriel.
Dans un sens, s’il existe une forme linéaire non nulle Φ ∈ E ′ telle que F ⊂ KerΦ, on a immédiatement
F ⊂ KerΦ (car, Φ étant continue, KerΦ est fermé) et donc F 6= E. La réciproque est un peu plus délicate.
Supposons que F 6= E : alors il existe un vecteur v ∈ E \ F (noter que v est nécessairement non nul). Nous
considérons dans la suite E comme un sous-espace vectoriel réel et F comme un sous-espace vectoriel
réel de E. Notons alors
G := F ⊕ Rv ⊕ Riv.
Soit (x désignant un vecteur de E)
f:
G
x + λv + µiv
−→ R
7−→ λ
et
g:
G
x + λv + µiv
−→ R
.
7−→ µ
Dans la suite, nous aurons besoin de distinguer ER′ , qui sera l’espace des forme R-linéaires de E vers R,
et EC′ , qui sera l’espace des forme C-linéaires de E vers C. Nous utilisons le théorème de Hahn–Banach
pour étendre f et g en des formes R-linéaires continues sur tout E : ∃f˜, g̃ ∈ ER′ telles que f˜|G = f et
g̃|G = g et ||f˜||ER′ = ||f ||G′R = 1 et ||g̃||ER′ = ||g||G′R = 1. Soit ϕ := f + ig : G −→ C. Noter que ϕ est
C-linéaire, au sens où :
∀x + λv + µiv ∈ G,
ϕ(x + λv + µiv) = (λ + iµ)ϕ(v).
Nous posons alors ϕ̃ := f˜ + ig̃ : E −→ C et remarquons que ϕ̃|G = ϕ. En particulier ϕ̃ s’annule sur F et
ϕ(v) = 1. Le problème est que ϕ̃ n’est pas nécessairement C-linéaire. Pour y remédier, on pose
∀x ∈ E,
Φ(x) :=
1
(ϕ̃(x) − iϕ̃(ix)) .
2
On vérifie alors que Φ est C-linéaire (continue) sur E — donc définit bien un élément de EC′ — et que Φ
coïncide avec ϕ̃ sur G := F ⊕ Rv ⊕ Riv. On a donc construit Φ ∈ EC′ satisfaisant les propriétés demandées.
1.3
Etude d’un exemple
Nous considérons l’« opérateur de décalage » T ∈ L(ℓ1 ) défini par :
∀x = (x1 , x2 , · · · ) ∈ ℓ1 ,
T (x1 , x2 , · · · ) = (x2 , x2 , · · · )
et son adjoint1 T ′ ∈ L(ℓ∞ ), qui satisfait :
∀α = (α1 , α2 , · · · ) ∈ ℓ∞ ,
T ′ (α1 , α2 , · · · ) = (0, α1 , α2 , · · · ).
Notons que l’on a ||T n || = ||(T ′ )n || = 1, ∀n ∈ N∗ , si bien que, d’après le théorème 1.1, on a :
r(T ) = lim ||T n ||1/n = r(T ′ ) = lim ||(T ′ )n ||1/n = 1.
n→∞
n→∞
Nous allons établir les propriétés suivantes :
spectre
spectre ponctuel
spectre résiduel
spectre continu
Sp(T ) = B(0, 1) Spp (T ) = B(0, 1)
Spr (T ) = ∅
Spc (T ) = ∂B(0, 1)
Sp(T ′ ) = B(0, 1)
Spp (T ′ ) = ∅
Spr (T ′ ) = B(0, 1)
Spc (T ′ ) = ∅
et, pour cela, procéder par étapes.
1 Rappelons que le dual de ℓ1 est ℓ∞ . En revanche le dual de ℓ∞ n’est pas ℓ1 mais un espace qui « contient » ℓ1 comme
sous-espace fermé. Cela signifie que l’application ℓ1 −→ (ℓ∞ )′ qui, à toute suite x ∈ ℓ1 , associe evx : α 7−→ α(x) est un
plongement non surjectif.
6
a) Sp(T ) ⊂ B(0, 1) et Sp(T ′ ) ⊂ B(0, 1) : cela est une conséquence du fait que r(T ) = r(T ′ ) = 1.
b) Spp (T ) ⊃ B(0, 1) : il s’agit de montrer que, pour toute valeur λ ∈ B(0, 1), λ − T a un noyau non nul
(i.e. un sous-espace propre non trivial de T pour la valeur propre λ). Noter que cela est immédiat pour
λ = 0, puisqu’il est facile de remarquer que (1, 0, 0, · · · ) est dans le noyau de T . Les vecteurs propres de
T pour λ 6= 0 sont en quelque sorte des perturbations de (1, 0, 0, · · · ). Posons
x[λ] := (1, λ, λ2 , λ3 , · · · ).
Alors x[λ] ∈ ℓ1 ssi |λ| < 1. De plus
T (x[λ] ) = (λ, λ2 , λ3 , · · · ) = λ(1, λ, λ2 , · · · ) = λx[λ] .
Donc Spp (T ) ⊃ B(0, 1).
Corollaire de a) et b) : on a
B(0, 1) ⊂ Spp (T ) ⊂ Sp(T ) ⊂ B(0, 1),
mais comme on sait que Sp(T ) est fermé, cela entraîne :
Sp(T ) = B(0, 1) = Sp(T ′ ),
où on a utilisé le théorème de Phillips pour Sp(T ′ ).
c) Spp (T ) = B(0, 1) : d’après ce qui précède, il suffit de montrer que ∂B(0, 1) ∩ Spp (T ) = ∅, c’est à dire
que, pour tout λ tel que |λ| = 1, λ − T est injectif. Raisonnons par l’absurde et supposons qu’il existe
λ ∈ ∂B(0, 1) tel que ker(λ − T ) 6= {0}. Soit x = (x1 , x2 , x3 , · · · ) ∈ ker(λ − T ) non nul, alors (λ − T )(x) = 0
équivaut au système infini d’équations
xn+1 = λxn ,
∀n ∈ N∗ .
On en déduit par une récurrence immédiate que :
x = x1 (1, λ, λ2 , λ3 , · · · ).
Mais on remarque que, à cause du fait que |λ| = 1, x ne peut pas être dans ℓ1 sauf si x1 = 0 — une
contradiction.
d) Spp (T ′ ) = ∅ : pour montrer cela, raisonnons encore par l’absurde et supposons qu’il existe α =
(α1 , α2 , · · · ) ∈ ℓ∞ et λ ∈ C tels que (λ − T ′ )(α) = 0, ce qui équivaut aux relations
λα1
λα2
λα3
= 0
= α1
= α2
..
.
On en déduit alors que forcément (α1 , α2 , · · · ) = 0 (raisonner par récurrence : il faut distinguer les cas
λ = 0 et λ 6= 0, mais ces deux cas sont tout aussi simples à analyser). On aboutit ainsi à une contradiction.
e) Spr (T ′ ) ⊃ B(0, 1) : rappelons que
Spr (T ′ ) = {λ ∈ C| Im(λ − T ′ ) 6= ℓ∞ } \ Spp (T ′ ).
Mais, comme on a vu précédemment que Spp (T ′ ) = ∅, on en déduit que Spr (T ′ ) = {λ ∈ C| Im(λ − T ′ ) 6=
ℓ∞ }. Pour tout λ ∈ B(0, 1), nous utilisons la suite x[λ] = (1, λ, λ2 , λ3 , · · · ) ∈ ℓ1 vue au b) et nous notons
f[λ] := evx[λ] : α 7−→ α x[λ] .
Alors, ∀α ∈ ℓ∞ ,
f[λ] [(λ − T ′ )(α)] = [(λ − T ′ )(α)] (x[λ] ) = α (λ − T )(x[λ] ) = α(0) = 0,
7
i.e. (λ − T ′ )(α) ∈ Kerf[λ] . Donc Im(λ − T ′ ) ⊂ Kerf[λ] , ce qui entraîne que la fermeture de Im(λ − T ′ ) ne
peut pas être égale à ℓ∞ . Donc λ est valeur résiduelle.
f ) En fait Spr (T ′ ) = B(0, 1) : à cause de ce qui précède, il suffit de montrer que toute valeur λ ∈ C
telle que |λ| = 1 est aussi dans Spr (T ′ ). Soit λ une telle valeur. Commençons par « calculer » un inverse
formel de λ − T ′ : si a ∈ ℓ∞ et si b est une suite à valeurs dans C, l’équation (λ − T ′ )(b) = a s’écrit


b1 = λa1
a1 = λb1






 a2 = λb2 − b1
 b2 = λ(a2 + b1 )
⇐⇒
..
..


.

.





an = λbn − bn−1
bn = λ(an + bn−1 )
2
n
Donc cette équation a pour solution bn = λan + λ an−1 + · · · + λ a1 . Nous voyons déjà que λ − T ′
2
n
n’est pas surjectif car, pour a = a[λ] := (1, λ, λ , · · · ) ∈ ℓ∞ , la solution est bn = nλ et cette suite n’est
manifestement pas dans ℓ∞ : donc a[λ] 6∈ Im(λ − T ′ ).
Mais nous devons montrer un résultat plus fort, à savoir que Im(λ − T ′ ) n’est pas dense dans ℓ∞ .
Pour cela, nous allons montrer que, dans ℓ∞ , B(a[λ] , 1/2) ∩ Im(λ − T ′ ) = ∅. Soit a ∈ B(a[λ] , 1/2), nous
pouvons écrire a = a[λ] + β, où ||β||ℓ∞ < 1/2. La solution dans l’espace des séries à valeurs complexes de
l’équation
(λ − T ′ )b = a = a[λ] + β
est b = (b1 , b2 , b3 , · · · ), avec :
n
bn = nλ +
n
X
λ
n−j
βj ,
j=1
ce qui entraîne que :
n
X
n
n
n−j
|bn − nλ | = λ
βj < .
2
j=1
n
n
En utilisant l’inégalité triangulaire n = |nλ | ≤ |bn − nλ | + |bn |, on en déduit que
n
|bn | ≥ n − |bn − nλ | > n −
n
n
= .
2
2
Donc b n’est pas dans ℓ∞ .
g) Montrons que Spr (T ) = ∅. Pour cela il suffit d’établir que, si |λ| = 1, alors λ 6∈ Spr (T ). Supposons
le contraire : cela signifie qu’il existe λ ∈ C tel que |λ| = 1 et Im(λ − T ) n’est pas dense dans ℓ1 . Alors,
d’après le (ii) de la proposition 1.2, λ ∈ Spp (T ′ ). Or ce n’est pas possible car nous avons vu au d) que
Spp (T ′ ) = ∅.
h) Les spectres continus : d’après ce qui précède,
Spc (T ) = Sp(T ) \ (Spp (T ) ∪ Spr (T )) = B(0, 1) \ (B(0, 1) ∪ ∅) = ∂B(0, 1),
et
Spc (T ′ ) = Sp(T ′ ) \ (Spp (T ′ ) ∪ Spr (T ′ )) = B(0, 1) \ ∅ ∪ B(0, 1) = ∅.
8
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