Monnaie hélicoptère
titres achetés et impliquerait de laisser inchangé
le portefeuille d’emprunts d’État, la taille du bilan
de la banque centrale rapporté au PIB serait
temporairement gonée. Cependant, après un
certain temps, la taille du bilan se normaliserait
sous l’effet de la croissance économique nominale.
Dans un tel scénario, la banque centrale serait
parvenue à réduire les rendements offerts sur les
marchés et aurait permis au gouvernement de se
nancer.
Concernant la deuxième option mentionnée
ci-dessus, le fait de transformer les emprunts d’État
en des obligations « perpétuelles » (c’est-à-dire
avec une échéance illimitée) et d’accompagner
si nécessaire cette mesure par une réduction ou
une suspension des paiements de coupons de la
part du gouvernement reviendrait à effectuer une
provision pour perte sur le plan comptable. Cela
se traduirait par des pertes, voire une situation
de capital négatif. Or, dans la mesure où une
banque centrale n’est pas assimilée à une banque
commerciale classique, elle n’est pas tenue de
valoriser ses actifs au prix du marché. Les actifs,
même en cas de variation majeure de leur valeur,
resteraient alors inchangés sur le bilan.
La dernière possibilité (option n°3) implique
la liquidation des emprunts d’État. Lorsqu’une
banque centrale détient de la dette émise par
le gouvernement de son pays, cela revient en
pratique (selon Adair Turner5) pour l’État à détenir
des créances contre lui-même. Par conséquent,
la Banque des règlements internationaux (BRI)
considère le bilan de la banque centrale et celui
de l’État comme une seule et même entité. De
ce point de vue, les emprunts d’État détenus
par la banque centrale ne seraient rien d’autre
que des actifs inscrits au passif du budget du
gouvernement.
En compensant ces deux entrées, il résulterait une
diminution du total du bilan6.
Vu sous cet angle, il semble par conséquent peu
pertinent pour le gouvernement d’assurer le
service de sa propre dette (c’est-à-dire de payer
ou non les coupons dus à la banque centrale). Les
paiements de coupons s’accumulent par voie de
seigneuriage et sont ensuite reversés aux autorités
scales, alors même que ces dernières sont à
l’origine du paiement initial à la banque centrale.
Cela revient donc à un jeu à somme nulle.
Cependant, du point de vue de la banque centrale,
cette dernière serait contrainte de comptabiliser
une perte qui, en fonction de son ampleur,
risquerait de donner lieu à une situation de capital
négatif. Or, il existe des précédents historiques.
Dans le passé, plusieurs banques centrales se
sont trouvées en situation de capital négatif sur
plusieurs années, ou ont tout du moins enregistré
des pertes du fait de cette situation, sans pour
autant remettre en cause leur viabilité. Cela a
notamment été le cas dans le monde émergent,
où les banques centrales ont dû ponctuellement
recourir à des provisions pour pertes de change.
Par exemple, la banque centrale du Chili a essuyé
des pertes pendant 20 ans, jusqu’à l’épuisement
complet de son capital7. La Banque nationale suisse
(« BNS ») a dû subir d’importantes pertes en 2015
sur ses réserves de change suite à la libéralisation
du franc suisse, et a ainsi conrmé la possibilité
pour une banque centrale de se trouver en
situation de capital négatif. Selon la BNS, il n’existe
aucune « obligation juridique de procéder à la
liquidation » de la banque8.
Alan Greenspan, le précédent président de la
Réserve fédérale américaine, a également rappelé
qu’une banque centrale, même en situation de
capital négatif, avait la faculté de créer une quantité
illimitée de sa propre monnaie. Cette position a été
conrmée par son successeur Ben Bernanke9 :
« En synthèse, sur le plan
économique, on pourrait avancer
qu’au regard de la dénition de
la politique monétaire, le bilan de
la banque centrale revêt tout au
mieux une pertinence limitée. » 10
– Ben Bernanke
5 Adair Turner « Rethinking
The Monetization Taboo
» (Revisiter le tabou de la
monétisation), mars 2013
sur « project syndicate »”
6 Cf.: Documents de travail
de la BRI N° 161; « The
Monetisation of Japan’s
Government Debt »
(La monétisation de la
dette publique du Japon) ;
septembre 2004.
7 Cf. Joh Dalton, Claudia
Dziobek ; « Central Bank
Losses and Experiences
in Selected Countries »
(Expériences menées
et pertes subies par les
banques centrales dans
une sélection de pays) ;
Document de travail du FMI
05/72 ; avril 2005.
8 Cf. Frankfurter Allgemeine
Zeitung du 2 mai 2015 ;
« Schweizer Notenbank
macht Milliardenverlust »,
N° 101 p.29
9 Cf. Stella, Peter et Lonnberg,
Ake ; « Issues in Central Bank
Finance and Independence
» (Problématiques liées aux
nances et à l’indépendance
des banques centrales) ;
Document de travail
du FMI 08/37 ; 2008
et Ben Bernanke ;
« Some Thoughts on
Monetary Policy in Japan »
(Réexions sur la politique
monétaire du Japon) ; The
Federal Reserve Board ; mai
2003
10 Cf. Ben Bernanke ;
« Some Thoughts on
Monetary Policy in Japan »
(Réexions sur la politique
monétaire du Japon) ; The
Federal Reserve Board ;
mai 2003