NOTE DE SCÉNOGRAPHIE!
Les étendues calmes du vallon orné de villages roses comme des roses de pâturages veloutés, les taches magnifiques des
montagnes, la dentelle noire des sapins et la dentelle blanche des neiges éternelles, se peuplent d’un remuement humain.
Des multitudes fourmillent par masses distinctes. Sur des champs, des assauts, vague par vague, se propagent puis
s’immobilisent ; des maisons sont éventrées comme des hommes, et des villes comme des maisons ; des villages apparaissent en
blancheurs émiettées, comme s’ils étaient tombés du ciel sur la terre, des chargements de morts et blessés épouvantables
changent la forme des plaines. On voit chaque nation dont le bord est rongé de massacres, qui s’arrache sans cesse du cœur de
nouveaux soldats pleins de force et pleins de sang ; on suit des yeux ses affluents vivants d’un fleuve de morts.
Le Feu, Journal d'une escouade, Henri Barbusse, 1916
!
Une toile noire est tendue au sol. La terre noire qui s’y ajoute
ainsi que des monticules amènent un aspect légèrement
vallonné.
Des coquelicots d’un rouge vif parsèment ce sol. Divers objets,
faisant appel aussi bien au quotidien qu’à la vie des tranchées,
enfouis dans la terre, se laisseront découvrir au fur et à mesure
des passages sur le plateau.
En fond de scène, légèrement excentré à cour, un arbre.
Le tronc, constitué d’un enchevêtrement d’objets métalliques
de la première guerre mondiale (obus, casques, baïonnettes,
fils barbelés, grenades, gourdes, etc.) rouillés et abimés par le
temps. Les branches en aluminium creux patiné. Le tout
parsemé d’argile et de terre glaise pour lui donner une teinte
oscillant entre marron et vert. Autour de celui-ci des
excroissances constituées aussi d’objets de récupération.
L’ensemble tend le plus possible vers un arbre réel, le chêne.
Devant celui-ci, au sommet d’un monticule, une sorte de mare.
A jardin, à mi profondeur de plateau, se trouve un piano.
Le dispositif scénique est pensé non comme un décor mais
comme un objet d’art, sorte de tableau vivant. Tout comme une
peinture ou une sculpture il nous donne à voir et à ressenti
avec ses différentes entrées de lectures, formelles, esthétiques
et émotionnelles.
Ce tableau se laissera voir de différentes manières au cours de
la pièce; la lumière et d’autres dispositifs techniques (jeux sur
les températures, projections d’air et d’odeur,
accompagnements sonore…) se plaçant comme révélateurs,
faisant appel au cinq sens.
L’ouverture du spectacle nous plongera dans une atmosphère
idyllique, tel un tableau de Monet. Une légère brise caresse le
visage, transportant un parfum d’été, une odeur de fleur. On
entend le bruit d’un ruisseau.
Des vapeurs de fumé colorées envahiront alors le plateau, nous
plongeant dans un univers onirique. On entend chanter des
oiseaux exotiques.
Ces vapeurs dissipées, le plateau se laissera voir dans sa réalité
nue, une terre brulée, lunaire, sorte de plongée dans un tableau
d’Otto Dix. L’air se fait plus lourd et l’odeur de la terre
provenant du plateau se fait de plus en plus prégnante. L’arbre
se laisse découvrir, assemblement métallique. On aperçoit ici
et là des bouts de cadavres humains, une dépouille de cheval.
Une tempête gronde. L’arbre s’embrase puis tombe, avant
qu’une fumée verdâtre, nous renvoyant au gaz de combat
n’envahisse le plateau. Seule une partie de l’arbre à terre
surplombe cette étendue de fumée.
Puis c’est le calme absolu. La neige se met à tomber. L’air se
fait de nouveau plus frais.
!