Kapitalis, le portail d`informations sur la Tunisie et le Maghreb Arabe

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Publié le mardi 12 juin 2012 08:44
Jusqu’où iront les islamistes dans l’ouverture et les compromis sans
perdre pied dans la modernité déjà en branle ni se compromettre par
rapport à leurs idées originelles?
Par Karim Ben Slimane*
'‘Allah n’y est pour rien’’ est le titre d’un récent livre publié par
le démographe Emmanuel Todd. Le livre est une transcription de
l’émission Arrêt sur Images à laquelle le démographe a été invité pour
parler du printemps arabe.
Emmanuel Todd est démographe, anthropologue et historien. Il s’est
rendu célèbre par des prophéties qui lui ont donné raison contre la
pensée dominante. Ainsi, il a prédit dès les années 70 la chute de
l’empire soviétique et en 2007 dans son livre ‘‘Le rendez-vous des
civilisations’’ co-écrit avec Youssef Courbage1, il a prédit
l’implosion politique imminente des sociétés arabes et musulmanes.
L’Histoire lui a encore donné raison.
Ce qui est intéressant chez Todd c’est l’originalité de la boîte à
outils avec laquelle il analyse l’évolution de l’histoire des
sociétés. Ses arguments tiennent essentiellement dans les dynamiques
démographiques des sociétés. La lecture du livre ‘‘Le rendez-vous des
civilisations’’ a été pour moi un exercice très rafraichissant pour
deux raisons.
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Emmanuel Todd.
Premièrement, le livre prend à contre-courant la pensée dominante sur
le choc des civilisations que Samuel Huntington a développé. Quand le
rendez-vous remplace le choc des civilisations, l’islam n’est plus
considéré comme une menace pour les autres civilisations, au contraire
il doit être considéré comme légitimement convergent avec celles-ci.
Deuxièmement, Emmanuel Todd et Youssef Courbage semblent affirmer que
l’islamisme dans sa forme actuelle n’est qu’une étape transitoire dans
une évolution déjà en branle vers une modernité plus séculière et
désenchantée. Les deux thèses sont à la fois originales et
intéressantes et méritent donc qu’on s’y penche d’une manière plus
approfondie.
Le rendez-vous versus le choc des civilisations
La chute du mur de Berlin et le déclin de l’empire soviétique ont été
un événement majeur de la fin du vingtième siècle. La fin du monde
bipolaire où s’affrontaient le monde libre d’un côté et le communisme
de l’autre a accouché d’une nouvelle ère où c’est la multipolarité
plus que la bipolarité qui régit la lutte entre les peuples.
Samuel Huntington s’est rendu célèbre grâce à sa thèse de la montée de
nouvelles civilisations portées par des dynamiques démographiques,
économiques et confessionnelles qui allaient faire éclore le monde
multipolaire. Il a aussi et surtout pointé l’islam comme l’une des
civilisations montantes la plus menaçante pour l’occident. Le péril
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vert, la montée de l’islam en Occident, incarnerait des valeurs à
l’antipode de celles du monde occidental libre et porterait les germes
d’une violence sans limites selon Huntington.
Cette thèse sur le clash des civilisations, qui a permis à l’Occident
de se trouver un nouvel ennemi après la disparition du soviétisme, a
servi à désigner l’islam comme le nouvel axe du mal et à légitimer la
croisade américaine qui a ravagé l’Afghanistan et l’Irak.
Oeuvre de Néjib Belkhodja: ''Ken 2''.
Croire à la théorie du choc, revient à essentialiser les civilisations
et à leur assigner des caractéristiques indélébiles et indépassables.
Considéré comme foncièrement violent et confiscatoire des libertés
individuelles, l’islam a donc été considéré comme la source qui
irrigue les thèses terroristes les plus macabres. Il a donc été
l’ennemi public désigné à la fois par les Occidentaux de l’extérieur
mais aussi par les occidentalisés de l’intérieur que sont les élites
laïcardes.
La théorie des chocs des civilisations n’est toutefois pas originale.
Les orientalistes avaient aussi le sentiment que l’islam était quelque
part une religion rétrograde et anachronique incapable d’enfanter un
quelconque progrès civilisationnel. L’orientalisme incarne ce regard
romantique d’un Occident fort et arrogant jeté sur un Orient à la fois
primitif et mystérieux.
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Depuis quelques décennies on assiste à un renversement de la vapeur,
l’Occident est moins fort et l’islam, de moins en moins primitif,
s’est instruit profitant de dynamiques démographique et économique
nouvelles. Proximité géographique, immigration, enjeux stratégiques et
histoire coloniale auxquels s’ajoutent l’anxiété d’un Occident
affaibli et la fougue d’un islam revanchard constituent la caisse de
résonnance de la théorie des chocs des civilisations.
A contre-courant de la pensée dominante chez les Occidentaux de
l’extérieur mais aussi les occidentalisés de l’intérieur,
rappelons-nous de ce que disait Taha Hussein, repris par Abdelwaheb
Meddeb: être moderne c’est être occidental, une thèse iconoclaste
s’est invitée au débat amenant une autre vision, celle du rendez-vous
des civilisations. Cette théorie repose sur une boîte à outils issue
de la démographie qui rejette toute forme d’essentialisme et de
déterminisme culturel et historique des civilisations.
La modernité chez les démographes s’explique par des structures
familiales, des stratégies matrimoniales, des taux d’alphabétisation
et des taux de fécondité. En gros, ce que nous apprennent Courbage et
Todd dans leur livre ‘‘Le rendez-vous des civilisations’’ est que,
contrairement à ce qu’entretient la thèse des chocs des civilisations,
le monde musulman et le monde arabe sont traversés par des dynamiques
démographiques qui les placent déjà dans l’antichambre de la
modernité. La transition vers la modernité commence par une
instabilité idéologique et politique qui met fin aux dictatures. Les
conclusions des deux démographes faites en 2007 se confirment
aujourd’hui.
Parmi les principaux mécanismes démographiques qui préludent de la
modernité dans les sociétés arabes et musulmanes, on trouve un taux
d’alphabétisation dépassant les 50% chez femmes (atteint en 1975 en
Tunisie) et des hommes (atteint en 1960), une fécondité en baisse (en
1965 la fécondité a commencé à baisser en Tunisie, elle est de 2,02
enfants par femmes en 2002 et de moins de 2 actuellement) et un taux
de mariage endogame (entre cousins) en baisse.
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Burj Dubai : la modernité délirante de l'architecture islamique.
Ces mécanismes démographiques sont annonciateurs de l’avènement de la
modernité et son corolaire le désenchantement du monde musulman. Ainsi
les sociétés musulmanes et arabes convergent vers les mêmes valeurs et
idéaux que l’ensemble des citoyens du monde. Les différences qui
persistent sont tellement mineures qu’elles ne constituent en rien des
sources potentielles de frictions entre les civilisations.
Cette conclusion du rendez-vous des civilisations et du
désenchantement des mondes musulman et arabe nous amène à une deuxième
interrogation: l’islamisme politique que nous vivons aujourd’hui dans
cette période instable est-il une idéologie transitoire? Autrement
dit, y aura-t-il selon les explications démographiques une alternative
sérieuse à l’islamisme qui va réussir à s’imposer in fine.
L’islamisme: une idéologie transitoire
En se basant sur la théorie démographique, il apparait que les pays
arabes ayant initié leurs révolutions traversent des périodes de
transition et d’instabilité politique et idéologique. L’Histoire nous
rappelle que toutes les révolutions française, russe et anglaise,
parmi d’autres, ont été suivies par des périodes de régression avant
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