PRÉFACE
par René Lenoir
ancien secrétaire d'État
à l'action sanitaire et sociale
Voilà un livre pertinent par son objet, car la santé est, par excellence, un
domaine d'interférence entre la population, les médecins, les pouvoirs
publics et les médias.
La demande de soins est la première revendication des gens. Mais, en
un demi-siècle, elle a changé de nature. Du droit aux soins, fort légitime
dans un pays riche, on est passé au droit à la santé, qui ne l'est pas du tout.
Trop de personnes s'imaginent pouvoir fumer, boire, conduire, travailler
ou dormir à leur guise: le plaisir est individualisé, le risque socialisé. En
outre, en faisant naître des espoirs insensés, science et médecine nous ont
rendus étrangers à la plus forte des réalités: la mort, dont on veut reculer
l'échéance sans considération de coût financier et humain.
Tout cela se paie. Mais voilà, les pouvoirs publics bien embarrassés. Il
leur faut, d'un côté, limiter une croissance des dépenses qui ont cru
longtemps beaucoup plus vite que la richesse nationale; ils constatent, de
l'autre, qu'un certain nombre de gens sont exclus des soins, d'où le projet de
couverture maladie universelle. Ils s'interrogent sur ce que pourrait être une
politique de santé publique, trop sollicités qu'ils sont de toutes parts. Au
nom de quoi orienter la recherche vers un domaine plutôt qu'un autre? En
outre, les applications de la recherche posent parfois des problèmes
juridiques et éthiques tels qu'il leur faut poser des bornes. C'est le cas de la
biologie et des techniques transgénoses.
Du coup, les tensions sont inévitables avec les chercheurs et, surtout, les
médecins, longtemps ordonnateurs sans responsabilité explicite et perçue des
dépenses (l'économie médicale était inexistante dans leurs études), et tenus
par le serment d'Hippocrate d'exercer au mieux leur talent.
Dans ce vaste champ, heureusement non clos, les médias joueraient
volontiers les arbitres. Comme toujours, leurs interventions sont
ambivalentes. Bonnes quand, grâce à leur vigilance, les lacunes et les
incohérences du système sont mises en évidence; moins heureuses quand la
louange des prouesses des "French doctors" accélère la mise en place de
5