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/ SELECTION P. 68-75 / SPECIAL VOIX / Soweto Gospel Choir, Primeurs
de Massy, Antonio Placer, Nathalie Soles, Hasna El Becharia et Malouma,
hommage à Robert Wyatt, Eliane Elias, Mélanie Pain, Anthony Joseph…
Le journal de référence de la vie culturelle
/////// “La cuLture est une résistance à La distraction” /////// PasoLini
2009 / N° 171 / OCTOBRE Paru le 30 septembre 2009 / 18 e saison / 80 000 ex. / www.journal-laterrasse.fr / Sommaire en page 3
© Yvan ClédatSoweto gospel © Ruphin Coudyzer
© Viktor Vassiliev
Sur la photo : Stéphane Degout
D/ SELECTION P. 49-58 / Emmanuelle Huynh présente Monster
Project, en collaboration avec le chorégraphe Kosei Sakamoto, et Shinbaï, le vol
de l’âme, où elle partage la scène avec Madame Seiho Okudaira, maître Ikebana.
La Terrasse / 4 avenue de Corbéra 75012 Paris / Tél. 01 53 02 06 60 / Fax 01 43 44 07 08 / email : la.terrasse@wanadoo.fr. / Prochaine parution le 4 novembre 2009.
lq/ SELECTION P. 58-67 / SPECIAL VOIX / Sébastien Guèze,
Stéphane Degout, les jeunes chanteurs de Royaumont, Waltraud Meier,
Dorothea Röschmann, Markus Werba …
tht/ SELECTION P. 3-49 / Événement : Le grand metteur en
scène russe Lev Dodine présente 25 ans de créations théâtrales à la MC93
de Bobigny.
[ 
f] LA CRIÉE rouvre ses portes en grande pompe, p. 8/9 ////// LE CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL DES YVELINES /
SARTROUVILLE amplifie son rayonnement théâtral, p. 14/15 ////// LA COMÉDIE DE L’EST, lieu d’échanges et de partage,
p. 20/21 ////// LE THÉÂTRE DU NORD, un théâtre d’art et de transmission, p. 26/27 ////// nombreuses créations au TOP DE
BOULOGNE, p. 31 ////// LA COMÉDIE DE BÉTHUNE multiplie les propositions généreuses, p. 34/35 ////// LA SCÈNE NATIONALE
DES GÉMEAUX / SCEAUX poursuit ses compagnonnages, p. 38/41 ////// LAURENT VACHER présente Des signes Des temps,
un spectacle sur giordano bruno, p. 45 ////// À L’ONDE DE VÉLIZY, un éclectisme foisonnant et exigeant, p. 50/51.
jusqu’au 24 oct 2009
Ateliers Berthier 17e
texte & mise en scène Olivier Py
jusqu’au 18 oct 2009
Théâtre de l’Odéon 6e
de Jean-Pierre Siméon, variation à partir de Sophocle
mise en scène Christian Schiaretti
© element-s / Licences d’entrepreneur de spectacles 1007518 & 1007519
avec Laurent Terzieff, Johan Leysen, David Mambouch, Christian Ruché
et le chœur Olivier Borle, Damien Gouy, Clément Morinière, Julien Tiphaine
avec Nâzim Boudjenah, Amira Casar, Matthieu Dessertine, Mathieu Elfassi, Michel Fau,
Philippe Girard, Frédéric Giroutru, Laurent Pigeonnat, Olivier Py, Bruno Sermonne,
Pierre Vial (sociétaire de la Comédie-Française)
Orhan Pamuk, lecture par l’auteur avec Olivier Py / 5 oct. 20h
Luis Sepúlveda, lecture par l’auteur avec Bernard Giraudeau / 17 oct. 15h
/ Lectures et rencontres
Direction Olivier Py
Odéon-Théâtre de l’Europe
01 44 85 40 40 • theatre-odeon.eu
terrasse_oct:Mise en page 1 21/09/09 11:06 Page 1
tt / Fabrice MeLquiot
écrire depuis
l’enfance en soi
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Comment concevez-vous votre rôle d’artiste
associé au Théâtre de la Ville ?
Fabrice Melquiot : C’est d’abord le prolongement
d’une collaboration de quinze ans avec Emmanuel
Demarcy-Mota. Et la possibilité de développer un
travail spécifique sur les écritures d’aujourd’hui
dans un théâtre que des auteurs vivants ont investi
comme un grand laboratoire. Nous avons inventé
des rencontres, des formes, toujours éprouvées
en public, avec le texte comme lieu de rassem-
blement.
Comment cette présence dans le théâtre
nourrit-elle votre geste d’écriture ?
F. M. : Elle invite à se confronter à des esthéti-
ques très variées, à préserver une curiosité pour
d’imprudence. Parce qu’on est contraint de choisir
la vie, parce qu’il faut d’abord avoir envie de vivre,
comme disait Artaud.
Quelles sont alors vos sources d’inspira-
tion ?
F. M. : C’est souvent Modane, la ville où je suis né,
et le quartier où j’ai grandi, que je revisite, que je
transforme, que je détourne. Et puis des enfants
que je rencontre, sur le chemin parcouru par mes
pièces, auxquels j’emprunte un regard, un mot,
une présence, une fable.
Cette expérience a-t-elle bougé l’écrivain
que vous êtes ?
F. M. : Bien sûr. Si j’ai autant de plaisir à écrire,
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lt / octobre 2009 / N°171 / 3
//// VOUS CHERCHEZ UN JOB ÉTUDIANT, ÉCRIVEZ-NOUS SUR LA.TERRASSE@WANADOO.FR ////
avec cécile garcia-fogel, océane mozas,
caroline mounier, sébastien amblard,
pierre barrat, éric castex,
bernard ferreira, jonathan heckel,
julien roy, stanislas stanic,
vincent winterhalter
D E FRIEDRICH SCHILLER
MISE EN SCÈNE STUART SEIDE
DU 28 sept
AU 18 oct 2009
RÉSERVATIONS 01 48 13 70 00
www.theatregerardphilipe.com - www.ticketnet.fr
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////
POUR RECEVOIR LA TERRASSE PAR INTERNET, ENVOYEZ UN MAIL À : LA.TERRAS[email protected] EN OBJET : RECEVOIR LA TERRASSE
////
le geste des autres écrivains de théâtre, mais
aussi des danseurs, des musiciens, des autres
langages. Ma relation à l’écriture est extrême-
ment joyeuse. Me mettre à ma table, c’est vrai-
ment rentrer chez moi. J’espère toujours cette
maison la plus ouverte possible ; ça me semble
un bon moyen d’échapper à « l’univers constitué
à jamais ». Et ça ne renverse pas les obsessions,
les entêtements, qui font le suc de l’écriture. De
toute façon, on les trimballe.
Pourquoi écrivez-vous au « jeune public » ?
F. M. : J’aime la compagnie des enfants. Je
cherche leur point de vue sur le monde, sur les
humains. Créer, c’est toujours questionner ce point
de vue. Dans les rêveries vers l’enfance se forgent
les rêves essentiels. J’écris depuis l’enfance, pour
continuer d’alimenter mon désir d’écrire. Je rega-
gne souvent ces paysages-là parce qu’ils excitent
mon appétit d’écrire, et mon appétit des autres. Et
puis la santé du théâtre dépend aussi de la relation
de joie qu’il est capable (ou pas) d’entretenir avec
ses enfants.
Cela appelle-t-il un autre travail sur la lan-
gue ?
F. M. : L’enfance ne rétrécit pas l’espace de la
langue, elle l’élargit. J’aime l’idée que d’une plon-
gée réussie dans les rêveries d’enfance découle
un rêve de théâtre destiné à tous. C’est une école
buissonnière où les projets pédagogiques faillirent
devant les projets d’aventures, c’est un territoire
autant d’appétit, c’est parce qu’il y a un horizon
d’enfance, parce que l’enfance n’est pas circons-
crite à l’hier, parce qu’elle est un présent salu-
taire. Ce n’est pas un point de vue d’adulte béat
devant les jolis-petits-enfants-oh-comme-ils-sont-
mignons. C’est un rapport d’homme à homme,
si je puis dire. Sauf qu’on n’a pas le même âge,
c’est tout.
Wanted Petula s’inscrit dans la suite de
Bouli Miro, de Bouli redéboule Qu’est-ce
qui vous a donné envie de retrouver ces
personnages ?
F. M. : Bouli est le premier personnage avec lequel
j’ai exploré, en conscience, ces paysages de l’en-
fance partageable. Il est l’enfant de moi, il m’a
poussé dessus. C’est devenu un compagnon de
route, Petula aussi et toute cette galaxie de per-
sonnages burlesques, plongés dans des situa-
tions grotesques, graves, baroques. J’aimerais
qu’ils grandissent avec moi, qu’ils aient eux aussi
le droit de vieillir et que lecteurs et spectateurs
aient envie de grandir, vieillir avec eux. Alors je
continue de rêver vers lui et j’imagine qu’il rêve
en dehors de moi. Il y a une autonomie magique
du texte, un moment les ombres ne sont pas
circonscrites au temps d’écriture ou au livre en
tant qu’objet. Bouli existe au-dehors. Il a sa vie, j’ai
la mienne. De temps en temps, elles se rejoignent
et ça donne ça.
Entretien réalisé par Gwénola David
Wanted Petula, de Fabrice Melquiot, mise en
scène d’Emmanuel Demarcy-Mota, du 13 au
24 octobre 2009, à 14h30 et 19h30, au Théâtre
des Abbesses, 31 rue des Abbesses,
75008 Paris. Rens. 01 42 74 22 77 et
www.theatredelaville-paris.com.
Texte édité à L’Arche.
171 soMMaire
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TOUTES NOS CRITIQUES P. 5-36
Fabrice Melquiot arpente ses territoires d’enfance avec Wanted Petula P. 3
Événement : Lev Dodine présente huit pièces du Théâtre Maly à la MC93 de Bobigny P. 4
François Rancillac arrive au Théâtre de l’Aquarium P. 12
Un nouveau Silvia Monfort avec Stéphane Ricordel et Laurence de Magalhaes P. 12
Autour de Jean-Jacques Rousseau par Michel Raskine P. 24
Bernard Mathonnat prend la direction du Festival Théâtral du Val d’Oise P. 30
Sextett, Eric Vigner poursuit sa collaboration avec l’auteur Rémi De Vos P. 32
Une nuit de la marionnette au Théâtre Jean Arp de Clamart P. 46
Région : Automne en Normandie, une programmation originale et exigeante P. 49
SÉLECTION, SUITE… P. 38-49
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Emmanuelle Huynh présente Monster Project P. 52
Bernardo Montet et Thomas Ferrand, crééent Switch me off P. 53
Zoopsie Comedi : Dominique Rebaud et Dominique Boivin se replongent dans l’aventure P. 54
Saburo Teshigawara dans un solo lumineux, rencontre P. 54
Anne Teresa De Keersmaeker présente deux œuvres au Théâtre de la Ville P. 55
Mourad Merzouki prend la direction du Centre Chorégraphique National de Créteil P. 56
Questcequetudeviens ? rencontre au sommet entre deux enfants de Toulouse :
Aurélien Bory et Stéphanie Fuster P. 57
SÉLECTION, SUITE… P. 49-58
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Le ténor Sébastien Guèze dans la tragédie lyrique Andromaque de Grétry P. 59
Le baryton Stéphane Degout dans La ville morte de Korngold à Bastille P. 61
Les Grandes Voix : ouverture du cycle de concerts à la Salle Pleyel
et au Théâtre des Champs-Elysées P. 62
Daniele Gatti débute son cycle Mahler avec la cantate Das klagende Lied P. 62
Les voix romantiques de Dorothea Röschmann, Angelika Kirchschlager,
Ian Bostridge et Thomas Quasthoff dans Schumann P. 65
Critique / Le Médecin malgré lui de Gounod mis en scène par Sandrine Anglade P. 67
SÉLECTION, SUITE… P. 58-67
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/ h
Denis Colin : nouvel album et projet musical ambitieux pour le clarinettiste P. 68
Le Soweto Gospel Choir au Théâtre du Châtelet P. 69
Molly Johnson, Lisa Ekdahl et Eliane Elias à l’Avant-Seine de Colombes P. 70
Les voix du jazz à l’affiche du CareFusion Jazz Festival P. 70
L’ONJ de Daniel Yvinec fait vivre sur scène son hommage à Robert Wyatt P. 71
Voix de saison, festival des Primeurs à Massy P. 73
Nathalie Soles, nouvelle voix métissée P. 73
Voix pop de Mélanie Pain P. 73
Richard Galliano joue le Concerto pour bandonéon d’Astor Piazzolla à la Salle Pleyel P. 74
La révolte poétique d’Antonio Placer qui signe un nouvel album P. 75
Le blues du désert d’Hasna El Becharia et Malouma s’invite à Nanterre P. 75
André Minvielle revisite l’univers de Boby Lapointe dans une création de Jean-Marie Machado P. 75
SÉLECTION, SUITE… P. 68-75
signalétique
Chers amis, seules sont annotées par le sigle défini ci-contre ee
les pièces auxquelles nous avons assisté. Mais pour que votre panorama du mois soit plus complet,
nous ajoutons aussi des chroniques, portraits, entretiens, articles sur des manifestations que nous
n’avons pas encore vues mais qui nous paraissent intéressantes.
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Fabrice Melquiot
© Céline Bansart
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2 / N°171 / octobre 2009 / lt
Tél. : 01.53.02.06.60.
www.journal-laterrasse.fr
www.avignon-en-scenes.fr
www.saisonclassique.fr
Fax : 01.43.44.07.08.
Directeur de la publication :
Dan Abitbol
Rédaction
Ont participé à ce numéro
Théâtre :
Gwénola David, Éric Demey,
Véronique Hotte, Manuel Piolat
Soleymat, Catherine Robert,
Agnès Santi
Danse :
Nathalie Yokel, Gwénola David,
Marie Chavanieux
Musique classique et opéra :
Jean Lukas, Jean-Guillaume
Lebrun, Sébastien Llinares,
Antoine Pecqueur
Jazz -musiques du monde :
Jean-Luc Caradec,
Jacques Denis, Mathieu Durand,
Vanessa Fara
Directeur délégué des rubriques
classique / jazz et des
hors-séries Avignon-en-scènes
et Saison classique en France :
Jean-Luc Caradec
Responsable des partenariats
classique / opéra :
Emmanuel Charlet
Secrétariat de rédaction :
Agnès Santi
Maquette : Luc-Marie Bouët
01.42.71.12.64
Couverture : Agnès Dahan
Webmaster : Ari Abitbol
Diffusion : Nicolas Kapetanovic
Imprimé par :
Imprimerie Saint-Paul,
Luxembourg
Publicité et annonces classées
au journal
Tirage
Ce numéro
est distribué
à 80 000 exemplaires
Déclaration de tirage
sous la responsabilité
de l’éditeur soumise à
vérification de l’OJD.
Dernière période contrôlée
année 2007,
diffusion moyenne 76 300 ex.
Chiffres certifiés sur
www.ojd.com.
Éditeur : Eliaz éditions,
4, avenue de Corbéra
75012 Paris
La Terrasse est une publication
de la société Eliaz éditions.
Gérant : Dan Abitbol
I.S.S.N 1241 - 5715
Toute reproduction d’articles, annonces,
publicités, est formellement interdite et engage
les contrevenants à des poursuites judiciaires.
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4 / N°171 / octobre 2009 / lt
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tht
lt / octobre 2009 / N°171 / 5
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Saison 2009 2010
Compagnons
Nathan le sage
de Gotthold Ephraïm Lessing
traduction Dominique Lurcel
mise en scène Laurent Hatat / anima motrix
avec
Azeddine Benamara
Manuel Bertrand
Mounya Boudiaf
Olivier Brabant
Sarah Capony
Alexandre Carrière
Daniel Delabesse
Céline Langlois
Damien Olivier
Bruno Tuchszer
du 14 au 24 octobre
Synopsis/Squash
de Andrew Payne
adaptation Vanessa Chouraqui et Robert Plagnol
mise en scène Patrice Kerbrat
avec
Benjamin Boyer
Robert Plagnol
du 4 au 21 novembre
Renseignements / Locations 01 48 33 16 16
En savoir plus www.theatredelacommune.com
Métro ligne 7, station Aubervilliers-Pantin-4 Chemins
abonnement 3 spectacles 33
adhésion 22/ 11(tarif réduit) puis 7par spectacle
illustration Marc Daniau
illustration Marc Daniau
Saison 2009 2010
Compagnons
tt / Lev dodine
« prendre conscience
de soi et de sa vie
par le théâtre »
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Frères et Sœurs de Fedor Abramov, créé en
1985, a été ovationné dans le monde entier.
Comment et dans quelles conditions avez-
vous monté ce spectacle emblématique ?
Lev Dodine : Ce spectacle est très important pour
nous. Il est fondateur de notre théâtre. Il a défini en
quelque sorte notre destin et notre vie. C’est notre
spectacle préféré, nous le jouerons tant que cela
sera possible. Il nous est d’autant plus précieux
qu’une grande amitié nous a liés à son auteur, le
grand écrivain russe Fedor Abramov (1920-1983),
qui a su décrire la vérité cruelle mais aussi tendre et
captivante de notre pays, raconter l’histoire de ce
peuple, mais aussi celle de l’individu, ses passions,
son amour. J’ai été ébranlé par les livres d’Abramov
dans ma jeunesse, au milieu des années 70. J’ai
été impressionné par la vérité brûlante de ses livres,
et je me demande comment sa prose a pu passer
les mailles du filet de l’édition soviétique officielle.
Pour travailler sur le roman, nous avions à l’époque
décidé de partir dans un village dans le grand nord
russe. Ce spectacle est lié à la naissance de notre
théâtre tel qu’il est aujourd’hui. Et durant toutes ces
années, nous avons vécu tellement d’ébranlements,
tellement de chocs tragiques, tellement d’espoirs et
d’échecs, d’illusions et de désillusions, que le spec-
tacle s’est transformé, il a mûri et nous avons mûri
aussi. Je dirais que le spectacle est devenu plus
sage, plus profond, plus dramatique, plus tragique.
Quelle est la finalité du théâtre ?
L. D. : D’une manière générale, je crois que le
théâtre est comme tout autre art une tentative et
pas un résultat. Aujourd’hui, aussi bien en Rus-
sie que dans le reste du monde, nous sommes
THÉÂTRE
THÉÂTRE
NANTERRE
NANTERRE
NANTERRE
NANTERRE
AMANDIERS
AMANDIERS
AMANDIERS
QUESTCEQUE-
QUESTCEQUE-
QUESTCEQUE-
QUESTCEQUE-
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TUDEVIENS ?
TUDEVIENS ?
TUDEVIENS ?
TUDEVIENS ?
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DU 18 SEPTEMBRE
DU 18 SEPTEMBRE
DU 18 SEPTEMBRE
DU 18 SEPTEMBRE
DU 18 SEPTEMBRE
DU 18 SEPTEMBRE
AU 24 OCTOBRE
AU 24 OCTOBRE
AU 24 OCTOBRE
AU 24 OCTOBRE
AU 24 OCTOBRE
AU 24 OCTOBRE
2009
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CONCEPTION, SCÉNOGRAPHIE
CONCEPTION, SCÉNOGRAPHIE
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DANSE
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STÉPHANIE FUSTER
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CHANT
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ALBERTO GARCIA
ALBERTO GARCIA
ALBERTO GARCIA
ALBERTO GARCIA
ALBERTO GARCIA
ALBERTO GARCIA
ALBERTO GARCIA
CASIMIR
CASIMIR
CASIMIR
CASIMIR
ET CAROLINE
ET CAROLINE
ET CAROLINE
ET CAROLINE
ET CAROLINE
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DU 2 AU 7
DU 2 AU 7
DU 2 AU 7
DU 2 AU 7
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OCTOBRE 2009
OCTOBRE 2009
OCTOBRE 2009
OCTOBRE 2009
TEXTE
ÖDÖN VON HORVÁTH
ÖDÖN VON HORVÁTH
ÖDÖN VON HORVÁTH
ÖDÖN VON HORVÁTH
ÖDÖN VON HORVÁTH
ÖDÖN VON HORVÁTH
TEXTE
ÖDÖN VON HORVÁTH
TEXTE
TEXTE
ÖDÖN VON HORVÁTH
TEXTE
MISE EN SCÈNE
MISE EN SCÈNE
MISE EN SCÈNE
MISE EN SCÈNE
MISE EN SCÈNE
MISE EN SCÈNE
ÖDÖN VON HORVÁTH
MISE EN SCÈNE
ÖDÖN VON HORVÁTH
ÖDÖN VON HORVÁTH
MISE EN SCÈNE
ÖDÖN VON HORVÁTH
ÖDÖN VON HORVÁTH
MISE EN SCÈNE
ÖDÖN VON HORVÁTH
ÖDÖN VON HORVÁTH
MISE EN SCÈNE
ÖDÖN VON HORVÁTH
JOHAN SIMONS,
JOHAN SIMONS,
JOHAN SIMONS,
JOHAN SIMONS,
JOHAN SIMONS,
PAUL KOEK
PAUL KOEK
PAUL KOEK
PAUL KOEK
PAUL KOEK
PAUL KOEK
COMPOSITION MUSICALE
COMPOSITION MUSICALE
COMPOSITION MUSICALE
COMPOSITION MUSICALE
COMPOSITION MUSICALE
VEENFABRIEK
VEENFABRIEK
VEENFABRIEK
VEENFABRIEK
VEENFABRIEK
AVEC
AVEC
AVEC
AVEC
ELSA MAY AVERILL, REINOUT
ELSA MAY AVERILL, REINOUT
ELSA MAY AVERILL, REINOUT
ELSA MAY AVERILL, REINOUT
ELSA MAY AVERILL, REINOUT
BUSSEMAKER, ELS DOTTERMANS,
BUSSEMAKER, ELS DOTTERMANS,
BUSSEMAKER, ELS DOTTERMANS,
BUSSEMAKER, ELS DOTTERMANS,
BUSSEMAKER, ELS DOTTERMANS,
FRANK FOCKETYN, WIM OPBROUCK,
FRANK FOCKETYN, WIM OPBROUCK,
FRANK FOCKETYN, WIM OPBROUCK,
FRANK FOCKETYN, WIM OPBROUCK,
FRANK FOCKETYN, WIM OPBROUCK,
FRANK FOCKETYN, WIM OPBROUCK,
JUDITH POL, YONINA SPIJKER,
JUDITH POL, YONINA SPIJKER,
JUDITH POL, YONINA SPIJKER,
JUDITH POL, YONINA SPIJKER,
INKE TREKKER, LOUIS VAN BEEK,
INKE TREKKER, LOUIS VAN BEEK,
INKE TREKKER, LOUIS VAN BEEK,
INKE TREKKER, LOUIS VAN BEEK,
KRISTOF VAN BOVEN, OSCAR
KRISTOF VAN BOVEN, OSCAR
KRISTOF VAN BOVEN, OSCAR
VAN ROMPAY
VAN ROMPAY
VAN ROMPAY
VAN ROMPAY
VAN ROMPAY
MUSICIENS
MUSICIENS
MUSICIENS
RIK ELSTGEEST, BO KOEK,
RIK ELSTGEEST, BO KOEK,
RIK ELSTGEEST, BO KOEK,
TON VAN DER MEER,
TON VAN DER MEER,
JOHN VAN OOSTRUM
JOHN VAN OOSTRUM
JOHN VAN OOSTRUM
WWW.NANTERRE-AMANDIERS.COM
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01 46 14 70 00
01 46 14 70 00
Paul Delaroche, La jeune martyre. © RMN / Hervé Lewandowski
Design Pascal Béjean et Nicolas Ledoux
jusque-là. Nous avons par ailleurs commencé des
cours d’acrobatie, de diction. Nous étudions la vie
et nous-mêmes dans la vie. L’atelier que nous pré-
sentons à Bobigny est consacré à l’entraînement
de l’acteur et au processus de formation poursuivi
dans nos cours de théâtre.
Voyez-vous des points communs entre les
différents textes que vous montez ?
L. D. : Nous jouons beaucoup de prose, parce
qu’elle est souvent plus riche qu’une pièce de théâ-
tre. La prose vous apporte la liberté vis-à-vis de cer-
taines lois du théâtre, et vous oblige à rechercher un
théâtre approprié au livre, tandis que la dramaturgie
vous dicte le théâtre. Nous avons effectivement mis
des romans en scène, mais ils ne sont pas plus
nombreux que les pièces. Mais comme la mise en
scène des romans est rare au théâtre, cela attire plus
l’attention. Tchekhov ou Shakespeare, tout le monde
les met en scène, alors qu’un grand roman de Dos-
toïevski, c’est moins courant. Et c’est une des
raisons de travailler sur la prose : étonner le public !
Pas du point de vue de la promotion du spectacle,
mais du point de vue de l’attention du public, de
l’intérêt du public pour le théâtre. Il faut toujours
étonner au théâtre ! La question est de savoir de
quelle manière… Il me semble que le roman est le
genre qui permet de décrire le plus profondément et
le plus justement possible la vie humaine, la vie des
couches différentes de l’humanité. La dramaturgie
ou le théâtre sont incapables d’y parvenir, à l’ex-
ception de Tchekhov et Shakespeare, qui ont créé
deux théâtres extraordinaires, dont chaque pièce
contient en soi la même richesse de pensée et de
contradictions qu’un grand roman.
Le théâtre est-il le royaume de l’individu par
opposition à une pensée globalisante ? À quel-
les conditions le théâtre parle-t-il du réel ?
L. D. : Le théâtre n’est pas une profession à part
entière. Je dirais qu’il est l’incarnation de tout ce
qui nous préoccupe. L’essentiel à mon avis, c’est
lorsqu’on sent le besoin de voir clair en soi-même.
C’est une relation très complexe. Régler ses
comptes avec soi-même est le plus difficile, c’est
pourquoi souvent nous préférons nous en prendre
aux autres. Cela arrive aussi bien dans l’art que
dans la vie, il nous est plus commode d’expliquer
en quoi les autres sont fautifs. Le plus dur, c’est
donc essayer de voir un tant soit peu dans son
âme, dans sa nature, de chercher une réponse à
la question qui suis-je, qu’est-ce qui me fait souffrir
et pourquoi ? Quel est mon rapport avec la vie ?
Qu’est-ce que le processus de vie ? L’artiste est
celui qui s’intéresse à toutes ces interrogations,
qui ne peut s’empêcher de tenter d’y répondre.
L’artiste n’est pas celui qui est capable d’interpré-
ter un rôle sur scène, qui peut montrer un visage
drôle ou triste, qui sait bien parler ou danser. C’est
avant tout celui qui ne peut s’empêcher de tenter
de prendre conscience de soi et de sa vie par le
théâtre. Tout le bonheur et le malheur qu’il a vécu,
ses succès et ses échecs imprègnent sa création,
son travail. Mais le théâtre ne se fait pas par une
seule personne : se pose la question de la com-
pagnie, du collectif. Il faut dans ce cas qu’il y ait
une certaine âme collective, une certaine âme de
famille. Et la naissance de cette âme collective, de
cette âme de famille, constitue le problème princi-
pal du théâtre et son plus grand miracle.
Entretien réalisé par Agnès Santi
Remerciements à Sorour Kasmaï pour la traduction
25 ans du répertoire de Lev Dodine, du 7 novembre
au 6 décembre. Spectacles en russe surtitrés en fran-
çais, à la MC93 de Bobigny. Tél. 01 41 60 72 72.
fortement troublés par le show-business qui est
fondé sur la démonstration du résultat. L’art, de
mon point de vue, n’est jamais la démonstration
du résultat. C’est la tentative de comprendre, de
prendre conscience, de découvrir ce qui n’était
pas découvert avant toi. La tentative de surmonter
la résistance du matériau, de dompter son propre
mutisme, de découvrir de nouvelles possibilités
chez soi-même et chez l’homme en général. Et
finalement la tentative de résister à la force de
gravité de la terre. Voilà ce qu’est l’art.
Vous êtes aussi pédagogue. Comment conce-
vez-vous la formation de l’acteur ? Comment
préparer les acteurs à jouer de grands textes
littéraires, qui nous subjuguent et nous rap-
prochent de l’expérience de la vie humaine ?
L. D. : Il nous a semblé primordial de créer un
système d’auto perfectionnement de l’acteur, de
mobiliser au maximum son organisme, en nous fon-
dant sur notre conception du théâtre qui est l’art de
synthèse par excellence. La journée commence par
l’entraînement physique qui va façonner le corps de
l’acteur, former ses muscles et ses os et mettre de
l’ordre dans tout cela. En première année, chaque
matin, à neuf heures, les cours commencent par
la danse. La discipline suivante consiste à jouer
d’un instrument en orchestre. L’union des fonde-
ments musical et dramatique du métier d’acteur
est une étape décisive à notre époque la pro-
fession est en train de devenir amusicale. Il est par
ailleurs important de pouvoir jouer ensemble. Le
vrai théâtre est avant tout un champ de relations
réciproques. Il est aussi essentiel de découvrir en
soi-même de nouvelles capacités, insoupçonnées
En traçant un jour le nom de Gilliatt dans la neige,
la jeune et jolie Déruchette a, à tout jamais, ins-
crit le sien dans le cœur de l’austère et solitaire
marin qui poussera jusqu’au sacrifice la dévo-
tion secrète et intense qui enflamme son âme de
titan. Accroché entre ciel et terre sur les rochers
des Douvres, il y affronte les éléments, la pieu-
vre meurtrière, la faim, la soif et lui-même pour y
récupérer la machine à vapeur de la Durande, le
steamer échoué de Mess Lethierry qui a promis
la main de sa nièce à qui lui rapporterait son bien.
Le projet de Paul Fructus d’adapter à la scène
cette œuvre gigantesque et de faire entrer dans
les limites de son jeu solitaire et d’un plateau étroit
toute l’immensité de ce roman, qui emprunte à
la mer ses dimensions et sa puissance, est une
gageure qu’il relève avec une intensité rare et un
pari à la mesure de celui de Gilliatt. Car le comé-
dien se fait Gilliatt non seulement par la force de
l’interprétation et de l’évocation, mais aussi parce
que, à l’instar du marin forgeant des anneaux
pêtes, austères et rudes, résistantes et rugissan-
tes comme le vieil Hugo qui avait choisi d’en faire
son asile. L’adaptation du texte est remarquable
et Paul Fructus dompte le rythme de ses périodes
et la prodigalité de son verbe avec une énergie
formidable. Et quand vient le temps de l’épilogue
Gilliatt voit lui échapper le fruit promis de son
labeur et s’enfuir celle pour laquelle il a dompté
les cavales du ciel et l’hydre des profondeurs, le
comédien sait retrouver la douceur et la tendresse
émue d’une fin de veillée passée à écouter, éber-
lué, tétanisé et haletant, une histoire merveilleuse
et terrible. On passe devant ce spectacle un extra-
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les travailleurs de la mer
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La tendresse émue d’une fin de veillée passée à écouter une histoire merveilleuse et terrible.
© D. R.
grossiers et des poulies formidables pour arra-
cher le trésor mécanique à son tombeau maritime,
Paul Fructus triture, transforme, soude le matériau
théâtral en artisan inspiré pour faire naître d’une
scène devenu creuset diabolique un chef-d’œuvre
époustouflant.
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Patrick Fournier à l’accordéon et Jean-Louis
Morell au piano accompagnent Paul Fructus et
participent avec talent à l’évocation de ce combat
entre l’ange ténébreux et les démons maritimes et
amoureux qui l’affligent. D’un filet de pêche, Paul
Fructus fait naître la mer et ses courants, la pieuvre
et ses rets ; de quelques morceaux de bois et de
fer, il construit le calvaire de Gilliatt ; d’un bonnet,
il change de personnage ; d’une minuscule lan-
terne, il évoque la menace ou l’espoir ; et de la
seule puissance de son jeu, il réussit à camper
tous les habitants de ces terres balayées des tem-
ordinaire moment qui fait remonter de l’enfance
tout le bonheur archaïque des premiers émois lit-
téraires. Un homme est là face à nous et raconte.
Un homme océan. Il crée un monde par la seule
force des mots et du souffle. Énorme !
Catherine Robert
Les Travailleurs de la mer, d’après Victor Hugo.
Adaptation et jeu de Paul Fructus ; mise en
scène de Daniel Briquet. Du 17 septembre au
21 novembre 2009. Jeudi, vendredi et samedi à
19h. Théâtre Clavel, 3, rue Clavel, 75019 Paris.
Réservations au 06 42 46 78 46.
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Lev Dodine
© Viktor Vassiliev
////
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//// //// VOUS CHERCHEZ UN JOB ÉTUDIANT, ÉCRIVEZ-NOUS SUR LA.TERRASSE@WANADOO.FR ////
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l’européenne
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Un programme de lectures, de rencontres et d’ateliers offerts mais aussi des stages et le Concert des Klez Têtes.
© graphisme : www.typodepoivre.com
GENÈVE-PARIS-MILAN
Projet de Jean-Claude Penchenat
du 10 au 13 septembre Salle en pierre
jeu.-ven. à 19h30 × sam. à 21h × dim. à 18h
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M. en sc. : Béatrice de La Boulaye
du 10 au 20 septembre Salle boisée
mar.-mer. à 19h × jeu.-ven. à 21h30
sam. 12 sept. à 19h × sam. 19 sept. à 21h × dim. à 16h
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M. en sc. : Clara Chabalier
du 10 au 20 septembre Salle studio
mar. au sam. à 20h30 × dim. à 16h
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M. en sc. : Nikson Pitaqaj (spect. en 2 parties)
du 15 au 27 septembre Salle en pierre
mar. (1re partie) à 21h × mer. (2e partie) à 21h
jeu. (1re partie) × ven. (2e partie) à 19h
sam. (intégrale) à 16h
dim. (le 20 : 1re partie, le 27 : 2e partie) à 18h
À TABLE ! GENS DE MAISON
JE T’OFFRE UN CAFÉ ?
Lectures mises en espace par J.-C. Penchenat
du 22 au 27 septembre Salle studio
mar. au sam. à 20h30 × dim. à 16h
LE SONGE DE L’ONCLE d’après F. Dostoïevski
M. en sc. : Stanislas Grassian
du 23 septembre au 18 octobre Salle boisée
mar.-mer. à 19h × sam. à 19h
sauf sam. 26 sept. à 21h × jeu.-ven. à 21h
sauf jeu. 24 sept. et ven. 25 sept. à 21h30 × dim. à 16h
YAACOBI ET LEIDENTAL de Hanokh Levin
M. en sc. : Alain Batis
du 29 septembre au 18 octobre Salle en pierre
mar.-mer.-sam. à 21h × jeu.-ven. à 19h × dim. à 18h
SENTIER DE DÉPENDANCE de M. de Beaumont
M. en sc. : Marie de Beaumont
du 29 septembre au 4 octobre Salle studio
du mar. au sam. à 20h30 × dim. à 16h
MÈRES VEILLEUSES de Sylvie Chastain
M. en sc. : Hervé Bernard Omnès
du 8 au 25 octobre Salle studio
du mar. au sam. à 20h30 × dim. à 16h
THÉBAIDE, FILS D’ŒDIPE !
d’après Sophocle, Racine, Euripide et Rotrou
M. en sc. : Claude Bonin
du 20 octobre au 1er novembre Salle en pierre
mar.-mer.-sam. à 21h × jeu.-ven. à 19h × dim. à 18h
HYÈNES de Christian Siméon
M. en sc. : Thierry Falvisaner
du 20 octobre au 1er novembre Salle boisée
mar.-mer.-sam. à 19h30 × jeu.-ven. à 21h × dim. à 16h
CARNET D’ENFANCE de Jacques Courtès
M. en sc. : Stanislas Grassian
du 20 au 23 octobre Salle studio
du mar. au ven. à 19h
du 27 octobre au 1er novembre Salle studio
du mar. au sam. à 21h × dim. à 18h
LE TRAIN DE 7h40
ET AUTRES CONTES FERROVIAIRES
De et par Alain Karpati
du 27 octobre au 1er novembre Salle studio
du mar. au sam. à 19h × dim. à 16h
WORDS ARE WATCHING YOU
# 0. Esquisses de René Fix
M. en sc. : Julie Timmerman
du 10 septembre au 1er novembre
sam. à 20h45 × dim. à 15h45 sauf le 1er nov. à 14h
Théâtre de l’Épée de Bois × Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre × Paris 12
Station Château de Vincennes puis Bus 112 arrêt Cartoucherie
Le Théâtre de l’Épée de Bois n’assure pas le service de navette gratuite
Un bar est à votre disposition avant et après les spectacles.
© Philippe Delacroix
Des tentatives orchestrales d’union européenne rétive.
L’homme éprouve sa langue originelle comme
unique tandis qu’il la voit se pluraliser dans la vie
sociale ouverte aux diversités. Cette dialectique
répond à une volonté de contourner l’enferme-
ment individuel ou étatique – pour le faire écla-
ter. Saura-t-on faire l’Europe administrativement,
politiquement et culturellement au-delà de la tra-
dition commerciale britannique et la suprématie
de la langue anglaise de négoce ? Un casse-tête
chinois pour Norma Gette dans L’Européenne,
sous-déléguée à la Direction générale des Affai-
res culturelles de la Commission européenne, qui
affronte les interprètes professionnels. Pour cette
« année du dialogue » – il faut comprendre didacti-
quement « échange », « partage » et « réciprocité »
–, l’eurocrate distinguée accueille en « résidence »
un poète francophone, un compositeur français,
une installatrice allemande, un performer portu-
gais, une chanteuse italienne et un orchestre. Un
joli coup de pied donné par David Lescot dans
la fourmilière des stratégies culturelles « innovan-
tes ». Commandes ont été passées aux artistes
« créateurs » : une épopée, un hymne, une instal-
lation et une performance pour célébrer l’Europe
institutionnalisée. Mais comment réduire le nombre
de bulletins des eurosceptiques ?
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
Les scrutins démocratiques des États respectifs
ne font qu’emballer la machine bureaucratique
de la Communauté qui malmène le principe de
proportionnalité et d’équité. Une linguiste belge
la gouaille d’Elizabeth Mazev tombe à point
s’acharne à construire l’entité européenne malgré
les obstacles : « Aujourd’hui, l’Union compte vingt-
sept membres et vingt-trois langues officielles, ce
qui porte le nombre de combinaisons linguistiques à
cinq cent six ». Il faut savoir compter avec l’Estonien
qui traduit le grec et le Maltais le tchèque. Certes,
l’Europe n’est pas concernée par les trois mille
langues en usage dans le monde parlées par quel-
ques dizaines à plus de cinq cents millions de per-
sonnes. Que dire des idiomes en voie d’extinction,
des dialectes en cours comme le « sicilien », des
patois, du sort des langues minoritaires du Sud ?
Que reste-t-il de la vieille Europe ? Des rapports de
force économiques et linguistiques. Un théâtre nu
de tréteaux et d’ombres, une figure chenue qu’une
jeune Slovaque tente de ranimer. La moribonde se
souvient de l’Histoire et de l’extermination des juifs.
Est-il possible de parler plus fort que la mémoire ?
Sur le plateau, les comédiens parfois égarés mais
décidés à en découdre déploient dans l’humour
une verve rageuse et un joyeux chaos scénique.
Au-delà de l’intercompréhension passive, le citoyen
européen ne voit en effet qu’une seule issue, aller
dans la langue de l’autre.
Véronique Hotte
L’Européenne, de David Lescot, mise en scène de
l’auteur, du 22 septembre au 7 octobre 2009, le 4
octobre à 15h au Théâtre de la Ville – les Abbesses
31, rue des Abbesses 75018 Paris Tél. 01 42 74 22 77
et www.theatredelaville-paris.com. Texte publié chez
Actes Sud-Papiers.
tq
le projet conrad



© Antonia Bozzi
Kayerts et Carlier (Arnaud Carbonnier et Jean O’Cottrell) s’enlisent dans une jungle compacte.
Point de départ : une troupe de théâtre avec comé-
diens noirs et blancs s’apprête à mettre en scène Un
avant-poste du progrès (1897) de Joseph Conrad.
Est-ce le réel qui devient théâtre ? Ou est-ce le théâ-
tre qui devient réel ? Le spectacle est ici tellement
abouti que le travail théâtral parvient à donner à voir
une réalité pourtant complexe et contradictoire, sus-
citant colères, passions, amertume et cris de déses-
poir. Le spectacle surprend et étonne le spectateur,
à force de fouiller les âmes et les consciences, de
débusquer des éclats de vérité, de naviguer entre
l’Histoire et ses lectures, et de faire remonter à la
surface des sentiments humains puissants. Cette
réalité que la pièce explore à fond, cherchant à met-
tre en lumière tous ses coins et recoins, est d’abord
historique : c’est l’Histoire de la colonisation, des
relations scandaleuses entre Européens et Africains,
qui encore aujourd’hui se ramifient en de désolantes
conséquences. La pièce, création collective, nourrit le
débat d’une matière dialectique foisonnante, riche et
fine, qui entrecroise habilement le factuel et le vécu,
les discours supposément historiques (projetés) et
les expériences individuelles, pour mieux souligner
les contradictions et les souffrances des uns et des
autres.

Entre bons sentiments et coups de gueule, entre
savantes explications et réactions épidermiques, ce
foisonnement est une complète réussite, parce qu’il
est nourri de multiples mises en abyme du théâtre,
et surtout des représentations du réel, des clichés
et des préjugés.
Cette exploration du passé et de
la perception du monde que chacun met en œuvre
selon son histoire personnelle se développe à travers
un diptyque. Première partie : un “work in progress”
fourmillant d’ateliers d’improvisation est l’occasion
de s’interroger sur l’héritage de la colonisation, sur
l’identité et l’altérité, sur les injustices et les espoirs,
et l’émotion prend logiquement le pas sur la distan-
ciation, surtout lorsque le réel fait irruption avec sa
force implacable : Barack Obama bientôt élu (yes !),
ou agression dans un RER. Deuxième partie : la der-
nière répétition de la nouvelle. Deux benêts, Kayerts
et Carlier, sont expédiés dans un comptoir reculé fai-
sant commerce de l’ivoire, au Congo administré par
la Belgique. Le comptoir est en fait géré par Makola,
qui vient de Sierra Leone. Dix porteurs “serviteurs du
progrès” sont mobilisés. Assaillis par la chaleur et
les moustiques, les deux hommes s’enlisent. Cette
humanité perdue dans un monde cauchemardes-
que, une jungle infinie, opaque et compacte, est
mise en scène avec dérision et ironie. L’argent, la
croix, divers fantasmes civilisateurs surgissent. Enfin,
retour à notre monde contemporain avec un appel
slamé à la mixité. « The world is out of control »
mais le rapport à l’autre est à définir… Un projet
hautement dialectique servi par des comédiens très
convaincants.
Agnès Santi
Le Projet Conrad, Un avant-poste du progrès,
d’après Joseph Conrad, adaptation et mise en scène
Philippe Adrien, du 17 septembre au 25 octobre, du
mardi au samedi 20h, dimanche 16h, au Théâtre de la
Tempête, 75012 Paris. Tél. 01 43 28 36 36.
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6 / N°171 / octobre 2009 / lt
CRITIQUES tht
lt / octobre 2009 / N°171 / 7
tq
l’avare
© Brigitte Enguérand
Pierre Louis-Calixte et Denis Podalydès dans une
nouvelle mise en scène de L’Avare.
Un escalier de pierre monumental desservant l’inté-
rieur d’un hôtel du xv i ie siècle, des costumes d’épo-
que, six coups frappés avant le lever de rideau (his-
toriquement, trois valaient pour la troupe de l’Hôtel
de Bourgogne, trois pour celle de Molière) : c’est à
travers un cadre des plus traditionnels que Cathe-
rine Hiegel (qui est, depuis mai 2008, Doyen des
Comédiens-Français) présente, Salle Richelieu, une
nouvelle mise en scène de L’Avare de Molière. Un
cadre qui pourrait faire craindre une représentation
empesée, cérémonieuse, mais qui participe, en fait,
à une très belle réussite. Car, à l’intérieur de cette
esthétique sans surprise, se joue un formidable
ballet d’acteurs. Ils sont dix sur scène (accompa-
gnés de quatre élèves comédiens prenant part au
programme de professionnalisation inauguré, cette
année, par Muriel Mayette). Dix à investir les mou-
vements et les inflexions d’une pièce qui, pour être
l’une des plus connues du répertoire, continue à
surprendre et captiver. On n’a jamais fini de sonder
les grands textes. On n’a jamais fini d’en redécou-
vrir telle réplique, tel aspect de personnage, telle
perspective dramaturgique.
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Construit autour de la présence d’un Denis Poda-
lydès au sommet de son art, le spectacle créé par
Catherine Hiegel permet toutes ces redécouvertes.
D’une intelligence et d’une précision étonnantes,
l’interprète d’Harpagon s’impose dans une com-
position en tout point admirable. Exigeant, déli-
cat, à la fois concret et retenu, Denis Podalydès
fait preuve d’une intériorité sans faille, travaille en
creux pour maîtriser au millimètre l’avancée de
son personnage. Loin des noirceurs exacerbées,
loin des complaisances burlesques, il confère
une grande fluidité, une grande profondeur à la
représentation. Mais la réussite de cette nouvelle
version de L’Avare ne se limite pas à cette seule
performance. Aux côtés de l’acteur, Dominique
Constanza, Christian Blanc, Jérôme Pouly, Pierre
Louis-Calixte, Serge Bagdassarian, Marie-Sophie
Ferdane, Stéphane Varupenne, Benjamin Jungers
et Suliane Brahim (la jeune comédienne fait son
entrée au Français) n’ont rien de faire-valoir. Il est
d’ailleurs assez enthousiasmant de voir la jeune
génération s’illustrer de si belle façon auprès de
ses aînés. Révélant des qualités rares, Stéphane
Varupenne et Benjamin Jungers contribuent ainsi
à soutenir l’idée d’une troupe qui ne cesse de se
régénérer, d’une troupe ancrée dans le présent et
dans l’avenir.
Manuel Piolat Soleymat
L’Avare, de Molière ; mise en scène de Catherine
Hiegel. En alternance du 19 septembre 2009
au 21 février 2010. Matinées à 14h,
soirées à 20h30. Renseignements et location
au 0825 10 16 80 (0,15 TTC la minute) ou
sur www.comedie-francaise.fr
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la criée-théâtre national de marseille / saison 2009-2010 focus
lt / octobre 2009 / N°171 / 9
la criée rouvre ses portes
en grande pompe !
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La Criée - Théâtre National de Marseille.
30, quai de Rive Neuve, 13007 Marseille.
Tél. 04 91 54 70 54 et sur www.theatre-lacriee.com
///////////////////////////////////////////////////////////////////////////
tt / Jean-Louis benoit
du grand répertoire
aux textes contemporains
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Quelle couleur avez-vous souhaité donner à
la saison 2009/2010 ?
Jean-Louis Benoit : Après une année 2008/2009
de demi-activité, j’ai souhaité que cette saison de
réouverture soit riche et flamboyante, large et
éclectique. J’ai donc programmé près de trente
propositions, qui vont du grand répertoire à des
textes contemporains. De plus, je suis particuliè-
rement heureux de présenter trois spectacles de
Pippo Delbono.
Vous avez également ouvert votre program-
mation à la musique, au cinéma, à la danse…
J.-L. B. : En effet. Cette année, nous aurons le
plaisir d’accueillir le pianiste de jazz Brad Mehldau,
David Galoustov et Caroline Sageman qui interpré-
teront l’intégrale des sonates pour piano et violon-
celle de Beethoven, ainsi que le Ballet national de
Marseille qui présentera une création de Frédéric
Flamand. J’ai également voulu programmer L’Hi-
rondelle et la Mésange, un ciné-concert au cours
duquel l’accordéoniste Marc Perrone accompa-
gnera le film réalisé en 1920 par André Antoine.
Mêler ainsi le théâtre à d’autres formes d’expres-
sion artistique est une façon de croiser les publics,
d’ouvrir La Criée à toujours plus de spectateurs.
© Antoine Benoit
Lorsque j’ai pris la direction de ce théâtre, en 2001,
il était davantage refermé sur lui-même. J’ai sou-
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© D. R.
ppll / renaud Marie LebLanc
épure tragique
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«Phèdre me fascine depuis mon entrée dans l’âge
adulte. Mais j’ai relu Britannicus il y a deux ans, et je
ne comprenais plus rien à l’alexandrin ! Je me suis
demandé : les textes classiques ne sont-ils que des
objets littéraires sublimes ou bien nous parlent-ils
encore ? Pour moi, la modernité du texte réside
dans ses personnages. Plongés dans les affres du
désir et de la passion, ils produisent eux-mêmes
leurs dérèglements. Dans leur bouche, l’alexandrin
souligne la tension entre le désir qui brûle et le car-
can de la langue qui verrouille. Racine écrivait en
prose. Avant de retravailler en alexandrin, parce que
c’était la langue obligée. Quand on décide de mon-
ter Phèdre, on se dit qu’on va faire ce que personne
n’a fait auparavant. Mais la pièce est moins référen-
cée qu’on ne le croit. A Marseille, elle n’a pas été
tt / MarceL bozonnet
un conte initiatique sur
la conquête du pouvoir
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Pourquoi ce personnage ?
Marcel Bozonnet : Je m’intéresse depuis jeune
homme au Moyen-Orient, d’abord par le biais
politique puis par la littérature arabo-musulmane.
Désirant m’y replonger, j’ai découvert Le Roman
de Baïbars dans les rayonnages de la bibliothèque
de l’Institut du Monde Arabe. Ce texte vient de la
culture populaire orale et appartient aux grands
cycles narratifs. Les plus anciennes traces écri-
tes datent du xviie siècle, mais ce sont surtout
les conteurs qui transmirent cette histoire orale-
ment. J’avais à cœur de montrer cette œuvre sur
la « scène commune », selon l’expression d’Ab-
delwahab Meddeb, afin de rappeler que la littéra-
ture arabo-musulmane participe du concert des
grandes cultures du monde, quand les images de
la barbarie terroriste qui frappent l’actualité ten-
draient à le faire oublier.
Le roman de Baïbars comprend dix volumes.
Comment l’avez-vous adapté ?
M. B. : Même s’il porte sur un personnage histori-
que réel, le roman suit la structure d’un conte ini-
tiatique. Nous avons travaillé à partir de la version
de Damas, en sélectionnant les épisodes princi-
paux, en isolant les lignes structurelles et les sept
figures principales. L’histoire commence par une
prophétie qu’un roi voit en songe. Surgit alors Baï-
bars, l’esclave annoncé, malade, abandonné, puis
secouru et adopté par une bienfaitrice. L’adoles-
cent traverse les épreuves initiatiques pour devenir
un parfait guerrier. Il triomphe de son ennemi usur-
pateur, antihéros diabolique, défait les Mongols et
arrête les Croisés, puis s’impose puissant Sultan
des terres d’Islam.
Quel traitement scénique ce conte théâtral
appelle-t-il ?
M. B. : La difficulté est d’atteindre la simplicité,
les images symboles. L’esthétique et la mise en
scène mettent en tension l’archaïque et le contem-
porain. Sur la scène, presque vide, un cercle de
sable dessine l’espace de jeu que se partagent
des comédiens arabes et français, tandis qu’une
trame sonore électro-acoustique traduit l’atmos-
phère du merveilleux.
Le récit revient en force sur les plateaux de
théâtre. Y voyez-vous un signe d’époque ?
M. B. : Le flot continu des images et discours nous
jette dans une telle confusion que nous avons
peut-être besoin de retrouver un récit structurant,
de déchiffrer l’irrationnel. L’histoire me semble
aussi le meilleur contrepoint au débat sur l’identité
nationale et l’immigration.
Propos recueillis par Gwénola David
Baïbars, le mamelouk qui devint sultan, d’après
Le Roman de Baïbars, adaptation de Marcel
Bozonnet et Judith Ertelet mise en scène de Marcel
Bozonnet. Du 2 au 6 mars 2010.
© D. R.
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Marcel Bozonnet
haité le faire évoluer en jetant des ponts vers les
autres institutions de la ville, les compagnies régio-
nales, les écoles d’art dramatique…
Après Henri V en 1999, vous met-
tez aujourd’hui en scène La Nuit de rois.
Pourquoi revenir à Shakespeare ?
J.-L. B. : J’ai toujours eu envie de mettre en scène
une comédie de Shakespeare. Généralement, en
France, on monte plutôt ses grandes tragédies. Si
La Nuit des rois me plaît tant, c’est parce qu’elle
raconte de façon magnifique la quête de l’identité.
C’est un thème passionnant. Durant toute la pièce,
une jeune fille lutte contre l’idée de la mort de son
frère jumeau. Sans même s’en rendre compte, elle
part ainsi à la recherche d’elle-même. Dans cette
pièce, Shakespeare tisse les fils de la farce et de
l’amour de façon noble et lumineuse, de façon
particulièrement délicate.
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat
La Nuit des rois, de William Shakespeare ;
mise en scène de Jean-Louis Benoit.
Du 5 au 28 novembre 2009.
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gpl / PiPPo deLbono
un théâtre de l’intime
visant à l’universel
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Entremêlant images scéniques, mises en jeu
corporelles et chorégraphiques, éclats textuels,
paysages musicaux…, Pippo Delbono compose
un théâtre d’une poésie libre et énigmatique. Une
poésie qui fouille l’humain dans ce qu’il a de plus
singulier, de plus distinctif pour tenter de mettre
au centre du théâtre le monde tel qu’il est. Une
façon de scruter l’intime et le particulier pour tou-
cher à l’universel. Cela à l’aide d’une troupe qui
suit le metteur en scène depuis de nombreuses
années, troupe bigarrée composée d’interprètes
parfois en marge des normes sociales : Bobo,
une dimension totale de fragilité. » Cette fragilité, le
metteur en scène et comédien la place au cœur de
ses créations, tentant de confronter le spectateur
à ce qu’il y a de plus vrai, de plus sincère et de
plus lucide au sein de l’homme.
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Ce sont alors des pans entiers de monde qui
émergent – des pans rugueux ou lumineux, chao-
tiques, joyeux ou provocateurs et tentent de
révéler au public des états de conscience, voire
de bouleversement. Cet univers profondément
personnel, le Théâtre de La Criée et le Théâtre
Le Merlan ont décidé de le mettre à l’honneur en
janvier 2010. I Raconti di Guigno, Questo Buoi
feroce, La Menzogna (spectacle créé l’été dernier
au Festival d’Avignon), Enrico V (d’après William
Shakespeare), mais aussi deux films (Grido et
La Paura) et deux rencontres avec l’homme de
théâtre italien : cette quinzaine delbonienne sera
l’occasion de (re)découvrir le parcours d’un artiste
qui parle sur scène « de l’amour, de la mort, de
la violence, de la lutte… », qui crée « en mettant
des choses côte à côte, comme une composition
musicale, deux notes par deux notes ». Un artiste
pour qui « mettre en scène, c’est composer une
mosaïque ».
Manuel Piolat Soleymat
Au Théâtre de La Criée : I Raconti di Guigno (Récits
de juin), le 5 janvier 2010 ; Questo Buoi feroce,
les 6 et 7 janvier ; La Menzogna, du 14 au 16 janvier ;
rencontre avec Pippo Delbono le 16 janvier à 17h30,
projection de Grido à 20h00. Au Théâtre Le Merlan :
Enrico V, les 9, 10 et 12 janvier ; projection de
La Paura le 9 janvier à 21h00, rencontre avec
Pippo Delbono à 22h30.
comédien microcéphale sourd et muet qui a
longtemps vécu dans un hôpital psychiatrique ;
Gianluca, comédien trisomique ; Nelson, ancien
SDF devenu comédien… « Le théâtre, ce sont les
acteurs, affirme Pippo Delbono. Tout doit être au
service de l’acteur ; car au théâtre, un être humain
parle à des êtres humains. L’acteur doit être inno-
cent, se laisser regarder jusqu’au fond ; il n’est pas
le chef de son rôle, de ses idées, de ses pensées,
mais il est au service de ceux qui regardent, dans
© D. R.
© D. R.
ppll / anne-Marie Lazarini
portrait d’une
femme réfractaire
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«Pour écrire cette pièce énigmatique, Michel
Vinaver s’est fondé sur un fait divers qui l’a fasciné.
En 1951, Pauline Dubuisson tue son ex-amant Félix
Bailly, sur le point de se marier. Le procès reten-
tissant de la meurtrière (qui a inspiré La Vérité de
Clouzot), déchaîne les foules et s’achève en novem-
bre 1953 par sa condamnation aux travaux forcés
à perpétuité. La jeune femme est perçue comme
un monstre sulfureux, alors que son ami était au
contraire parfait et bien élevé. Michel Vinaver a
découpé dans Le Monde les articles du chroni-
queur judiciaire, et les a gardés plus de trente ans
dans un placard. Au moment de l’écriture, il s’est
donné comme principe de n’utiliser dans la partie
du procès que ce qui avait été véritablement dit
dans la salle d’audience, qui était reproduit dans
le quotidien. On voit à quel point on a essayé de la
pulvériser. Lors du procès, elle ne correspond pas
au rôle d’accusée qu’on lui assigne, elle n’entre pas
dans ce jeu. Elle est réfractaire donc la machine
judiciaire tourne à vide. J’aime beaucoup le per-
sonnage de Sophie Auzanneau (écho de Pauline),
interprété par Jocelyne Desverchère, personnage
à la fois opaque et transparent, insaisissable et
aux motivations troubles. Michel Vinaver construit
admirablement cette fiction comme un puzzle en
agençant des éléments de la vie de Sophie sans
qu’on sache qui a le bon regard sur elle. Cela met
le spectateur en position de jury. Il faut entrer dans
l’énigme et Iaisser venir, laisser parler cette écriture
qui éveille l’esprit.»
Propos recueillis par Agnès Santi
Portrait d’une femme, de Michel Vinaver, mise en
scène Anne-Marie Lazarini, du 2 au 6 février 2010.
il était une fois
germaine
tillion
////// Xavier Marchand ////////////////////////////////////////////////
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Relevant la gageure d’adapter et de mettre en
scène les écrits théoriques de Germaine Tillion,
Xavier Marchand les ordonne en trois périodes :
celle des expéditions ethnologiques dans les Aurès,
celle de la déportation à Ravensbrück, celle de la
guerre d’Algérie. Choisissant de faire porter la
parole de cette femme hors du commun par des
comédiens jouant sur fond de documents visuels et
sonores, Xavier Marchand entend faire partager son
admiration pour celle que les Chaouïas appelaient
avec respect « la vieille » et sa « manière singulière
de parler du monde et de l’analyser ».
C. Robert
Il était une fois Germaine Tillion, d’après l’œuvre de
Germaine Tillion ; mise en scène de Xavier Marchand.
Du 12 au 21 mars 2010. Projection de films et
rencontres lors de quatre journées consacrées à
Germaine Tillion les 13, 14, 20 et 21 mars.
push up
////// Roland Schimmelpfennig ////////////////////////////////////
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
« Push up, c’est le monde de l’entreprise représenté
sur scène, déclare le metteur en scène Gabriel Dufay.
C’est le mot d’ordre d’une société économique néoli-
bérale au paroxysme de sa puissance : il s’agit avant
tout de faire du chiffre, de réussir, de poursuivre son
ascension sociale. (…) Réel et virtuel s’enchevêtrent
dans [ce] monde régi par la surveillance, la consom-
mation, la transparence, [ce monde] guetté par le
désarroi. » Posant un regard incisif sur les dérègle-
ments de nos comportements, de nos cadres de vie,
le jeune auteur allemand Roland Schimmelpfennig
signe un huis clos sur la solitude qui, au-delà même
de la problématique de l’entreprise, éclaire les pro-
cessus d’individualisation et de déshumanisation de
notre société.
M. Piolat Soleymat
Push up, de Roland Schimmelpfennig ; mise en scène
de Gabriel Dufay. Du 27 au 30 avril 2010.
philoctète
////// Christian Schiaretti ////////////////////////////////////////////
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Philoctète, un des plus valeureux guerriers achéens,
a été abandonné par ses compagnons en route
vers Ilion sur l’île de Tenedos à cause d’une bles-
sure puante à l’odeur insupportable. Exclu de la
compagnie des hommes pendant dix ans, Phi-
loctète ressasse sa colère et son dépit jusqu’à ce
qu’arrivent Néoptolème et Ulysse, venus convaincre
le possesseur de l’arc d’Héraclès de participer au
sac de Troie. Christian Schiaretti choisi l’incandes-
cent et mythique Laurent Terzieff pour incarner le
héros de cette tragédie « atypique et étrange ». Un
rendez-vous incontournable.
C. Robert
Philoctète, de Jean-Pierre Siméon ; mise en scène de
Christian Schiaretti. Du 23 au 29 janvier 2010.
nathan
le sage
////// Laurent Hatat /////////////////////////////////////////////////////
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Pouvoir politique, pouvoir commercial, pouvoir
militaire : Saladin, le sultan musulman, Nathan, le
marchand juif, et Curd, le templier chrétien sont
les symboles des trois instances dont la conci-
liation est la garantie de la paix sociale. eee
eee Se gardant de l’exposé doctrinal tout en
étant d’une limpidité vulgarisatrice parfaite, Lessing
mélange avec efficacité la comédie et la philoso-
phie, les traits et la profondeur l’esprit. Il place ses
personnages dans la situation idéale d’une Jéru-
salem les cultures se mêlent et s’enrichissent
mutuellement dans le creuset du respect, lors d’une
trêve pendant la Troisième Croisade. Laurent Hatat
choisit d’en moderniser le cadre et le met en scène
avec une fluidité remarquable.
C. Robert
Nathan le sage, de Gotthold Ephraïm Lessing ; mise en
scène de Laurent Hatat. Du 3 au 5 décembre 2009.
les fausses
confidences
////// Didier Bezace /////////////////////////////////////////////////////
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« Un auteur est un homme, à qui dans son loisir,
il prend une envie vague de penser sur une ou
plusieurs matières ; et l’on pourrait appeler cela,
réfléchir à propos de rien », explique Marivaux au
sein du Spectateur français. Projeté dans le champ
des reflets littéraires, ce rien donne forme, chez
le dramaturge, à des mouvements du langage et
de l’esprit saisissants. Des mouvements qui ren-
voient aux enchevêtrements de l’amour et des
représentations sociales. Didier Bezace met en
scène Les Fausses confidences avec notamment
Pierre Arditi (Dubois), Anouk Grinberg (Araminte),
Isabelle Sadoyan (Mme Argante) et Robert Plagnol
(Dorante).
M. Piolat Soleymat
Les Fausses confidences, de Marivaux ; mise en
scène de Didier Bezace. Du 2 au 5 juin 2010.
Et aussi… unE saison théâtralE poids lourd !
Le Théâtre de la Criée rouvre ses portes en beauté, en accueillant des spectacles de qualité.
Du 28 novembre au 5 décembre, Angela Konrad met en scène Macbeth. Du 8 au 11 décembre, Laurent Fréchuret met en scène Médée. Du 16 au 19 décembre, Jean-Louis Martinelli
installe Les Fiancés de Loches dans le grand théâtre. Du 5 au 16 janvier 2010, La Criée s’associe au Merlan pour accueillir Pipo Delbono. Du 13 janvier au 6 février, Gilbert Rouvière
met en scène Valletti (Pourquoi j’ai jeté ma grand-mère dans le Vieux-Port). Du 23 au 26 mars, Frédéric Bélier-Garcia met en scène Yaacobi et Leidental de Hanokh Levin. Du 20
au 24 avril, Deschamps et Makeïeff animent leur Salle des fêtes pendant que Thierry Roisin interroge la démocratie du 21 au 24 avril dans La Grenouille et l’architecte.
C. Robert
Et aussi… lE rEstE dE la saison
De la musique, du cinéma, de la danse et du théâtre jeune public pour satisfaire tous les goûts !
Du 23 au 27 février 2010, carte blanche à Hubert Colas. Le 12 mars, concert du pianiste de jazz Brad Mehldau. Les 26 mars, 19 mai et 8 juin, intégrale des sonates pour violon
et piano de Beethoven, par David Galoustov et Caroline Sageman. Le 30 avril, projection de L’Hirondelle et la mésange, accompagné par Marc Perrone à l’accordéon diatonique.
Du 4 au 7 mai, la création 2010 du Ballet National de Marseille. Du 19 au 22 mai, Il était une fois… les fables, adapté pour le jeune public de Jean de La Fontaine et mis en
scène par William Mesguich.
C. Robert
montée depuis le début des années 90 ! De plus,
comme le souligne Barthes, Racine résiste. Pour
représenter ses pièces, on ne peut pas sortir d’un
espace clos. Cet espace clos, sorte de métaphore
du théâtre, sera pour nous un espace mental dans
lesquels les personnages se battent. Ce sera une
proposition simple et assez épurée.»
Propos recueillis par Eric Demey
Phèdre, de Racine, mise en scène de Renaud-Marie
Leblanc. Du 9 au 19 décembre 2009.
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