fabrique du miel, cultive son potager… De passage en Vendée
pour parrainer “La Vendée recrute ses talents”(1), le comédien se
prête pour nous à une séance photo dans le parc de la Longère
de Beaupuy : “Cet endroit est très beau. La Vendée est superbe. J’aime
le bocage, je pourrais être Vendéen, vous savez ! Je connais bien Noir-
moutier car ma fille y habite mais je n’ai pas encore eu l’occasion de
découvrir Mouchamps où Clemenceau est enterré. J’espère avoir un
peu de temps pour y aller avant de repartir. J’ai découvert l’homme
politique grâce à la pièce "Jaurès-Clemenceau, quelle république vou-
lons-nous ?" dans laquelle je joue Jaurès. Ce dernier me réjouit, il était
d’une sincérité, d’une intégrité… Je sens que Clemenceau peut me
plaire aussi.”
“Au théâtre, on est dans l’éphémère”
L’acteur, dont la notoriété a explosé en 1963 avec le rôle-
titre de Thierry la Fronde, se consacre désormais au théâtre.
“C’est une discipline au quotidien. La page blanche chaque jour. Au
théâtre, on est dans l’éphémère, il y a une mise en danger qui rend
la relation vivante et unique. Mais le danger c’est aussi que la richesse
de ce répertoire soit de moins en moins accessible. Regardez les can-
didats de "La Vendée recrute ses talents", on trouve des chanteurs,
des humoristes, des danseurs, mais très peu de gens de théâtre. Parce
que le rapport au verbe est compliqué. Parce que cela demande un
effort de pénétrer l’intelligence du texte. Mais la beauté musicale
du verbe… C’est magnifique.”
Celui pour qui Jean Vilar reste “un phare et un modèle” estime
avoir pour devoir de “transmettre [son] expérience et [son] chemin
de vie aux jeunes générations.” Il a connu la gloire très jeune et
peut en témoigner : “Pour faire ce métier, il faut se méfier et surtout
ne pas tricher avec soi-même. Le désir d’être connu est artificiel. À
20 ans, j’ai connu cela avec Thierry la Fronde. Des bandes de gamins
me filaient au train ! À un moment, j’ai refusé d’être l’otage du
public. J’avais signé un contrat pour deux ans, je n’ai pas fait plus.
Le fameux quart d’heure de gloire de Warhol, c’est à la fois trop et
pas assez…” Aujourd’hui, le comédien qui vit une “amitié sincère
avec le public” a toujours la même force de caractère que le jeune
homme qu’il était : “Je veux rester libre et indépendant. Je ne veux
pas avoir à demander la permission.” En 1985, il dirige le Théâtre
national de Belgique… jusqu’en 1990 où il reprend sa liberté
car “ce n’était pas mon bâton de maréchal”. En 1999, il devient
pensionnaire à la Comédie française… et la quitte en 2001
pour “ne pas se sentir emprisonné”. En 1968, il tourne aux côtés
d’Anna Karina dans La Chambre obscure ; en 1971 avec Kirk
Douglas et Yul Brynner dans Le phare du bout du monde… Jean-
Claude Drouot aurait pu choisir une carrière hollywoodienne
mais, là encore, son insoumission sera plus forte. “La tentation
était là mais je sentais que quelque chose ne me correspondait pas.
J’ai fait des choix en toute lucidité. Aujourd’hui, je peux dire que je
me sens vraiment au bon endroit. C’est comme une évidence.”
À 75 ans, le comédien se souvient encore de Jacques Brel qu’il
croisa en 1965 à l’Olympia : “Le film d’Agnès Varda, "Le bonheur",
venait de sortir. Je jouais avec ma femme, Claire. Le film était
interdit aux moins de 18 ans. Et Brel me dit juste ces quelques mots:
"Ça, c’est bien !" Je ne les ai jamais oubliés.”
L’homme est fidèle… À ses convictions (“J’essaye d’être loyal,
en accord avec moi-même”), à certains metteurs en scène (Nina
Companeez, Thierry Binisti, Serge Moati…), à sa famille
(54 ans de mariage avec Claire !). Le metteur en scène est
enthousiaste et fougueux : “J’ai une foi au monde qui peut presque
devenir une ferveur.” Le comédien est en quête perpétuelle :
“Quand on est jeune, on apprend à jouer, puis la vie vient vous
façonner dans vos convictions, dans vos expériences. Il faut alors
désapprendre à jouer pour être.” Plus de cinquante ans de carrière
et l’artiste remonte sur les planches dans quelques jours avec
la pièce de Paul Claudel L’Annonce faite à Marie. Son personnage
affirme: “Nous sommes trop heureux. Et les autres pas assez.” Une
phrase que Jean-Claude Drouot, l’altruiste, pourrait faire sienne.
Delphine Blanchard
(1) Les lauréats 2014 de “La Vendée recrute ses talents” ont été dévoilés le 16 juin
dernier en présence de Jean-Claude Drouot. Ce sont Pierre Herman (magie), Com-
pagnie Force Jazz (danse), Chapuze (humour), Compagnie Indigo (danse), Romaric
Dubreuil (théâtre), Anne-Élizabeth Dubois (danse), The Ones (chant), Marie Ar-
douin (chant), Nina Kibuanda (chant), Léonie (chant).
| VIE LOCALE |
Portrait chinois
Un livre de chevet. “Je redécouvre actuellement
Jacques le fataliste de Diderot. D’habitude, j’ai plus
d’affinité avec la littérature du XVIIIemais, là, l’ironie
ludique de ce livre me parle.”
Un film culte. “On fêtera l’an prochain le 100eanni-
versaire de sa naissance, alors je vais dire Citizen Kane
d’Orson Welles. Ce film a littéralement révolutionné
la façon de faire du cinéma.”
Un rôle rêvé. “J’en ai fait beaucoup mais il resterait
Antonio, le marchand de Venise de Shakespeare.
Pour l’aspect statue du commandeur car mon agent
me dit parfois que j’incarne cette image-là auprès des
gens du métier…”
La transmission
d’un chemin de vie,
c’est un devoir”
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RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire
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