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Service de Santé et de Secours Médical
Médecine de catastrophe : les enjeux de
demain face aux leçons du passé
Dr Sandrine SEGOVIA-KUENY - Chargée de mission au Secrétariat Général de la Défense Nationale
Dans une société qui veut tendre vers le risque zéro, évoquer les catastrophes,
par nature imprévisibles, est une démarche contradictoire mais réaliste car
nous évoluons dans une société où la survenue de catastrophes rythme
notre vie.
Si, certaines catastrophes pour-
raient être évitables comme les ca-
tastrophes industrielles, d’autres
comme les catastrophes natu-
relles, même détectées à temps
ont une cinétique propre sur le-
quel l’homme, malgré la techno-
logie actuelle, n’est pas en capa-
cité d’influer, mais sur lesquelles
les actions de mise en sécurité
des populations peuvent être en-
gagées.
DU CONCEPT DE
CATASTROPHE À LA
MÉDECINE DE CATASTROPHE
UN CONCEPT :
Les catastrophes, inadéquation
brutale entre l’augmentation des
besoins de secours et l’insuffisan-
ce des moyens disponibles, ont
des répercussions de plus en plus
importantes en raison de l’interac-
tion entre la santé publique, la sé-
curité publique et civile, l’ordre pu-
blic, l’économie et la géopolitique.
Les causes multiples de ces ca-
tastrophes soit naturelles (notam-
ment sismique, biologique et cli-
matique) soit technologiques ou
sociétales (comme le terrorisme
avec le 11 septembre 2001...) nous
conduisent à l’aube de nouvelles
doctrines d’intervention qui sont
internationales, multidisciplinai-
res sous l’égide d’organisations
de l’ONU en associant des pays
et des organisations non gouver-
nementales.
UN CADRE D’EXERCICE :
La médecine de catastrophe a
pour caractéristiques d’être une
médecine d’urgence et de terrain
comportant non pas une prise en
charge médicale individuelle com-
me en médecine de ville ou hospi-
talière mais une médecine collec-
tive exerçant dans des conditions
précaires. Le tri entre les blessés
est effectué comme en médeci-
ne d’urgence mais la faiblesse des
moyens disponibles rend indispen-
sable des choix parmi les blessés.
L’exercice de la médecine de ca-
tastrophe est dépendante de pré
requis en particulier la mise en sé-
curité de ses sites d’implantation
face aux risques d’évolution de
la situation, la gestion des trans-
ports avec l’arrivage des produits
médicaux et de ravitaillement, les
communications, et les sources
d’énergie.
UNE COORDINATION :
Dans la filière des secours, la mé-
decine de catastrophe se situe en
aval de l’évènement mais doit être
impliquée en amont pour la parti-
cipation à l’anticipation à l élabora-
tion de la doctrine et des plans éta-
blis comprenant les modes opéra-
toires et les différents participants
au niveau local, national voire in-
ternational.
Les éléments clés de la médeci-
ne de catastrophe sont de trois or-
dres, les secours médicaux par-
tie intégrante de la chaîne des se-
cours, sous un commandant uni-
que avec un respect des règles de
logistiques.
LES RÉPERCUSSIONS
DE GRANDES CATASTROPHES
NATURELLES
• Le tsunami de décembre 2004
Le tsunami le 26 décembre 2004
a touché l’Indonésie, le Sri Lanka,
l’Inde, la Thaïlande et l’île touristi-
que de Phuket, les Maldives, Myan-
mar, les Seychelles, la Somalie,
la Tanzanie avec un bilan plus de
183,170 morts et 43,320 disparus
selon les Nations Unies. Prés de
1.4 million de personnes ont perdu
leurs moyens d’existence (emplois,
cultures…) prés de 70 000 person-
nes restent déplacées. La catastro-
phe a fait environ 10 milliards de
dollars de dommage.
• Le cyclone Katerina en août
2005
L’ouragan qui s’est formé le 23
août 2005 aux Bahamas, a touché
les 7 jours suivants, la Floride puis
le Mississipi, la Louisiane et l’Ala-
bama. Il a tout détruit sur son che-
min sur un périmètre de 240 870
km2 dont la destruction de la 35éme
plus grande ville des Etats-Unis
New Orléans.
Les conséquences humaines
s’élevaient, au 17 février 2006,
à plus de 1300 morts et de 2000
personnes disparues. Par ailleurs,
plus de 1,1 millions de person-
nes ont été évacués en août 2005,
dont environ 500 000 étaient re-
venues en décembre 2005.
Le coût du cyclone Katerina est
de 96 milliards de dollars avec un
taux chômage augmenté de 6 à
12% dans les zones les plus affec-
tées de Louisiane et Mississipi.
• Le tremblement de terre du 8
octobre 2005
Le tremblement de terre a eu lieu
près de la frontière entre l’Inde et
le Pakistan avec une magnitude
d’environ 7,6. Il a touché principa-
lement le nord de l’Inde, le Pakis-
tan et l’Afghanistan. Le bilan hu-
main pour le Pakistan, fin 2005,
dépassait les 88 000 morts et les
100 000 blessés. La demande
d’aide pour la reconstruction s’est
élevée pour le Pakistan à 5,2 mil-
liards de dollars.
Les secours ont du travailler dans
un contexte dangereux en raison
des répliques du tremblement de
terre et de l’inaccessibilité de cer-
tains sites. Le déploiement de
moyens aériens est donc un des
facteurs essentiels pour les équi-
pes de secours.
CONCLUSION
L’impact des catastrophes n’est
plus à l’échelle d’un pays mais
de plusieurs, et les répercussions
touchent l’ensemble des secteurs
du ou des pays. Le coût d’une ca-
tastrophe dépend de l’étendue et
du degré d’industrialisation des
zones touchées et révèle à quel
point un pays peut être très fragili-
sé après une telle crise au niveau
économique voire géopolitique.
Les grandes catastrophes naturel-
les récentes ont montré l’élan de
générosité face à la détresse des
peuples, la grande question qui
est désormais posée est : face à
une catastrophe d’ampleur mon-
diale, comme une pandémie grip-
pale ou un pic d’ozone lié au ré-
chauffement climatique comment
cette générosité fonctionnerait-
elle ?
Courriel : sandrine.segovia-kueny@
sgdn.pm.gouv.fr
Photo JCD/UPP.
Photo JCD/UPP.