Chapitre 5 Manifestations générales et complications ostéo-articulaires
Chapitre 5 - Manifestations générales et complications ostéo-articulaires
Introduction
Toute manifestation clinique de la drépanocytose peut être considérée comme une complication grave, parfois
mortelle. Les manifestations systémiques apparaissent vers l'âge de 6 mois, quand la synthèse de HbS se substitue à
celle de l’Hémoglobine Fœtale (HbF; Van-Wijgerden, 1983; Galacteros, 2001). Certains patients présentent l’entière
gamme des symptômes caractérisés, dans la forme grave, par des crises douloureuses à répétition, une anémie et des
infections sévères (Bouaré, 2004; Tarer et al., 2006). Les formes hétérozygotes, Sβ thalassémique, SOArabia et SDPunjab,
fréquentes en Asie, sont cliniquement similaires à la forme homozygote SS (Platt, 1995; Galacteros, 2001). La forme
SC, initialement moins grave, présente des complications dégénératives chroniques handicapantes. Les manifestations
cliniques et les complications répondent à différents mécanismes:
- destruction des érythrocytes et anémie hémolytique (Greenberg et al., 1957; Serjeant et al., 1969);
- ischémie responsable de crises douloureuses intenses, de nécroses focales viscérales (Bouaré, 2004);
- vaso-occlusion source d’infarctus dans différents organes (Dorn-Beineke et al., 2002; Habibi et al., 2004);
- septicémies et ostéomyélites surtout à salmonelles (Vandepitte et al., 1966; Omanga et al., 1989; Bégué et
al., 2001; Dorn-Beineke et al., 2002; Tamouza et al., 2002; Lepage et al., 2004).
Symptomatologie générale
La drépanocytose se caractérise par des crises d'anémie hémolytique, des douleurs polymorphes ostéo-articulaires,
viscérales, aigues et des céphalées (Girot et al., 2003; Geller et al., 2008). Elles sont plus fréquentes après l'anémie
aigue. Elles sont simples ou associées à de la fièvre, à une atteinte viscérale ou ostéo-articulaires. La période
asymptomatique entre deux crises est "l’état basal" (Cabannes et al., 1981).
Syndrome anémique
L’anémie est définie par la réduction de la masse globulaire ou par une concentration en hémoglobine inférieure aux
valeurs normales diminuant la capacité de transport de l’oxygène. Quand l’hémoglobine descend sous le seuil de 7-8
g/dl, une pâleur cutanéo-muqueuse s’installe; l’ajustement physiologique s’accompagne d’une augmentation du débit
cardiaque (Sergeant et al., 1969; Dorn-Beineke et al., 2002).
Le drépanocytaire SS présente souffre d'une anémie chronique hémolytique parfois associée à une microcytose ou à
une α thalassémie. Elle s'aggrave lors des crises et apparaît quand le taux de HbF diminue, s’accompagnant d’une
surcharge du Système Réticulo-Endothélial (SRE) responsable d’une splénomégalie: une anémie aigue par
séquestration massive des globules falciformés par la rate s’observe dans l’enfance (Topley et al., 1977).
Syndrome infectieux
Responsables de déshydratation, d'hypoxie, de fièvre, les infections favorisent l'apparition de crises vaso-occlusives et
de septicémies. Les complications infectieuses chez le nourrisson ou le jeune enfant homozygote, principales causes
de morbidité et de mortalité, sont dues, deux fois sur trois, aux salmonelles (plutôt qu’aux staphylocoques, qui
affectent surtout les enfants non drépanocytaires). L'explication reste hypothétique: sensibilité plus grande à l'infection
aux salmonelles de foyers d'infarctus multiples drépanocytaires? Antagonisme entre drépanocytose et staphylococcie?
(Chippaux et al., 1976).
Il n'existe pas de sensibilité particulière aux infections virales, mycobactériennes ou parasitaires. Le déficit
immunitaire des drépanocytaires explique la spécificité des bactéries tels les pneumocoques et les salmonelles (Bégué
et al., 2001; Tamouza et al., 2002). Les mécanismes de cette sensibilité sont (Pearson, 1977; Lepage et al., 2004):
- l'asplénie fonctionnelle (atrophie);
- une diminution de la capacité d'opsonisation par anomalies des lymphocytes et probablement de la voie
alternée du complément.
Les germes les plus fréquents sont les salmonelles (37%), haemophilus influenzae (16%), staphylococcus aureus
(14%), streptococcus (10%), et les pneumocoques (9%). La prophylaxie antipalustre, les vaccinations anti-typhiques,
anti-Haemophilus et anti-pneumocoques sont préconisées (Guedj, 1990; Diop et al., 1997, Bégué et al., 2001).
Manifestations douloureuses, crises drépanocytaires
Une crise drépanocytaire est la conséquence de phénomènes moléculaires (polymérisation de l’HbS), cellulaires
(falciformation) et vasculaires (adhésion cellulaire; Sydenstriker, 1924; Bouaré, 2004). Une crise, évènement
épisodique imprévu, altère le confort de vie du drépanocytaire. Elle est déclenchée par l'hypoxie, la diminution du pH,
les variations de température (la fièvre, le froid), le stress, l'infection, la déshydratation. Elle peut survenir sans cause
apparente (Baum et al., 1987; Bouaré, 2004). Des phénomènes vaso occlusifs "silencieux", sans expression
douloureuse, sont responsables d’atteintes infra-cliniques à tous niveaux. Les évènements épisodiques aigus ou
"crises" constituent des urgences drépanocytaires (Cabannes et al., 1981). Ces crises douloureuses sont les premiers
motifs de consultation dans quelque 80% des cas (Serjeant et al., 1969):
- au niveau des viscères (Cabannes et al., 1981);
- au niveau des os (œdème par stase artérielle et compression des filets nerveux intramédullaires responsables
de la douleur, exacerbée par l'ischémie, Kabakele, 1974).