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E. Castagne et S. Palma
CIRLEP EA 2071
Université de Reims Champagne-Ardenne
eric.castagne@univ-reims.fr
silvia.palma@univ-reims.fr
REFLEXIONS AUTOUR DE L'ORGANISATION
SYNTACTICO-SEMANTIQUE DES NOMS « RECTEURS » :
la capacité de chanter juste / sa capacité à chanter juste
L’original de ce travail a été publié
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Résumé : Cette communication propose une analyse syntaxique des
valences construites par les « noms recteurs », comme sa tendance à chanter
juste, son ardeur à chanter juste, sa capacité à chanter juste / la capacité de
chanter juste. L’objectif de cette contribution sera de montrer que
l’opposition verbo-nominale n’est pas aussi tranchée qu’on le croirait, mais
néanmoins constamment présente plus ou moins à tous les niveaux, ce qui
permet de disposer de formes concurrentes mais aussi complémentaires.
Abstract : This communication proposes a syntactic analysis of the valences
built by the « noms recteurs », like sa tendance à chanter juste, son ardeur à
chanter juste, sa capacité à chanter juste / la capacité de chanter juste. The
objective of this contribution will be to show that the verbo-nominal
opposition is not as distinct as it it would be believed, but nevertheless
constantly present more or less at all the levels, which makes it possible to
have concurrent but so complementary forms.
0. Introduction
Ce travail propose une analyse syntaxique des valences construites
par les « noms recteurs », c’est-à-dire des noms qui possèdent un pouvoir
constructeur équivalent à celui de la majorité des verbes. Nous utiliserons
cette terminologie proposée par Cl. Blanche-Benveniste et alii (1991) plutôt
que « nominalisations » ou « nom de processus » d’une part parce qu’il
s’agit d’une étiquette purement syntaxique, ce que ne sont pas tout à fait le
cas des deux autres, et d’autre part parce que notre corpus ne se limite pas
aux nominalisations (bien qu'elles en fassent partie évidemment).
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Nous étudierons ici plus particulièrement le cas de noms comme
tendance, ardeur ou capacité lorsqu'ils se construisent avec un infinitif : sa
tendance à chanter juste, son ardeur à chanter juste, sa capacité à chanter
juste / la capacité de chanter juste.
Ce qui nous a amenés à analyser le fonctionnement de ces « noms
recteurs » est leur statut particulier : morphologiquement, ce sont des noms ;
mais syntaxiquement, ils partagent des propriétés nominales et verbales.
Dans leur rection, ils admettent des valences nominales (syntaxiquement
autonomes) ou verbales, relationelles, nexus (syntaxiquement non
autonomes). Ces valences nominales ou verbales peuvent intégrer
notamment des infinitifs qui sont clairement des forment qui rassemblent à la
fois des propriétés nominales et verbales. L’objectif de cette contribution
sera de monter que, sur le plan morphologique ou syntaxique, au niveau
interne ou externe, en français ou en espagnol, hors texte ou en texte,
l’opposition verbo-nominale n’est pas aussi tranchée qu’on le croirait, mais
est constamment présente et permet de disposer de formes
morphologiquement, syntaxiquement et vraisemblablement sémantiquement
concurrentes mais néanmoins complémentaires.
Nous commencerons par rappeler brièvement le cadre théorique
dans lequel s'insère notre travail, nous aborderons dans la deuxième partie de
notre exposé la description du phénomène en français d’un point de vue
syntaxique, puis nous proposerons quelques pistes pour une étude
contrastive avec l’espagnol, et enfin nous indiquerons quelques
caractéristiques distributionnelles des noms en question dans un corpus de
presse écrite.
1. Considérations syntaxiques générales
Pour cette étude syntaxique, nous avons choisi d’adopter les
principes méthodologiques de lApproche pronominale (Cl. Blanche-
Benveniste et alii, 1987). Cherchant à décrire la langue de manière inductive,
cette approche propose de classer les réalisations lexicales selon des critères
syntactico-sémantiques. On peut exprimer ces critères au moyen de
proformes qui permettent de les représenter. Chaque proforme ne peut
suffire seule à la description complète, il faut la situer dans un paradigme
récapitulant les formes susceptibles d’occuper la même position syntaxique.
La relation de proportionnalité qui existe à l’intérieur d’un paradigme permet
d’utiliser le paradigme des pronoms comme des « classificateurs » de
l’ensemble des réalisations d’une position de valence.
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Cette approche présente l’avantage de proposer un test très simple et
très pratique pour vérifier, dans le cadre d’une construction verbale, le
caractère nominal ou verbal d’un terme :
si certains termes ou relations acceptent d’apparaître sous la forme
pronominale avec laquelle il pourrait avoir une bonne proportionnalité,
c’est que la part lexicale qu’ils contiennent n’est pas essentielle : ceci est
typique du caractère nominal ;
si certains termes ou relations n’acceptent pas d’apparaître sous la forme
pronominale avec laquelle il pourrait avoir une bonne proportionnalité,
c’est que la part lexicale qu’ils contiennent est essentielle : ceci est
typique du caractère verbal.
1.1 Les formes « pures »
Nous passerons très rapidement sur les formes que nous avons
appelées « pures », qui rassemblent des propriétés syntaxiques internes et
externes caractéristiques d’une même forme, en l’occurrence des noms
« concrets » dont le comportement interne et externe est celui d’un nom, ou
des verbes conjugués recteurs dont le comportement interne et externe est
celui d’un verbe. Nous nous contenterons de fournir un corpus d’exemples et
de proposer des indications sur le comportement syntaxique externe de ces
syntagmes. Pour plus d’informations nous renverrons aux différents travaux
de l’équipe du Groupe Aixois de Recherche en Syntaxe (GARS).
1.1.1. Le Syntagme Nominal intégrant un nom tête « concret »
Les critères qui permettent de s’assurer qu’on a affaire en interne à
un nom sont la possibilité de lui adjoindre des déterminants, des adjectifs,
des compléments de nom ou des relatives :
1) cantatrice : la/une/cette superbe cantatrice qui vient d’Italie
Sur le plan externe, le SN qui intègre un nom tête « concret » est
réductible à une proforme :
2) Type il/elle : cette cantatrice chante juste
Elle chante juste
celle-ci chante juste
3) Type le/la/les : j’entends cette cantatrice chanter juste
J’entends celle-ci chanter juste
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Je l’entends chanter juste
4) type lui/leur : je parle à cette cantatrice
je lui parle
5) type en : je parle de cette cantatrice (j’en parle)
j’en parle
1.1.2. Le verbe conjugué recteur
Dans une construction verbale, le verbe conjugué recteur est le seul
élément qui refuse d’être réduit à une proforme :
6) cette cantatrice chante juste.
comment chante-t-elle ?
1.2. Les formes hybrides
Nous serons plus attentifs sur les formes que nous appelons
« hybrides », c’est-à-dire des formes qui rassemblent à la fois des propriétés
syntaxiques du nom et du verbe : l’infinitif, et le nom recteur (ou appelé
nominalisation, nom abstrait).
1.2.1. L’infinitif
L’infinitif est une forme qui possède des propriétés syntaxiques
internes verbales : recteur de compléments, y compris des compléments sous
forme clitique ou non prépositionnelles, support de modalités négatives
verbales du type ne pas, une fome non réductible à une proforme. Mais en
même temps, cette forme verbale est limitée par l’absence de prédicativité
immédiatement intégrée, qui est révélée par l’absence de sujet.
1.2.1.1. L’infinitif, recteur de la construction verbale, dit « infinitif
interrogatif », « jussif » ou « exclamatif »
Ici l’infinitif, non réductiblre à une proforme, est le verbe recteur de
la construction :
7) que faire?, où aller?, à qui se fier? (M. Arrivé, F. Gadet et M. Galmiche,
1986, p. 338), comment vous remercier? (P. Le Goffic, 1993, §80)
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8) faire revenir à feu doux, ne pas se pencher au dehors (ibid.)
9) me parler ainsi! (M. Arrivé, F. Gadet et M. Galmiche, 1986, p. 338)
1.2.1.2. Le syntagme infinitif dans la valence d’un verbe recteur
Ici l'infinitif peut régir des compléments sous forme lexicale
(prépositionnels ou non) ou sous forme clitique et en ce sens fonctionne
comme un verbe, même si c’est une forme verbale sans sujet grammatical.
Mais dans la rection d’un verbe, le syntagme constitué par l’infinitif
accompagné de ses compléments se comporte extérieurement comme un
Syntagme Nominal. Il est équivalent à une proforme :
10) type ça : Sujet : chanter faux est un crime
ceci est un crime
COD : elle aime chanter juste
elle aime ça
11) Type « y » : la cantatrice tend à chanter juste
Elle y tend
12) Type « en » : il l’accuse de chanter faux
Il l’en accuse
1.2.1.3. Les valences relationnelles intégrant un infinitif, dans la rection
d’un verbe constructeur
Dans la rection de verbes de perception, de l’auxiliaire causatif faire
ou d’autres verbes d’aspect, le syntagme constitué par l’infinitif accompagné
de ses compléments se comporte extérieurement comme un Syntagme
Verbal. Il refuse d’être réduit à une proforme :
13) elle l’entend chanter juste
14) elle le fait chanter juste
15) elle est en train de chanter juste
1.2.1.4. Le cas de l’infinitif substantivé
En français, les infinitifs qui acceptent des déterminants tels que le,
un, ce, mon, des adjectifs, des compléments de nom ou des relatives, sont
peu nombreux : avenir, avoir, baiser, devenir, devoir, être, loisir, manoir,
parler, plaisir, pouvoir, repentir, sourire, rire, savoir, sourire, souvenir
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