14 Travail & Sécurité – Novembre 2010
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Conception des lieux et situations de travail
La prévention prote
de lanticipation
Dossier réalisé par Jean-Paul Richez avec Christine Larcher,
Céline Ravallec et Delphine Vaudoux
Investir aujourd’hui pour travailler
demain de façon plus sûre et plus
saine. Tel est l’enjeu des démarches
de conception des lieux
et des situations de travail visant
à mieux prendre en compte leur
usage futur par les salariés. L’histoire
économique montre que les périodes
de crise favorisent les mutations.
Afin d’anticiper le redéploiement
des activités et les risques qu'il peut
générer, les concepteurs, les chefs
d’entreprise et les acteurs
de la prévention se dotent
de nouveaux atouts pour mieux
maîtriser les risques professionnels
dès le stade des premières réflexions.
Partant de l’expérience accumulée
depuis près de vingt ans, il s’agit
de changer d’échelle afin que
la dimension sociale des projets
soit mieux prise en compte.
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Tour d’horizon
La conception, une marche à ne pas rater
sur la conception des lieux et
situations de travail sûrs et
sains est globale, ces diffé-
rents domaines font actuelle-
ment l’objet d’une déclinaison
spécifique.
Dans la vie d’une entreprise,
la création ou la transforma-
tion de lieux dédiés à l’acti-
vité est un instant privilégié
pour agir sur les différentes
sources de risques profession-
nels. C’est une période propice
pour améliorer les procédés,
les équipements et l’organi-
Malgré le ralentis-
sement écono-
mique à la
crise, le paysage des activités
économiques continue à se
redéployer. Des entrepôts ou
des plates-formes logistiques
poussent dans les champs
en périphérie des villes, près
des échangeurs d’autoroutes
ou des voies rapides. En zone
urbaine, des parcs d’acti vités
tertiaires se déploient sur
des friches industrielles. Plus
à l’écart, de nouveaux éta-
En raison de
sa dimension
pluridisciplinaire, la
conception de lieux et
situations de travail
sûrs et sains constitue
un pivot des actions
de prévention. Avec
la mise en place, en
2008, d’un groupe
expert « conception
des lieux et situations
de travail » (CLST),
l’Assurance maladie-
Risques professionnels
a décidé d’en pérenniser
les acquis au niveau
national. Lenjeu
consiste à anticiper les
risques afin de mieux
les maîtriser en amont.
blissements dédiés aux soins
d’accompagnement ou de a-
daptation ainsi qu’à l’accueil
des personnes âgées choisis-
sent des environnements
règne la tranquillité… Qu’il
s’agisse de répondre aux évo-
lutions de l’organisation éco-
nomique ou à une demande
sociale croissante, ou encore
de faire face à de nouvelles
contraintes environnemen-
tales, ces domaines d’activité
comptent parmi ceux qui se
développent. Si la flexion
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Tour d’horizon
La conception, une marche à ne pas rater
En Bretagne,
l’avenir se fait
aujourd’hui
Dans la perspective de
mieux accompagner
les décideurs et maîtres
d’ouvrage engagés dans
un projet de construction
ou de transformation d’un
lieu de travail, la Carsat
Bretagne a développé, à la
fin des années 1980, son
offre de conseils en matière
de prévention des risques
professionnels. « Nous
avons accompli ce virage
en étoffant nos moyens
techniques et notamment
ceux de notre centre de
mesures physiques (Centre
interrégional de mesures
physiques de l’Ouest)
ainsi quen renfoant
l’expertise, en matière de
conception, des ingénieurs-
conseils et contrôleurs de
curité, commente Thierry
Balannec, l’ingénieur-
conseil régional. Le prix
Acanthe, qui récompense,
depuis 1992, un projet de
construction neuve intégrant
la prévention des risques
professionnels dans la qualité
des lieux de travail, nous a
permis de promouvoir cette
marche en nous appuyant
sur des relais : mtres
d’œuvre, organisations
professionnelles, chambres
consulaires, collectivis
territoriales. » Deux
cennies aps le lancement
du prix, et malgré une
conjoncture économique
favorable, la caisse
régionale voilera
à la fin de l’année les lauréats
de son 5e prix.
sation du travail. A contrario,
l’erreur de conception peut
occasionner des surcoûts
dus aux pertes de produc-
tion, de qualité, à la détério-
ration de l’image de marque,
et ses conséquences sur la
santé des salariés ou le climat
social sont toujours néfastes.
Laction nationale mise en
place au but des années
1990 par l’Assurance maladie-
Risques professionnels part
de ce constat. La campagne
engagée à cette époque à l’in-
tention des différents acteurs
concernés par la réalisation
de bâtiments industriels a fait
naître de nombreuses initia-
tives régionales (1).
Dynamique
de projet
« Le bilan annuel dressé par
les caisses régionales illustre
les points faibles des projets
conduits classiquement par les
maîtres d’ouvrage, présente
Michel Charvolin, ingénieur-
conseil à la Carsat Normandie,
copilote du groupe expert
conception des lieux et
situations de travail” (CLST).
Principal constat, ceux-ci ne
traitent généralement pas des
questions de ventilation. La
plupart ne prennent pas non
plus suffisamment en compte
la circulation des personnes
et des engins. Le constat est
plus favorable pour l’acous-
tique et l’éclairage, même si
un projet sur trois n’est pas
satisfaisant si l’on examine
ces deux critères ensemble. »
« Promouvoir des lieux et
situations de travail plus sûrs
est au cœur de notre métier »,
souligne Dominique Saïtta,
ingénieur-conseil régional à
la Carsat Aquitaine. Un travail
de fond engagé depuis deux
décennies puisque l’obligation
d’intégrer la prévention dès la
conception, fixée par la loi du
6 décembre 1976, a pris une
nouvelle dimension en 1989
avec l’adoption de la directive
cadre européenne 89-391.
En définissant des principes
généraux de prévention, sa
transposition en France dans
le Code du travail (2) en fait
une priori: l’employeur doit
prévenir tout risque lié à une
nouvelle situation de travail.
Les retombées de l’action
nationale engagée en pre-
nant appui sur ces évolutions
réglementaires ont permis
d’accumuler une expérience
conséquente : sur le plan tech-
nique sur celui de la formation
initiale et continue, ainsi qu’en
La création ou la transformation
des lieux de travail constitue
un moment propice pour prendre
en compte l'activité réelle et agir
sur la prévention des risques
professionnels.
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Forts de l’expérience acquise
pour intégrer la prévention
des risques professionnels
lors de la conception
ou la rénovation des lieux
et situations de travail,
l’Assurance maladie-Risques
professionnels et l’INRS
souhaitent aller au-delà.
Les pistes étudiées visent
à donner un nouvel élan
à une action au long cours.
De nouveaux outils sont
envisagés pour permettre
une meilleure reconnaissance
des efforts réalisés
lors de la mise en œuvre
d’un projet.
La démarche de « Conception des
lieux et situations de travail » (CLST)
et l’action quotidienne de préven-
tion des risques professionnels au sein
des entreprises se conjuguent. « Malgré
les progrès réalisés en matière de préven-
tion des risques professionnels, celle-ci
relève encore trop souvent de l’action cor-
rectrice, souligne Yvon Créau, ingénieur-
conseil responsable du département de
la prévention des risques professionnels
à la CNAMTS. Lors d’un projet, léquipe
de conception et le bureau d’études s’at-
tachent d’abord à l’aspect matériel en se
souciant principalement du fruit de lacti-
vité et, d’une façon annexe, des person-
nes en charge de la conduire. »
L’image des abattoirs de Chicago est res-
tée célèbre : on sait transformer un bœuf
en « corned beef » d’une façon automa-
tisée. Or, même dans ce cas de figure,
l’homme est indispensable. « Il faut
prendre en compte tous ceux qui vont
concourir à la bonne marche d’un établis-
sement, quelle que soit leur activité, expli-
que l’ingénieur-conseil. Cest vrai dans le
secteur industriel comme dans le domaine
commercial ou des services. » Dans une
banque, par exemple, la relation client-
salarié dépend aussi de l’aménagement
de l’espace clientèle et de la gestion de
la file d’attente. Correctement appré-
hendés, ces deux facteurs contribuent à
réduire le stress et à limiter l’agressivi
au guichet comme dans le bureau du
chargé de clientèle.
Trois secteurs tests
La démarche CLST engagée au niveau
national par l’Assurance maladie-Risques
professionnels et l’INRS vise à inciter les
maîtres d’ouvrage à s’engager dans des
actions volontaires de prévention des
risques professionnels et d’améliora-
tion des conditions de travail, le plus en
amont d’un projet. Pour donner plus de
visibilité aux démarches CLST engagées
par les maîtres d’ouvrage, le seau pré-
vention propose de valoriser les efforts
accomplis aux différents stades du projet
en certifiant la démarche CLST. Pour en
étudier la faisabilité, l’INRS a lancé une
enquête dont les premiers résultats vien-
nent de paraître (cf. encadré).
« Quelles qu’en soient les modalités
(label ou certification), il faut qu’il y ait
une véritable reconnaissance de la prise
en compte de la sanet curité au tra-
vail avec un mode d’affichage traduisant
mieux la finalité de cette action de pré-
vention », relève Yvon Créau. C’est l’in-
térêt de l’outil actuellement en cours de
finalisation, qui permettra d'attester que
le projet et sa réalisation ont bien mis la
question de l’homme au travail au centre
des préoccupations. Citons, par exemple,
tout ce qui contribue à une élaboration
participative durant le processus qui va
de l’intention initiale jusqu’à la mise en
service : embauche anticipée de collabo-
rateurs, préparation en amont du projet,
prise en compte de l’activité réelle des
personnes et de lusage, comptes-rendus
des réunions de travail. « Pour enrichir cet
outil, nous nous fondons sur les démar-
ches CLST réussies et notamment celles
qui se développent dans les secteurs les
plus actifs », précise Yvon Créau. Dans un
premier temps, il sera ainsi proposé d’ex-
périmenter cette démarche dans trois
domaines d’activité tests : assainisse-
ment et traitement des eaux, logistique
et distribution, secteur de l’accueil des
personnes handicapées et dépendantes
(cf. page 20).
J.-P. R.
Une attente
elle
L’enquête menée par Afnor-
Certification auprès d’un panel de
18 000 personnes montre qu’il existe
une demande des entreprises déjà
engagées dans des actions de gestion
de la qualité. La grande majorité
des répondants estime qu’il existe
un retour sur investissement lié
à la prise en compte de la santé
et sécurité du travail dans les projets
de conception des lieux et situations
de travail. Deux tiers d’entre eux
déclarent mettre ou compter mettre
des moyens dans celle-ci. Plus
de la moitié juge plutôt intéressant
le fait de disposer d’une
reconnaissance du type certification
CLST. Enfin, un quart se déclare prêt
à s’engager dans une démarche
de cette nature.
Du plan, à l’usage
Mettre l’homme au centre
des préoccupations
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