Université Paris 7, Master 1 de Mathématiques Année 2008/2009 Notes pour le cours de théorie spectrale 1 Quelques propriétés du spectre d’un opérateur borné Nous supposons ici que E est un espace de Banach complexe et notons L(E) l’espace des opérateurs linéaires bornées de E dans E. Rappelons d’abord le résultat suivant : Lemme 1.1 Soit T ∈ L(E), alors, l’ensemble C \ B(0, ||T ||) := {λ ∈ C| |λ| > ||T ||} est contenu dans l’ensemble résolvant ρ(T ) et, plus précisément, on a ∀λ ∈ C \ B(0, ||T ||), Rλ (T ) = ∞ X λ−n−1 T n . (1) n=0 Démonstration — Ce résultat a déjà été montré lorsque nous avons prouvé que le spectre d’un opérateur borné est non vide. Il s’agit essentiellement de montrer que la série définie par (1) est convergente si |λ| > ||T || et que la somme de cette série est l’inverse de λ − T . Un corollaire du lemme 1.1 est que le spectre d’un opérateur borné est borné et même, plus précisément, Sp(T ) ⊂ B(0, ||T ||). (2) Donc, puisque nous avons déjà vu que le spectre est fermé, nous concluons que Sp(T ) est un compact de C. 1.1 Le rayon spectral Définition 1.1 (rayon spectral) Pour tout opérateur borné T ∈ L(E), on définit le rayon spectral de T comme étant la quantité : r(T ) := sup |λ|. λ∈Sp(T ) Remarquons que, d’après les résultats précédents, on a toujours r(T ) ≤ ||T ||. (3) Théorème 1.1 Soit E un espace de Banach complexe et T ∈ L(E). Alors (i) limn→∞ ||T n ||1/n existe et est égale à r(T ) ; (ii) si E = H est un espace de Hilbert complexe et si A ∈ L(H) est auto-adjoint, alors r(A) = ||A||. Démonstration — (i) Nous commençons par montrer (i) et, pour cela, par établir que limn→∞ ||T n ||1/n existe. Nous partons de la relation T n+m = T n T m , valable ∀n, m ∈ N, et qui entraîne : ||T n+m || ≤ ||T n || ||T m ||. Donc, en posant an := log||T n ||, nous en déduisons l’inégalité an+m ≤ an + am 1 (sous-additivité). Nous allons en déduire que limn→∞ ann existe et est égal à β := inf m∈N∗ amm (ce qui est équivalent à l’existence de la limite de ||T n ||1/n ). Supposons dans un premier temps que β est dans R (i.e. la suite amm est minorée). Alors ∀ε > 0, ∃m ∈ N∗ , am < β + ε. m β≤ Fixons ε et donc m ∈ N∗ tel que l’inégalité précédente ait lieu. Pour tout n > m, nous écrivons la division euclidienne de n par m : ∃q ∈ N, ∃r ∈ N tel que 0 ≤ r ≤ m − 1 et n = qm + r. Alors aqm+r qam + ar qam ar am ar ar an = ≤ ≤ + = + <β+ε+ . n qm + r qm + r qm n m n n Soit C := sup0≤r≤m−1 ar < +∞. Alors (toujours parce que ε et C sont fixés), lim supn→∞ limn→∞ C n = 0. Donc an ≤ β + ε. lim sup n→∞ n Comme ε est arbitraire, on a en fait lim supn→∞ ann ≤ β. Or β = inf ∗ m∈N ar n ≤ am an am ≤ lim inf ≤ lim sup ≤ β, m→∞ m m n→∞ n ce qui entraîne que toutes ces quantités sont égales et donc que ann converge vers β. Dans le cas où la suite amm n’est pas minorée, c’est à dire si β = −∞, on a alors : ∀A > 0, ∃m ∈ N∗ , am < −A m et, en refaisant le même raisonnement que précédemment, on obtient que, n > m, ar an ≤ −A + , n n où 0 ≤ r ≤ m − 1 et puis que lim supn→∞ ann ≤ −A. Comme A est arbitraire, cela implique que limn→∞ Dans tous les cas, on a montré que lim ||T n ||1/n = eβ n→∞ an n = −∞ = β. (avec e−∞ = 0). A présent, montrons que cette limite coïncide avec r(T ). Pour cela nous montrons eβ ≤ r(T ) et e ≥ r(T ). Commennçons par la première inégalité (la plus difficile). a) Preuve de eβ ≤ r(T ). L’idée est de partir de l’information que Sp(T ) ⊂ B(0, r(T )) qui, par passage au complémentaire, donne C \ B(0, r(T )) ⊂ ρ(T ), c’est à dire le fait que la résolvante Rλ (T ) est définie sur C\B(0, r(T )). On fait intervenir alors le développement en série au voisinage de l’infini de Rλ (T ) : à cause de ce qui précède, son rayon de convergence est supérieur ou égal à 1/r(T ). En calculant deux expressions différentes de Rλ (T ), on obtient l’inégalité souhaitée. Voici les détails : considérons l’application β B(0, 1/r(T )) −→ L(E) z 7−→ R1/z (T ), où l’on convient que 0 7−→ R∞ (T ) = 0. Cette application est holomorphe sur B(0, 1/r(T )) et nous allons 1 lui appliquer la formule de Cauchy sur ce domaine. Soit 0 < s < r(T ) , alors si z ∈ B(0, s), R1/z (T ) = = Z R1/v (T )dv 1 2πi ∂B(0,s) v−z Z ∞ R1/v (T ) X z n 1 dv 2πi ∂B(0,s) v vn n=0 2 = = 1 2πi ∞ X n=0 Z ∂B(0,s) an z n , R1/v (T ) dv v 1 − vz où 1 an := 2πi Z ∂B(0,s) R1/v (T ) dv. v n+1 On en déduit en particulier que C , sn ||an || ≤ où C := ||R1/z (T )||. sup z∈B(0,s) D’autre part, sur B(0, 1/||T ||), l’application R1/z (T ) est égale à la somme de la série donnée par (1) : R1/z (T ) = ∞ X z n+1 T n . n=0 On en déduit que a0 = 0 et an+1 = T n et donc, que ||T n ||1/n = ||an+1 ||1/n ≤ Comme limn→∞ C 1/n s(n+1)/n C 1/n s(n+1)/n . = 1s , on obtient : eβ = lim ||T n ||1/n ≤ n→∞ 1 . s Et comme cette inégalité est valable pour tout s tel que 1/s > r(T ), cela n’est possible que si eβ ≤ r(T ). b) Preuve de eβ ≥ r(T ). Si λ ∈ C satisfait |λ| > eβ = limn→∞ ||T n ||1/n , alors lim ||λ−n−1 T n ||1/n < 1 n→∞ P∞ et donc, par le critère de Cauchy, la série n=0 λ−n−1 T n converge. On vérifie facilement que sa somme est l’inverse de λ − T , ce qui implique que λ ∈ ρ(T ). Ainsi on a montré que : ∀λ ∈ C, |λ| > eβ =⇒ |λ| > r(T ), ce qui n’est possible que si eβ ≥ r(T ). Cela termine la preuve de (i). (ii) Nous supposons à présent que E = H est un espace de Hilbert et que T = A ∈ H est auto-adjoint. Nous allons utiliser la propriété ||A|| = sup |hAx, xi|, (4) ||x||=1 valable pour tout opérateur auto-adjoint A. Nous montrerons (4) au lemme 1.2 plus loin. En effet (4) entraîne que : ||A2 || = ||A∗ A|| = sup |hA∗ Ax, xi| = sup |hAx, Axi| = sup ||Ax||2 = ||A||2 . ||x||=1 ||x||=1 ||x||=1 Comme n’importe quelle puissance entière de A est encore auto-adjoint (vérifiez vous-même !), on peut étendre ce résultat à A4 : ||A4 || = ||(A2 )2 || = ||A2 ||2 = (||A||2 )2 = ||A||4 et par récurrence : ∀n ∈ N, n n ||A2 || = ||A||2 . Donc, en utilisant le résultat (i) : n −n r(A) = lim ||An ||1/n = lim ||A2 ||2 n→∞ n→∞ = ||A||. 3 Lemme 1.2 Soit H un espace de Hilbert et A ∈ H un opérateur auto-adjoint. Alors l’identité (4) est satisfaite, i.e. ||A|| = sup |hAx, xi|. ||x||=1 Démonstration — Notons provisoirement [A] := sup||x||=1 |hAx, xi|. Premièrement l’inégalité [A] ≤ ||A|| est une conséquence immédiate de l’inégalité de Cauchy–Schwarz |hAx, xi| ≤ ||Ax|| ||x||. Nous allons maintenant prouver l’inégalité inverse [A] ≥ ||A||, ce qui complétera la preuve. Nous allons pour cela commencer par établir l’identité ∀x, y ∈ H, 4Rehx, Ayi = hx + y, A(x + y)i − hx − y, A(x − y)i. (5) Soit x, y ∈ H, en substituant x= x−y x+y + 2 2 et Ay = A(x + y) A(x − y) − 2 2 dans hx, Ayi, on obtient : 4hx, Ayi = = hx + y, A(x + y)i + hx − y, A(x + y)i −hx + y, A(x − y)i − hx − y, A(x − y)i R + I, où R := hx + y, A(x + y)i − hx − y, A(x − y)i et I := hx − y, A(x + y)i − hx + y, A(x − y)i. On remarque que hx + y, A(x − y)i = hA(x − y), x + yi = hA∗ (x − y), x + yi = hx − y, A(x + y)i. Donc on peut écrire I = hx − y, A(x + y)i − hx − y, A(x + y)i. En particulier on voit que R est réel et I est imaginaire. Ainsi 4Rehx, Ayi = R = hx + y, A(x + y)i − hx − y, A(x − y)i, ce qui nous donne (5). A présent nous exploitons cette identité (et nous utilisons la définition de [A] et l’identité du quadrilatère) : 4Rehx, Ayi ≤ [A]||x + y||2 + [A]||x − y||2 = 2[A](||x||2 + ||y||2 ). Cela entraîne sup 4Rehx, Ayi ≤ ||x||,||y||≤1 sup 2[A](||x||2 + ||y||2 ) = 4[A]. ||x||,||y||≤1 Or, d’après le théorème de Riesz, ||A|| = sup||x||,||y||≤1 Rehx, Ayi. On en déduit donc que ||A|| ≤ [A]. 1.2 Le spectre de l’adjoint d’un opérateur Commençons par énoncer un résultat général, dont nous ne démontrerons qu’un corollaire. Théorème 1.2 (théorème de Phillips) Soit E un espace de Banach complexe, T ∈ L(E) et T ′ ∈ L(E ′ ) l’adjoint de T , alors Sp(T ′ ) = Sp(T ) et ∀λ ∈ ρ(T ), 4 Rλ (T ′ ) = Rλ (T )′ . Ce résultat a comme conséquence immédiate, dans le cas particulier où E = H est un espace de Hilbert complexe : Proposition 1.1 Soit H un espace de Hilbert complexe, T ∈ L(H) et T ∗ ∈ L(H) l’ adjoint hilbertien de T . Alors Sp(T ∗ ) = Sp(T )∗ := {λ| λ ∈ Sp(T )} et ∀λ ∈ ρ(T ), Rλ (T ∗ ) = Rλ (T )∗ . Démonstration (directe) de la proposition — Observons d’abord que, ∀S, T ∈ L(H), (T S)∗ = S ∗ T ∗ (simple) et donc que, si T est inversible, alors ∗ (T −1 )∗ T ∗ = T (T −1 ) = Id∗ = Id ∗ T ∗ (T −1 )∗ = (T −1 )T = Id∗ = Id, ce qui signifie que T ∗ est aussi inversible et (T ∗ )−1 = (T −1 )∗ . Comme T 7−→ T ∗ est une involution, la réciproque est immédiate, autrement dit : T est inversible ssi T ∗ est inversible. Donc λ ∈ ρ(T ) ⇐⇒ (λ − T ) est inversible ⇐⇒ (λ − T ∗ ) est inversible ⇐⇒ λ ∈ ρ(T ∗ ). ∗ Et alors (λ − T )−1 = (λ − T ∗ )−1 . Une autre propriété nous sera utile par la suite : Proposition 1.2 Soit E un espace de Banach complexe et T ∈ L(E). Alors (i) Si λ ∈ Spp (T ), alors Im(λ − T ′ ) n’est pas dense dans E ′ ; (ii) Si λ ∈ C est tel que Im(λ − T ) n’est pas dense dans E, alors λ ∈ Spp (T ′ ) ; (iii) Corollaire : si E est réflexif, i.e. si (E ′ )′ = E, alors λ ∈ Spp (T ) ssi Im(λ − T ′ ) n’est pas dense dans E′. Pour démontrer la proposition 1.2, nous utiliserons le résultat suivant (très utile), que nous montrerons à la fin de ce paragraphe : Lemme 1.3 Soit E un espace vectoriel complexe normé et F ⊂ E un sous-espace vectoriel complexe. Alors F 6= E ssi il existe une forme linéaire Φ ∈ E ′ non nulle telle que F ⊂ KerΦ. Démonstration de la proposition 1.2 — Preuve de (i) : soit λ ∈ Spp (T ), alors ∃x0 ∈ E non nul tel que (λ − T )(x0 ) = 0. Cela entraîne en particulier que : ∀α ∈ E ′ , [(λ − T ′ )(α)](x0 ) = α ((λ − T )(x0 )) = α(0) = 0, ′ ′ ⊥ i.e. (λ − T ′ )(α) ∈ x⊥ 0 := {β ∈ E | β(x0 ) = 0}. Ainsi Im(λ − T ) ⊂ x0 . Cela implique bien évidemment ′ ′ ⊥ que Im(λ − T ) ne peut pas être dense dans E , puisque x0 est fermé et est différent de E ′ . Preuve de (ii) : soit λ ∈ C tel que Im(λ − T ) n’est pas dense dans E. D’après le lemme 1.3, il existe α ∈ E ′ non nulle telle que Im(λ − T ) ⊂ Kerα. Donc, ∀x ∈ E, α [(λ − T )(x)] = 0 ⇐⇒ ∀x ∈ E, [(λ − T ′ )(α)] (x) = 0 ⇐⇒ (λ − T ′ )(α) = 0 ⇐⇒ α ∈ Ker(λ − T ′ ). Donc λ ∈ Spp (T ′ ). Preuve de (iii) : le fait que « λ ∈ Spp (T ) implique Im(λ − T ′ ) n’est pas dense dans E ′ » a été montré au (i), la réciproque s’obtient en appliquant le (ii) à T ′ et en utilisant le fait que T ′′ = T . 5 Démonstration du lemme 1.3 — Soit E un espace normé complexe et F ⊂ E un sous-espace vectoriel. Dans un sens, s’il existe une forme linéaire non nulle Φ ∈ E ′ telle que F ⊂ KerΦ, on a immédiatement F ⊂ KerΦ (car, Φ étant continue, KerΦ est fermé) et donc F 6= E. La réciproque est un peu plus délicate. Supposons que F 6= E : alors il existe un vecteur v ∈ E \ F (noter que v est nécessairement non nul). Nous considérons dans la suite E comme un sous-espace vectoriel réel et F comme un sous-espace vectoriel réel de E. Notons alors G := F ⊕ Rv ⊕ Riv. Soit (x désignant un vecteur de E) f: G x + λv + µiv −→ R 7−→ λ et g: G x + λv + µiv −→ R . 7−→ µ Dans la suite, nous aurons besoin de distinguer ER′ , qui sera l’espace des forme R-linéaires de E vers R, et EC′ , qui sera l’espace des forme C-linéaires de E vers C. Nous utilisons le théorème de Hahn–Banach pour étendre f et g en des formes R-linéaires continues sur tout E : ∃f˜, g̃ ∈ ER′ telles que f˜|G = f et g̃|G = g et ||f˜||ER′ = ||f ||G′R = 1 et ||g̃||ER′ = ||g||G′R = 1. Soit ϕ := f + ig : G −→ C. Noter que ϕ est C-linéaire, au sens où : ∀x + λv + µiv ∈ G, ϕ(x + λv + µiv) = (λ + iµ)ϕ(v). Nous posons alors ϕ̃ := f˜ + ig̃ : E −→ C et remarquons que ϕ̃|G = ϕ. En particulier ϕ̃ s’annule sur F et ϕ(v) = 1. Le problème est que ϕ̃ n’est pas nécessairement C-linéaire. Pour y remédier, on pose ∀x ∈ E, Φ(x) := 1 (ϕ̃(x) − iϕ̃(ix)) . 2 On vérifie alors que Φ est C-linéaire (continue) sur E — donc définit bien un élément de EC′ — et que Φ coïncide avec ϕ̃ sur G := F ⊕ Rv ⊕ Riv. On a donc construit Φ ∈ EC′ satisfaisant les propriétés demandées. 1.3 Etude d’un exemple Nous considérons l’« opérateur de décalage » T ∈ L(ℓ1 ) défini par : ∀x = (x1 , x2 , · · · ) ∈ ℓ1 , T (x1 , x2 , · · · ) = (x2 , x2 , · · · ) et son adjoint1 T ′ ∈ L(ℓ∞ ), qui satisfait : ∀α = (α1 , α2 , · · · ) ∈ ℓ∞ , T ′ (α1 , α2 , · · · ) = (0, α1 , α2 , · · · ). Notons que l’on a ||T n || = ||(T ′ )n || = 1, ∀n ∈ N∗ , si bien que, d’après le théorème 1.1, on a : r(T ) = lim ||T n ||1/n = r(T ′ ) = lim ||(T ′ )n ||1/n = 1. n→∞ n→∞ Nous allons établir les propriétés suivantes : spectre spectre ponctuel spectre résiduel spectre continu Sp(T ) = B(0, 1) Spp (T ) = B(0, 1) Spr (T ) = ∅ Spc (T ) = ∂B(0, 1) Sp(T ′ ) = B(0, 1) Spp (T ′ ) = ∅ Spr (T ′ ) = B(0, 1) Spc (T ′ ) = ∅ et, pour cela, procéder par étapes. 1 Rappelons que le dual de ℓ1 est ℓ∞ . En revanche le dual de ℓ∞ n’est pas ℓ1 mais un espace qui « contient » ℓ1 comme sous-espace fermé. Cela signifie que l’application ℓ1 −→ (ℓ∞ )′ qui, à toute suite x ∈ ℓ1 , associe evx : α 7−→ α(x) est un plongement non surjectif. 6 a) Sp(T ) ⊂ B(0, 1) et Sp(T ′ ) ⊂ B(0, 1) : cela est une conséquence du fait que r(T ) = r(T ′ ) = 1. b) Spp (T ) ⊃ B(0, 1) : il s’agit de montrer que, pour toute valeur λ ∈ B(0, 1), λ − T a un noyau non nul (i.e. un sous-espace propre non trivial de T pour la valeur propre λ). Noter que cela est immédiat pour λ = 0, puisqu’il est facile de remarquer que (1, 0, 0, · · · ) est dans le noyau de T . Les vecteurs propres de T pour λ 6= 0 sont en quelque sorte des perturbations de (1, 0, 0, · · · ). Posons x[λ] := (1, λ, λ2 , λ3 , · · · ). Alors x[λ] ∈ ℓ1 ssi |λ| < 1. De plus T (x[λ] ) = (λ, λ2 , λ3 , · · · ) = λ(1, λ, λ2 , · · · ) = λx[λ] . Donc Spp (T ) ⊃ B(0, 1). Corollaire de a) et b) : on a B(0, 1) ⊂ Spp (T ) ⊂ Sp(T ) ⊂ B(0, 1), mais comme on sait que Sp(T ) est fermé, cela entraîne : Sp(T ) = B(0, 1) = Sp(T ′ ), où on a utilisé le théorème de Phillips pour Sp(T ′ ). c) Spp (T ) = B(0, 1) : d’après ce qui précède, il suffit de montrer que ∂B(0, 1) ∩ Spp (T ) = ∅, c’est à dire que, pour tout λ tel que |λ| = 1, λ − T est injectif. Raisonnons par l’absurde et supposons qu’il existe λ ∈ ∂B(0, 1) tel que ker(λ − T ) 6= {0}. Soit x = (x1 , x2 , x3 , · · · ) ∈ ker(λ − T ) non nul, alors (λ − T )(x) = 0 équivaut au système infini d’équations xn+1 = λxn , ∀n ∈ N∗ . On en déduit par une récurrence immédiate que : x = x1 (1, λ, λ2 , λ3 , · · · ). Mais on remarque que, à cause du fait que |λ| = 1, x ne peut pas être dans ℓ1 sauf si x1 = 0 — une contradiction. d) Spp (T ′ ) = ∅ : pour montrer cela, raisonnons encore par l’absurde et supposons qu’il existe α = (α1 , α2 , · · · ) ∈ ℓ∞ et λ ∈ C tels que (λ − T ′ )(α) = 0, ce qui équivaut aux relations λα1 λα2 λα3 = 0 = α1 = α2 .. . On en déduit alors que forcément (α1 , α2 , · · · ) = 0 (raisonner par récurrence : il faut distinguer les cas λ = 0 et λ 6= 0, mais ces deux cas sont tout aussi simples à analyser). On aboutit ainsi à une contradiction. e) Spr (T ′ ) ⊃ B(0, 1) : rappelons que Spr (T ′ ) = {λ ∈ C| Im(λ − T ′ ) 6= ℓ∞ } \ Spp (T ′ ). Mais, comme on a vu précédemment que Spp (T ′ ) = ∅, on en déduit que Spr (T ′ ) = {λ ∈ C| Im(λ − T ′ ) 6= ℓ∞ }. Pour tout λ ∈ B(0, 1), nous utilisons la suite x[λ] = (1, λ, λ2 , λ3 , · · · ) ∈ ℓ1 vue au b) et nous notons f[λ] := evx[λ] : α 7−→ α x[λ] . Alors, ∀α ∈ ℓ∞ , f[λ] [(λ − T ′ )(α)] = [(λ − T ′ )(α)] (x[λ] ) = α (λ − T )(x[λ] ) = α(0) = 0, 7 i.e. (λ − T ′ )(α) ∈ Kerf[λ] . Donc Im(λ − T ′ ) ⊂ Kerf[λ] , ce qui entraîne que la fermeture de Im(λ − T ′ ) ne peut pas être égale à ℓ∞ . Donc λ est valeur résiduelle. f ) En fait Spr (T ′ ) = B(0, 1) : à cause de ce qui précède, il suffit de montrer que toute valeur λ ∈ C telle que |λ| = 1 est aussi dans Spr (T ′ ). Soit λ une telle valeur. Commençons par « calculer » un inverse formel de λ − T ′ : si a ∈ ℓ∞ et si b est une suite à valeurs dans C, l’équation (λ − T ′ )(b) = a s’écrit b1 = λa1 a1 = λb1 a2 = λb2 − b1 b2 = λ(a2 + b1 ) ⇐⇒ .. .. . . an = λbn − bn−1 bn = λ(an + bn−1 ) 2 n Donc cette équation a pour solution bn = λan + λ an−1 + · · · + λ a1 . Nous voyons déjà que λ − T ′ 2 n n’est pas surjectif car, pour a = a[λ] := (1, λ, λ , · · · ) ∈ ℓ∞ , la solution est bn = nλ et cette suite n’est manifestement pas dans ℓ∞ : donc a[λ] 6∈ Im(λ − T ′ ). Mais nous devons montrer un résultat plus fort, à savoir que Im(λ − T ′ ) n’est pas dense dans ℓ∞ . Pour cela, nous allons montrer que, dans ℓ∞ , B(a[λ] , 1/2) ∩ Im(λ − T ′ ) = ∅. Soit a ∈ B(a[λ] , 1/2), nous pouvons écrire a = a[λ] + β, où ||β||ℓ∞ < 1/2. La solution dans l’espace des séries à valeurs complexes de l’équation (λ − T ′ )b = a = a[λ] + β est b = (b1 , b2 , b3 , · · · ), avec : n bn = nλ + n X λ n−j βj , j=1 ce qui entraîne que : n X n n n−j |bn − nλ | = λ βj < . 2 j=1 n n En utilisant l’inégalité triangulaire n = |nλ | ≤ |bn − nλ | + |bn |, on en déduit que n |bn | ≥ n − |bn − nλ | > n − n n = . 2 2 Donc b n’est pas dans ℓ∞ . g) Montrons que Spr (T ) = ∅. Pour cela il suffit d’établir que, si |λ| = 1, alors λ 6∈ Spr (T ). Supposons le contraire : cela signifie qu’il existe λ ∈ C tel que |λ| = 1 et Im(λ − T ) n’est pas dense dans ℓ1 . Alors, d’après le (ii) de la proposition 1.2, λ ∈ Spp (T ′ ). Or ce n’est pas possible car nous avons vu au d) que Spp (T ′ ) = ∅. h) Les spectres continus : d’après ce qui précède, Spc (T ) = Sp(T ) \ (Spp (T ) ∪ Spr (T )) = B(0, 1) \ (B(0, 1) ∪ ∅) = ∂B(0, 1), et Spc (T ′ ) = Sp(T ′ ) \ (Spp (T ′ ) ∪ Spr (T ′ )) = B(0, 1) \ ∅ ∪ B(0, 1) = ∅. 8