préalablement. Un employé, M. Paquet, fut ainsi chargé d’établir pour chaque sortie envisagée un
jeu de dix maquettes complètes sur base de découpes du journal pour régaler l’appétit des
sectateurs de Dame Anastasie. Ainsi l’autorisation officielle coïncidait-elle généralement avec la
date de diffusion réelle. Au cours des années 70, les ouvrages précédemment prohibés furent
autorisés à l’occasion de nouvelles rééditions, mais la bête eut deux ultimes soubresauts qui
contraignirent à rapatrier d’urgence deux volumes assez anodins, un Archie Cash et un Sammy.
Depuis, une certaine coexistence pacifique semble assurée, même si l’abrogation de cette censure
déguisée n’a toujours pas été officialisée.
Les interdictions d’importation frappèrent une dizaine d’albums. Il est bon de les rappeler ici, car
leurs nombreux lecteurs ne se doutent guère qu’ils ont été à une époque de redoutables brûlots
susceptibles de lancer la jeunesse française sur la triste voie du vice et de la paresse, voire du crime
et de la remise en cause de notre société. La date suivant le litre est celle de première diffusion en
Belgique. En guise d’amende honorable, nous soulignons ensuite ce qui semble avoir été la
motivation du refus d’importation.
> La Vallée interdite et Point Zéro (Épervier Bleu, 1954) : aventuriers trop portés sur la bagarre.
> Ciel de Corée et Avions sans pilotes (Buck Danny, 1954) : cadre trop politique du récit.
> Le Lac de l’Homme Mort (Marc Jaguar, 1957) : caricature outrancière de policiers.
> Libellule s’évade et Popaïne et vieux tableaux (1959) : récidives du même sieur Tillieux.
> Pavillons noirs (Vieux Nick, 1960) : éloge de la piraterie ?
> La Route de Coronado (Jerry Spring, 1962) : le mauvais exemple donné par Pancho combattant à
mains nues un Indien armé d’un couteau amènera à l’interdiction (partielle) de l’album. L’éditeur fit
remplacer la page litigieuse par une nouvelle version, édulcorée, dans les exemplaires du premier
tirage diffusé en France. Première grosse concession de la Censure, admettant le cas échéant le
placement de rustines pour cacher ou remplacer ce que les petites têtes blondes ne pouvaient voir.
> Billy the Kid (Lucky Luke, 1962) : jugé peu éducatif et incitant les poupons à l’imprudence, le dessin
de prologue montrant le bébé Billy suçant le canon d’un Colt fut censuré pour la réédition
immédiate (1963), destinée à l’importation en France.
> Soixante aventures de Boule et Bill No.2 (1964) : tortures diverses d’un pauvre chien et caricature
d’un brave agent de quartier. Les gags pouvant se prêter à une telle interprétation furent remplacés
dans la réédition à intérieur modifié (mais sous même couverture), effectuée l’année suivante et
acceptée. Longtemps écartés de la publication en volumes, les gags de ce type furent rassemblés
en 1979 et 1980 dans les albums 16 et 17 de la série.
> Le Maître de l’épouvante (Archie Cash, 1973) : présente Haïti sous un jour peu reluisant. Sa suite (Le
Carnaval des zombies), nettement plus culottée, fut acceptée l’année suivante, la Présidence
française ayant changé de mains entretemps, ainsi que certaines conceptions diplomatiques quant
au régime de cette île. (La motivation de la Commission s’était toutefois gardée d’évoquer le cœur
du problème en précisant simplement « beaucoup de violence, nombreuses illustrations agressives »,
résumé s’appliquant parfaitement à la plupart des albums de la série.)
Les Gorilles et le Roi Dollar (Sammy, 1977) : la corruption policière et politique à Chicago dans les