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HISTOIRE
HISTOIRE ET GÉOPOLITIQUE DES BALKANS
DE 1800 À NOS JOURS
Ernest Weibel
Paris, Ellipses, 2002, 642 pages
HISTOIRE ET GÉOPOLITIQUE
DE L’EUROPE CENTRALE.
DE L’ANTIQUITÉ À L’UNION EUROPÉENNE
Ernest Weibel
Paris, Ellipses, 2004, 560 pages
Le même auteur, historien et politologue
de l’Université de Neuchâtel, nous
donne, à deux ans d’intervalle, deux
ouvrages magistraux, l’un sur les Balk-
ans (B), l’autre sur l’Europe centrale
(EC). Il étudie toutes les parties de
l’Europe qui constituaient, vers 1800,
l’Empire ottoman (B) et celui des Habs-
bourg (EC), soit une bonne quinzaine
d’États actuels, un quart du continent.
Le second ouvrage propose, dans ses
cent premières pages, une esquisse des
dix-huit siècles précédents, depuis
l’Empire romain. Mais la période qui
intéresse particulièrement l’auteur, c’est
celle des nationalismes florissants et
antagonistes, de la révolution de 1848 à
la Seconde Guerre mondiale. La seule
décennie 1912-1922 couvre un tiers du
livre sur les Balkans. En revanche, l’épo-
que communiste est traitée assez som-
mairement.
Ce qui frappe dans ces deux ouvrages, et
qui en fait l’originalité, c’est l’extrême
souci du détail : géographique, chrono-
logique, juridique. L’histoire n’est pas
vue seulement depuis les capitales. Cha-
que parcelle du cadastre européen est
prise en considération. Nous pouvons
suivre par le menu les répercussions des
grandes crises européennes chez les dif-
férentes populations des diverses par-
ties de la Thrace turque, de la Dobroudja
ou du Tyrol du Sud. Rien n’est négligé
de la composition ethnographique de
chaque territoire, grand ou petit, ni des
tendances qui s’y affrontent. Le moindre
événement est daté avec précision, et les
situations passagères décrites avec
autant de minutie que celles qui ont
duré. Si vous voulez des précisions sur
les diverses phases de la révolution hon-
groise de 1848, sur les jeux diplomati-
ques intervenus entre les deux guerres
balkaniques, ou sur les fluctuations de la
Grèce pendant la Première Guerre mon-
diale, c’est ici que vous les trouverez.
Les statistiques abondent, les stipula-
tions des traités et des constitutions,
même les plus éphémères, sont soigneu-
sement analysées. Bref, ces deux livres
sont une mine inépuisable de données
précises qui, me semble-t-il, n’avaient
jamais été rassemblées ainsi. Ils seront
un instrument de travail irremplaçable.
L’attention à l’infiniment petit n’exclut
pas la largeur de vue. L’auteur s’inscrit
en faux contre deux écoles de pensée qui
n’ont cessé de dominer l’étude de ces
pays en France. L’une, qu’il dénonce
explicitement, est l’historiographie com-
muniste, qui voyait dans la démocratie
populaire l’aboutissement naturel de
l’histoire de ces peuples, tandis que
« toutes les séquences historiques qui ne
s’inscrivaient pas dans ce canevas inter-
nationaliste étaient soit corrigées, soit
écartées » (B, p. 9).
L’autre (moins ouvertement identifiée)
est l’historiographie française issue de la
Grande Guerre, hostile par principe aux
empires multinationaux et particulière-
ment à l’Autriche-Hongrie, et convain-
cue que toutes les aspirations des
peuples avaient été satisfaites à Ver-
sailles. Aujourd’hui la critique des illu-
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