Comportement de la femelle de Lymantria dispar / Insectes n° 95

T outlépidoptéristesaitque
le
Bomb
yx disparate,
dont le mâle est brun et la
femelle plus grande et blanche,
est quasiment cosmopolite dans
COMPORTEMENT DE LA FEMELLE DE
Porthetria dispar
L.
(Lepidoptera, Lymantriidae)
par
Alphonse
Van
der
Sloot
l'hémisphère nord (du Japon à
l'Ouest de l'Europe ainsi qu'aux
Etats-Unis
il
a été introduit
volontairement) il est très
commun partout, au point de
devenir
nuisible
en
for
êts
caducifoliées, comme ce fut le
cas cette année en Allemagne.
Mais peu de naturalistes ont re-
marqué que la femelle ne vole
jamai
s,
restant en place dans l'at-
tente d'être fécondée par
un
des
nombreux mâles qui volent de
jour!
Pourtant, elle est pourvue
de belles et grandes ailes qui
..............................................
~
...................................
Œ
I
M
~
.
'
~ij
.
~
..
VU
NOTE D'ÉLEVAGE
devraient lui p
er
mettre
de
pren-
dre son envol après s'être allégée
en ayant
po
ndu une certaine
quantité d'œu
fs
.
Apr
ès la
mu
e
im
ag
inale
, la feme
lle
de
P.
disparpossède en
ef
fet un a
bd
o-
men si volumineux que son en-
vol serait
pot
entiellement im-
poss
ible
le
s p
re
mière
s
nuit
s
suivant
sa
naissance.
Au
co
ur
s de mes
prom
enades
quasi-quotidiennes,
j'
avais re-
marqué une très grande femelle
ce
mment
sortie, au voisinage
de
sa
chr
ysalide, sur un tronc
d'arbre. Intrigué de remarqu
er
qu'au bout de deux semaines,
cette femelle n'avait pas encore
quitté son support,
je
suis re-
passé par
la
m
ême
avenue tous
les j o
ur
s
de
la troisiè
me
s
em
aine.
Ce n'est qupartir de
la
qua-
trième semaine qu'elle avait dis-
pa
ru
, mais il se pouvait très bien
qu'elle
ne
se soit pas envolée
m
ais
qu'elle ait s
impl
ement
grimpé plus haut dans l'arbre,
je ne
pou
vais plus l'aperce-
voir.
De plus en plus intrig, jtais
bien résolu à tenter l'exrience
chez
mo
i. Le hasard me fut pro-
pice, car, en me promenant dans
la forêt toute proche, j'eus la
chance de trouver u
ne
autre fe-
melle, plus petite, sur un tronc
de hêtre. Placée dans une boîte
bien aérée, cette femelle a en-
core pondu quelques œufs, tout
en resta
nt
comptement
imm
o-
bile au même endroi
t.
Après
deux semaines pendant lesquel-
les
ma
femelle n'a pas boudu
coin de
la
bo
îte où elle était,
je
l'ai trouvée
mo
rte, gisant exac-
tement a
u-d
essous de l'endroit
où elle s'était trouvée
pend
ant
ces deux semaines !
Comme, pour bien l'observer,
j'avais placé cette enceinte dans
la pièce principale de
mon
ap-
parteme
nt
, je puis
aff
irmer que
je n'ai ni vu ni entendu cette
f
em
elle se déplacer ou voler dans
la boîte, ce qui atteste bien que
chez cette espèce, la femelle ne
vole pas, même par nuits chau-
des.
Il est à noter que les femelles de
beaucoup d'espèces de
Bomb
yx,
telles que Lasiocampa quercus
et Macrothylacia rubi, po
ur
ne
no
mmer
que celles-
, volent dès
la première nuit suivant le
ur
éclosion et leur fécondation (qui
est diurne puisque les mâles vo-
lent en plein jour), après avoir
é" allégées"
pa
r
la
pont
e d'une
gra
nd
e quantité d
uf
s, pondus
dès la fin de l'accouplemen
t.
Cette e
xpérie
n
ce
m'a
mène
à
émettre des doutes quant à
la
théor
ie
selon laquelle les femel-
les a
pt
ères co
mme
celles des
Orgya, n'ont plus
que
des moi-
gnons d'ailes parce qu'elles ne
s'en sont jamais servis
..
.
travers une extrémité du cocon.
Le
s œufs s
ont
n
éra
le
ment
pondus
da
ns le coc
on
me.
Le
s jeunes chenilles se disper-
se
nt alentour d'une façon bien
originale : pourvues de longs
poils, elles sont emportées par
le vent, à l'instar des graines
de
pi
sse
nlit
(
di
ssé
mination
anémophile) !
après l'hi
ve
r, en février-mar
s,
sont apres,
et
cela, dans un
but
bien précis.
En
eff
et
, les femel-
les aptères sont b
ea
ucoup moins
visibles et écha
pp
ent ainsi plus
facil
eme
nt aux
pré
date
ur
s.
Elles pondent le
ur
s œu
fs
dans
les i
nt
erstices des écorces des
arbre
s,
et ainsi, au
pr
o
chain
printemps, les oiseaux migra-
teu
rs dis
po
s
ent
d'
un
e be
ll
e
ab
on
dan
ce
de chenilles
pour
nourrir leurs petits !
Che
z Orgya ericea G
er
mar
(1818), la femelle ne so
rt
même
pas de son cocon (c'est aussi le
cas des femelles de Psychidés).
Elle est fécondée
par
le
le à
Enfin,
il
fa
ut
remarqu
er
que tou-
tes les femelles des Géométrides
qui apparaiss
ent
de
nov
em
bre à
jan
vier, les Erannis HB, appe-
lées aussi Hibernia, telles que
E. defoliaria Cl.
E.
bajaria
Schiff., et quantité d'autres es-
pèce
s,
mê
me
celles qui sortent
Alphonse Van der Sloot
27, rue des Funkias
B - 1170 Bruxelles
NO
TE D E L A R ÉDACTION
Nous
sommes
d'acco
rd
sur
le
fa
it
que
les
femelles
de
Porthetria
dispam'utilisentpas
leurs
ailes
pour
voler
,
ni
pour
aider
leur
marche
,
ni
pour
leur
servir
de
parachute.
Vous
avez
tous
certa
i
nement
remarqué
,
que
la
ponte
chez
cette
espèce
s'effectue
en
une
seule
fois,
sous
la
forme
d'une
petite
"
éponge"
allongée
,
soigneusement
élaborée
par
le
tra-
vai
l
de
l'
abdomen
e
t-
de
l'ovipositeur
de
la
femelle.
Les
œufs
sont
recouverts
et
envelop-
pés des
poils
écailleux
qui
peu
à
peu
se
déta-
chent
de
l'abdomen
de
la
femelle.
Si
ce
travail
fastidieux
de
contorsions
n'éta
it
pas
effectué
à l
'abri
des
grandes
ailes
bien
pla-
quées
sur
l'abdomen
,
les
prédateurs
auraient
tôt
fait
de
repérer
la
pondeuse
et
de
l'
inscrire
à
leur
menu.
La
stratégie
de
reproduction
de
l'espèce
con-
siste
en
une
ponte
massive,
unique
et
structu-
r
ée
,
protégée
lors
de
sa
conception
et
même
pl
us
tard
,
par
la
femelle
qui
meurt
le pl
us
souvent
sur
place,
dès
l'ouv
r
age
terminé
.
La
dissémination
de
l'espèce
ne
s'effectue
donc
pas
par
la
mobi
l
ité
de
la
femelle
,
mais
plus
précisément
au
niveaudeschenillesde
premier
stade
,
qui
,
dès
leur
éclosion
,
possèdent
un
phototropisme
posit
if
très
net
qui
les
conduitsur
les
plus
hautes
branches
desquelles
elles
se
laissent
emporter
pa
r
le
vent
au
bout
d'un
fil
de
soie
pou
r
effectuer
une
dispersion
anémophile.
Cet
exemple
révèle
une
fo
is
de
plus
qu'
il
faut
se
méfier
des
in
t
erprétations
fina
l
istes
;
une
adaptation
n'est
pas
fa
i
te
pour
une
finalité
précise
,
mais
estfavorisée
par
une
pression
de
sélection.
Ainsi
,
les
femelles
des
papillons
hivemaux
dont
par
le l'
auteur
sont
aptères
parce
que
les
con
-
1 .
t,r<:>;r,tQC>
du
milieu
ont
opéré
une
sélection
dans
ce
sens.
La
présence d'ailes favorise
la
dispe
r
sion
de
l'espèce
par
les
femelles
,
mais
pour
le
cas
des
imagos
hivernaux
,
cette
straté-
gie
est
moins
efficace
que
celle
de
l'aptérisme
qui
permet
une
plus
grande
résistance
au
froid
et
au
vent
,
un
i
nvest
i
ssement
des
ti
ssus
de
la
femelle
orien
dans
le
sens
de
la
prod
u
ction
d'œufs
nomb
r
eux
ou
plus
riches,
une
moindre
visibi
l
ité
aux
prédateurs
..
.
Je
prends
aussi
à
témoin
les
femelles
de
Lasiocampa
quercus
et
de
Macrothylacia
rubi
,
dont
l'accouplement
diume
(les
mâles
sont
diurnes),
s'achève
à
la
tombée
du
soir
et
leur
permet
de
prendre
leur
vol
noctume
quelque
soit
leur
contenu
abdominal.
Elles
"volètent"
pl
us
ou
moins
lourdement
à
hauteur
des
calan-
dres
de
voitures,
allant
chacune
di
sséminer
leurs
gros
œufs
('"
150
œufs
de
1
mm
de
diamètre)
selon
des
stratégies
bien
différentes
.'
En
effet,
M.
rubidéposera
plus
i
eurs
manchons
d'une
trentaine
d'œufs
groupés
sur
des
brin-
dilles
etdes
plantes
basses
,
alors
que
L.
quercus
,
dont
lamobilitéestsystématique, égrainerases
œufs
en
vol,
qui
vont
ai
nsi,
i
solément,
éclore
au
milieu
de
ronciers
et
autres
bosquets
à
végéta-
tion
arbustive
.
En
aucun
cas
pour
ces
deux
espèces
,
la
ponte
préalable
de
quelques
œufs
ne
paraît
i
ndispensab
le
au
premier
vol.
Je
finirais
avec
l'exemple
de
Bombyx
moriqui a
été
domestiqué
il
y a
près
de
4000
ans
et
dont
les
accouplements
en
él
evage
sont
favorisés
au
fil
de
plusieurs
générations
annuelles
par
la
proxim
i
des
deux
sexes
.
Si
l'on
raisonnait
en
final
i
ste,
on
pourrait
s'atten-
dre
à
ce.
que
l
'espèce
soit
aptère.
En
effet,
les
pap
i
llons
ne
volent
pas
et
n'ont
pas
besoin
de
voler
.
Or
ce
n'est
pas
le
cas
;
les
imagos
ont
bel
et
bien
des
ailes
,
don
t
la
présence
ne
les
a
pas
défavorisés
en
élevage.
Le
r
aisonnement
évolutionniste
consiste
à
dire
que
depuis
4000
ans
,
aucune
pression
de
sélection
directionnelle
ne
s'est
opérée
dans
le
sensde
l'aptérisme
,
puisque
l'élevage
n'expose
pas
les
insectes
à
des
contraintes
allant
dans
ce
sens.
Attention donc! Observons toujours avec
la
pl
us
grande précisi
on
et méfions-nous
bien
de
la
façon dont
on
interprète
ce
que
l'
on
croit voi
r!
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