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n’est pas nécessairement opérante dans son état courant (Weitzman,
134 et 140-141 ; Dupuy, 92-93), et où le déterminisme ne peut
constituer un positionnement épistémologique satisfaisant (Touffut,
18), dans la mesure où l’univers d’incertitudes dans lequel évolue
l’objet climatique conduit à des indéterminations structurelles de
long terme.
Plusieurs contributeurs soulignent la mutation en cours du
paradigme néoclassique face aux exigences des enjeux climatiques.
Pour Godard (58n), cette mutation est en grande partie inconsciente,
tandis que pour Armatte (125), elle reste trop partielle en se
limitant à la seule économie du climat (Armatte, 125). Pour
apercevoir un véritable «changement d’économie »au sens large,
de nouvelles approches mériteraient d’être mobilisées face aux
défis environnementaux. Godard en identifie trois : 1) l’approche
néoclassique habituelle, qui se concentre sur l’allocation des biens
environnementaux, 2) l’économie écologique (ecological economics), qui
conçoit le système économique comme un système écologique à part
entière, et 3) l’approche socio-économique, qui étudie les institutions
à l’interface entre l’homme et la nature (Godard, 29). L’approche néo-
classique est handicapée par son «réductionnisme autoréférentiel »
(Godard, 44), c’est-à-dire anthropocentré (évaluation des risques
strictement du point de vue de l’espèce humaine, c’est-à-dire en
termes de gains et de pertes d’utilité). L’économie écologique
n’échappe pas non plus au réductionnisme, «hétéroréférentiel »
cette fois (Godard, 44), c’est-à-dire écocentré (évaluation des risques
du point de vue de toutes les espèces, sans hiérarchie entre elles).
Si l’approche socio-économique obtient les faveurs de Godard –
seul contributeur à interroger les alternatives au paradigme
néoclassique –, ce dernier plaide avant tout pour un pluralisme
méthodologique qui consisterait à étudier l’objet climatique selon
l’approche la plus adaptée à certains enjeux particuliers (allocation de
ressources rares, biodiversité, adaptation au changement climatique
d’une population, etc.) (Godard, 46-47). Les autres contributions
s’inscrivent davantage dans des logiques de réforme interne ; elles
forment un ensemble de propositions suffisamment convaincantes
pour rendre crédible la piste d’une réforme substantielle des
méthodes et des pratiques de l’économie du climat.
Sur le plan analytique, les usages des probabilités et du taux
d’actualisation sont mis en question. L’objet climatique possède
des caractéristiques structurelles (incertitude et irréversibilité) qui
invitent les économistes à ajuster leurs pratiques de recherche.
L’incertitude porte d’abord sur l’estimation des changements de
température à venir (de +1,5◦C à +4,5◦C en cas de doublement
de la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère).
Cette incertitude a d’ailleurs tendance à croître au fil des ans, à
mesure que l’on découvre la complexité immense de la machine
Œconomia – Histoire | Épistémologie | Philosophie, 1(4) : 613-629