1 - LE DÉCLENCHEMENT DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE
1er septembre 1939 : l’Allemagne envahit la Pologne après avoir annexé les mois précé-
dents l’Autriche (Anschluss 12 mars 1938), la région des Sudètes (1er octobre 1938) puis la
Bohème Moravie (15 mars 1939).
3 septembre, onze heures : l’Angleterre déclare la guerre à l’Allemagne.
3 septembre, dix-sept heures : la France déclare la guerre à l’Allemagne.
Après des années d’atermoiement et de dérobades des démocraties occidentales face aux
revendications expansionnistes d’Adolf Hitler, la Seconde Guerre mondiale éclate le 3 septembre.
 EnDordogne,raressontlespersonnesquidisposentd’unposteradioTSFencettend’été
1939. Comme en 1914, c’est par le tocsin qui retentit dans les villages que les populations ap-
prennent la nouvelle de la mobilisation générale des réservistes aux armées.
La dégradation du climat politique international et les différentes crises qui secouent l’Eu-
rope depuis déjà plusieurs années ont préparé le terrain. Mais le choc n’en est pourtant pas moins
violent, suscitant un sentiment où se mêlent stupeur et résignation.
Marie Solange Bodet (née Raynaud), 21 ans, vit alors à Saint-Laurent-des-Hommes et s’ap-
prête à assurer son premier poste d’institutrice à Beaupouyet. Elle évoque « l’effondrement géné-
ral » qui s’empare des villageois : « J’en ai pleuré… Mon père avait fait la guerre de 14. Il en parlait
beaucoup... Ça devait être la “ der des ders ”
 JeanMarotin(1875-1947),venudelarégionparisiennerendrevisiteàsonlsRobert,qui
travailleàlagaredeMussidan,alaisséunrécitpoignantdudépartàlaguerredecesls,pères
ou frères : « Des femmes pleurent, certaines bruyamment. Plus tard, c’est un vieux paysan qui voit
partir son ls, lui aussi, et qui sanglote. Désormais, après chaque départ de train emmenant des
Mussidanais, des pères, des mères, des femmes, des enfants déleront sur l’avenue, accablés,
en larmes, le mouchoir sur les yeux ou sur la bouche. C’est le retour du cimetière après l’enterre-
ment. »
Tous ces hommes rejoignent leur centre mobilisateur, passent par l’instruction, puis sont
dirigés vers leur lieu d’affectation.
Alphonse Dureisseix, de Sourzac, est âgé de 20 ans lorsqu’il est envoyé à Bassens (Gi-
ronde). Il y découvre l’impréparation de l’armée française, car « certains réservistes n’ont ni fusil, ni
habillement. »
François Bouthier est âgé de 23 ans. Originaire de Saint-Michel-de-Double, il est affecté au
20eme Régiment de Dragons de Limoges comme mitrailleur. A peine achevé son temps de ser-
vice, il est affecté avec son unité à Sarreguemines, au-dessus de la ligne Maginot. C’est là, le long
de la frontière allemande, que s’est positionnée une grande partie de l’armée française qui s’attend
à une offensive des armées d’Hitler, elles-mêmes repliées derrière la ligne Siegfried. Mais, à l’ex-
ception de quelques escarmouches et coups de main, la ligne de front reste relativement calme
pendant neuf mois, du 3 septembre 1939 au 10 mai 1940. Durant cette longue période d’attente
surnommée la « drôle de guerre », les soldats sombrent dans la routine et l’ennui. Léon Bouillé,
affecté au Hochwald, l’ouvrage le plus important de la Ligne Maginot, décrit ainsi une journée type :
« Le matin, j’allais à la centrale électrique. Nous nettoyions les moteurs et les cuves à gaz-oil et
nous lavions le sol. L’après-midi, nous prenions des bains de soleil sur les casemates. »
La guerre psychologique constitue un élément majeur de la « drôle de guerre ». L’armée
allemande envoie sur les routes des unités de propagande qui diffusent avec leurs haut-parleurs
des messages « bienveillants » à l’attention des soldats français. Alphonse Dureisseix se souvient
de soldats ennemis postés près des lignes françaises et qui « parlaient en français dans des haut-
parleurs, saluaient et… souhaitaient la bienvenue… ».
 Cettedrôledeguerre,sanscombatsmajeurs,prendnle10mai1940.
La déclaration de guerre à Mussidan : témoignage de Jean Marotin (1875-1947)
Vendredi 1er septembre 1939 : « À table, 12h20 ou 12h30 TSF. Revue de presse. Deux phrases
du speaker annoncent la catastrophe : “ À l’heure où l’alternative était encore possible» ; et
«quelques heures après, l’Allemagne attaquait la Pologne ”. - un quart d’heure d’angoisse, mais,
déjà de certitude. 12h45 : informations. Ça y est, la mobilisation générale est décrétée. L’atroce ré-
alité nous bouleverse. Robert partira demain. Ce soir, courte promenade à nous deux avant d’aller
au lit. Pour ne pas dormir. Dès hier soir cinq femmes venant de Strasbourg avec quelques bagages
et leurs masques à gaz sont arrivées ici pour se réfugier chez des parents à Eglise-Neuve. L’une
d’elles a 80 ans. Elle aura vu 3 guerres. Française, puis Allemande en 1871 et de nouveau fran-
çaise en 1918. Deux ls tués dans l’armée allemande en 1914-18. Des petits-ls et gendres actuel-
lement dans l’armée française.
Samedi 2 septembre 1939 : J’ai accompagné au train de 8h30 mon pauvre Robert, déjà en uni-
forme. C’est le sergent Robert Marotin qui rejoint Périgueux. J’ai peine à maîtriser mon intense
émotion et je ne pense pas être parvenu à la lui cacher. De son côté, il fait bien ce qu’il peut,
mais je sais bien tout ce que dissimule son apparente résignation. Quand nous reverrons-nous ?
Nous reverrons-nous ? Dans quelles conditions ? Lui parti, j’écris en hâte à Maurice [le ls aîné
de Jean Marotin, alors instituteur en Bretagne]. Je lui dis le départ de notre cher Robert, mon
intention de monter aussi tôt que possible à Villeneuve le Roi et mon désir partagé par Robert,
d’aller au plus tôt à Lorient près de Josette. Assez tôt pour voir, en m’arrêtant au Mans, embras-
ser mon grand comme disait sa mère. À 10h je porte ma lettre au train. Nouveaux départs. Entre
11h et midi rangement de la chambre de Robert avec l’atroce impression de ranger les affaires
d’un mort. L’après-midi, face à l’hôtel de la gare, on creuse une longue tranchée que l’on masque
de toile et de feuillage, sans doute pour en justier l’appellation : des fusillés. W.C. militaires de
campagne. Je dépose à la mairie pour légalisation, la procuration que Robert m’a signée en vue
d’éventuels retraits de la Caisse d’Épargne. Des trains chargés de mobilisés commencent à pas-
ser dans les deux sens : Bordeaux et Périgueux. Tous s’arrêtent ici pour en prendre et en déposer
qui vont à Bergerac. Il y a aussi des requis pour la procédure de cette ville. Un certain nombre
vient demander à boire et à manger.
Dimanche 3 septembre : Le bruit court d’un tamponnement en gare des Aubrais. Il y aurait 60
morts. Ce chiffre sera ramené à 30 dans la journée. Un mobilisé aurait (été) ramassé à l’état de
cadavre. Sa femme et ses 4 enfants, partis avec lui pour se réfugier quelque part. TSF et journaux
restent muets à cet égard. 12h40 : la radio annonce la déclaration de guerre de l’Angleterre à 11h,
celle de la France pour 17h. Les trains des mobilisés et de requis continuent de s’arrêter et de
repartir un peu plus chargés. Les lignes de Ribérac et de Bergerac fonctionnent à nouveau, sup-
primées quelques mois, concurremment avec les autocars qui les avaient remplacées. Mais les
trains sont très espacés, les mobilisés et requis devant attendre ici de longues heures. Ce qui vaut
à l’hôtel Janet et à d’autres de nombreux clients. Le temps, très orageux depuis le matin, change
brusquement l’après-midi. Il pleut à verse et la température s’abaisse brusquement. Je dois chan-
ger de vêtement. J’apprends par la gare qu’il ne m’est pas possible d’espérer rentrer à Villeneuve
de sitôt. Les trains marchent avec lenteur (30 km/heure) et transportent avant tout des militaires.
Les journaux de Paris ne sont pas arrivés hier, samedi. Aujourd’hui, seuls sont parvenus le Petit
Parisien et peut-être le Matin. Ni l’Aurore, ni le Populaire. On s’attend à ce que Paris soit bombardé
dès cette nuit. »
Jean Baptiste Erasme Marotin
2 - D’ALSACE EN PÉRIGORD : L’ÉVACUATION
1er septembre 1939 : mobilisation générale, ordre d’évacuation des populations civiles alsa-
ciennes.
13 septembre 1939 : arrivée des premiers réfugiés alsaciens en gare de Mussidan.
Juin 1940 : défaite de la France, annexion de l’Alsace et de la Moselle par le Troisième
Reich.
Août-octobre 1940 : les réfugiés alsaciens retournent chez eux.
Le 1er septembre, l’état-major français active un plan d’évacuation des populations alsa-
ciennes et mosellanes, ainsi que de l’administration, vers l’intérieur du pays. Préparé de longue
date, ce plan vise à épargner les populations tout en facilitant le mouvement des troupes.
L’opération concerne 600 000 habitants dans le Haut-Rhin, le Bas-Rhin et la Moselle, avec
comme destination le sud-ouest de la France.
Le voyage en train dure une douzaine de jours. Il est éprouvant : manque de commodité et
d’hygiène,l’alimentationestinsufsante.
Choisi comme lieu d’accueil pour une partie des habitants du Bas-Rhin, dont les Strasbour-
geois, le département de la Dordogne n’est pas préparé à recevoir les Alsaciens. Devenue centre
de transit, la gare de Périgueux accueille jusqu’à 10 000 réfugiés par jour. En quelques jours, le
canton de Mussidan (8 017 habitants) compte 3 023 réfugiés au début de l’année 1940. En sep-
tembre 1939, Périgueux accueille quinze à vingt mille Alsaciens. En attendant l’attribution d’une
pièce dans un des logements réquisitionnés par les autorités, les réfugiés sont nombreux à dormir
dans le cinéma de Mussidan ou dans la salle de bal de Noëla Malard, à Beaupouyet. Les huit bara-
quementsconstruitspourpouvoiraccueillir200personnes,nesontpassufsants.
Logés dans des hameaux isolés, au cœur de la forêt de la Double, les nouveaux arrivants, souvent
des gens de la ville, doivent s’adapter à des conditions de la vie rurale dont ils ignorent tout. Mais
très vite, une école alsacienne est créée à Mussidan. Une mairie annexe de Strasbourg voit égale-
ment le jour.
Le barrage le plus important demeure celui de la langue. De nombreux Alsaciens (environ
44 %) ne parlent que le dialecte, proche de l’allemand. D’autres n’osent pas s’exprimer en fran-
çais, une langue qui n’est pas leur langue maternelle. Cela crée de l’incompréhension, voire de la
méance.Celapermetaussilesdécouvertes.Paulette,l’épousedeRaymondMalard,sesouvient
du sapin de Noël, alors inconnu en Dordogne, installé dans une maison de Saint-Laurent-des-
Hommes pour célébrer le Noël de l’année 1939.
Après l’annexion de l’Alsace et de la Moselle par le Troisième Reich, la plupart des réfugiés
décident de rentrer chez eux. D’autres choisissent de rester : les citoyens de confession juive,
mais aussi ceux qui n’admettent ni la défaite de la France ni l’annexion de l’Alsace. C’est le cas de
Charles Mangold, alias Vernois, et de Victor Nessmann, alias Noiret.CesguresdelaRésistance
en Dordogne furent victimes de la répression nazie en 1943 et 1944. D’autres intègrent le groupe
formé par Antoine Diener, alias Ancel, futur bataillon Strasbourg de la Brigade Indépendante Al-
sace-Lorraine qu’André Malraux eut l’honneur de commander.
Les dix mois de présence des Alsaciens en Dordogne ont durablement marqué les esprits
comme en témoignent les nombreux jumelages entre communes d’Alsace et de Dordogne.
Témoignage de Marcelle Sorbé, âgée de 17 ans en 1939
« Nous avons accueilli une famille, mais nous n’avions que deux chambres et une cuisine. Nous,
les enfants, nous couchions à côté de mes parents et eux dormaient dans ma chambre. C’était la
famille Schneider. Ils étaient formidables ! Cela s’est très bien passé. Quand nous nous sommes
revus, 50 ans après, nous sommes tombés dans les bras les uns des autres. »
Communes du canton
de Mussidan
Population daprès le recensement
de 1936
Nombres de réfugiés de Strasbourg
en janvier 1940
Beaupouyet 575 220
Bourgnac 311 149
Mussidan 2653 1199
Saint-Étienne-de-Puycorbier 179 271
Saint-Front-de-Pradoux 591 37
Saint-Laurent-des-Hommes 971 307
Saint-Louis-en-lIsle 194 74
Saint-Martin-lAstier 152 44
Saint-Médard-de-Mussidan 1004 348
Saint-Michel-de-Double 510 139
Sourzac 877 235
Total 8017 3023
3 - LA DÉFAITE ET L’OCCUPATION ALLEMANDE
10 mai 1940 : offensive allemande sur le front ouest (guerre-éclair ou Blitzkrieg).
16 juin : le Président du conseil Paul Reynaud démissionne. Il est remplacé par Philippe
Pétain.
18 juin : le général Charles de Gaulle prononce à la BBC son appel.
22 juin : capitulation de l’armée française.
22 juin : signature de l’Armistice.
27 juin : les premières troupes allemandes arrivent en Dordogne de Castillon, en Gironde, et
d’Angoulême en Charente.
10 juillet : le Parlement vote les pleins pouvoirs à Philippe Pétain, par 569 voix contre 80.
24 octobre : Philippe Pétain et Adolf Hitler se rencontrent à Montoire-sur-le-Loir (Loir-et-
Cher) et ofcialisent la Collaboration.
À l’aube du 10 mai 1940, l’armée allemande déclenche une offensive de grande ampleur
sur le front occidental en attaquant simultanément les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et la
France. La surprise est totale dans le camp des alliés. L’armée française s’effondre en quelques
semaines devant la supériorité stratégique et matérielle des troupes allemandes.
La débâcle est générale : « Un commandant est arrivé et nous a demandé de nous sauver.
Nous avons détruit notre matériel et nous sommes partis » raconte Robert Bordes, de Bourgnac.
Lui et son ami Clovis Longaud [ce dernier est fusillé le 11 juin 1944 à Mussidan] décident alors de
rejoindrelaDordogneàpieddansleotdesmilliersdecivilsenexodeetdemilitairesendéban-
dade. Tous deux parviennent à Périgueux où ils sont démobilisés. Entre le 17 et le 25 juin 1940, les
deux tiers des soldats français, soit près d’un million et demi d’hommes, sont faits prisonniers par
les armées allemandes. 100 000 autres sont tués dans les combats.
S’ajoutent les 6 à 10 millions de personnes qui fuient les bombardements de l’aviation alle-
mande et se dirigent vers le sud de la France.
Les premières troupes allemandes font leur apparition en Dordogne vers le 27 juin 1940,
cinq jours après la signature de l’armistice entre le IIIe Reich et les représentants du gouvernement
de Philippe Pétain. Elles arrivent de Castillon, en Gironde, et d’Angoulême, en Charente.
C’est de sa ferme des Tuilières, à Vanxains, que René Pazat aperçoit au début du mois de
juillet les premiers soldats allemands. Ils ont quitté Ribérac restée en zone libre. Les soldats oc-
cupent le bourg de Vanxains et réquisitionnent des logements.
A l’image du pays, le département de la Dordogne est divisé par la ligne de démarcation. Nouveau
chef de l’Etat, Philippe Pétain imprime sa marque. Son portrait est partout présent, dans les écoles
où les enfants entonnent « Maréchal nous voilà », dans les places de villages rebaptisées à son
nom.
La Collaboration entre le régime de Vichy et l’Allemagne nazie se met en place. En paral-
lèle, le 18 juin 1940, le général Charles de Gaulle, sous-Secrétaire d’État à la Défense du gou-
vernement de Paul Reynaud, prononce à Londres, où il s’est envolé la veille, un discours resté
célèbre sous le nom de l’Appel du 18 juin. Il invite ceux qui refusent la défaite à se joindre à lui.
L’appel est peu entendu en France et les effectifs des forces qui ont rallié l’Angleterre sont déri-
soires:àpeine7000hommesetfemmesàlandumoisdejuillet1940.C’estpourtantledébut
de la « France libre ».
Encadré : Les clauses de l’armistice signé le 25 juin 1940
l’occupation par l’armée allemande de la moitié du pays (dont sa côte atlantique),
la création d’une ligne de démarcation qui coupe le pays en deux (et le département de la Dor-
dogne),
le versement journalier d’une indemnité de 400 millions de francs pour subvenir à l’entretien
des troupes allemandes,
l’annexion, une nouvelle fois, de l’Alsace et de la Moselle au IIIe Reich,
le maintien en détention pour une durée indéterminée de plus d’un million et demi de soldats
prisonniers.
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