4
L’appréhension de la « culture », terme polysémique, évolue en effet au cours du temps et se
révèle souvent un bon indicateur du discours éditorial qui n’hésite pas à l’instrumentaliser.
Comme nous le verrons, le mandat culturel des médias de service public est systématiquement
mis sur le devant de la scène lorsque ceux-ci se trouvent en difficulté. Il cristallise les tensions
entre l’exigence de qualité et le refus du commercial d’un côté, et la nécessité de retenir son
public à travers une certaine attractivité de l’autre. Un renversement s’opère à cet égard au cours
des années 1970 : alors que la « première » télévision poursuivait le but de rendre la culture
accessible à un large public qui n’y avait jusqu’alors pas, ou peu, accès – une programmation
centrée sur le fond –, elle évolue ensuite, selon des logiques commerciales, vers une plus grande
prise en compte du goût des téléspectateurs. Les années 1980, avec l’ouverture du marché
télévisuel, l’apparition de la télécommande et la réception élargie des chaînes étrangères, voient
le système actuel se stabiliser : la programmation est désormais centrée sur la réception.
Ces questions, nées avec la télévision, surgissent aujourd’hui à nouveau dans les débats
contemporains : dans un contexte de crise du service public
, le mandat de promotion culturelle
est brandi de part et d’autre comme un argument central pour défendre ou au contraire attaquer
la Radio Télévision Suisse (RTS), et plus largement la SSR. On retrouve par ailleurs dans les
arguments des détracteurs du service public l’idée que le téléspectateur, devenu consommateur,
doit désormais être libre de choisir ce qu’il achète. Ses goûts ne devraient plus être seulement
intégrés dans le processus de programmation, mais en constituer l’unique critère.
Les pressions politiques n’étant pas sans conséquences sur la programmation de la chaîne, et
plus spécifiquement sur le contenu du téléjournal, quelques éléments de contexte semblent
nécessaires pour mieux appréhender l’étude concrète des sujets.
Par ailleurs, le téléjournal romand – ou plutôt les téléjournaux, puisque plusieurs éditions
coexistent chaque jour – a connu de nombreuses formes depuis le lancement du premier journal
genevois en 1982. Un bref historique permettra de poser les jalons de cette mutation et d’y voir
plus clair dans les nombreuses émissions – matin, midi, soir, nuit, informations régionales – qui
ont constitué et qui constituent encore le vaste champ des actualités télévisées sur la TSR.
La deuxième partie se penche pour sa part sur les aspects esthétiques et techniques de la
captation théâtrale dans un premier temps et du reportage télévisé dans un second temps.
Comment capte-t-on un art qui se trouve être, par définition, un art de l’éphémère ? Une
représentation théâtrale est toujours unique. Elle implique la coprésence des artistes et de leur
public et, par conséquent, n’est reproductible ni dans l’espace ni dans le temps. L’effet est
double : le public est forcément restreint à l’échelle humaine, faisant du théâtre un art
intrinsèquement artisanal, et l’œuvre disparaît avec les individus qui lui donnent corps. Or, ce
travail de l’éphémère est parfois conservé sous forme de traces audiovisuelles, les captations,
Un vaste débat sur la mission des médias de service public est prévu aux chambres fédérales pour
2017. En parallèle, l’initiative « No Billag », qui demande la suppression de la redevance (70% du
budget de la SSR), sera probablement soumise au peuple courant 2018. Un contre-projet du Conseil
fédéral est en cours d’élaboration. En outre, la votation du 14 juin 2015 sur la nouvelle Loi sur la radio-
télévision a été révélatrice d’une profonde méfiance de la part des citoyennes et des citoyens suisses
envers leurs médias de service public : elle a été acceptée avec moins de 4’000 voix d’avance.