Centre de santé et de services sociaux de Rimouski-Neigette, c.
R.D.
2008 QCCQ 9205
COUR DU QUÉBEC
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE
RIMOUSKI
LOCALITÉ DE RIMOUSKI
Chambre civile
:
100-40-000413-082
DATE :
22 octobre 2008
______________________________________________________________________
L’HONORABLE
GUY RINGUET J.C.Q.
______________________________________________________________________
CENTRE DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX DE RIMOUSKI-NEIGETTE,
Demanderesse,
c.
R... D...,
Défenderesse,
et
L... M...,
Mise en cause.
______________________________________________________________________
JUGEMENT
(Article 30 C.c.Q.; art. 9 de la Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente
un danger pour elles-mêmes ou pour autrui; art. 110, 774 et 778 et suivants C.p.c.).
______________________________________________________________________
[1] La demanderesse saisit le Tribunal d'une Requête pour garde en établissement de
madame R... D....
[2] La demanderesse produit:
un affidavit de la docteure Sarah Landry et
deux rapports d'examen psychiatrique.
JR 0876
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[3] Le 17 octobre 2008, à 13 h 00, madame R... D... est admise à l'Hôpital régional de
Rimouski.
[4] Depuis le 20 octobre 2008, à 9 h 30, madame R... D... est, selon la docteure Sarah
Landry, sous garde préventive.
[5] Madame R... D... a subi un examen psychiatrique le 19 octobre 2008 et le 20 octobre
2008. Le docteur Roger Turmel et la docteure Sarah Landry concluent à la nécessité d'une
garde en établissement.
1) Les rapports d'examen psychiatrique:
[6] Le 20 octobre 2008, la docteure Sarah Landry observe, lors de l'examen de madame
R... D..., que:
«Apparence et hygiène quelque peu négligées. Attitude et
comportement discordants par rapport aux propos très
contraires malgré inquiétudes par rapport à ses effets
personnels, sa situation. Désorientée dans le temps, lieu
et les personnes. Test des fonctions cognitives à 13/30,
donc très déficitaire et indice de maladie organique. Veut
retourner chez elle alors que le conjoint refuse le retour à
domicile, car n'arrive plus à gérer la situation».
[7] Le diagnostic et l'opinion de la docteure Sarah Landry sur la gravité de l'état mental,
ses conséquences probables et de la dangerosité de madame R... D... sont les suivants:
«Troubles cognitifs sévères vraisemblablement secondaires à
un processus démentiel à investiguer. Suivi conjoint par
équipe médicale et équipe de gériatrie. Trouble d'orientation,
mémoire et trouble du jugement secondaires l'amenant à
prendre des décisions à risque pour elle-même et autrui. Elle
nécessite une investigation et éventuellement une
réorientation d'hébergement. Trouble délirant sous-jacent
possible au long cours».
[8] Le 19 octobre 2008, le docteur Roger Turmel observe, lors de l'examen de madame
R... D..., que:
«En entrevue, collaboration fluctuante, parle que de son
passé. Nie toutes les informations rapportées pour se
contredit. Discours incohérent, fait parfois coq-à-l'âne.
Propos confabulatoires. Désorientée temps/lieu et
personne, accepte hospitalisation puis nous rapporte être
dans un foyer pour personnes âgées. Demande à quitter
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pour aller voir son mari de façon fluctuante. Jugement
altéré, non fiable, aucune autocritique».
[9] Le diagnostic et l'opinion du docteur Roger Turmel sur la gravité de l'état mental, ses
conséquences probables et de la dangerosité de madame R... D... sont les suivants:
«Démence probable en évolution avec délirium possiblement
surajouté chez patiente pouvant avoir personnalité paranoïde
ou trouble délirant du long cours. Actuellement, dangerosité
importante, car jugement altéré, désorientation et confusion
empêchant de s'occuper d'elle-même. Imprévisibilité et
fluctuation de son état et désorganisation importante».
2) La preuve testimoniale:
[10] À l'audience, le Tribunal entend le témoignage de la docteure Sarah Landry,
psychiatre. Le Tribunal entend également le témoignage de madame R... D....1
[11] La docteure Sarah Landry éclaire le Tribunal notamment sur le test des fonctions
cognitives qu'elle a fait passer à madame R... D.... Le résultat du test est de 13/30. La
docteure Sarah Landry témoigne qu'habituellement le résultat «normal» est de 30/30. Le
test est composé de questions simples. La docteure Sarah Landry donne des exemples de
ces questions. La docteure Sarah Landry conclut que:
madame R... D... est désorientée dans le temps, le lieu et les personnes;
le résultat du test est très déficitaire et constitue un indice de maladie
organique.
[12] La docteure Sarah Landry témoigne qu'il faut en trouver la cause. Elle ajoute qu'il
faut faire le tour des choses urgentes. Il faut circonscrire l'origine des troubles.
[13] La docteure Sarah Landry témoigne qu'elle a rencontré madame R... D...:
lundi le 20 octobre 2008: 35 à 40 minutes;
mardi le 21 octobre 2008: 20 minutes et
mercredi le 22 octobre 2008: 20 minutes.
[14] La docteure Sarah Landry témoigne que présentement madame R... D... est en phase
aiguë. Madame R... D... comble les vides de sa mémoire avec des éléments faux. Il s'agit
alors de confabulation.
1 Art. 780 C.p.c.; G.J. c. Directeur des services professionnels du Centre hospitalier Pierre-Le-Gardeur, C.A., 500-
09-017901-075, le 25 juillet 2007.
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[15] La docteure Sarah Landry témoigne que dans la période elle est en contact avec
madame R... D..., elle constate les troubles de mémoire de cette dernière et les problèmes
d'interprétation de la réalité. Elle ajoute que madame R... D....:
ne l'a pas reconnue;
ne sait pas qu'elle est à l'hôpital;
ne peut identifier des personnes ressources et
a des troubles de mémoire.
[16] La docteure Sarah Landry précise qu'elle a également considéré:
le dossier médical;
les propos qui lui ont été rapportés;
certaines décisions erronées de madame R... D...;
les propos menaçants exprimés par madame R... D... le 22 avril 2008;
l'information à l'effet que le conjoint de madame R... D... refuse qu'elle
retourne avec lui;
l'absence de personnes ressources dans la famille immédiate de madame
R... D...;
les facteurs de risque, soit le fait qu'une personne de la famille de madame
R... D... est suivie en gériatrie et
la rencontre multidisciplinaire avec d'autres professionnels de la santé.
[17] La docteure Sarah Landry considère qu'une investigation est nécessaire en
ergothérapie et en gériatrie. Elle précise que: «on s'en va en processus de curatelle et
d'ordonnance d'hébergement».
[18] Le Tribunal entend le témoignage de madame R... D.... Le témoignage de madame
R... D... éclaire le Tribunal sur plusieurs points reliés notamment:
aux problèmes de mémoire de madame R... D.... Une mémoire vulnérable à
court terme et à long terme et
au fait que madame R... D... est désorientée dans le temps, le lieu et les
personnes.
[19] Madame R... D... est âgée de 71 ans. Elle n'a pas d'antécédents psychiatriques. Elle
ne veut pas demeurer à l'hôpital. Elle a des revenus et gère elle-même ses revenus.
3) Analyse et conclusion:
[20] L'article 30 du Code civil du Québec prescrit que:
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«La garde en établissement à la suite d'une évaluation
psychiatrique ne peut être autorisée par le tribunal que si
les deux rapports d'examen psychiatrique concluent à la
nécessité de cette garde.
Même en ce cas, le tribunal ne peut autoriser la garde que
s'il a lui-même des motifs sérieux de croire que la
personne est dangereuse et que sa garde est nécessaire,
quelle que soit par ailleurs la preuve qui pourrait lui être
présentée et même en l'absence de toute contre-expertise».
[21] La Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour
elles-mêmes ou pour autrui, le Code civil du Québec et la Charte des droits et libertés de la
personne «témoignent de la ferme intention du législateur de ne pas subordonner la
liberté des citoyens à l'expression d'avis non détaillés ni motivés».2
[22] La Cour d'appel réitère dans l'arrêt A. c. Centre hospitalier de St.Mary que: «La mise
sous garde forcée, fut-elle simplement en établissement hospitalier, n'est en effet pas à
prendre à la légère. La liberté de la personne est une des valeurs fondamentales, et même
suprêmes, de notre ordre social et juridique, comme le rappellent d'ailleurs et la Charte
des droits et libertés de la personne et le Code civil du Québec. Si le législateur permet
parfois qu'il soit fait exception à ce principe de liberté, ce n’est jamais que pour des
raisons sérieuses et graves, raisons qui doivent être connues et qui doivent par conséquent
être exprimées d'une façon explicite, afin qu'elles puissent être contrôlées. De même, la
nature du danger que l'on redoute doit-elle être précisée et explicitée. Il doit également
s'agir d'un danger important ou d'un potentiel de danger élevé. Le danger ainsi
appréhendé n'a peut-être pas à être imminent (comme ce serait le cas lors d'une garde
préventive régie par l'article 7 de la Loi sur la protection des personnes dont l'état mental
présente un danger pour eux-mêmes ou pour autrui), mais il doit certainement être sinon
probable du moins clairement envisageable dans le présent ou dans un avenir
relativement rapproché, ce qui justifie une mise sous garde immédiate. Le tribunal qui
conclut à l'existence d'un tel danger doit s'en expliquer».3
[23] Dans le présent cas, les témoignages de la docteure Sarah Landry et le témoignage de
madame R... D... complètent les deux rapports d'examen psychiatrique.
2 N.B. c. Centre hospitalier affilié universitaire de Québec, C.A., 200-09-006105-073, le 10 octobre 2007.
3 C.A., 500-09-017517-079, le 12 mars 2007.
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