Dorothée Duplan & Flore Guiraud assistées d’Eva Dias / 01 48 06 52 27 / bienvenue@planbey.com / www.planbey.com 4
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Un conte politique
Ce spectacle est né à la lumière de deux autres “formes légères” jouées près de deux cents fois dans tou-
tes sortes de lieux non théâtraux, et destinées à faire venir des personnes qui, parfois, ne savaient même
pas que le mot théâtre existait, mais dont les silences, les écoutes, les rires ou les incompréhensions me
bouleversaient. J’ai eu envie d’inventer du théâtre pour eux, qui n’en avaient jamais vu ni entendu, mais
dont l’attention pendant la représentation, ou les réexions après, m’obligeaient. Mais à quoi ?
À un théâtre qui devait être simple d’accès, mais ne pas reculer d’un pouce devant la complexité humaine,
la mienne, la leur, la même, qu’ils vivent évidemment, comme vous et moi. Je voulais un théâtre pour vous,
moi, et eux aussi, les écartés du théâtre par les seules et sales raisons de désastre culturel.
Le conte a été la porte d’entrée. “Il était une fois une petite soldate américaine…” C’est simple, un conte,
et c’est profond, aussi simple, profond et terriant qu’un visage de Michel-Ange. C’est cruel, c’est doux,
c’est plaisant, ça fait rire, ça fait peur, ça fait pleurer. C’est pour tout le monde, c’est-à-dire aussi pour vous
et moi, les intellos du théâtre. Tout y est tout à fait faux, tout y est tout à fait vrai. Ça connaît la dureté, la
malignité du réel, mais ça connaît aussi les portes de sortie, les échappées belles.
Ce conte, comme tous les contes, aborde l’énigme de l’humain, il en joue, certes, mais il ne la simplie
pas. Les mots sont simples, les références culturelles appartiennent à tout le monde, mais le propos est
singulier, puissant, paradoxal. Donc, avec un peu de chance, ça va être vraiment du théâtre.
Pour ce projet politique je voulais un sujet politique, qui lui aussi puisse parler à tout le monde, avec la
force de l’évidence. Avant d’écrire j’ai tourné longtemps autour de la peine de mort, j’ai été voir chez Hugo,
chez Camus, et puis ce conte m’est venu sous la plume, qui en fait parle surtout de guerre, de ses délires
banals et terriants. Il n’y a pas plus politique, non ?
Le décor est simple, mais il y a un décor. Les lumières sont simples mais il y a des lumières, des costumes,
des maquillages, des accessoires. Il y a une image. C’est bien l’étymologie du mot théâtre, image, non ? Et
il y a de la musique, évidemment, puisque la chanson fait partie de l’histoire. La comédienne est chanteuse
et le comédien est chanteur et instrumentiste.
C’est un conte, mais pas pour enfants, puisqu’il est politique. Les enfants n’ont que faire du politique, les
adultes oui, même quand ils l’ignorent. Le politique, lui, ne les ignore pas. On se mêle de ça, du politique
qui se mêle de nous, mais pas dans la généralité, non, non, dans la singularité du conte : une certaine petite
soldate, évidemment américaine puisqu’elle chante des chansons américaines, va se livrer au pire. Et va
en être punie par le pire. Et elle n’est pas antipathique, elle n’est pas le Mal, un monstre, une monstresse,
elle n’est pas quelqu’un d’absolument étranger à nous. On sent bien que cette petite soldate ça peut être
nous. Nous, capables du pire. Ou plutôt, écrire avec un point d’interrogation : nous, capables du pire?
Car le théâtre ne répond pas, il questionne.
Jean-Michel Rabeux