Journal Identification = MTE Article Identification = 0454 Date: February 26, 2013 Time: 7:24 pm
Mini-revue
fécondation par injection intra-ovocytaire d’un spermato-
zoïde (ICSI), la congélation des ovocytes ou des embryons
en vue d’une utilisation extérieure, l’implantation de
l’embryon dans l’utérus d’une mère porteuse. Toutes les
étapes de la fertilisation et de l’implantation semblaient
pouvoir être réalisées, avec les gamètes de deux donneurs
quelconques. Sur ces bases, l’aide médicale à la procréa-
tion (AMP) était entrée dans les mœurs avant la fin du
XXe siècle.
Bien que ces techniques ne permettent pas de sur-
monter toutes les stérilités et donc de donner un enfant
à tous les couples demandeurs, elles ont aussi eu pour
effet d’encourager un report des naissances à des âges
plus avancés. La prolongation de la scolarité féminine,
la généralisation de l’activité professionnelle des femmes,
la volonté de ne pas soumettre leur carrière profession-
nelle aux aléas de l’enfantement et de l’éducation des
enfants, tout cela a accrédité l’idée que faire des enfants à
25 ans n’était pas très satisfaisant. On soupc¸onnait vague-
ment que, à partir d’un certain âge et en tout cas après 45
ans, il était difficile aux femmes de concevoir et de mener
une grossesse à terme. Mais l’existence des techniques
d’AMP poussait à balayer l’objection : en cas de problème,
la médecine y remédierait ! On oubliait seulement que
l’efficacité de ces techniques diminuait avec l’avancée en
âge.
Comme la raison de ces échecs était surtout à chercher
du côté du vieillissement des ovocytes et de l’utérus, une
solution a été rapidement trouvée : utiliser un ovocyte de
femme plus jeune et un utérus accueillant (celui-ci pouvait
même appartenir à une femme relativement âgée). Restait
à trouver des «donneuses »et des «porteuses ». Les don-
neuses pouvaient être les «demandeuses »elles-mêmes :
il leur suffisait de penser à congeler leurs ovocytes quand
elles étaient encore jeunes. Les «porteuses »étaient plus
difficiles à trouver : s’il s’agissait de femmes encore jeunes,
celles-ci s’exposaient à toutes les difficultés sociales énu-
mérées plus haut ; et les femmes plus âgées n’étaient
pas souvent volontaires pour se remettre à «gester »sur
le tard. On a même songé à faire porter les enfants par
des hommes, mais les volontaires pour expérimenter la
méthode étaient assez rares.
La solution a été un peu longue à trouver mais a fini par
arriver : l’utérus artificiel. Il a fallu reconstituer toutes les
conditions des échanges, complexes, entre l’embryon et sa
mère via le placenta. On savait, depuis longtemps, déve-
lopper les quelques cellules initiales de l’embryon dans un
milieu artificiel, mais pendant quelques jours seulement.
Accompagner toutes les phases de croissance de l’enfant
in utero pendant neuf mois s’est révélé autrement difficile.
L’organisation est enfin parfaite, ou presque. Il existe
des «magasins d’ovocytes », des «magasins de spermato-
zoïdes »,etdes«centres de grossesse ». Toute personne
souhaitant un enfant, quels que soient son âge et sa situa-
tion maritale (la notion de couple n’a plus lieu d’être),
peut choisir un ovocyte (un des siens, si elle a pensé à en
déposer et si c’est une femme), un spermatozoïde (un des
siens, s’il a pensé à en déposer et si c’est un homme), et
les remettre à un centre de grossesse. Ceux-ci rivalisent
d’ailleurs d’ardeur pour raccourcir la durée de gestation
bien en dessous des neuf mois traditionnels, avec un suc-
cès modeste pour le moment. Le taux de succès est loin
d’atteindre 100 %, mais on peut facilement renouveler les
tentatives.
Pour le moment, on utilise encore des ovocytes et
des spermatozoïdes de donneurs. Les dépôts sont bien
rémunérés, surtout ceux d’ovocytes obtenus après stimula-
tion hormonale. Mais les progrès rapides en microbiologie
laissent penser que de simples cellules suffiront bientôt.
Que devient la filiation dans tout cela ? Elle est beau-
coup plus simple. Le nouveau-né est fils ou fille de la
personne qui a décidé de sa gestation : chaque enfant
a donc un père ou une mère. Ce parent peut vivre en
couple avec une autre personne, quel que soit le sexe de
celle-ci : si le partenaire décide de participer à l’élevage
de l’enfant, il a droit à un statut spécial de «co-parent ».
En cas de séparation du couple, il garde ce statut, mais
peut le partager avec un(e) nouveau/nouvelle partenaire.
Cette situation a éliminé tous les conflits de paternité et
résolu le problème des couples homoparentaux. Elle a été
d’autant plus facilement acceptée qu’une grande étude
lancée vers 2010 avait montré que les enfants élevés par
un seul parent, quel que soit son sexe, ne se portaient
pas plus mal que les autres. Les possibilités offertes par le
clonage reproductif parachèveront d’ailleurs cette orienta-
tion : biologiquement, l’enfant sera bien celui d’une seule
personne.
Du coup, on en vient à se demander s’il est nécessaire
et légitime de garder la distinction entre les sexes masculin
et féminin : quand tout individu pourra se «re-produire »
à l’identique, peu importera son sexe et celui de l’enfant.
Ainsi sera définitivement réglé le problème d’inégalité
posé au début de ce texte. La question des «relations
sexuelles », en revanche, sera à repenser complètement.
Conflits d’intérêts : aucun.
120 mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 15, n◦1, janvier-février-mars 2013
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