ATRID~S [1 105 A. R. W. Harrison, The Law of Athens, T. [1. Procedure, Oxford, 1971. pp. 169-176, M.H- Ha nsen, Apagoge. Endelx/s and Ephegesls aga/nst Kakourgol, AI/mo/ and Pheugontes, Copenhague, 1976, pp, 54-98. r:ir Cité, Justice, Polileia. ATRIDES Les Atrides sont une célèbre famille dont le mythe a nourri l'imagInation des grands poètes tragiques du V siècle, Atrée, le fondateur de la famille, était fils de Pélops et d ' Hippodamie, Pélops lui-même étail fils de Tantale, lequel l'avait offert en festin aux dieux après l'avoir préalablement découpé en morceaux, Les dIe ux se vengèrent de lui en le condamnant à n'être jamais rassasié (le supplice de Tantale), pUIS reconstituèrent le corps du j eune garçon, amputé toutefois d ' une épaule que Déméter avait dévorée, Parvenu à l'âge d'homme, Pélops tomba amoureux de la fille du roi de PIsé, Œnomaos, appelée Hippodamie, Pour décourager les prétendants à la maIn de sa fille, Œnomaos leur imposait une épreuve, le va Incre à la course de char, épreuve dont ils sortaient toujours vaincus, le ur défaite entrainant leur mise à mort. Pélops sut gagner l'amour d'Hippodamie, laquelle Incita le cocher de son père à fausser les ro ues du char ATRIDES 106 d'Œnomaos. Ainsi Pélops obtint-il la victoire et la main d·Hippodamie. Pélops et Hippodamie eurent deux ms, Atrée et Thyeste. qu 'une violente haine sépara bientôt. Pour se venger de Thyeste qu' il soupçonnait être l'amant de son épouse Aeropè, Atrée tua les enfants que son frère avait eus d'une Naïade, et, ayant fait bouillir leur corps, les servit à Thyeste au cours d'un banquet. Thyeste se vengea à son tour d'Atrée en le faisant assassiner par un autre de ses fils. Égisthe. Ainsi commence la malédiction des Atrides, avec au point de départ, ce double crime qui relève de la sauvagerie la plus bestiale, puisque Pélops comme les enfants de Thyeste ont été offerts au cours d'un repas sacrificiel corrompu, les victimes étant des êtres humains. Cest d 'ailleurs un autre sacrifice humain qu 'on retrouve dans la séquence suivante du mythe : le sacrifice d'Iphigénie. Atrée. devenu roi de Mycènes, avait eu deux fils, Agamemnon et Ménélas. Ce dernier devint roi de Sparte par son mariage avec Hélène. Quand celle-ci fut enlevée par Paris, le fils de Priam, le roi de Troie, Agamemnon, organisa pour venger son frère la fameuse expédition qu'on appelle la guerre de Troie. Mais. alors que les navires grecs étaient rassemblés à Aulis, des vents contraires les empêchèrent d'appareiller pour l' Asie. Agamemnon ayant consulté le devin Calchas, apprit de celui-ci qu'il lui fallait sacrifier sa fille Iphigénie à Artémis. ATRID~S 107 Agamemnon s'exécuta, malgré les protestations de son épouse Clytemnestre, et celle-ci se vengea à son tour lorsque, dix ans plus tard, Agamemnon vainqueur rentra en Grèce : elle arma contre lui le bras de son amant Egisthe, et le fit assassiner, ainsi que Cassandre, la captive qu'il avait ramenée de Troie. Devenu adulte, Oreste, le fils d'Agamemnon, aidé de sa sœur Electre et de son ami Pylade, vengea son père en assassinant Clytemnestre et Egisthe. Mais. devenu fou et poursuivi par les Erynnies, Oreste dut s'enfuir jusqu'à Athènes OÛ il fut jugé par le tribunal de I"Aréopage, présidé par Athéna. qui l·acquitta. Selon une version du mythe, transmise en particulier par Euripide, Oreste et Pylade se seraient alors rendus en Tauride oû ils retrouvèrent Iphigénie. sauvée au dernier moment par Artémis qui lui avait substitué une biche et en avai t fait sa prêtresse. Guéri de sa folie, Oreste aurait épousé Hermione, la fille de Ménélas, et régné avec elle sur Sparte jusqu'à sa mort. L 'Orestie d 'Eschyle, l' Electrede Sophocle, l' Electœ et les deux Iphigénie d' Euripide témoignent de l'importance que les Anciens accordaient au mythe des Atrides. Les modernes y ont lu le témoignage du passage de la vie sauvage à la civilisation. de la condamnation des sacrifices humains et des pratiques anthropophages, cependam que l'acquittement d 'Oreste par le tribunal de l'Aréopage traduit le triomphe de la justice des hommes sous le patronage d'Athéna. BANAUSJJI 111 108 P. Vidal-Naquet, «Chasse et sacrifice dallS L'Orestie d'Eschyle &, dans Mythe er tragédie en Grèce ancienne, Paris, 1972, pp, 133-158, r:ir Aréopage, Athéna, Héros et cycles héroïques. Schlie- mannn, Troie (Guerre de) , BANAUSOI Le temle est employé dans le même sens que demiourgoi pour désigner les artisans, mais il est chargé d'une nuance péjorative. On le rencontre surtout chez les écrivains hostiles à la démocratie comme Xénophon, Platon ou Aristote, lorsqu'ils s' interroge nt sur le bien-fondé d'un régime qui accorde aux banausoï les mêmes droits qu' aux autres cito yens, « Les mé tiers d'artisans (banausikaij, dit Socra te dans J'Économique de Xénophon, sont décriés et il est certes naturel qu ·on les tienne e n grand mépris dans les cités, Ils ru inent les corps des ouvriers qui les exercent et de ceux qui les d iri ge nt en les contraignant à une vie casanière, assis dans l'ombre de leurs ateliers, parfois même à passer toute la j ournée au coin du feu . Les corps étant ainsi amollis, les âmes aussi dev iennent bien plus lâches » (Économique, IV, 3), à quoi fait écho Aristote affirmant dans la Politique (III, 1278a8) que « la c ité parfa ite ne fera pas du banausos un citoyen », La BANQUU BANQUIERS 109 position de Platon est plus complexe, car s'il exclut les artisans de la cité des Lois, il « fail de la fonction artisanale, celle de Prométhée et celle d'Héphaïstos, le centre de l'activité humaine, l'activité modèle par excellence » (P, Vidal-Naquet), Pour les penseurs grecs dans leur ensemble, l'activité « banausique ,. est inco mpatible avec l'activité politique, CI p, Vidal-Naquet. ~tude d 'une ambigui'té : les artisans dans la cité platonicienne. Le chasseur noIr, Paris, ]981. pp. 289-316. r:ir Demiourgoi. BANQUEIBANQUIERS Le terme grec trapezitès que nous traduisons par banquier tire son origine de la trapeza, la ]able des changeurs qui, dans les grands ports du monde grec, permetlaien] aux marc hands d'échanger les pièces qu ' ils détenaien] contre de la mo nnaie locale, On ne possède guère de renseignements sur les banques grecques avant la fin du V' siècle, et on ne s 'étonnera pas que ce soit une fois de plus pour Athènes que notre information soit la plus abondante, Au IV siècle en effet, une série de procès opposèrent le fils d' un célèbre banquier il celui qui avait succédé il son père, et les plaidoyers prononcés il l'occasion de ces procès figurent panni les discours de Démosthène, BANQUE/BANQUIERS 110 Ce banquier, nommé Pasion, était à l'origine, et le fait est important, un esclave. Sa réussite dans la gestion des affaires de son maître lui valut d'être affran· chi, et les services qu"il rendit il la cité de recevoir la citoyenneté athénienne. Celui qui lui succéda à la tête de la banque était son propre esclave, Phormion, qui lui aussi fUi affranchi et fail citoyen, ce qui lui permit de devenir l'époux légitime de la femme de son ancien maître. Or celte situation semble bien n 'avoir rien d·exceptionnel. Dans le discours composé par Démosthène pour défendre Phormion contre les accusations de son beau-fils Apollodore, l·orateur fait la constatation que le cas de Pasion et de Phormion sem· ble assez banal: « II n'ignore pas. dit·il d· Apollodore, il ne peut pas ignorer, pas plus que beaucoup d'entre vous, que Socrate, le fameux banquier qui avait été affranchi par ses maîtres comme le père d·Apollodore, donna sa propre femme e n mariage à Satyros, son ancien esclave. Un autre banquier, Soclès, en usa de même avec Timodémos, qui est encore en vie et qui avait été égalemem son esclave. Et ce n·est pas seulement à Athènes que pareille chose se pratique dans le monde de la banque: à Égine, Strymodoros a donné sa femme en mariage il son esclave Hermaios ; et. après la mort de celle·ci, il lui donna encore sa fille . On pourrait citer bien des cas semblables » (pour Phormion, 28-29). BANQUUBANQUIERS 111 Laissons cette curieuse pratique qui consistait 11 faire don à l' esclave affranchi de la banque et de la femme, Il n'en reste pas moins que l'origi ne servile de ces banqu iers est révélatrice de la place qu'ils tenaient dans la cité grecque, Même lorsqu'ils recevaient la citoyenneté comme Pasion, ils n'en demeuraient pas moins des « outsiders » , des gens dont le statut, quel que fût le niveau de leur fortune , restait inférieur, Ces banquiers étaie nt d'abord, on l'a vu, des changeurs, Au IV" siêcle cependant. les plaidoyers démosthéniens en fo nt foi. ils reçoivent aussi les dépôts de riches clients, singulièremen t des marchands soucieux de laisser leur arge nt à l'abri durant leur absence, Mais, s'il leur arrive de servir d'intermédiaires entre leurs clients et par exemple des marchands d ésireux d'emprunter pour une expédition maritime vers le Pont-Eux in ou quelque autre destination afin de rapporler du blé en échange de la cargaison que l'argent emprunté leur a permis d' acquérir, ils ne gèrent pas eux-mêmes l'argent déposé dans le urs coffres, et le urs établissements ne sont en rien des organismes de crédit. Quant 11 le ur fortune personnelle, elle n'atteignait pas toujours le niveau de celle de Pasion, Démosthène cite le cas de nombreux banquiers qui ont fait « faillite ». Et lorsque Phormion, qu i bénéficiait lui d'un grand crédit auprès de ceux qui lui confiaient leur argent, gérait la banque au bénéfice des fils de Pasion, le profit annuel était de 160 mines, c 'est-à- 112 BARBARH dire 16 000 drachmes, une somme importante certes, mais sans commune mesure avec ce que pourraient être les profits d ' un établissement bancaire d'aujourd'hui (rappelons qu'à la même époque un ouvrier travaillant sur un chantier de construction publique reçoit entre une drachme et une drachme et demie de salaire journalier), L'époque hellénistique, avec l'accroissement de la circulation monétaire, verra se multiplier les banques privées, mais aussi se développer des banques publiques et sacrées, les cités et les temples se faisant banquiers à leur tour. [J R. Bogaen , Banques el banquiers dalls les cllés grecques, Leyde, 1968. «La banque 11 Athènes au XLIII , 1986, pp,19 sqq, !V" siè1:1e avant J.-c. ~, M. H.. qr Commerce, Économie. Monnaie, BARBARES C'est sous ce vocable que les Grecs désignaient les non-Grecs, ceux qui ne parlaient pas la même langue qu'eux. Il est vraisemblable que l'origine du terme qui remonte à Homère dérive d'une onomatopée, À l'époque classique, le monde barbare s'étendalt donc des rives de la mer Noire aux côtes d'Espagne, Cepen- BARBARES 113 dant, parmi ces barbares, il en était qui incarna ient par excellence ces", autres » dont les Grecs tenaie nt à se distinguer: à savoir les habitants de l'immense empire perse. Les Grecs avaient eu à les affronter au cours des deux g uerres médiques, et l' historien Hérodote, qui écri vit ses Enquêtes pour en conserver la mémoire, a plus que tout autre contribué à forger lïmage du barbare, même s'il éprouvait pour ceux qu'il qualifiait ai nsi non seulement de la curiosité, mais même une sympathie que lui reprocheront ses détracteurs. Le barbare en effet est présenté par l' historien d ' Halicarnasse comme", l'autre» par excellence. Ce qui le distingue d'abord du Grec c'est sa soumission à un pouvoir despotique, celui du roi, alors que le Grec est un homme libre, C'est ensuite sa démesure, son hybris, opposée au sens de l'ordre, propre au Grec. Le récit de la bataille de Salamine est à cet égard édifiant: face aux navires grecs qui avancent en bon ordre, les navires perses se présentent dans le bruit et le désordre, et le urs pertes sont d 'autant plus lourdes qu ' ils se re pliem sans conserver la moindre cohésion. Mais cette altérité du barbare n'est pas nécessairement négative: elle est seulement l'inverse de la civilisation qu'incarne le Grec. Un passage d'Hérodote est à cet égard sig nificatif: celui dans lequel il décrit les mœurs de ces Égyptiens dom par ailleurs il soulig ne la piété et l'ancienneté de la civilisation: BARBARH 114 « Les Égyptiens qui vivent sous un climat singulier, au bord d'un fleuve offrant un caractère différent de celui des autres fleuves, ont adopté aussi presque en taUles choses des mœurs et des coutumes à l'inverse des autres hommes, Chez eux, ce sont les femmes qui vont au marché et font le commerce de détail, les hommes restent au logis et tissent. En tissant dans les autres pays, o n pousse la trame vers le hau t, e n Égypte on la pousse vers le bas, Les hommes y portent les fardeaux sur la tête, les femmes sur les épaules, Les femmes urinent debout, les hommes accroupis", Dans les autres pays, les prêtres des dieux portent les cheveux lo ngs, en Égypte, ils se rasent. Chez les autres peuples, c'est la coutume en cas de deuil que ceux que ce deuil atteint le plus directement se tondent la tête, les Égyptiens quand les décês se produisent laissent pousser leurs cheveux et leurs barbes, eux qui jusqu'alors étaient rasés", Les Grecs alignent les caractères d'écriture et les cailloux de compte en portant la main de gauche à droite, les Égyptiens en la portant de droite à gauche", » Ce texte est particulièrement révélateur, car à partir de constatations réelles, comme par exemple celle qui concerne l'écriture, l'historien grec tire la conclusion générale de l'altérité absolue des mœurs des Égyptiens par rapport à celles des « autres hommes », c'est-à-dire en fait des Grecs, Celte représentation du barbare comme l'autre absolu se maintiendra, même après que l'aventure BlBL/OrHEQUE 115 d'Alexandre aura fait accéder nombre de ces barbares orientaux il la culture grecque. [J M. F. Basiez, «Le péril barbare~. dans La Grèce ancienne. Paris. 1986, pp. 284-298. r:ir Médiques (Guerres). Hérodote. BIBLIOTHÈQUE Une bibliothèque est il 1· origine un dépôt de livres. Le terme n· est apparu dans la langue grecque que vers la fin du IV siècle. On sait quïl désignera le célèbre établissement fondé à Alexandrie par le premier Ptolémée. C est sans doute il Athènes que furent constituées les premières bibliothèques privées. Platon dans 1·Apologie évoque les livres du philosophe Anaxagore que I"on pouvait acheter pour un prix relativement modique. Mais c ·est probablement au sein de 1· école aristotélicienne que l·habitude se prit de rassembler des « livres » : dans les testaments des philosophes de I"école. tels que les rapporte Diogène Laerce, les livres apparaissent e n effet parmi les biens distribués par le testataire à ses héritiers. Par ailleurs, c·est il Athènes aussi qu 'est mentionné pour la première fois le souci de conserver une version officielle d·un texte littéraire. L·auteur de la VIe de I"orateur Lycurgue, qui fut le principal homme politique 116 cl' Athènes à l'époque d'Alexandre, lui attribue une loi imposant la Iranscription des tragédies d'Esc hyle, Sophocle et Euripide, une copie devant en être COI1 selVée dans les archives de la cité. Il ne faut pas oublier enfin que, selon la tradition, la BibHothèque d ' Alexandrie avait été fondée à l'initiative de ]' Athénien Démétrios de Phalère, disciple cl' Arisrote. qui se réfugia auprès de Ptolémée après avoir été chassé de la cité qu'il avait gouvernée pendant dix ans de 317 à 307. La bibliothèque d'Alexandrie avait pour mission de rassembler la lotalllé de la littérature grecque, et 1'on sait quO elle finir par réunir plus de cinq cent mille volumes. (JI H. Pfeiffer, His/ory of Class/cal Scholarshlp, Oxford. 1968. E. A. Parsons. The Alex3ndrlan Llbrary. Londres. 1952. r:ir Littérature. Philosophie. BOULÉ La boulè était dans la démocratie athênienne le rouage essentiel pour assurer le bon fonctionnement du régime. La tradition voulait qu·une première boulè de quatre cents membres ait été fondée par Solon. Mais on ignore tout de sa nature et de ses fonctions, et 117 [' on peUl il bon dro it douter de son existence. En revanc he, c'est il Clisthène qu' on doit rétablissement de la boulè des Cinq Cents, pièce maîtresse de sa réorganisation de la cité. Les cinq cents boule utes étaient tirés au sort chaque année à raison de cinquante par tribu, dans ]' ensemble des citoyens. il partir des listes établies dans chaque dème. Il fallait pour être boule ute être âgé d'au moins tre nte ans et avoi r subi avec succès la dokimasie, J'examen cl 'entrée en charge. On ne pouvait être bouleute plus de deux fois dans sa vie. ce qui ouvra it J'accès à celte charge à un nombre considérable de c itoyens. Depuis l'instau ration de la misthophorie par Périclès, la fonction de boule ute était rétribuée par un misthos qui, il l' époque d'Aristote. s'élevait il cinq oboles, et à une drachme pour les cinquante bouleutes de la trib u qui pendant un dix ième de l'année exerçait la PlYtanie. Avant leur entrée en charge, les bouleutes prêtaient senllent de demeurer fidèles à la constitution. On ne sait exactement quand ce serme nt fut exigé d·eux, peut-être au lendemain des deux révolutions oligarchiques de la fin du V siècle. Les bouleutes le prêtaient lors d e 1· entrée e n fonction du nouveau conseil qui siégeait dans le bouleuterion, au sud de 1· Agora. Les séances étaient, semble-t-il, publiques, mais les spectateurs ne pouvaient inte rven ir dans le débat. A u v' siècle, les séances é taie m présidées par les cinquante bouleutes de la tribu exerçam la PlYtanie, 118 qui siégeaient en permanence el désignaient chaque jour leur président, ]' épistale des prytanes, qui détenait les clefs des temples. Au IV" siècle, on modifia le bureau du conseil qui fut désonnais constitué par neuf proèdres appartenant aux tribus qui Il' exerçaient pas la prylanie. La fonction principale de la boulè consistait à préparer les décrets qui étaient soumis au vole de [' ecclesia. Ces projets étaient appelés probouleu11Iata. L'assemblée populaire pouvait les amender mais 1'initiative revenai t touj ours, sauf cas exceptionnels. à la boulè. En dehors de ce pouvoir cl 'initiative, la boulè contrôlait directement ou par l'intermédiaire de commissions qui en émanaient toute la vie de la cité. C'est devant elle que les magistrats étalent tenus de subir l'examen avant leur entrée en charge et c 'est à elle qu'ils devaient rendre compte de leur activité, De ce fait, elle disposait de pouvoirs judiciaires très étendus, bien que limités par rapport à ceux du tribunal populaire, si du moins il faut ajouter foi à ce que dit Aristote dans la Constitution d 'Athènes et qui vaut peut-être seulement pour son époque: à savoir que la bou/è ne pouvait prononcer une peine de mort ou d'emprisonnement, ni une amende supérieure à cinq cents drachmes. La boule avait en oUire des pouvoirs étendus en matière de politique extérieure : d'elle dépendaient en effet les relations avec les autres états grecs, la conclusion des traités de paix ou des '" alliances. Au V- siècle, c· est la boulè qui fixe le mOIllant des tributs payés par les alliés de la ligue de Délos. C'est elle également qui contrôle l'organisation militaire de la cité, qui établit la liste des cavaliers, qui organise à partir du [V" siècle J'entraînement des éphèbes. Elle surveille la construction des navires el ]' état des arsenaux. désignant en son sein à cet effet des commissions de lrieropoioi. C'est d'elle enfin que relèvent 1'organisation financière, la surveillance des rentrées d'impôt, les ventes publiques de biens confisqués. la vérification des comptes à chaque prytanie, la mise en adjudication des travaux publics. On a parfois supposé que les pouvoirs de la boule avaient diminué au [V" siècle face à la toute-puissance de l'assemblée et des tribunaux, et qu'en particulier des décisions auraient été prises par l'assemblée sans qu 'ait été présenté préalablement un probouleuma émanant du conseil. Les quelques exemples de décrets que l'on peut citer à l'appui de cette opinion ne doivent cependant pas entraîner des conclusions trop systématiques, Organe essentiel de la dé mocratie athénienne, la boule instituée à la fin du VI' siècle paraît bien avoir joué pleinement son rôle pendant les deux siècles de l'apogée d'Athènes. En dehors d'Athènes, on a des preuves de l'existence d ' une boule dans nombre de cilés démocratiques, Une inscription du début du vI' siècle fai t état de la présence d 'une boule démosiè, d ' un conseil CALL/STRATOS O'ALPHIDNA 120 populaire, à C hios, ce qui a conduit certains modernes à conclure que Chios avait connu la démocratie avant Athènes, Thucydide évoque, au livre III de la g uerre du Péloponnèse, le massacre des bouleutes de Corcyre par les oligarques qui avaie nt renversé la démocratie dans 1ïle, On pourrait donner d 'autres exemples de conseils démocratiques, surtout à partir du IV" siècle, quand la démocratie devint la forme de régime la plus répandue dans le monde des cités grecques, [J P.-J, Rhodes, The Athenlan Boule. Oxford, 1972, R-A De Laix, Probouleusls at Achens. A 5cudy of PoIJtlcal Decision Maklng, Berkeley-Los Angeles, 1973, r:ir Aréopage , Dokimasie, Ecclesia, Justice, Prytanes, CALLISTRATOS D'ALPHIDNA Cet homme politique athénien fut de ceux qui contribuè rent au redressemem d'Athènes au début d u IV' siècle, Neve u d ' Agyrrhios, homme politique influent qui avai t en particulier institué le misthos ecclesiaSlikos, le salaire rétribuant la présence aux séances de J'ecclesia, il fut é lu stratège en 378, l'année même où Athènes rétablissait son hégé monie dans l'Egée par la constitution de la Seconde Confédératio n maritime, Mais on lui crédite plus particulièrement une réorganisatio n des finances athéniennes, mises à mal CALLISTRATOS D iuPfflfJNA 121 par la défaite et l'imerruption presque totale de l'exploitation des mines d'argent du Laurio n. C" est à lui en particulier que serait due la mise en place du système des symmories, ces groupements de contribuables astreints à l·eisphora. Réélu plusieurs fois slratège, CallistralOs soutinl d' abord une politique énergique à l' enconlre de Sparte. Mais après la défaite que subirent il Leuctres les Spartiates, vaincus par le Thébain Epaminondas (371). il lui apparut que Thèbes était désormais plus dangereuse que Sparte et il préconisa un rapprochement avec cette dernière. Ce qui lui valut l'hostilité du « parti JO thébain qui rassemblait ceux qui continuaient à voir dans Sparte l'ennemie de la démocratie. Un premier procès lui fut intenté en 366. dont il sortit acquitté. Mais après avoi r quelque temps regagné une certaine influence, il fut de nouveau mis en accusation par ses adversaires et condamné à mort (361 ). Il réussit à s'enfuir en Macédoine où il aurait. selon la tradition, réorganisé les finances du roi de Macédoine, Perdiccas II . Il mourut sans doute en Artique où il était rentré. Callistratos est tout il fait typique des nouveaux dirigeants de la cité au IV' siècle. Certes, il a été plusieurs fois stratège, mais il ne s'est pas illustré de façon particulière sur le champ de balaille. En revanche, il apparaît comme un « technicien » des affaires financières, au point de pouvoir mettre ses talents au service d'un souverain étranger. Sa fin, CH4BRIAS 122 assombrie par une condamnation à mort, s'inscrit dans le cadre de ces luttes tournant autour du maintien de l'empire, qui s'expriment par la multiplication des procès politiques et annoncent la fin prochaine de l'hégémonie d'Athènes. [J R. Sealey, Callistratos of Aphidna and his Contem· poraries, HIstorIa, V, 1956. pp. 178·203, r7" Confédération maritime (Seconde), Eisphora, Symmories. CHABRIAS L'un des grands stratèges athéniens du IV" siècle, Il était né vers 420, d'une famille apparentée à celle du démagogue Cleon, Il fut réélu treize fois à la stratégie, ce qu i témoigne à la fois de son prestige et de ses qualités mililaires, Il fut l'un des artisans de la restauration de la puissance d'Athènes et de la formation de la Seconde Confédération maritime, Il était personnellement lié avec Callistratos, dont il défendit avec succès la politique, Comme les autres grands stratèges du IV siècle, il sut utiliser les années de mercenaires pour élaborer de nouvelles tactiques de combat. Mais, chef de mercenaires lui-même, il n' hésita pas à se mettre au service des rois de Chypre o u d'Ëgypte, Appartenant à une riche famille, marié à la fille d'un homme fortuné , il utilisa cette fortune pour des CHABRIAS 123 largesses en faveur du démos. Non seulement. il s 'acquitta de nombreuses liturgies, mais en outre Plutarque, dans la Vle de Phocion (VI, 7). rapporte que. pour commémorer la victoire quO il avait remportée en 376 à Naxos sur la flotte Spartiate, il faisait chaque année, le jour anniversaire de sa victoire, une distribution de vin aux Athéniens. À la différence de la plupart des stratèges, fréquemment traînés devant les tribunaux, Chabrias ne fut accusé qu'une seule fois, en compagnie de Callistratos, et fut acquitté. Les Athéniens. reconnaissants des bienfaits dont il les comblait. lui accordèrent le bénéfice de l' atélie, de l'exemption de charges, à la fin de sa vie. Il mourut en 357 Ai à la bataille de Chios. Chabrias est une figure particulièrement révélatrice de l'évolution de la cité démocratique au IV" siècle à un double titre: comme stratège professionnel de la guerre. et comme bienfaiteur de la cité, précurseur de ces évergètes qui se multiplieront à l' époque hellénistique. [J H.-W. Parke. Greek Merrenal)" Sold/ers rrom che Earliest TImes 10 the BauJe or Ipsos, Oxford. 1933. w.-K. Prilchelt. The Greek Sales ac War. Il. Berkeley-Los Angeles, 1974. pp. 72-77. cr Stratèges. CHA RES 124 CHARÈS L'un des plus célèbres stratèges athéniens du IVsiècle avec Timothée et Iphicrate, Comme ce dernier, il était un « homme nouveau », car on ne sait rien de son père Theocharès, Il réussit cependant à acquérir une fortune suffisante pour remplir diverses liturgies, dont la triérarchie en 349/8, Il fut élu stratège pour la première fois en 367/6 et fut réélu de nombreuses fois à cette charge, Comme les autres grands stratèges du IV" siècle, il utilisait surtout pour combattre des mercenaires, et il dut. pour pouvoir les payer, se livrer à des exactions qui lui valurent de solides inimitiés, Isocrate dans le discours Sur la paix dénonce les pratiques auxquelles Charès avait recours en des termes très sévères, En revanche, Démosthène semble l 'avoir soutenu activement. Comme Iphicrate et d'autres avant lui, Charès pour pouvoir conserver son armée n' hésita pas à se louer au satrape perse Artabaze, Il combattit à Chéronée et rut de ceux dont Alexandre réclama en vain la livraison en 335, Il vivait encore vers 324, mais il mourut avant que n'éclate la guerre lamiaque, Il est particulièrement typique de ces COIIdoltieri que les nouvelles conditions de la guerre allaient susciter au IV" siècle, CHffWNEf: (Bataille de) CI 125 K.-w. Prirchett, The Gœek States al [lnr. H, Berkeley, ]974. pp. 77 sqq. Qr Iphicrate. Stratèges. Timothée. CHÉRONÉE (Bataille de) La bataille de Chéronée, en août 338, est considérée par la plupart des historiens modernes comme marquant la fin de la Grèce des cités et comme le prélude à la fin de la démocratie athénienne, quelque seize années plus tard. Pour en comprendre l·importance, il importe de rappeler de quels événements elle était l"aboutissemenl. En 359, PhiHppe II avait été reconnu comme roi des Macédoniens, alors quïl exerçait la régence au nom de son neveu. Peu après. en 357/6, Athènes se heurtait à une révolte de ses principaux alliés au sein de la Seconde Confédération maritime. révolte qui s·achevait sur la défaite de la flotte athénienne à Embata et 1· obHgation pour Athènes de reconnaître l 'indépendance de ses alliés. Amputée d ' une partie de ce qui avait un moment paru être une reconstitution de l'empire du V- siècle, en proie à des difficullés financières grandissantes, Athènes avait vu se préciser les menaces de Philippe sur les positions qu'elle conservait encore dans le nord de 1· Egée, à Amphipolis et Potidée en particulier. ainsi que sur les CHfRONff: (SamiRe de ) 126 petits royaumes thraces, traditionnels clients d 'Athènes. Malgré les mises en garde de Démosthène, les hommes qui dirigeaient alors la politique athénienne, autour d'Eubuie et de ses amis, avaient préconisé une politique de retrait qui ne put que favoriser les entreprises du Macédonien. La guerre sacrée qui éclata en Grèce centrale. pour le contrôle sur le sanctuaire de Delphes, permit à Philippe d'afTennir ses positions, et la paix conclue en 346 en fut la sanction, malgré la promesse faite par le roi de resti tuer Amphipolis, promesse d'ailleurs non tenue. Ce qui eut entre autres pour effet de renforcer à Athènes la position de Démosthène et de ceux qui comme lui préconisaient une politique vigoureuse à l'égard du Macédonien. Dans les années qui suivirent la conclusion de la paix, Démosthène s'efforça de rassembler aUiour d' Athènes une coalition grou pant aussi bien les cités continentales que les anciens membres de la Confédération, allant méme jusqu 'à opérer un rapprochement avec Thèbes qui se concrétisa par une alliance de fait lorsque Philippe en personne vint occuper la forteresse d'Elatée en Béotie, pour contraindre les Thébains à demeurer ses alliés. Démosthène, dans le même temps. s'était efforcé de trouver des ressources pour équiper une nouvelle floUe, en rétablissant e n particulier ["ancien système de la triérarchie. qui avait été modifié e n 357. Les principales opérations cependant se déroulèrent sur le continent où Philippe avai t. en CHffWNEf: (Bataille de) 127 tant que membre du conseil amphictyonique qui administrait le sanctuaire de Delphes, pris le commandement d'opérations contre les gens de la petite cité d 'Amphissa, accusés d'avoir mis en cullure des terres sacrées relevant du sanctuaire, C'était là pour le Macédonien un prétexte pour contraindre les Thébains à rentrer dans son alliance, Mais ceux-ci, on l'a vu, avaient choisi l'alliance athénienne, et c'est en Béotie que se déroulèrent les opérations militaires qui s 'achevèrent en août par l 'écrasement de l'armée grecque à Chéronée, Athènes s 'apprêtait à soutenir un long siège, et la boulè sur proposition des orateurs anti-macédoniens, prit toute une série de mesures d ' urgence. Toutefois, la proposition faite par Hypéride de libérer les esclaves et de leur donner des armes pour défendre la cité ne fut pas adoptée, Cependant les promacédoniens négociaient avec Philippe, et l'on patvint à la conclusion d'une paix dont le principal négociateur du côté athénien fut l'orateur Démade. Philippe se montra relativement modéré dans ses exigences, laissant à Athènes sa liberté et son autonomie, Athènes dut néanmoins accepter la perte de la Chersonèse de Thrace, la dissolution de la Seconde Confédération maritime, et fut contrainte d'adhérer à la ligue de Corinthe, constituée par Philippe pour mener sous sa conduite la guerre contre le roi des Perses, Pendant les seize années qui suivirent la conclusion de la paix de Démade, la démocratie subsista à Athènes et CHfRONff: (SamiRe de) 128 la cité connut même, sous l'impulsion de Lycurgue, une période de prospérité, Mais, alors qu'Alexandre, qui avait succède à Philippe après l'assassinat de celuici en 336, partail à la conquête de l'Orient, Athènes demeurait à l 'écart de la politique égéenne, repliée sur elle-même et en proie aux règlements de compte politiques entre pro et anti-macédoniens, Pour qui lit les discours que prononcèrent alors les grands orateurs athéniens, Démosthène, Éschine, Hypéride, Lycurgue, l 'impression qui s'impose est celle d'une continuité de la vie politique athénienne. Alexandre est à peine évoqué, et Chéronée n'apparaît que comme une défaite sans conséquence, Et pourtant de ces seize années, le monde grec allait sortir profondément bouleversé, À cet égard, les modernes sont justifiés de regarder Chéronée comme le fait majeur de l' histoire athénienne du IV' siècle, et 338 comme la date qui marque la fin de la Grèce indépendante, lJI E, Will, C. Mossé, P. Goukowsky, Le monde grec el l'Orient, T. IL Le W siècle et l'époque hel/énlsllque. Paris, 1975, p, Cloché, Un fondateur d'empire. Philippe II. roi des Macédoniens, Paris, 1955, G-l. Cawkwell, Demoslhenes'Policy after Ihe Peaœ of Philocrates, Classlcal Quat1erly. Xlii. 1963, pp, 120 sqq : 200 sqq. N,-G-L. Hammond. The Viclory of Macedon al Cheronea, Swdles ln Greek Hlstory. Oxford, 1913, pp, 534 sqq. <Jir Démosthène, Philippe Il. CHIOS '" CHIas Cette grande île, renommée dans l'Antiquité pour la qualité de ses vins, fut colonisée par les Ioniens à la fin du second millénaire, Au début de l'époque archaïque, elle fut le centre d'une brillante activité intellectuelle, et certaines traditions en faisaient la patrie d'Homère, Chios prit une part active, aux côtés de Milet, 11 la révolte de l' Ionie, Après les guerres médiques la cité de Chios devint membre de la ligue de Délos, Sa puissante marine lui permit d'être l'une des rares cités alliées qu i n'étaient pas astreintes au versement du tribut, puisqu'elle contribuait militairement à la défense commune, En 413 cependant, elle se détacha d'Athènes et tous les efforts de celle-ci pour la contraindre à rentrer dans l'alliance furent vains, Néanmoins, quand en 378 Athènes reconstitua son empire sous la forme de la Seconde Confédération maritime, C hios e n fit partie jusqu'en 357 où elle fut avec Byzance à l'origine de la révolte des alliés connue sous le nom de g uerre sociale, Sur le plan politique, Chios semble avoir été la première cité grecque à avoir expérimenté la démocratie, Une inscription de la première moitié du Vt' siècle mentionne l'existence d'une bou/è démosiè, d'un CHOREGIE 130 conseil populaire, et de démarques, Malheureusement, on ne sait rien des circonstances qui en favorisèrent l'établissement. Mais, si l'on e n croit une tradition tardive, Chios aurait aussi été la première cité 11 utiliser des esclaves '" ache tés à prix d'argent », et Thucydide affirmail (VIII, 40, 2) qu'à son époque '" les esclaves étaient nombreux 11 Chios JO, On aurait donc, avec l'exemple de Chios, une sorte de doublet de l'expérience athénienne, Ici comme là, l 'extension de la liberté politique et la démocratie iraient de pair avec la diffusion de l 'esclavage-marchandise, sans qu'on puisse affirmer de manière catégorique lequel des deux phénomènes est antérieur 11 l'autre, et s'II existe entre eux une relation de causalité, 111 R Meiggs et D, Lewis, A SeJectlon or Greek HlslOrlcaJ Inscrlpllons 10 the End orthe FlRh Cemury B.-C. , Oxford, 1969, pp. 14-17. r7" Confédération maritime {Seconde}. Délos {Ligue de}. Démocratie. CHORÉGIE La chorégie est de toutes les liturgies athéniennes celle sur laquelle nous possédons le plus grand nombre dïnfonnations. Elle consistait 11 préparer et à entretenir un chœur à l'occasion des grandes fêtes CHOREGIE 131 re ligie uses, et singulièreme nt pour les concours d ramatiques qui avaient lieu lors des fêtes e n l' honneur de Dionysos, C'est l'archonte éponyme qui désignait les chorèges pour les concours de tragédie et de comédie des Grandes Dionysies, et l' archonte roi pour les concours des Lénéennes, Au IV" siècle, si l'on en cro il le témoignage d 'Aristote, les cinq chorèges pour les concours de comédie furent désormais désignés par les tribus, Les trib us désignaient également les chorèges pour les chœurs d' hommes et d' enfa nts po ur la fête des Thargé lies (Constitution d'Athènes, LVI, 3), Les chorèges, choisis parmi les Athéniens les plus riches et âgés d'a u moins quarante ans, étaie nt durant l'année de le ur chorégie exemptés de toute autre liturgie. Ils rivalisaient entre eux lors des concours, et de même q ue les auteurs, étaient couronnés par le peu ple à lïssue d u concours, La chorégie, d' abord tenue pour un honneur qui permettait de s'attire r les bonnes grâces du démos, finit par deve nir comme les autres liturgies une charge très lo urde à laq uelle o n s 'efforçait d'échapper par le moyen de j'antidosis, de l'échange, Comme les au tres liturgies aussi. la chorégie dis parut à l'époque de Démétrios de Phalère, et l'organisation des fêtes fu t désormais du ressort de magistrals élus, les agônothètes, CiMON [J A. Pickard-C3mbridge, DramaUc Festivals 132 or Athens, 1968. Qr Comédie. Liturgies. CIMON Cimon était le fils de Miltiade, le vainqueur de Mara thon. et d·une princesse thrace, Hégésipyle. Il hérita de la très g rande fortune de son père, et c·est à cette fortune, aux dires d'Aristote, qu"i l dut une partie de sa popularité: « il s ·acquittait magnifiquement des IilUrgies publiques et de plus entretenait beaucoup de gens de son dème: c hacun des Lakiades pouvait ve nir ch3que jour le trouver et obtenir de lui de quoi suffire à son existence ; en outre auc une de ses propriétés n'ava it de clôture, afin que qu i voulait pût profiter des fruits » (Constitution d·Athènes, XXVII , 3). Il fut de nombreuses fo is réélu stratège , et il contribua entre 478 et 463 à étendre la puissance d ·Athè nes, e n faisant adhérer à la ligue de Délos les cités dont il s·emparait. Il accrut e ncore sa popularité lorsque, s·étant rendu maître de lïle de Skyros où fut établie une co lonie athénienne, il en rame na en grande pompe les ossements du héros Thésée. Sa victoire la plus importante fut celle qu"il re mporta à 1· Eurymedon en 468, victoire qui entraîna la des truction de la flotte 133 perse et la mainmise d'Athènes sur une partie des côles occidentales de l'Asie Mineure. Il réussit également, après un long siège de deux ans, il s' emparer de Thasos qui avait tenté de sortir de ['alliance athénienne. C'est après son retour qu'il fUi une première fois mis en accusation, pour n'avoir pas attaqué la Macédoine. Il fut acquitté, mais ce fut le début d'une rivalité avec Périclès qui allait durer jusqu'à sa mort. En 461, Périclès et ses amis réussirent à le faire frapper d'ostracisme, sous prétexte qu'il avait échoué dans une expédition envoyée sur son conseil pour aider les Spartiates il venir il bout d'une révolte des hiloles de Messénie: les Spartiates, soupçonnant des complicités entre les soldats athéniens et les révoltés. avaient renvoyé Cimon et son armée. Cimon prit le chemin de l'exil et ne fut rappelé que quatre ans plus lard. Il devait encore jouer un rôle comme négociateur d'une paix avec Sparte, et mourut lors d'une expédition contre Chypre, en 450. Cimon apparaît comme tout 11 fait caractéristique de la première génération des dirigeants de la démocratie athénienne. Appartenant 11 la riche famille des Phil aides, il étaillié par ailleurs 11 deux aUlres grandes familles athéniennes, celle des Alcméonides. 11 laquelle appartenait sa première femme Isodikè, et celle de Callias, fils d'Hipponicos. mari de sa sœur Elpinice. Ce qui ne l'empêcha pas de contracter un second mariage avec une femme arcadienne, et d'entretenir 134 CirE des relations personnelles avec les cités étrangères dont il était proxène, c'est-à-dire représentant de leurs intérêts, Parmi ces cités figurait Sparte, la principale rivale d'Athènes dans le monde grec du V' siècle, De là vient sans doute la réputation de modéré, voire d'oligarque que devail plus tard lui attribuer la tradilion dont Plutarque se fait l'écho, En fait, il appartenait au même milieu que Périclès, même si sa fortune était plus importante, et leur rivalité étail plus une rivalité familiale et personnelle que véritablement politique, La politique qu'il mena en tant que stratège illustre bien cette identité de vue, et ce commun souci de la grandeur d'Athènes, 111 Ed, Will, Le Monde grec el. l'Orient, 1 - Le l' slkle, Paris, 1972, pp, 134-139, qr Impérialisme, Périclès. Thésée. CITÉ Nous traduisons par cité le terme grec polis par lequel les Ancie ns désignaient. à l'époque classique, un établissement humain généralement groupé autour d' un centre urbain et contrôlant un territoire plus ou moins étend u. La cité était alors la forme politique caractéristique du monde grec. bien qu' il existàt des groupements plus primitifs désignés par le terme ClfE 135 d'elhnos, peuple, et dans certaines parties du monde grec des rassemblements de cités appelés kolna, le plus souvent rassemblements de cités de moi ndre importance regroupées autour d'un sanctuaire « fédéral », Les cités au sens plein du terme étaient des états autonomes, ayant leurs propres lois, leur mo nnaie et leurs divinités tutélaires, Mais ce qui les caractérisait essentiellement c' était le fait que ceux qui composaient la cité, les citoyens (en grec polllai), se partageaient le territoire et prenaient en commun les décisions qui engageaient la politique de la cité. Or, il n'en avait pas touj ours été ainsi dans le monde grec qui avait connu, entre le XVI' et le XII" siècle, des formes d'organisation politique de nature différente, oû l'autorité émanait du palais que dominait le wanax, le roi, entouré de ses conseillers et disposant d'une force militaire spécialisée et d'une bureaucratie de scribes importante, Les tablettes en Linéaire 8 découvertes dans les ruines des palais ont permis de mieux comprendre l'organisation sociale et économique du monde grec au cours de ces quatre siècles d'apogée de la civilisation mycénienne, el de confirmer ce que déjà laissaient entrevoir les travaux des archéologues, c'est-il-dire que les structures sociales et politiques du monde mycénien étaient sensiblement différentes de celles de la Grèce classique. Les palais mycéniens disparaissem brutalement au début du xu' siècle, el s 'ouvre alors pour le monde CirE 136 grec une période de recul de la civilisation, ce que les archéologues appellent « les siècles obscurs » , Et c'est seulement vers la fi n du IX" siècle que recommence nt à se développer des établissements humains qui dès l'origine révèlent, dans l'organisation même de l'espace, une structure différeme : les Cilés, On s' est beaucoup interrogé sur les facteurs qui présidèrent il l'apparition de ce nouveau type d'organisation de l'espace et des hommes, On a évoqué la géographie du paysage grec qui appelle au morcellement. On a mis en avant des facteurs religieux (regroupement autour de sanctuaires ou de tombes monumentales), culturels, économiques (le passage d'une économie essentiellement pastorale il une économie fond ée sur la culture des céréa les, de l' olivier et de la vigne), En fa il, tous ces facteurs ont pu jouer à la fois pour la mise en place de cette fomle nouvelle d 'organisation politique qui n'a llait pas tarder à se développer à la faveur de ce qu'on a appelé la colonisation grecque, Car le mouvement d'expansion des Grecs sur le pourtour méditerranéen, déterminé d'abord par le besoin d e !Touver des lerres, et sans dOUle aussi de se procurer des métaux et autres matières premières dont la Grèce était dépourvue, aboutit à la créalion en un peu moins de deux siècles de centaines de cités nouvelles, Et c 'esl bien souvent l'exploration archéologique de certaines d'entre elles (o n pense à Mégara Hy blaia en Sicile ou Métapome ClfE 137 en Italie du Sud) qui a permis de dégager les caractères propres de la cité, ceUe communauté « d'égaux » qui se partageaient la ville et son territoire, en préservant au cœur de la première l'espace libre de l' agora, lieu où se rassemblaient les citoyens pour prendre en commun les décisions qui engageaient la cité. Il n'est pas exclu d·ailleurs que ces fondations nouvelles aient été des « laboratoires d·expériences » qui inspirèrent ensuite les législateurs chargés dans les cités de la Grèce continentale et des îles de I" Egée de résoudre les crises de croissance que connurent la plupart des cités au VII" et au vI" siècle. Il faut bien souvent recourir aux hypothèses, plus ou moins fondées sur une documentation fragmentaire et des sources littéraires tardives, pour reconstituer les premiers siècles de l"histoire des cités grecques. O n peut supposer que la notion de citoyen ne s'est que lentement dégagée. que dans les premiers temps de la cité une partie des membres de la communauté étaient dans la position de dépendants ou de « clients » d·une aristocratie guerrière seule habilitée à prendre les décisions communes. Mais l 'élargissement de la fonction guerrière à des couches plus vastes. en relation avec l'adoption de la phalange hoplitique, une agitation sociale liée à ce que les Grecs appelaient la stenochoria, 1· étroitesse de la terre qu·on explique autant par l"accroissement démographique que par le partage égalitaire des patrimoines. agi ta tion sociale débouchant parfois sur CirE 138 l'établissement de régimes tyranniques, mais parfois comme il Athè nes sur une réforme inspirée par un législateur, tous ces faits allaient contrib uer à la mise en place de structures juridiques qu i allaient donner forme à la notion de citoyen, C'est pour Athènes que nous sommes le mieux - 0" le moins mal - infonnés, Les réformes de Solon, la tyrannie de Pisistrate et de ses fils et enfin la « révolution » clisthénienne sont les étapes principales de cette élaboration du statut civique tel que nous le connaissons au V et au TV' siècle, Les premières mirent fin à la dépendance paysanne et établirent des lois communes pour tous ; la tyrannie des Pisistratides contribua à faire disparaître les particularismes locaux et à renforcer l'unité de l'Attique autou r d'A thènes, Quant il la révolution clisthénienne, elle fixa le statu t de citoyen en substituant aux antiques groupements religieux ou fondés sur la parenté une organisation terri toriale, celle des d ix tribus et des dèmes, à l'intérieur de laquelle étaient répartis les citoyens désormais égaux devant la loi et par la loi, ce qu' exprime le tenne d'isonomie, Une dernière étape dans la définition du citoyen sera réalisée par Périclès lorsqu'il exigera la d ouble ascendance athé nienne, paternelle et maternelle, comme fondement de la citoyenneté : da ns l'Athènes d'après la loi de 45 1 seront c itoye ns les enfants nés d'un père athénien et d 'une mère athénienne, un is en légitime mariage, ClfE 139 Cette défi nition de la citoyenneté faisait des citoyens athéniens, au sein de la population de la cité, un groupe privilégié face aux étrangers résidents (métèques) et aux esclaves. À l'intérieur de ce groupe privilégié, les hommes seuls étaient à propremelll parler des polirai, des citoyens. c'est-à-dire des gens qui participaient aux assemblées et aux trib unaux et qui pouvaient en fonction de leur âge et de leurs moyens accéder aux diverses charges attribuées chaque année par élection ou par tirage au sort. Les femmes et les filles des citoyens se distinguaient certes des étrangères ou des esclaves, mais ne jouissaient d'aucun droit politique et demeuraient juridiquement des mine ures. Seule, leur participation à la vie religieuse de la cité et le fait que seules elles pouvaient engendrer des citoyens caractérisaient leur statut. On peut supposer qu'une organisation de la société semblable ou voisine de celle d'Athènes se retrouvait dans d'autres cités grecques, singulièrement celles qui au V siècle firent partie de ce groupement de cités dominées par Athènes, la ligue de Délos. Il existait néanmoins des cités où la qualité de citoyen était attachée soit à la possession d'un lot de terre - ce qui à Athènes n'était pas le cas depuis au moins la fin du Vt' siècle - soit à la possession d'un certain cens. ou encore comme à Sparte au fait d 'avoir reçu une éducation particulière, ou comme à Thèbes d' avoir au moins depuis dix ans cessé de pratiquer une activité arti- CirE HO sanale. De ce fait, il y avait dans ces cités, au côté des citoyens proprement dits, des gro upes d ·hommes li bres qui sans être des étrangers n ·en demeuraient pas moins en marge de la communauté politique, tels par exemple les périèques lacédémoniens. Mais ceux qui formaient le groupe des citoye ns de plein droit, et même dans les cilés où le pouvoir réel était entre les mains d·ml petit nombre de magistrats, participaient aux assemblées, cette participation étant le signe même de leur qualité de citoyen. On comprend ainsi pourquoi Aristote définissait le citoyen comme celui qui alternativement « pouvait gouverner el être gouverné ». On le voit, les Grecs donnaient à la notion de citoye n un contenu actif et positif qui impliqua it une participation réelle à la vie politique. On peut évidemment se demander - et o n n·a pas manq ué de le fairequel était le degré réel de cette participation , même dans une cité comme Athènes où le démos. le peuple, c·est-à-dire l"ensemble des citoye ns, était souverain. On se doute qu· une réponse catégorique est impossible. O n devine des moments de réelle participation et d 'autres de désintérêt pour les affaires publiques. Il n'en reste pas moins que les Grecs, ces inventeurs de la politique, ont également inventé le c itoyen. [J M.l. Finley. L ·llIvenllon de la polfflque, Paris. 1985. CI. Mossé, « Citoyens actifs et citoyens passifs dans les cités grecques: une approche théorique du problème ~. R.EA. LXXXI , 1979, pp. 241 sqq. CLEON 141 r:Jr Atimie. Démocratie. Écclesia. Évergétisme. Graphè para nomôn. Hippeis. Liberté (Eleutheria). Métèques. Misthophorie. Monarchie. Nomos. Ostracisme. Pénètes. Périclès. Polis. Politeia. Politès. Prytanes. Zeugites. CLEON Cet homme politique athénien. qui dirigea la vie de la cité dans les années qui suivirent la mort de Périclès. était te nu par les Anciens pour le ty pe même du démagogue. À la différence des hommes politiques de la période précédente, qui tous appartenaient à la vieille aristocratie athénienne. Cleon était un « homme nouveau ». Certes, son père avant lui avait déjà rempli la charge de stratège, ce qui témoigne quïl apparte nait à la première classe du cens. Mais alors que les membres des grandes familles athéniennes tiraie nt leurs revenus de leurs domaines fonciers, Cleon avait hérité de son père un ate lier de tannerie qui employait une cinquantaine d 'esclaves. Celte orig ine « banausique » (artisanale) de ses revenus explique les sarcasmes dont I·accablaient les auteurs comiques, et singulièrement Aristophane qui. dans Les Cavaliers. le représente sous les traits d·un esclave paphlagonien qui flalte et mène à sa guise son maître, le vieux Démos, et dont chaque entrée est précédée par l 'odeur nauséabonde de la tannerie. Cleon apparaît également dans le récit de CLEON 14' Thucydide, au moment où la cité devait se prononcer sur le sort réservé aux Mytiléniens qui avaient tenté, au début de la guerre du Péloponnèse, de sortir de l'alliance athénienne, L'historien lui prête des propos particulièrement cyniques sur la nécessité pour qui veut exercer l'empire de ne pas tolérer la moindre défaillance, et par conséquent de sévir avec la plus extrême rigueur contre les Mytiléniens, peuple et dirigeants confondus, Cleon cette fois-là ne fut pas suivi par l'assemblée, mais quelques années plus tard il réussit à se faire confier le commandement de l'armée qui s'efforçait en vain de s'emparer de la forteresse de Pylos dans le Péloponnèse, Son entreprise fut couronnée de succès, ce qui lui valut un regain de prestige dans le peuple, Ses coups d'éclat, la violence de son langage, son attitude débraillée déplaisaient aux modérés, mais lui valaient, semble-t-iL les faveurs de la foule, Il mena avec énergie la politique athénienne pendant les dernières années de ce que l'on a appelé « la guerre d'Archidamos ,., c'est-à-dire la première partie de la guerre du Péloponnèse, Il échoua pourtant devant Amphipolis en 421 et trouva peu après la mort au combat. Quelques mois plus tard, Athéniens et Spartiates concluaient la paix dite « de Nicias », du nom du stratège qui avait dirigé les négociations du côté athénien. Malgré le portrait négatif qu 'en ont donné ses adversaires, Cleon semble bien avoir été le véritable con- CU,ROUQUIES 143 tinuateur de la politique de Périclès. Mais il est en même temps le premier de ces « nou veaux politiciens ,. d ·origine sinon modeste du mo ins non aristocratique qu i sont caractéristiques des dernières décennies du V siècle. ~ W.-R. Cormot. The New Po!ltIclans of Flflh CenlUty Alhens. Princeton. 1975. r:ir Aristophane. Démagogues. Hyperbolos. Péloponnèse (Gtœrre du). CLÉROUQUIES On désigne sous ce nom les colonies militaires établies par Athè nes à partir de la fin du vr siècle sur le territoire de certaines cités égéennes. À la difTérence des colonies Iraditionnelles. des apoikiai, qui formaie nt autant de cités autonomes et indépendantes de leur métropole, les clérouquies étaient en quelque sorte des prolongements de la métropole. Les colons ou clérouques demeuraient des citoyens athéniens. Ils recevaient un lot de terre. ou c1eros. qui leur assurai t un revenu annuel qu·on a estimé à deux cents drachmes, c'est-à-dire l'équivalent du cens des ze ugites. Le plus souvent il semble qu ·i1s se soient contentés de percevoir ce revenu, le sol continuant à être mis en valeur par les anciens possesseurs. Les clérouques ClfROUQUlf5 144 cependant résidaient sur le territoire de la cité où avait été établie la clérouquie, y assurant un service de garnison. La plus ancienne clérouquie aurait été fondée en Chersonèse de Thrace, sous la conduite de Miltiade l'Ancien dans les dernières années du règne de Pisistrate. Mais c'est au V siècle surtout, à l"époque de la ligue de Délos. que le système des clérouquies connut un développement considérable. Des clérouquies furent établies en Eubée, à Naxos, Lemnos, Andros, Imbros, Lesbos, etc. Aux dires de Plutarque, plus de dix mille Athéniens auraient été ainsi pourvus de terres à l'époque de Périclès, aux dépens de c ités qui étaient aux mains des barbares ou qui avaient tenté de sortir de l'alliance athénienne. La défaite d' Athènes à la fin du V" siècle et l"effondrement de l"empire s'accompagnèrent de la disparition de la plupart des clérouquies, seules les clérouquies de Lemnos, Imbros et Skyros demeurant entre les mains d·Athènes. Quand en 378 fut créée la Seconde Confédération maritime, Athènes prit l' engagement de ne pas établir de nouvelles clérouquies. Mais, dès la fin des années soixante, les Athéniens s'installaient à Samos et à Potidée, et quelques années plus tard rétablissaient la clérouquie de Chersonèse de Thrace. Il n' est pas douteux que c'était là pour la démocratie athénienne un moyen de donner des terres aux citoyens pauvres, à tout le moins de leur assurer un revenu supplémentaire. O n possède quelques inscriptions émanant de CUSTHfNf 145 ces clérouquies qui attestent que les clérouques demeuraient des citoyens d'Athènes, mais qu'ils avaient néanmoins sur place des organes de gouvernement local et désignaient leurs propres magistrats, Les clérouquies furent incontestablement une des manifestations les plus controversées de l'impérialisme athénien, mais aussi une de celles qui lièrent le plus étroitement l'Empire et la démocratie. ~ A..J. Graham, CoJony and Mother City ln Anclenl Gœece, t964, r:sr Confédération maritime (Seconde), Délos (Ligue de), Périclès. CLISTHÈNE Clisthè ne d'Athènes était le fils de l'Alcméonide Mégaclès et de la fille du tyran Clisthène de Sicyone, On sait peu de choses sur la vie de cet aristocrate athénien jusqu'au moment où, après la chute e n 5 10 du fils de Pisistrate, Hippias, il devint le chef de ceux pour qui le renversement de la tyrannie, obtenu avec l'aide du roi de Sparte, Cléomène, ne s ignifiait pas nécessairement un retour au passé et aux ptivilèges exclusifs des grandes familles aristocratiques, Pour vaincre son adversaire Isagoras, qui n'avait pas hésité Cl/S THEIIE 146 il faire appel de nouveau aux Spartiates, Clisthène « fit entrer le démos dans son hétairie» pour reprendre l'expression de l'historien Hérodote, c'est-il-dire qu'il s 'appuya résolument sur le démos, Mais alors que Pisistrate, qui avait agi de même un demi-siècle plus tôt, avait gardé le pouvoir entre ses mains, Clisthène ne se contenta pas de s'allier au démos, il mit en place une complète réorganisation de la cité destinée il assurer désormais la souveraineté il ce démos, Il n'est pas toujours aisé de reconstituer, à partir de nos deux sources principales, Hérodote et Aristote, le déroulement des événements qui permirent à l'AIcméonide, de retour d'exil, d'accomplir ses réformes, en 508/7. Si l'on veut tenter de les caractériser. il sem· ble que l'on puisse distinguer deux plans différents : d'une part, une rêorganisation du corps civique et son intégration dans des cadres nouveaux; d'autre part, une modification des institutions destinées il rendre effective la souveraineté du démos, La première série de mesures eut pour effet de dessiner ce que des his· toriens cOlllemporains Olll appelé un nouvel « espace civique ». La base en était le dème, circonscription territoriale, au sein de laquelle é tait inscrit chaque citoyen qui y avail sa réside nce, Si l'on en croit Aristote, c·étaillil un moyen d'inté· grer à la cité les nouveaux citoyens, les neofXJ/ilai, que Clisthène aurait fait entrer dans le corps civique CUSTHfNf 147 pour accroître le nombre de ses partisans" Ces dèmes étaient répartis e n trente groupes ou rrytties, dix trytties étant formées par les dèmes urbains ou suburbains, dix autres par les dèmes côtiers, dix enfin par les dèmes de l"intérieur" Trois trytties prises dans chacune des trois régions géogra phiques formaient une tribu, ce qui portait 11 dix le nombre des nouvelles tribus qui remplaçaient désormais les quatre anciennes tribus ioniennes" Le caractère systématique de ce découpage du territo ire traduisait incontestablement 1" influence sur Clisthène de 1" esprit « géométrique » des philosophes ioniens, mais avait aussi pour objet de mettre fin aux solidarités régionales qui s"étaient manifestées lors des conflits du vI' siècle, et de saper par conséquent le pouvoir des vieilles familles aristocratiques" C"est en effet sur cette nouvelle répartition des citoyens qu "était désonnais organisé 1" ensemble des institutions de la cité, et singulièrement le nouveau conseil de cinq cents membres, recrutés à raison de cinquante par tribu, qui allai t devenir r organe principal de la démocratie athénienne" C 'est également la tribu qui servait de cadre à l"organisation militaire, les hoplites d"une même tribu combattant côte à côte au sein d ' une même unité" Il n"est pas exclu que les tribus aient même été le cadre de certaines activités politiques" Enfin, au fur et à mesure que se mettaient en place les différentes archai, les différellles magis- Cl/STHEIIE 148 tratures de la cité, c'est le système décimal instauré par l' Alcméonide qui allait en être le fondement : il y aurait dix stratèges, dix archontes, dix astyllomoi, chargés du maintien de l'ordre et de l'entretien des voies publiques, dix syrophylaqlles pour surveiller l'approvisionnement en grains, etc. De même, l'année allait être divisée en dix prytanies, c'est-à-dire dix périodes de durée approximativement égale pendant lesqueltes les cinquante bouleutes d'une tribu assuraient la continuité du pouvoir dans la cité et présidaient les séances de l' ecclesia dont la périodicité était désormais fixée, Enfin, la tradition attribuait à Clisthène la création de l'ostracisme, procédure qui consistait, par un vote de l'assemblée pour lequel un quorum de six mille présents était nécessaire, 11 exclure de la cité pour dix ans tout homme qui paraissait aspirer à la tyrannie, et qui mettait entre les mains du démas une arme redoutable dont il altait se servir dans les premières décennies du siècle suivant. On ne sait ce qu 'il advint de Clisthène après qu 'il eut établi ce qui allait être la matrice de la démocratie péricléenne, Dans les déce nnies qui suivent, son nom paraît presque oublié, Hérodote le memionne et nous lui devons une partie de nOire information, mais il ramène ses réformes il des mesures de circonstance et n'en apprécie pas vraiment la portée, C est seulement au IV" siècle, et avec la Constitlltion d'Athènes d' Aristote que l'Alcméonide retrouve la place essen- COHJNISATlCW GRECOUE 149 tieUe qui est la sienne dans l ' histoire d'Athènes, Alors que Solon allait devenir dans l'imaginaire des Athéniens le « père fondateu r » de la démocratie, Clisthène n 'en serait que le « restau rateur» après la période des tyrans, L'historiographie contemporaine en revanche a rendu à l' Alcméonide l'importance qu'il mérite, tant par son action propre que par l 'étendue des réformes qu 'il sut imposer à la cité, [J p, Lévêque et p, Vidal-Naquet. Clisthène l'Athénien, Paris, 1964 , C,-w.-J, Eliot, The Coos/al DenJe:S ofAWca, A SlUdyofthe Polley of Klels/henes, Toronto, 1962, R, Osborne, Dell/VS, The Discovery or Classlcal AlIIka, Cambridge, 1985. r7" Alcméonides. Athènes. Dème. Orthagorides. Patrios politeia. Tribu. COLONISATION GRECQUE On appelle colonisation grecque le vaste mouvement d 'expansion des Grecs en Méditerranée, qu i débura vers le milie u du VIII' siècle avant J,-C. et qui allai t contribuer à répandre la c ulture et la civilisation grecque du détro it de Gibraltar aux rives de la mer Noire. On s 'est interrogé sur les raisons de cette expansion. alors que le monde grec des deux rives de l' Egée venait à peine d 'émerger des« siècles obscurs ». CDHlN/SAnoN GRECQUE 150 ces quatre siècles qui séparent la destruction des palais mycéniens de l'apparition d'un nouveau type de groupement politique: la cité. Les sources anciennes ne sont guère explicites. Hormis la sèche énumération par Thucydide des cités qui colonisèrent la Sicile orientale, il s'agit le plus souvent de récits plus ou moins légendaires qui évoquent tantôt une crise interne, tantôt une disette ou encore l'étroitesse du sol (stenochoria). tantôt enfin des raisons privées qui conduisaient un individu à s 'exiler avec quelques compagnons. Les sources parlent aussi du rôle de l'oracle de Delphes qui aurait, par ses réponses ambiguës, orienté le choix des fu turs colons. Les modernes ont évidemment cherché des raisons moins anecdotiques. Certains ont mis en avant le besoin de terres qui serait la conséquence d'un rapide accroissement démogra phique, peut-être aussi de certaines pratiques successorales qui contraignaient les cadets à émigrer vers de riches terres agricoles. D'autres ont privilégié au contraire des raisons commerciales: le réveil des échanges en Méditerranée, la participation des Grecs à ces échanges, la recherche de certaines matières premières rares comme l·étain. En réalité, lOutes ces raisons om pu jouer dans des proportions variées selon les cités. Et sïl est vrai que certaines fondations en Grande Grèce (Italie méridionale) et e n Sicile répondent d'abord au besoin de tetTes nouvelles, d'autres (Rhegion et Zancle de part et d'autre COHJNISATlCW GRECOUE 151 du détroit de Messine, Marseille) correspondent incontestablement au désir de contrôler certaines voies de passage ou le débouché de voies navigables par où arrivait l'étain, Il serait fastidieux d'énumérer toutes les fondations grecques, Les plus anciens établissements furem ceux d'Italie du Sud (Pithécusses, Cûmes, Rhegion) et de Sicile (Syracuse, Naxos, Gela, Mégara), Les premiers colons venaient des cités de nie d'Eubée (Chalcis et Erétrie), du Péloponnèse (Corinthe, Sparte, Mégare) puis des cités insulaires de l'Egée (Rhodes, Chios, Thera) . Les cités grecques d'Asie Mineure (Milet, Phocée) envoyèrem des colons en Propontide et dans la région du Po nt-Euxin, ou dans le lointain Occident (fondation de Marseille par les Phocéens à la fin du VI I" siècle). En un siècle et demi e nviron, des centaines d 'établissements furent ainsi fondés, Ces établissements, et c'est là le fait essentiel. n'étaient pas de simples prolongeme nts de la cité mère (métropole), mais de nouvelles cités indépendantes, Certaines, certes, conservèrent des liens privilégiés avec leur métropole, mais d'autres s'en détachèrent très vite, voire, comme Corcyre, colonie de Corinthe, lui devinrent hostiles. Il faut noter par ailleurs que, si les premières fondations furent souvent le fail de colons originaires d'une seule cité, lIès vile le groupe des colons rasse mbla des Grecs venus de c ilés différentes, y compris de fondations récentes, On a ime- CDHlN/SAnoN GRECQUE 152 rait pouvoir reconstituer avec précision le déroulement d'une fondation coloniale, Les récits transmis par les sources, souvent tardives, évoquent, on l'a vu, les circonstances qui présidèrent au départ des colons, la consultation de l 'oracle de Delphes par le chef de l'expédition, l' oikiste, la recherche parfois difficile du lieu choisi pour lïmplantation de la nouvelle cité, les relations avec les populations indigènes. Mais bien des obscurités subsistent sur la façon dont étaient réparties les terres entre les colons, sur la mise en place d'institutions nouvelles, Sur le premier point, les travaux des archéologues ont apporté des précisions qui sont l'objet de débats entre les modernes, Les fouilles ont permis néanmoins d 'entrevoir certains modes de répartition du territoire de la cité et de division du sol urbain, l'importance aussi des sanctuaires établis soit 11 proximité ou au sein de l'agglomération urbaine, soit aux limites du territoire, Il n'est pas douteux en effet que l'un des premiers soucis des colons était le transfert depuis la métropole des objets sacrés destinés 11 perpétuer sur le sol de la nouvelle cité les cultes de la cité d'origine, Pour ce qui est des institutions en revanche, on ne sail presque rien, Quelques noms de législateurs sont rattachés 11 des cités de Grande Grèce: Zaleucos de Locres, Charondas de Catane, Mais la tradition, taro dive, les présente comme des arbitres ayant mis fin 11 une situation de crise qu'on place généralement vers COHJNISATlCW GRECOUE 153 le milieu du VII" siècle. Et c· est seulement pour l·époque classique qu·o n peut entrevoir certaines de ces institutions qui sont le résultat d ·une évolution qui nous échappe. Beaucoup plus évidentes en revanche sont les conséquences de la colonisation grecque sur le plan culturel. La fondatio n de cités grecques sur le pourtour de la Méditerranée se traduisit en effet par la diffusion de la langue grecque. de ["art et de toutes les manifestations de la civilisation grecque. On insiste aujourd·hui sur le développement de caractères régionaux qui témoignent de r originali té des différe nts foyers de celle civilisation. En Italie du Sud, en Sicile. subsistent encore les restes impressionnants de monuments (Agrigente, Selinonte, Paestum) qui témoignent de la fécondité de l·art grec dans cette région. On pense aujourd·hui qu·une partie des objets, des vases en particulier, retrouvés dans les ruines des cités coloniales grecques, étaient des productions locales, et non comme on ["a cru longtemps des importations de Grèce propre, ce qui atteste l"importance de ["artisanat dans ce monde colonial. La Grande Grèce fu t aussi un intense foyer de vie intellectuelle. O n a déjà évoqué les législateurs Zaleucos et C haro ndas. Mais il fa ut rappeler que c'est en Grande Grèce que vint sïnstaller le Samien Pythagore pour fonder à Crotone une école philosophique, qu·Hérodote se voulait citoyen de Thourioi. Il faut rappeler aussi \. école CDHlN/SAnoN GRECQUE 154 éléate autour de Zenon, Empédocle d'Agrigente, Gorgias de Leontinoi et bien d'aulres. Les populations indigènes subirent aussi cette innuence de la culture grecque. Les fouilles menées en Italie du Sud, en Sicile, en Roumanie, en Russie méridionale permettent de deviner des phénomènes d'acculturation qui, dans certaines parties du monde colonial. semblent avoir été très rapides. Au point que dans nombre de ces cités une partie de ces populations hellénisées s "intégrèrent à la communauté civique, quand elles ne développèrent pas elles-mêmes leurs propres cités. Tout cela, bien évidemment, ne se fit pas sans heurts, comme le prouve encore au V siècle le soulèvement des populations sicules derrière Doukétios. Le grand mouvement d·expansion grecque semble s·être ralenti à partir de la seconde moitié du vI' siècle. À part quelques fondations comme Thourioi en Italie méridionale et la colonie athénienne de Bréa dans 1· Adriatique, les établissements nouveaux apparaissent plutôt comme des comptoirs ou des postes stratégiques que comme des cités réellement indépendantes. Désormais, les limites du monde grec semblent fixées, et c ·est seulement l 'aventure d· Alexandre qui ouvrira une nouvelle étape dans l"expansion de la civilisation grecque. COMEDiE [1 155 Cl. Massé. La colon/sallon dans /'Anllquflé. Paris, 1970. E. Lepore, « La colonlzzaz/one greca e 1 suol problem/~ , Stor/a e C!vlltà dei Grecl (R. Bianchi Bandinelli 00,), T.1. Milan, 1978. pp, 230-253, 1. Malkin. Relig/on and Colon/zallon /n Ancien! Greece, Leiden. 1987, r:7" Cyrène, Grèce d'Occident, Marseille, Sicile, Syracuse, COMÉDIE La comédie grecque est née du cômos, c hœur parlé et chanté qu i accompagnait les cérémonies du culte de Dionysos, De nombreuses obscurités subsistent quant â ses débuts, en Attique, mais aussi hors de l'Afrique, â Mégare, en Sicile, à Sparte peut-être, On ne peut vraiment s'en faire une idée précise qu 'avec la plus ancienne comédie d'Aristophane, les Achal7liens, représentée en 425 avant J,-C, Alors, chaque année, trois pièces étaient présentées aux Grandes Dionysies, et trois autres aux Lénéennes, On disting ue habituelle me nt trois périodes dans l'histoire de la comédie attiq ue: la comédie ancienne, représentée essentiellement par Aristophane, le seul auteur do nt nous possédions une partie importante de l'oeuvre : la comédie moye nne, dont, â l'exceptio n des deux dernières pièces d'Aristophane, nous n'avons que des frag ments ; la co médie nouvelle enfin dont COMtDlE 156 Ménandre est le principal représentant. La comédie ancienne (seconde moitié du V siècle) se caractérise par des situations imaginaires insérées dans un contexte politique très réel : les animaux parlent, les dieux se mêlent aux nommes, les femmes s'emparent de l'Acropole, etc. Mais à Ifavers ces silUations extravagantes, les nommes politiques contemporains sont brocardés, la guerre est mise en question, de même que les institutions de la c ité, Nous ne connaissons bien que le théàtre d'Aristophane, mais des fragments d'autres comiques contemporains, Cratinos, Eupolis, témoignent que c'était la loi du ge nre, Nous connaissons beaucoup moins bien la comédie moyenne, qui occupe la plus grande partie du IV siècle, Des fragments qui sont parve nus jusqu'à nous, il ressort que l'arrière-plan politique demeure prése nt dans un certain nombre de pièces, ainsi que les attaques contre les politiciens en vue, et contre les philosophes, dans la tradition des Nuées d'Aristophane, Mais les plaisanteries obscènes se font plus rares, l'étude des types sociaux caractéristiques (le cuisinier, le soldat, la courtisane, le parasite) annonce la comédie nouvelle, de même que les sujets : affa ires privées, intrigues amoureuses, La coméd ie nouvelle appartient aux dernières décennies du Iv" siècle, Le principal représentant en est Ménandre dont nous possédons quelques pièces et de nombreux fragments dom la collection ne cesse de COMMERCE 157 s 'enrichir. Les allusions politiques ont pratiquement disparu, ce qui se conçoit aisément dans une Athènes soumise à la domination macédonienne. En revanche, les intrigues amoureuses, les reconnaissances d'enfants perdus, les courtisanes au grand cœur tiennent la première place. Le chœur a complètement disparu et l'articulation de la pièce en cinq actes devient générale. Cest cette comédie nouvelle qui connaîtra un grand succès dans tout le monde hellénistique, et dont s "inspirera la comédie laUne. (J K.-J. Dover. anicle • Comedy (Origin of. Old. Middle, New) .. dans The Oxfam Class/cal D/cflanaty. Oxford, ]970. pp. 268-271. F.-H. Sandbach, The Comlc Theatre ofGœece and Rome, Londres. ]985. r:sr Aristophane. Chorégie. Littérature. Ménandre. Théâtre. COMMERCE Quelle place occupait l"activité marchande dans la Grèce antique? Le problème a suscité de nombreuses controverses, singulièrement il la fin du XIX" et au début du xX'" siècle. Deux conceptions s 'opposaient : une conception « moderniste » qui appliquait il l'étude du commerce grec les schémas élaborés par les spécialistes de l"histoire européenne, et voyait dans le COMMERCE 158 développement des échanges et l'invention de la monnaie le point de départ des transformations de la société grecque entre le Vil !" et le v I" siècle avant notre ère: une conception « primitiviste » qui au contraire mellaitl'accent sur l'importance de la vie rurale et de la relation à la terre dans le monde des cités grecques, et faisait par conséquent du commerce une activité marginale exercée par des outsiders, Les sources dont nous disposons pour trancher dans ce débat s'avèrent délicates à manier, Car, en dépit de quelques textes concernan t Athènes et l'activité marchande du Pirée, il faut raiso nner à partir des trouvailles de vases ou de monnaies sur le pourtour méditerranéen, ce qui risque de conduire 11 des hypothèses hasardeuses et peut fournir aux tenants de l'une et l'autre thèses des arguments tout aussi valables ou tout aussi contestables, Il n'est pas douteux que l'on constate un réveil des échanges dans le monde grec à partir du VIII' s iècle, et que l'expansion grecque en Méditerranée, si elle visait d 'abord à proc urer des terres à ceux qui en étaient dépoUlvus, n'était pas pour autant exempte de préoccupations mercantiles, Encore faut-il s 'emendre sur ce que cela signifie, En fait, il semble bien que les Grecs aiem d'abord cherché, e n parcourant les mers, à se procurer ce qu'ils n'avaient pas chez eux : des métaux, des grains, et à partir d'un certain mome nt de la main-d'œuvre servile, des objets de luxe aussi, fabriqués en Orient et recherchés par une société aris- COMMERCE 159 tocratique, celle qui alors dominait les cités. En échange, et avant que la mon naie ne devienne l'inslrument privilégié de l'activité marchande, les Grecs pouvaient proposer des vases, des armes et certains produits agricoles comme l'h uile o u le vin, à quoi o n peut ajouter des matériaux comme le marbre, Quels étaient ceux qui se livraient à ce co mmerce ? Sur ce point aussi les avis divergent. Pourtant, à lire les quelques textes qui fo nt allusion à l'activité marc hande pendant la période archaïque, il semble que celle-ci ne soit encore qu 'exceptionnellement le fai t de « professionnels », Dans son poème intitulé Les travaux et les jours, Hésiode donne à son frère Perses des conseils sur la faço n de gérer son domaine rural, et aussi sur la meille ure période pour prendre la mer avec une cargaison s'il veut rêaliser un bon profit. D'autres indications laissent supposer que dans certaines cités ce sont les membres de l'aristocratie, essentiellement des propriétaires fonciers, qui annent un navire pour transporter les surplus qu'ils iront échanger contre des objets de luxe ou des produits rares, On a supposé que ces aristocrates ne naviguaient pas eux-mémes, mais confiaiem le ur cargaison à des esclaves o u des dépe ndants, O n a pourtant des exemples d'aristocrales prenant eux-mêmes la mer pour commercer, tels le frère de la poétesse Sapho qui fréquentait le port de Na ucratis e n Égypte, tels surtout ces Phocéens qui n'hésitaient pas, à en COMMERCE 160 croire Hérodote, à utiliser leurs navires de guerre rap ides pour aller chercher dans le lointain Occident l' étain, ce métal rare qui entrait dans la composition du bronze: c'est pour en contrôler les débouchés qu'ils auraient fondé Marseille vers 600 avant j .-c' À partir d'un certain moment pourtant, on constate l'existence de marchands professionnels. C'est Athè nes qui sur ce point nous offre le tableau le plus vivant de ce qu'était le commerce grec au V et surto ut au !V siècle, Le Pirée est alors devenu un marché vers lequel amuent commerçants grecs et barbares, et Périclès peut se vanter dans les propos que lui prête Thucydide, de ce qu'Athènes jouit de tous les produits du monde connu, Il est bien certain qu'à ce développement du Pirée l'hégémonie qu'exerce Athè nes en mer Egée depuis le lendemain des guerres médiques n'est pas étrangère, Mais le développement du commerce athénien est lié aussi à la nécessité pour une cité en pleine expansion de se procurer les grains indispensables pour l'alimentation de sa population, On sait que c'est seulement sur cette activité marchande que la cilé exerçait un contrôle par lïntermédia ire de magistrats spéciaux appelés sitophylaques, contrôle desti né à éviter la spéculation et à assurer le ravitaillement de la cité, Nous entrevoyons, à travers les plaidoyers du !V siècle, et singulièrement ceux du corpus démosthénie n, ce monde des commerçants qui fréquentaie nt l' empo- COMMERCE '" rion, le port marchand du Pirée. La grande majorité d'entre eux étaient des étrangers, établis à demeure à Athè nes avec le statut de métèque, o u étrangers de passage. Mais il y avait aussi panni eux des Athéniens, généralement de condition modeste, l"activité marcha nde n'étant pas particulièrement prisée. D'autres Athéniens étaient partie prenante dans l'activité marchande, mais de manière indirecte. en prêtant de 1" argent aux commerçants. moyennant un intérêt élevé. Le prêt maritime en effet était une institutio n bien établie : de riches particuliers, anciens commerçants enrichis ou citoyens étrangers au monde du commerce, faisaient ainsi fructifier leur argent en prêtant « à la grosse ». Ces prêts étaie nt garantis par u ne hypothèque sur la cargaison et seules des circonstances exceptionnelles, un naufrage par exemple, pouvaient libérer le débiteur de ses obligations envers son créancier. Souvent, un marchand. un emporos, désireux d'acquérir une cargaison et de payer son passage sur le navire d' un naukleros, s'adressait 11 plusieurs créanciers, ce qui risquait de créer des problèmes épineux. si le marchand ne pouvait s 'acquitler de ses deites. De tels problèmes se traduisaient généralement par des procès devam le tribu nal présidé par les thesmothètes. La fréquence de ces procès. la nécessité pour la cité de ne pas retenir trop longtemps des marchands souhaitant reprendre la mer. expliquent que dans la seconde moitié du IV' siècle les COMMERCE 162 actions commerciales (dikai emporikai) aient bénéficié d'une procédure accélérée. Cela traduit incontestablement l'importance q ue revê tait l'activité marchande dans la cité, sans que cela implique l'existence d'une classe de commerçants influençant les décisions politiques de la cité. À cet égard, un texte de Xénophon, les Revenus, précise bien où se situait l' intérêt d·A thènes. L'activité marchande fournissait des reven us par le biais des taxes levées à rentrée et à la sortie des navires, et la présence de nombreux étrangers était une autre source de revenus tant pour la c ité que pour les particuliers. Intérêt fiscal par conséquent plus que propremen t économique, mais qui explique le souci des Athéniens de créer les conditions les plus favorables au développement de cette activité. On peut supposer qu"il en allait de même dans les autres cités qui devaient à leur position géogra phique la présence d'un port de commerce actif: Corinthe, Syracuse, Milet, Marseille pour n'en citer que quelq ues-unes. Dans le dern ier quart du IV' s iècle cependant, la prééminence commerciale du Pirée sera quelque peu affaiblie face à deux cités, qui à l'époque hellénistique occuperont la première place dans les échanges en Médilerranée orienlale, Rhodes et surtout Alexandrie. L'un des derniers plaidoyers attribués à Démosthène est à cet égard significatif. qui révèle les spéculations d'un certain Cléomène de Naucratis sur le commerce du blé. Mais il s'agit déjà du monde né CONFEDERATION MAfllTlME (Seconde) 163 des conquêtes d' Alexandre. un monde démesurément élargi qui donnera au commerce méditerranéen une ampleur jamais atteinte auparavant. CI M. L Finley. L 'économle 3nllque. Paris. 1974. Ph. Gauthier. « Le commerce des grains il. Athènes et les fonctions des sitophylaques~ , R.D. , UX 1981, pp. 5 sqq. r:ir BanquelBanquiers. ~conomie . Emporoi. Monnaie. Nauk- leroi. CONFÉDÉRATION MARITIME (Seconde) La Seconde Confédération maritime fut constituée au tour d'Athènes en 378/7, Le texte du décret de fondation, rédigé sur proposition d' un certa in Aristotélès, nous a été conservé, Il précisait d'entrée de jeu ce qu'était le but de l'alliance: contrai ndre les Lacédémoniens « à laisser les Grecs vivre libres et autonomes et avoir la jouissance complète de le ur territoire ». Quiconque, Grec ou Barbare, adhérait à l'alliance, demeurerait « libre et autonome en conservant la politeia qu'il voudra, sans recevoir de garnison, sans être soumis à un archonte, sans payer de tribut ». Les Athéniens ne pourraient posséder aucu n bien sur un territoire allié. Aucune décision concernant les alliés ne serait prise sans l 'accord du synedrion. du conseil des alliés. Par ce texte, les dirigeants et la cité tout CONFEDtRAT/ON MARITIME (Seconde) 164 entière s'engageaient donc à ne pas revenir aux erreurs et aux pratiques qui avaient e ntraîné le mécontenteme nt et la défection au sein de la ligue de Délos, et semblaient guidés par le seul souci de préserver l'autonomie des Grecs contre la menace Spartiate, En réalité, la constitutio n de la Seconde Confédération maritime était l'aboutissement d'une politique qui, dès le lendemain de la resta uration démocratique, en 403, avait été e ntreprise par certains dirigeants de la cité, conscients du lien qui existait entre le régime et le maintien de l'hégémonie maritime d' Athè nes, Il s'agissait d'abord de reconquérir certaines positions dans le nord de l' Egée afin d 'assurer à Athènes la sécurité des convois de blé vers le Pirée, Dès 399, Thrasybule à la tête de quarante navires rétablissait le contrôle d'Athènes sur les Détroits, favorisait l'étab, lissement à Byzance d'un régime démocratique et s'emparait de l'île de Lesbos, Peu après, Iphicrate entreprenait la reconquête de la Chersonèse de Thrace, L'élan se trouva quelq ue peu interrompu par la conclusion de la paix du Roi. en 386, imposée aux Grecs par le roi des Perses et par les Spartiales et qui réaffirmait le principe de l'autonomie des cités, Mais les circonstances allaient bientôt favoriser la constitulion d'une alliance autour d'Athènes, Sparte en effet se lançait dans une politique expansionniste, tam dans l'Egée que sur le continent. Les tenants du retour à l'impérialisme, le fils de Conon, Timothée, le neveu CONFEDERATION MAfllTlME (Seconde) 165 d'Agyrrhios Callistratos, les stratèges lphicrate et Chabrias profitèrent du désarroi provoqué par une tentative de coup de main Spartiate sur le Pirée pour recréer une alliance militaire au tour d' Athènes. Il imporlait cependam de rassure r ceux qu'inquiétait, à Athènes et ailleurs, un retour aux pratiques du siècle précédent. D 'où les clauses évoquées plus haut, et la création d'un organe représentatif des alliés. Ce synedrion où chaque cité alliée ava it un représentant, siégeait à Athènes. Des inscriptions permettent de reconstituer la procédure qui était suivie lorsqu'il falla it prendre une décision commune. La boule préparait le décret qui était soumis au vote des alliés. Si le texte était adopté par le synedrion. il était ensuite soumis à l' ecclesia. Les alliés pouvaient introduire des amendements au texte proposé par la boule, mais c 'est [" ecclesia qui décidait en dernier ressort du maintien de ces amendeme nts. Le fait que le synedrion se réunissait à Athènes, ["égalité de la re présentation des cités, petites ou grandes, assuraient aux Athéniens une suprématie réelle au sein de ["alliance. C'est le synedrionqui décidait de l'admission de nouveaux membres au sein de la confédération, et qui réglait les différends e ntre alliés, ou o pposant une cité alliée à Athènes. Il semble que pendant les années qui suivirent immédiatement la conclusion de l'alliance, les Athéniens aient respecté les engagements pris dans le décret CONFEDtRAT/ON MARI TIME ( Seconde) 166 d 'Aristotélès, D'où l'adhésion de nouvelles cités au pacte fédéral , panni lesquelles il faut noter les cités de la côte thrace, Perinthe, dans la Propontide, et à l'ouest Corcyre, et aussi des cités continentales menacées par les ambitio ns Spartiates comme les cités ac héennes, Mais la défaite Spartiate à Leuctres, en 371, devant le Thébain Epaminondas, défaite qui allait entraîner à brève échéance la perte de la Messénie et le déclin de la cité lacédémonienne, en même temps qu 'elle faisait disparaître l"une des raisons de l'alliance, donnait naissance à un nouveau danger pour Athènes, celui que représentait Thèbes, dont les ambitio ns hégémoniques n 'allaient pas tarder à se manifester. Devant ce danger et aussi pour faire face à des difficultés financières grandissantes, Athènes allait très rapidement revenir aux pratiques du siècle précédent. En 365, la tentative de sécession de la petite île de Keos était durement réprimée, Des clérouquies étaient établies à Samos, à Sestos, et à Crithôté, à Potidée, Enfin, la clause qui pennettait en cas de besoin de lever sur les alliés des contributions ou syntaxeis fut l"occasion pour les stratèges chargés de les lever d'un retour à des pratiques brutales corn' parables à celles qu'entraînait auparavant la levée du Iribut. Il n'esl donc pas surprenant que des défections se soient produites, d'abord sporadiques, puis beaucoup plus graves lorsqu'une coalition rassembla, autour de Byzance el du satrape de Carie Mausole, CONFEDERATION MAfllTlME (Seconde) 167 Chios, Rhodes et Cos auxquelles se joignirent bientôt Périnthe et Selymbria, Au début de l'armée 356, les coalisés attaquèrent les dérouquies athéniennes de Lemnos, Imbros et Samos. Athènes risposta en e nvoyant une flotte commandée par ses meilleurs stratèges, Iphicrate, Timothée et Charès, Mais, il la s uite d' un désaccord entre eux, le seul Charès affronta les coalisés et fut battu il Embata, À l'été de 355, Athènes dut reconnaître l'indépendance des cités révoltées, La Seconde Confédération maritime ne disparut pas pour autant. et l'on possède des décrets postérieurs il 355 qui attestent l'existence du synedrion. Mais, privée des grandes îles de l' Egée et des cités commandant les Détro its, elle n'était plus que l'ombre d'ellemême, et les conquêtes de Philippe cherchant il assu rer sa façade maritime au nord de l'Egée allaient lui être fatales, Par ailleurs, la défaite d'Embata et la reconnaissance par Athènes de l'indépendance de ses princ ipaux alliés marqua ient l'échec du « parti impérialiste », C'est il partir de 356 qu'Eubule et ses amis, partisans d' une politique « pacifiste » et de re nonciation il l'em pire des mers, prerment en mains la direction de la cité, s'efforçant de compenser par certaines mesures financières les pertes matérielles q u 'entraînait la renonciation il une politique extérieure active, et par une réglementation plus sévère du commerce du blé les difficultés accrues d'approvisionnement qu'entraînait la perte du contrôle des Détroits, CORINTHE [J 168 P. Cloché. La fXJlJllque extérleured"Alhènes de 404 a338. Paris. 1934. S. Accame. La lega a/enlese deI secolo IV. AC. , Rome. 1941. E. Will, C. Mossé. P. Goukowsky. Le monde grec el l'Orient. T. Il - Le IV siècle el l'époque hellénlsllque, Paris, 1975. pp, 27 sqq, 176 sqq, r:ir Callistratos d 'Alphidna, Chias, Clérouquies, Impérialisme, CORINTHE Située sur lïsthme du meme nom, cette cité allait étre, au cours de son histoire, une des plus puissantes du monde grec, C'est surtout pendant l'époque archaïque que, grâce â sa position, géogra phiq ue, importante tant du point de vue stratégique qu'économique, Corinthe mérite l'épithète d'opulente que lui attribue le catalogue des vaisseaux de l'Iliade, Sous l'oligarchie des Bacchiades d'abord, la tyrannie des Cypsélides e nsuite, Corinthe occupe en effet une place de premier plan, C'est â Corinthe que, aux dires de Thucyd ide, furen! construites les premières trières, ces vaisseaux de guerre rapides qui allaient faire la force de sa marine avant celle d'Athènes, Maîtresse de l'isthme et des deux ports qui regardaient à l'est vers l' Egée et à l'ouest vers la mer Ionienne, Corinthe prélevait sur les navires qui y relâchaient o u qui CORiNTHE '" empruntaient le dio/kas, ce chemin empierré qui les réunissait, des taxes qui alimentaient le trésor de la cité. Aux vu' et vI" siècles, la céramique fabriquée dans les ateliers corinthiens se retrouvait sur tous les sites grecs, d'une extrémité à l'autre de la Méditerranée, Sous les tyrans, Corinthe par ailleurs poursuivit la politique, inaugurée par les 8acchiades avec la fondation de Syracuse, d'expansion vers l'Occident en établissam des colonies dans \' Adriatique, Néanmoins, malgré cette richesse et cette puissance maritime, Corinthe ne réussit pas vraiment à jouer un rôle politique important dans le monde grec. Durant tout le V" siècle, Corinthe demeura alliée fidèle de Sparte au sein de la ligue péloponnésienne, et s'engagea à ses côtés dans la guerre du Péloponnèse, Toutefois, après la victoire de Sparte, Corinthe se rapprocha d'Athènes, et pendant une brève période un régime démocratique y fut établi, Mais l'oligarchie ne tarda pas à se réinstaller au pouvoir, une oligarchie qui maintint Corinthe dans une prudente neutralité au cours des luttes du IV siècle, entre cités et contre Philippe de Macédoine, C'est sans doute la raison pour laquelle ce dernier choisit le sanctuaire de l'isthme pour y convoquer les Grecs après sa victoire et conclure avec eux l'alliance que nous appelons ligue de Corinthe, La cité devait connaître un regain de prospérité à l'époque hellénistique, puis après la conquête romaine devenir la capitale de la province d 'Achaie, C f/HE (JI 170 Ed. Will , Korlmhlaka, Paris. 1955. r:r Cypsélides. CRÈTE La Crèle a élé à l'âge du bronze le centre d'une brillante civilisation que, à la suite de l'archéologue anglais Sir Arthur Evans, on appelle minoenne, du nom de Minos. le roi légendaire auquel on altribuail un pouvoir étendu sur toute la Méditerranée orientale et ["élaboration d'un code de lois. La période de plus grand développement de la civilisation minoenne se place entre environ 2200 et 1450 avant J.-C. C'est l'époque des grands palais de Cnossos. de Phaestos, de Mallia, centres d'un pouvoir royal reposant sur des structures économiques et sociales comparables à celles des états de l'Orient ancien. La nature de ce pouvoir est altestée en particulier par un usage précoce de ["écriture. d'abord hiéroglyphique. puis syllabique (Linéaire A). Une première fois détruits vers 1700, les palais furent reconstruits et connurent une seconde période d 'apogée jusque vers 1450 avant J .-c. À ce moment, comme ["attestent les tablettes en Linéaire B découvertes dans les ruines du palais de Cnossos, une partie de lïle tomba entre les mains des Mycéniens qui imposèrent leur langue et firent de Cnossos le centre de leur domination. Le dernier CRETE 171 palais de Cnossos fUi détruit au début du XIV" siècle, qui inaugure une période de déclin de l'île, les habitants se réfugiant sur des sites défensifs de l'intérieur, La Crète n'en demeura pas moins une région de fort peuplement : Homère parle de « la Crète aux cent cités », Les plus importantes de ces cités durant les premiers siècles du premier millénaire étaient Cnossos, Gortyne, Lyttos, Cydonia, Mallia, Phaistos, L'aristocratie qui dominait ces cités était « dorienne », Le célèbre code de Gortyne, une longue inscriplion qu'on date de la première moitié du V" siècle, mais aussi les remarques d'Aristote au livre II de la Politique attestent l'existence dans les cités Crétoises d'une importante population dépendante, dont le statut était inlermédiaire entre la condition d 'homme libre et l'esclavage et qui porte des noms divers selon les cités, oikees à Gortyne, clarotes ou périèques ailleurs, Les anciens les comparaient aux hilotes de Sparte, et on peut penser que, comme ces derniers, ils étaient des paysans attachés aux lots de terre des citoyens, Les philosophes vantaient les institutions des cités Crétoises souvent comparées à celles de Sparte également. La tradition prétendait même que Lycurgue, le législateur légendaire de la cilé péloponnésienne, s'en était inspiré, Les cilés étaient dominées par une aristocratie de propriétaires parmi lesquels se recrutaient les magistrats appelés cosmes. Les femmes, à Gortyne au moins, jouissaient d'une plus grande indépendance CR1TIAS 172 que dans le reste du monde grec : elles pouvaient en particulier hériter d'une partie du patrimoine paternel. et la fille épiclère (unique héritière en l'absence d ' héritier mâle) n'était pas tenue d'épouser son plus proche parent dans la lignée paternelle. Si les cités Crétoises semblent avoir joui d'une paix réelle pendant toute la période archaïque et classique. ce ne serait pas seulement la conséquence de l'excellence de leurs institutions, comme le prétendaient les auteurs anciens, mais plutôt dû au fait qu'elles demeurèrent à l'écart des événements qui secouèrent le monde égéen, certaines cités se contentant de fournir aux belligérants des mercenaires, ces fameux archers crétois particulièrement recherchés au IV" siècle, 111 H, Van Effenterre, Les Egéens, Paris. 1986: La Crèle et le monde grec de Platon à Polybe. Paris, 1948, ER. Willets, Arlstocrallc Society ln Anclenl Crele, Londres, 1965, r:ir Evans, CRITIAS Cet homme politique athénien est certainement l'un des représentants les plus caractéristiques de l'opinion antidémocratique. Il appartenait à une vieille famille CRITIAS 173 aristocratique d'Athènes et était l'oncle de Platon, Lié à la jeunesse dorée d'Athènes, il figure parmi les disciples de Socrate O'un des dialogues de Platon porte son nom), Poète, auteur en particulier de tragédies, il avait subi, outre l'influence de Socrate, celle des sophistes, et un court fragment d'une tragédie dont il est l'auteur, intitulée Sisyphe, exprime une opinion non conformiste quant à l'origine des dieux, e n qui il voit des créations de l'homme, destinées à maintenir l'ordre et le respect des lois dans la société, Comme beaucoup d'hommes de sa génération et de son milieu, il se trouva mêlé à l'affaire des Hermès, puis à la première révolution oligarchique. C'est peutêtre au lendemain de celle-ci qu'il fut condamné à l'exil, et qu'il séjourna en Thessalie où il aurait fomenté une révolte des pénestes, des paysans dépendants, contre leurs maîtres, Mais c ' est surtout après la défaite d'Athènes en 404 qu'il joua un rôle de premier plan, I! fut en effet l'un des Trente qui gouvernèrent Athè nes sous l'oligarchie, et le plus influent semblet-il. Xénophon, dans les Helléniques. lui prête des propos qui ne laissent aucun doute sur ses opinions, La démocratie est pour lui un régime « néfaste » et la plus belle des constitutions est celle des Lacédémonie ns, à laquelle il consacra d'ailleurs une étude, malheureusement perdue, La révolution qu'il préconise doit être implacable pour ses ennemis, et il C YPSELIDES 174 n ' hésita pas à faire exécuter son complice Théramène, quand celui-ci manifesta quelque hésitation devant l'accumulation de crimes dont les Trente se rendaient coupables. Critias devait mourir peu après l 'exécution de Théramène, lors d·un e ngagement contre les démocrates qu i ve naient de s 'emparer de la forteresse de Mounychie au Pirée. [) P. Salmon, L 'établJssement des Trente Il Athènes, Anllquflé Cl assique, XXX VIII , 1969, pp, 497 sqq , r:ir Oligarchie, Théramène, Trente. CYPSÉLIDES Les Cypsélides sont les tyrans qu i rég nèrent à Corinthe à la fin du VII' et au début du VI' siècle, Nous devons à Hérodote le récit des origines de la tyrannie corinthienne, La cité était alors dominée par une famille , celle des Bacchiades, qui monopolisait toutes les charges et pratiquait l'endogamie. On a beaucoup discuté à propos de la nature du pouvoir de ces Bacchiades, qui reposait peut·être en partie sur les revenus des taxes qu 'ils prélevaient sur les marchands qui empruntaient l'isthme pour se rendre dans le bassin occidental de la Méditerranée, Le récit d'Hérodote relève de ce qu 'on pourrait appeler le fol klore tyrannique: une Bacchiade, Labda, qui. comme son C YPSEL IDES 175 nom l'indique, était boiteuse, se maria en dehors de la famille, enfreignant ainsi la règle de l'endogamie, Un oracle ayant prédit que de cette union naîtrait un danger pour Corinthe, les Bacchiades s'efforcèrent de s'emparer de l'enfant de Labda, Mais celle-ci réussi t à le cacher, et, deve nu grand, il s'empara du pouvoir à Corinthe, réalisan t la prédiction de l'oracle, L'histoire est belle, mais elle ne re nd pas compte des raiso ns qui favorisèrent l'avènement de la tyrannie, Aussi s'est-on efforcé de comprendre ce qui avait provoqué la chute des Bacchiades : des échecs militaires, en particulier une défaite navale deva nt Corcyre, colonie corinthienne, devenue dans l'Adriatique la rivale de sa métropole, mais aussi là comme ailleurs da ns le reste du mo nde grec une crise agraire et celte revendication égalitaire liée à l'adoption de la phalange hoplitique, Une autre source nous apprend en effet que Cypsélos, lorsqu'il s'empara du pouvoir, était polémarque, Indication intéressante, parce qu 'elle témoigne qu 'étant Bacchiade par sa mère, Cypsélos avai t pu accéder à une fonction importante, mais surtout que celle fonction était celle d'un chef de guerre qui savait pouvoir s'appuyer sur le démos des hoplites. Sur la tyrannie de Cypsélos on ne sait pas grand-chose, Y eut-il, comme on l'a supposé, un partage des terres confisquées aux Bacchiades ? Nos sources n'en fo nt pas mention, En revanche, un passage de l'Économique du Pseudo-Aristote évoque une C YPSELIDES 176 curieuse mesure auribuée au tyran. Il aurail fait vœu de consacrer à Zeus les biens des Corinthiens, et pour ce faire aurait prélevé pendant dix ans une dîme, façon détournée de respecter son vœu, tout en laissant les Corinthiens en possession de leurs biens. Cypsélos fut enfin peut-être le créateur des premières monnaies corinthiennes. Il aurait également favorisé 1· établissement de colonies dans 1· Adriatique, Leucade, Anactorion, Ambracie, dans 1· intention de résoudre le problème agraire, mais aussi pour assurer la sécurité de la navigation corinthienne dans 1· Adriatique et rapprovisionnement en métaux précieux provenant de I·arrière·pays illyrien. Cypsélos transmit en mourant la tyrannie à son fils Périandre. Celui·ci semble avoir donné à son pouvoir un caractère plus autori taire, s·appuyant sur une garde personnelle de trois cents doryphores. Il aurait déve· loppé la floUe corinth ienne et mené une politique d'expansion en mer Egée. Il aurait pris également à 1· encontre des riches des mesures somptuaires. leur interdisant I·achat massif d· esclaves et obligeant leurs épouses à se dépouiller de leurs bijoux et de leurs riches vêtements. La Iradition donne de Périandre une image controversée. Certains le fOIl! figurer au nom· bre des Sepl Sages de la Grèce, tandis que d·autres sources lui attribuent des mœurs scandaleuses el une infinie cruauté. Périandre put néanmoins à sa mort Iransmettre le pouvoir à son neveu Psammétique. CYRENE 177 Mais celui-ci ne rég na que trois ans et mourut, tué par les Corinthiens. Une source ancienne précise : « Le peuple détruisit la maison des tyrans, confisqua leurs biens,jeta le cadavre de Cypsélos (Psammétique) pardelà la frontière, sans sépulture. viola les tombeaux de ses ancêtres et en vida les ossements. » La Iyrannie qui avait pu un temps résoudre la crise que traversait Corinlhe au milieu du vu' siècle, s'achevait donc dans la violence et laissait place à un régime oligarchique modéré qui se maintint pendanl les deux siècles suivants. ~ Ed. Will , Korlnthlaka. Paris. 1955. Cl. Mossé , La tyrannie dans la Grèce amlque, Paris, 2' éd. 1990 : pp. 25-36. r:ir Corinthe. Hérodote- Onhagorides. Tyrannie. CYRÈNE Cyrène fut la plus imporlante des colonies grecques d'Afrique du No rd. Elle fut fondée ve rs 630 par des gens venus de Théra (Santo rin). à la suite d'une disette. Hérodote se fait l'écho de traditions diverses quant à lïnstallation des premiers colons sous la conduite d 'un certain Ballos qui fut le fondateur de la dynastie qui allait régner sur Cyrène pendant de ux siècles. jusqu'à ce que le dernier roi, C YRENE 178 Arcésilas IV, soit déposé vers 440 et que soit établi un régime démocratique sur le modèle athénien. L'histoire de Cyrène semble avoir été particulièrement mouvementée, Les premiers colons eurent à affronter les indigènes libyens, mais très vite les Cyrénéens réussirent à étendre le territoire de la cité, ce qui leur permit de recevoir de nouveaux colons, et par la suite de fonder de nouveaux établissements sur la côte libyenne, à Barcè et Euhespéridès. Cyrène devint une cité prospère, Son territoire, riche en blé, produisait également une plante recherchée comme condiment, le silphium, L'histoire intérieure de Cyrène fut durant le premier siècle après sa fondation marquée par des luttes opposant entre eux les fils de Ballos, Le petit-fils du fondateu r, Battos Il , fut le contemporain d'une législation nouvelle dont l'auteur fut un certain Démonax de Mantinée, Il semble, aux dires d'Hérodote, avoir réparti les habitants de la cité à l'intérieur de trois tribus et confisqué une partie des terres appartenant au roi pour les mettre à la disposition de la communauté civique, La répanilion nouvelle avai t pour objet d'intégrer à la cité les cololls venus d'autres parties du monde grec (Pélopollnésiens, Crétois, Insulaires, en particulier des Rhodiens), ainsi que des éléments indigènes, Mais la constitution mise en place limitait les pouvoirs du roi. et elle fut contestée par Arcésilas III qui s· exila à Samos où il recruta des troupes en leur C YRENE 179 promettant des dis tributions de terres. Revenu à Cyrène. non seulement il ne tin t pas ses promesses. mais encore il se livra à de telles exactions à 1· encontre de ses adversaires qu 'il dut se réfugier à Barcè o ù il fUi assassiné. Ici se place un curieux épisode. O· après HérodOle, Cyrène, après le départ d· Arcésilas III , fu t pendant quelque temps gouvernée par la mère de celui-ci, Phérétimè, qui assistait même aux séances de la boulè, du conseil mis en place par Oémonax. Après la mort d ·Arcésilas, elle s·enfuit en Égypte. Elle organisa alors une expédition contre les gens de Barcè pour en tirer ve ngeance, puis retourna en Égypte où elle trouva la mort dans des conditions qu·Hérodote rapporte avec une certaine complaisance: « toute vive, elle fourmilla de vers, tant il est vrai que les ve ngeances poussées à 1·excès attirent sur les hommes la haine des dieux ». Lïntérêt de l" anecdote est évident aux yeux d·Hérodote. Cyrène était une cité grecque, mals la vie politique y revêtait des fonlles qui r appare ntait plutôt au monde barbare. Oe fait, Cyrène tombai t alors sous la domination des Perses. Elle s'en libéra au lendemain des guerres médiques e t connut une période de splendeur sous le règne d ' Arcésilas IV, c hamé par Pindare, règne qui fu t le dernier de la monarchie des Battiades. Cyrène demeura indépendante jusqu·à Alexandre, puis fu t intégrée aux possessions des Lagides. otws (Ligue de) 111 180 F. Ch3moux. Cyrène sous la monarchie des Balliades, P3ris. 1953. Cir Colonisation grecque. DÉLOS (Ligue de) On désigne sous ce nom l'alliance défensive rassemblant 3utour d 'Athènes les cités égéennes au lendemain des guerres médiques. C'est en 478 que la ligue fut constituée. Son centre était le sanctuaire ionien d 'Apollon d3ns 1"île de Délos. Les cités alliées conservaient en principe leur indépendance par rapport à la cité hegemoll qu' était Athènes. En fait , à part les g randes îles (Chios. Lesbos, Samos) qui conservaient leur propre flotte et fournissaient des contingents pour 3ssurer la défense commune contre le Barbare, les 3utres alliés se content3ient d'acquitter un tribut destiné à couvrir les frais d' équipement de la flotte. Le premier tribut fut établi par Aristide et fixé à 460 talents. Il allait fournir à Athènes les moyens d'une g rande politique égéenne. Après la disparition de la scène politique d'Aristide et de Thémistocle. qui 3vaient été les artisans de l'ét3blissement de la ligue, ce fut principalement Cimon qui contribua à e n 3ccroître les membres et l' importance, en particulier en ve nant à bout de la résistance de Thasos. et en étab- DI,WS (Ligue de) '" lissant des colonies militaires e n Thrace et en Chersonèse. En 468. la victoire remportée par Cimon à l'Eurymédon assura définitivement à Athènes le contrôle sur la région des Détroits et sur la côte N .-0. de l'Asie Mineure. En 449, à la suite d'une ambassade menée par Callias, un accord fut conclu entre la ligue et l'empire perse: c'était la reconnaissance par le roi des positions acquises par Athènes dans l'Egée. On a parfois douté de l'authenticité de cette « paix de Callias ». Il est frappant en tout cas de constater à partir de ce moment l'établissement d ' un modus vivendi entre le roi et Athènes. Cependant Périclès était désormais le principal acteur de la politique athénienne. Avec lui. le caractère de l'alliance allait changer insensiblement, la prédominance d'Athè nes au sein de la ligue se manifestant de plus en plus ouvertement. À l'origine, il avait été prévu que les décisions communes seraient prises lors d'assemblées réunissant les représentants de toutes les cités alliées, qui conservaient ainsi leur souveraineté. Mais après la conclusion de la .. paix de Callias », il semble que de plus en plus souvent les Athéniens aient pris l'habitude de décider seuls des opérations qui engageaient l' ensemble des alliés, Déjà auparavant. en 454, le trésor de la ligue avait été Iransféré de Dé los à Athènes, sous prétexte de le mettre à ["abri d'un coup de main des Perses. Désormais, les finances de la ligue se confondraient avec celles d' Athènes. assurant à la cité des otws (Ligue de) 182 ressources importantes qui servaient les buts de sa politique et assuraient le fonctionnement harmonieux du régime" C'est vraisemblablement pour faciliter la levée du tribut qu"à partir de 443, au plus tard, les cités membres de la ligue furent groupées en cinq districts. Le district ionien comprenait les cités de la côte occidentale de I"Asie Mineure d"Assos à Phasélis, le district carien, les îles de Cos et Rhodes et les cités côtières entre Phasélis et Halicarnasse: les Cyclades et les trois îles à clérouquies de Lemnos, Imbros et Skyros formaient un troisième district, les cités de la côte thrace un quatrième: enfin un district de I"Hellespont était constitué par la Chersonèse de Thrace, les cités du Bosphore et de la Propontide" Désormais, c"est l"ecclesia d' Athènes qui fixait le montant du tribut. Les sommes dues par les cités alliées étaient apportées 11 Athènes lors de la célébration des Grandes Dionysies" En cas de retard dans le paiement, une escadre athénienne était envoyée pour forcer les récalcitrants à s"acquitter de la somme due, généralement accrue d"une lourde amende" Grâce aux listes de tributs qui nous SOIl! parvenues, on a pu faire une double constatation: d"une partie montant global du tribut a peu varié entre 454 et 431 : en revanche" les variations d" une cité 11 l"autre, et pour une méme cité d "une année 11 l"autre pouvaient être sensibles: ainsi. Thasos qui ne payait que trois talents au lendemain de sa rébellion en payait-elle trente quinze ans plus tard" DI,WS (Ugue de) 183 On conçoit aisément que les cités aient supporté de plus en plus difficilement de telles charges, assorties de la perte de leur indépendance, et ce d'autant plus que]' empire perse avait cessé d'être menaçant. Aussi ne faut -il pas s'étonner qu' à plusieurs reprises des défections se soient manifestées, On a déjà évoqué le soulèvement de Thasos et son écrasement par Cimon, Les cités eubéennes, Samos également, se rebellèrent dans les années qu i suivirent la conclusion de la « paix de Callias » : la ligue de Délos avait perdu sa raison d' être puisq ue l'adversaire contre lequel elle était dirigée n'existait plus. Le soulèvement e ubéen fut reprimé à la suite d'une expédition dont Périclès lui-même avait pris le commandement et une clérouquie fut établie sur le territoire d'Histiae, Et c 'est également Périclès qui, quelques années plus tard, vint à bout de la révolte de Samos, Pour éviter le re nou vellement de telles défections, les Athéniens renforcèrent la surveillance exercée s ur leurs alliés : garnisons, magistrats athé niens furent envoyés dans les cités de la ligue, Certaines de ces garnisons n'avaient pour o bjectif que d'éviter toute velléité d'indépendance dans des c irconstances précises, Mais d 'autres étaient établies à demeure, sur des terres confisquées et partagées entre les clérouques qui constituaient la garnison : de telles clérouquies existaient à Naxos, à Andros, en Eubée, ainsi que dans les petites îles d'Imbros, Lemnos et Skyros, véritables prolongements du territoire athénien. otws (Ligue de) 184 La ligue de Délos s'acheminait ainsi vers sa transformation en empire athénien. Les clérouquies, la nécessité pour les alliés de venir à Athènes plaider devant les juges athéniens les conflits qui les opposaient à la cité, qui se trouvait ainsi à la fois juge et partie, l'obligation d'utiliser la monnaie athénienne qui privait les alliés de ce qui était d 'abord un signe de souveraineté. le poids des tributs et le recours à des méthodes peu orthodoxes pour en assurer la rentrée, autant de faits qui témoignent de la transformation de la ligue de Délos, On comprend dès lors que la guerre du Péloponnèse, destinée d'abord à défe ndre les intérêts d' Athènes. soit apparue aux alliés comme un poids particulièrement insupportable, et que les défections aient repris à la faveur des difficultés rencontrées par les Athéniens, L'alliance subsista néanmoins jusqu'à la fin de la guerre, et c'est seulement la défaite et la conclus ion de la paix avec Sparte qui entraînère nt sa disparition. [J Ed, Will, Le monde grec el 1Drlenl 1 - Le V s/éele, Paris. 1972, pp. ]31 sqq. J,-A.-O- Larsen, The Constlwtlon and Ihe Original Purpose of Ihe Dellan League, Hal'Varo Swdles ln Classlcal Phllology. LI. 1940, pp. 175 sqq. R. Sc3ley. The Orlgln of the Dellan League, Swdles pœsemed 10 V. Ehœnberg. Oxford, 1966, pp. 233 sqq. qr Chios. Clérouquies. Impérialisme. DELPHES 185 DELPHES Situé sur les pentes méridionales du Parnasse, le sanctuaire de Delphes a joué un rôle considérable dans l'histoire du monde grec. Le site était déjà occupé à l'époque mycénienne. Mais c' est seulement à partir du VII I" siècle quïl est devenu le centre religieux du monde grec, grâce en particulier à l'oracle que l'on venait consulter pour recueillir la parole du dieu Apollon. Le sanctuaire était administré par un conseil composé de délégués des différents peuples grecs, le conseil Amphictyonique. Tous les quatre ans se déroulaient les jeux pythiques qui comportaient non seulement des compétitions athlétiques, mais aussi des concours musicaux. Mais ce sont essentiellement les consultations oraculaires qui faisaient la renommée de Delphes. Les réponses étaient données par une prêtresse, la Pythie, qui se tenait sur un trépied, à proximité d'une crevasse et non loin d'une pierre sacrée, romphalos. qu' on disait être le centre de la terre habitée. La prêtresse, à l'origine une jeune fille. mais à l'époque classique une femme àgée, répondait en état de transe aux questions posées. Ses réponses étaient, si ]" on en croit les oracles rapportés par la tradition littérai re, généralement énigmatiques, et DHPHES 186 devaient en conséquence être interprétées par les prêtres et les consultants, et parfois l'interprétation était sujette il caution. Les consultants étaient soit des particuliers, soit les représentants officiels de telle ou telle cité. On attribuait il l'oracle un rôle important dans la colonisation grecque, et l 'on a beaucoup débattu pour savoir quelle signification donner il ce rôle, qui suppose de la part du clergé delphique des connaissances géographiques, en particulier en ce qui concerne la Méditerranée occidentale, C'est également il l'oracle que se seraient adressés les législateurs qui aux VII-VI" siècles s'efforcèrent d'établir un certain ordre politique et social dans les cités, C'est ainsi que le dieu aurait dicté 11 Lycurgue, le fameux législateur de Sparte, la Grande Rhetra qui fixait les règles de la constitution de la cité, On connaît aussi l'anecdote rapportée par Hérodote de la consultation de l'oracle par les Athéniens au moment de l'expédition de Xerxès. Une première réponse invitant les Athéniens il abandonner le ur ville aurait j eté la terreur dans le cœur des ambassadeurs sacrés, les théores, Ils revinrent consulter l'oracle une seconde fois et la réponse laissa espérer une issue favorable: « Quand sera conquis tout le reste de ce qu 'enferment la colline de Cecrops el l'antre du divin Citheron, Zeus au vaste regard accorde il Tritogenie (Athéna) qu ' un rempart de bois soit seul inexpugnable, qui sauvera toi et tes enfants ... », Au retour des ambassadeurs, les Athéniens DELPHES 187 délibérèrent pour savoir ce que signifiait ce « rempart de bois », Aux Anciens qui pensaient quïl s 'agissait de I"antique palissade qui entourait I"Acropole, s'opposa Thémistocle pour qui le « rempart de bois » ne pouvait que désigner les navires récemment construits à son initiative, Etl"o n sait ce quïl en advin t: la victoire décisive remportée à Salamine par la flotte athénienne, qu i entraîna l'échec de l'expédition de Xerxès, On a là un exemple de l'ambiguïté des réponses de l'oracle, qu i permettait toutes les justifications a posteriori. Les prêtres de Delphes se trouvaient par là même investis d'une grande au torité, et ils furent souvent mis à contribution par les états grecs, C'est ainsi que certains tyrans, comme Clisthène de Sicyone, bénéficièrent de I"appui du clergé delphique, À Athè nes, la puissante famille aristocratique des Alcméonides, en aidant à la reconstruction du temple d'Apollon détruit en 548 par un tremblement de terre, fut également soutenue par le clergé delphique, et c'est à ]" oracle de Delphes que 1" Alcméonide Clisthène, le réformateur athé nien, demanda de désigner les héros éponymes des dix nouvelles tribus créées par lui. Le prestige de Delphes fut quelque peu éclipsé après les guerres médiques, l'oracle ayant été accusé de « médisme », Mais il relrouva un certain prestige au IV" siècle lorsq ue Thèbes d'abord, puis Philippe d e Macédoine, firent de l'Amphictyonie delphiq ue l'instrument de leur politique en Grèce centrale, DfM4GOGUfS 188 L'importance de Delphes dans l'histoire de la civilisation grecque est attestée par la majesté des monuments do nt on peut encore aujourd'h ui admirer les ru ines, Le grand temple d'Apollon, plusieurs fois reconstruit dans l'antiquité, dominait le site et était l' aboutissement de la voie sacrée empruntée par ceux qui ve naient consulter le dieu, Le lo ng de cette voie sacrée, des trésors, petits monuments en pierre, abritaient les offrandes des particuliers et des cités, Un petit théâtre permetta it le déroule ment des concours musicaux et poétiques, À l'extérieur du sanctuaire proprement dit, le stade était destiné aux concours athlétiques, dont la réputation était comparable à celle des jeux olympiques, Encore aujourd'hui, la majesté du site de Delphes impressionne les visiteurs, [J J. Defradas, Les thèmes de la propagande delph/que, Paris, 1954, M, Delcourt, L'oracle de Delphes, Paris, 1955, G Roux, Delphes, son oracle el ses dieux, Paris, 1976, r:sr Apollon. Dieux. Oracles. Religion civique. Sanctuaires. DÉMAGOQUES Le terme démagogue n'a pas à l' origine le sens péjoratif qu'il ne tardera pas à acquérir. Les démagogues. ce sont d'abord ceux qui « conduisent ,. le démos, les DEMAGOGUES '" hommes politiques attachés à la défense de la démocratie et qui gagnent la faveur populaire en préconisam les mesures les plus propres à satisfaire les intérêts de la grande masse des citoyens. En ce sens, et comme d'ailleurs le dira Platon, Périclès, dont Thucydide se plaisait à souligner les mérites et la hauteur de vues, est un dé magogue. Mais, après la mort de Périclès, le terme allait se charger d'un sens qui ne fera que se confirmer au siècle suivant: le démagogue n' est plus seulement celui qui défend les intérêts du peuple, c'est aussi celui qui flatte le démas pour e n tirer le maximum d'avantages pour lui. À cette transformation, une raison: le changement dans le personnel politique. Alors que jusqu'à Périclès inclus, les dirigeants de la démocratie appartenaient aux vieilles familles athéniennes, à partir de 429, des hommes « nouveaux » apparaissent sur le devan t de la scène politique, qui lirentleurs revenus d 'activités artisanales décriées: Cleon est tanneur, Hyperbolos, fabricant de lampes, Cléophon, luthier: c'est-à-dire en fai t qu'ils utilisaient une main-d' œuvre selVile qualifiée dans ces différentes activités, Leurs adversaires, parmi lesquels le plus ac harné fut le poète comiq ue Aristophane, ne manquaient pas de souligner leur manque de te nue, leur mauvaise éducation, ainsi que le soin avec lequel ils flattaient le peuple et allaient a u devant de ses désirs. Au IV' siècle, ]" attaque contre les démagogues viendra des théoriciens hos- 190 OfMf tiles à la démocratie, qui. n' osant attaquer les fondements mêmes du régime. feront des démagogues, serviles serv iteurs du démos, les responsables de tous les maux qui accablaient la cité, Les démagogues constituaient cependant, comme le remarque le grand historien Moses Finley, « un élémem structurel d u système politique athénien », Dans une démocratie, les conflits entre intérêts opposés sont une des manifestations nécessaires du libre jeu des institutions, car, écrit encore Finley, « c' est le conflit combiné avec l' assenti ment, et non l'assentiment à lui seul, qui évite à la démocratie de se transformer à la longue en oligarchie, ,. Les démagogues ne sont donc pas une tache au front pur de la démocratie. Défenseurs des intérêts du démos, ils e n som une des composames essentielles, [J MA, Fin[ey, Démagogues athéniens, dans Économie et Société en Creee ancienne, Paris, 1984, pp, 89-119. r:ir Cleon. Hyperbolos, Orateurs. DÈME À l'origi ne, le terme signifie village, mais à partir de la fin du vI' siècle, à Athènes et e nsuite dans d' autres cités comme Érétrie ou Rhodes, le dème devie nt une circonscription administrative. C' est à Clisthène que '" [' on doit la réorganisation des dèmes de ]' Afrique. On ne sait exactement quel était leur nombre, certainement supérieur il cent, peUl-être égal il cent cinquante. Les dèmes, à l'intérieur de chacune des dix tribus créées par Clisthène, étaient répartis en trois groupes : les dèmes urbains. les dèmes côtiers, les dèmes de \' intérieur. Leur superficie et leur population pouvaient être très inégales. D'où l'inégalité de leur représentation au sein de la boulê: un document du IV" siècle témoigne que le dème cl' Acharnes, un des plus étendus. était représenté à la bou/è par vingt-deux bouleutes. Le dème Il' était pas seulement une circonscription administrative, il était aussi le cadre d'une vie « municipale » où se manifestait une démocratie directe, au sein des assemblées présidées par le démarque, qui pouvaient prendre des décisions concernant la vie locale, l'affermage des terres communales, l'entretien des sanctuaires, et aussi la révision des listes des citoyens membres du dème et aussi des métèques qui y avaient leur résidence. Tout Athénien en effet. lorsqu "il avait atteint sa majorité, devait être inscrit sur les registres du dème qui tenait également un registre des propriétés. À 1· origine, chaque Athénien avait été inscril dans le dème où se trouvaient ses biens patrimoniaux. Mais, avec le développemem de 1· agglomération urbaine et du Pirée, avec aussi une plus grande mobilité sociale à partir de la fin du V' siècle, la coïncidence entre l'appartenance au dème et la OfMErER 192 localisation des bie ns cessa d'être totale. Nombre d 'Athéniens demeuraient inscrits dans des dèmes où ils ne résidaient plus, l'appartenance au dème étant héréditaire. Cela bien entendu était surtout vrai de la population urbaine, car dans les campagnes la mobililé était beaucoup plus faible. Mais cela permettait aussi des elllrées en fraude dans le corps civique, sur lesquelles no us renseignent certai ns procès. Le dème demeure néanmoins un des fondements essentiels du fonctionnement de la démocratie athénienne. [1 B. HauSSDuliet. La vie municipale en AWque. Paris. 1884. J .-S. Trait, The Palweal Organlzalfan afAWea. A Study of the DenIeS, Trfllyes and Phylal .1nd Ihetr RepresentaI/on ln the A/henlan Caunell, Princeton. 1975. r7" C listhène. DÉMÉTER Déméter est l'une des divinités les plus importantes du panthéon grec. Sœur de Zeus, de Poséidon et d 'Hadès, elle est aussi et surtout la déesse de la fécondité. celle qui a donné aux hommes le blé. base principale de le ur nourriture. C'est aussi en tant que telle qu'elle est particulièrement vénérée par les femmes. lors de la fête des Thesmophories. Un texte de la fin du VII" o u du début du vI" siècle, l' Hymne homérique DfMfTER 193 à Déméter. raconte l'épisode essentiel de sa légende: le rapt par Hadès de la fille qu'elle avait eue de Zeus, Perséphone. Accablée de douleur, la déesse parcourt la terre à la recherche de sa fille. Parvenue à Eleusis, sous l'apparence d'une vieille femme. elle s'engage comme nourrice chez le roi du pays. Kéleos. Elle finit par se faire reconnaître du roi et de son épouse Métanire, et obtient des gens d' Eleusis qu 'ils lui élèvent un temple. Mais, ayant appris que sa fille est entre les mains d'Hadès, elle se refuse désormais à faire pousser le blé, privant les hommes de leur nourriture et les dieux de leurs offrandes. C 'est pourquoi Zeus se décide à intervenir et dépêche auprès d ' Hadès Hermès, avec mission d' obtenir du roi des Enfers qu 'illaisse Perséphone rejoindre sa mère pendant un tiers de l'année. Et. conclut l'HynUle, Déméter « fit aussitôt des labours féconds lever le grain: tout entière, la vaste terre se chargea de feuilles et de fleurs ». En même temps, la déesse révélait aux Anciens d'Eleusis « les rites augustes qu'il est impossible de transgresser. de pénétrer, de divulguer », ces rites auxquels seuls les initiés pouvaient accéder lors de la célébration des « Mystères » dans le sanctuaire sacré d·Eleusis. Si les fêtes en l'honneur de Déméter étaient en effet essentiellement liées aux travaux agricoles, en particulier les Thesmophories, fêtes des semailles. les Chlaia, fêtes de la verdure nouvelle, les Thalysies, fêtes de la moisson. les cérémonies qui se déroulaient DfMErER 194 à Eleusis avaient un caractère un peu différe nt. Fêtes religieuses de l'état athénien, présidées par quatre prêtres dont deux étaient désignés par l'assemblée du peuple et les deux autres appartenaient aux deux fa milles sacerdotales des Eumolpides et des Kerykes, les Mystères d 'Eleusis étaient d'abord une cérémonie initiatique qui devait assurer à ceux qui y participaient , comme le dit le rhéteu r Isocrate « des espérances plus douées pour la fin de la vie et pour toute l'éternité », Depuis l'Antiquité, on s'est efforcé de découvrir e n quoi consistait celle initiation, Mais le secret gardé par les Mystes rend hasardeuses toutes les hypothèses qui ont pu être avancées, Il reste que l'initié se voyait promis à une félicité éternelle, ce qui est révélateur du lien qui existait entre la religion éleusinienne et les rites de fécondité , mais aussi entre le culte de Déméter et tou t ce qui avait rapport avec l'au-delà et la mort, Le my the de l'enlèvement de Perséphone est à cet égard essentiel. comme aussi l'association à Eleusis de Déméter avec Dionysos, lui aussi dieu de la fécondité et de l'au-delà, [1 L. Séchan, P. Lévêque, Les grandes dlvlnllés de la Croce, Paris, 1966, M, Détienne, .. Déméter _, Dlcl10nnalre des Mythologies, Paris, Flammarion, 1981, T. J, pp, 219-282, r:ir Religion civique. Thesmophories, DEMIDURGOI 195 DEMIOURGOI Le terme désigne le plus souvent les artisans. et quelquefois les magistrats de certaines cités. On le trouve employé dans le sens d'artisans dans les poèmes homériques, appliqué aussi bien au forgeron ou au charpentier qu 'à l'aède. Les demiourgoi sont alors des spécialistes itinérants, étrangers à la structure de l' oikos, même si une partie des activités artisanales se déroulent à l'intérieur du domaine. Dans la cité de l'époque classique, le tenue désigne cette fraction de la population qui ne vit pas du travail de la terre, réside généralement en ville et se livre aux diverses activités indispensables à la vie de la communauté. À Athènes, comme dans la plupart des cités démocratiques, les artisans font partie du démos. Depuis quand y ont-ils été admis? C'est là une question quasi insoluble, en dépit de certaines indications de nos sources. Ainsi, Plutarque affirme-t-il que Solon aurait attiré à Athènes et accordé le droit de cité à des étrangers qui venaient y exercer un métier (Vte de Solon. XXIV, 4), et que par ailleurs il invita les citoye ns à se faire artisans. entourant les métiers (technai) d'une grande considération (Id., XXII , 1-3). Aristote dans la Constitution d'Athènes rapporte que. 'JaApd ua,s ap au ad apuE.!8 aun ~IP e[lnod l!eJas aJ anb la saqJjJ sua8 sap IUa!el~ sal!ewpdOJd-uou saJ ap alqwou anb J!O[eA I!es!e] J! : alE.!JOw~p malelO un UO!SeDO allaJ ~ e3uouOJd anb Se!s,{l Jed ~sodmoJ SJnoJs!p a[ suop -~ssod snoN 'SOlllfJP np uO!l!soddo,[ ~ e)Jnaq as lal~p aJ anb ]!leJU!u8!s SU!OlU uou Isa JI 'SlapUO] SiJl!ewpd -old s[nas xne sanb!l![od Sl!OJp sap aJplaxa, [l!eU8!all -saJ !nb lal~p un ~odOJd Ile SO!S!WlOqd U!ellaJ un anb!lE.!Jow~p u0!lemelsal e[ ap u!ewapua[ ne, nb ]!leJ -U!u8!s lsa JI 'sed IUa!eldaJJe,u snOI anb 'aIUellodm! <l.Enldru aun 'a.ual e[ ap UO!ssassod e[ ~ ?lauua,{OI!J e[lle![ !nb uompe.n e[ ~ uoddel let:! '~[ Ilew,:) 'ap - ~!SJ\ ne anb!Ap SdlOJ a[ suep SUeS!lle,p a[qelsaluoJU! aJuas~ld e[ aIW-lnad an b![dxa 'xneaAnou sua,{ol!J sap 'WJ![OOœll sap lU [! IUOp SIUap!s?J SJa8uell~ sap al!npo.!IU! ,{ mod ~IP e[ ap sampllllS sap uones!U -e&o?J e[ ap ~luoJd Ile 'sues!ued sas ap aJqwou a[laJJO] Ual Jnod 'au'1qIS![::) anb l!e[nOA !nb UO!l!pell el 'lossa ap!dE.! un l!eUUOJ 'apalOd e[ IUaWal~![n8UJs 'Ua!U~4Ie leues!ue,1 anb la addo[aA~p as sau~qIV,p aWA e1 anb ap~!s .IA np luemOJ a[ suep lsa. J anb luepuadaJ xnalnop set:! Isa. u JI 'slwOJdwoJ aJ ap ?I![e~l e1 ~ luenb sanbnda:>s IUOS saulapom xnazq -wou ap SleJAl ,(z 'mx 'SiJlli!lfJV,P llOnm!lS11oJ) loB -Jr/O!wap xnap la (sues,{ed) !oJ{!wBe SIOII 'sapIJIet:!n3 bup allua leluoqJle,1 ea8elJed uo 'sa[qnoll ap apop~d aun IIlUUOJ ~IP e[ 'UO[OS ap ued~p a1 s~de anbslO[ 96l 1œJ 1I1J01I'f~a 197 DEMOCRATIE De fait, si à Athènes la grande majorité des artisans étaient des petites gens travaillant de leurs mains dans leurs boutiq ues ou dans leurs ateliers, assistés de quelques esclaves, il y avait cependant des artisans riches, tels ces armuriers qu'évoque Xénophon dans les Mémorables on, 10, 9) ou lels encore les fameux démagogues de la fin du V" siècle, Cleon le tanneur, Hyperbolos, le fabricant de lampes, Cleophon le luthier, L'existence d'artisans riches posait d 'ailleurs un problème aux théoriciens de la c ité comme Aristote, partisans d'un régime censitaire, mais forcés de constater qu'un tel régime n'exclurait pas de l'activité politique ces mêmes artisans, [J K, Murawaka, Demiourgos, Historia, VI. ]957, pp, 385405 , qr Banausoi. ~conomie. DÉMOCRATIE Le mot démocratie est apparu assez tard dans le vocabulaire politique grec, Hérodote, dans le célèbre dialogue perse, au livre III des HislOires, parle d'isonomie à propos du régime où le peuple est souverain, Mais dans les Suppliallles d'Eschyle, représentées vers 468 avan t J.-c., se trouvent pour la première fois acco lés les deux mots qui ont formé le terme démo- DEMOCRATIE 198 cralie, 11 savoir démos, le peuple et kratos, le pouvoir, pour évoquer la décision prise dans la pièce par le peuple d'Argos d'accueillir les Danaïdes venues demander asile, À la fin du V" siècle, avec Thucydide et Andocide, le tenne devient d ' usage courant pour désigner le régime athénien, Mais si le mm lui-même n'est apparu que tardivement, la chose, elle, est en place depuis le début du V" siècle, peut-être même avant à Chios, où une inscription du milieu du vI" siècle mentionne déjà l'existence d'un conseil populaire, en tout cas assu rément 11 Athènes, depuis la révolution opérée par Clisthène en 508, le remodelage de l'espace civique et lïnstilution de la boulè des Cinq Cents, Les guerres médiques, en affirmant le poids du démos qui fournissait les rameurs de la nolte, les réfomles opérées par Ephialte en 461, qui privaient le conseil aristocratique de l'Aréopage de l'essentiel de ses pouvoirs politiques, l'institution par Périclès de la misthophorie, palliatif des inégalités sociales, parachevèrent l'œuvre de l'Alcméonide, Au terme d' un siècle et demi de luttes politiques le démos athénien devenait le maître de l'autorité souveraine dans la cité, On a beaucoup discuté sur la valeur et la réalité de celle démocratie, de celte forme de régime politique « inventée ,. par les Athéniens et que nous connaissons 11 Iravers les écrils des philosophes, les discours des orateurs, les plaisanteries des Comiques, et aussi les nombreux témoignages gravés sur la pierre que DEMOCRATIE '" sont les décrets émanant de ce pouvoir populaire. Pour les Athéniens déjà, elle était un sujet de discussions, souvent âpres. Si le sophiste Protagoras, un étranger venu enseigner à Athènes. semblait la justifier en affirmant que tous les hommes possédaient la politikè technè, c'est-à-dire la capacité de porter un jugement politique, si Périclès, dans la célèbre Oraison funèbre que rapporte Thucydide au livre II de son Histoire de la guerre du Péloponnèse, mettait l'accent sur 1· égalité de tous devan t la loi et sur la valeur du principe majoritaire, d·autres en revanche en dénonçaient les méfaits. Pour le Vieil Oligarque, elle était le gouvernement des pauvres et des méchants dans l' intérêt des pauvres et des méchants, au détriment des riches et des bien-nés. Pour Platon, elle remettait le pouvoir de décision entre les mains d·une foule ignorante, versatile et prête à suivre ses mauvais conseillers, les démagogues qui ne pensaient qu 'à la flatter. Arguments repris par presque tous les écri vains de I"Antiquité, et aussi par nombre de modernes, influencés tant par la lecture des auteurs anciens que par les problèmes propres à leur époque: on pense ici aussi bien aux historiens .. bourgeois,. du XIX' siècle qu·aux universitaires contemporains, dans les années qui suivirent I·agitation de mai 1968. Qu· en était-il en réalité de cette démocratie grecque, ou plus justement alhénienne, puisque c· est la seule dont nous puissions discUler réellement? 11 importe DEMOCRATIE 200 d'abord de se débarrasser d'un problème que l'on ne manque pas de soulever périodiquement, celui de l'esclavage, Il est bien évidelll que la démocratie athénienne était une démocratie esclavagiste, que le dé mos qui exerçait la souveraineté au sein des assemblées et des tribunaux ne constituait qu'une paflie de la population de l'Attique, qu'en étaient exclus la masse des esclaves, dont le nombre était au moins égal à celui des hommes libres, mais aussi les femmes, cette moitié de la cité comme dit Plato n, à laquelle toute activité politique était refusée, C est bien là précisément ce qui permet de mesurer la distance qui nous sépare des sociétés de l'Antiquité, Mais le démos n 'en était pas moins, pour reprendre une formule de Pierre Vidal-Naquet, .. un vrai peuple », et .. les luttes de classe qui le traversaient étaient de vraies luttes » (Tradition de la démocratie grecque, p, 43) . Le démos athénien Il' était pas en effet une classe privilégiée d 'oisifs vivant des revenus du travail de leurs esclaves, Seule une infime minorité de riches vivait ainsi. La grande masse de ceux qui co mposaielll le démos était formée de Iravailleurs, paysans, artisans, boutiquiers, commerçanlS, dont les intérêts n'étaie nt pas toujours identiques: on le voit au début de la guerre du Péloponnèse, quand les paysans assistent impuissants aux razzias lacédémoniennes sur leurs champs et mettent en question la taclique préconisée par Périclès: on le voit au IV" siècle, DEMOCRATIE 201 quand les riches sur qui repose le poids des charges occasionnées par les opérations maritimes s 'opposent de plus en plus nettement à la politique impérialiste qui sert au contraire les intérêts du démos urbain et des plus pauvres. Certains modernes pourtant, reprenant à leur compte les attaques des auteurs anciens, ont mis en doute la réalité de ce pouvoir populaire : face aux querelles personnelles qui opposaient orateurs et démagogues. le démos aurait été un spectateur impuissant, balloté au gré de ses emballements successifs. Or si l'on ne saurait nier l"existence à Athènes d'une classe politique, dont il faut toutefois souligner qu'elle ne constituait en aucune manière une oligarchie fennée, et que ses rangs ne cessèrent de se renouveler au cours des deux siècles de ]" histoire de la démocratie athénienne, il ne faut pas manquer de rappeler que ceux qui la composaient étaient investis de leur autorité par un vote populaire, et que les décisions prises à leur initiative pouvaient constamment être remises en cause. Cela tenait d 'abord au fait que toutes les charges publiques étaient annuelles, collégiales et soumises à reddition de comptes. Même Périclès qui domina la politique athénienne pendant près de trente ans é tait tenu de justifier chaque année sa politique. Cela tenait ensuite au fait quO il s'agissait d'une démocratie directe: aucune .. représentation,. ne s' interposait entre les dirigeams et la masse du démos. De ce DEMOCRATIE 202 fait, celui-ci, constamment appelé à se prononcer sur routes les décisions engageant la communauté, avait acquis ce que Moses Finley appelle « une familiari té avec les affaires publiques que même les citoyens portés à l'apathie ne pouvaient éluder en une telle société, restreinte, en face à face » (Démocratie antique el démocratie moderne, p" 60) " Cela tenait enfin à lïmportance que revêtait dans ce système politiq ue la parole, le contact direct e ntre dirigeants et dirigés, lïmportance du débat oral avant la prise de décision, 1"importance des discussions de l'agora" Finley donne à ce propos l"exemple d "Athè nes à la veille du départ de 1" expéditio n de Sicile, et cite Thucydide (VI. 24" 3-4) pour illustrer cette participation de tous aux débats politiques: « Tous furent pris d'une même fureur de partir, les hommes d"âge à la pensée qu "o u bien l'on soumettrait la contrée pour laquelle o n s"embarq uait, ou que, du moins, de puissantes forces militaires ne couraient auc un risque ; la jeunesse en âge de servir, dans le désir d"aller au loin voir du pays et apprendre, la confiance s'y joignant d" en reve nir sain et sauf : la grande masse des soldats" dans l"espoir de rapporter, sur le moment, de l'argent, et d'acq uérir de surcroît une puissance qui leur garantirait des soldes indéfinies" Cet engouement du grand nombre faisait que ceux-là même qui n"approuvaient pas craignaient" en votant contre, de passer pour mauvais patriotes et se tenaient cois » {trad" J" de DEMOCRATIE 203 Romilly). Thucydide avait préalablement fait parler Nicias et Alcibiade devam I"assemblée, le premier hostile à I"expédition, le second favorable. Le démos suivit Alcibiade, mais désigna aussi Nicias pour partager avec lui le commandement de l' expédition. Il ya là une indication particulièrement intéressante, car elle démontre que la violence des antagonismes n' entraînait pas le désordre permanent. La décision une fois prise. la minorité s "inclinait devant le vote de la majorité. Ce qui n "interdisait pas la remise en question d'une décision. Mais là encore, cette remise en question n' était pas arbitraire: elle résultait d'une disposition légale, la graphè para nomôn. par laquelle le démos avait la possibilité de reconsidérer une décision prise par lui-même. Il faut donc se garder de tenir la démocratie athénienne pour cette anarchie institutionnalisée dénoncée par ses adversaires. Le fait qu' elle ait fonctionné, et bien fonctionné , pendant près de deux siècles, est à cet égard suffisamment éloquent. Cela dit, il serait absurde de ne voir de la démocratie athénienne que ses aspects positifs, et surtout de la présenter comme un modèle. Et il serait vain d"ignorer aussi une évolution au cours des deux siècles de son histoire, les conséquences en particulier quO eurent sur son fonctionnement la guerre du Péloponnèse et les deux révolutions oligarchiques de la fin du V siècle : aggravation des antagonismes sociaux. liés aux difficultés financières, elles-mêmes conséquences de DEMOCRATIE 204 la perte de l 'empire : professionnalisation accrue de la vie politique se traduisant en particulier par la séparation croissante des fonctions militaires et des fonctions civiles, désintérêt d ' une partie du démos pour les luites souvent stéri les de l'assemblée, Il faut certes se garder d'exagérer l'importance de celte .. crise ,. de la démocratie athénienne au TV' siècle, Elle a continué à fo nctionner pendant près d'un siècle, Mais on ne saurait non plus la nier, et qu 'elle explique en partie l'échec d'Athènes devant la menace macédonienne, La rupture du consensus que l'empire ava it su créer au V' s iècle témoignait aussi du lien étroit qui pendant la période d'apogée de la démocratie athénienne avait existé entre le régime et l'hégémo nie exercée par la cité sur le monde égéen, 111 CI, Mossé, La fin de la démocralle athénienne, Paris, PUF, 1962, Histoire d 'une démocralle " Athènes, Paris, Seuil. 1971. M, -1. Finley, Démocralle anllque et démocralle moderne, précédé de Tradition de la démocratie grecque par P. Vidal-Naquet. Paris. PayOl, 1976. L 'Invenllon de la pollllque, Paris. Flammarion. 1985. Pour une image négative de la démocratie athénienne. ]. de Romilly. ProbMmes de la démocralle grecque. Paris. Hermann, 1975. r:ir Alcibiade. Chios. Cité. Démos. Ecclesia. Egalité. Esclavage. Evergétisme. Graphè para nomôn. Im périalisme. Liberté. Marine. Métèques. Misthophorie. Oligarchie. DfMOS 205 Oligarque (Le Vieil). Ostracisme. Péloponnèse (Guerre du). Pénètes. Périclès. Platon. Polis. Politès. Protagoras. Socrate. Solon. Sykophantes. lbeorikon. Thésée. Trente. Tyrannie. DÉMOS C·est là un tenne ambigu. car il désigne en fait deux ensembles différents. D·une part. et singulièrement dans les intitulés de décrelS, il désigne la totalité des membres de la communauté civique, qui, réunis en assemblée, détiennent dans une démocratie le pouvoir de décision. Mais d·autre part, dans les textes littéraires ou dans les discours des orateurs, le mot démos se charge d'un contenu différent: c· est la masse du périr peuple, opposé aux riches (plousioi). aux puissants (dunalOi). aux ge ns en vue (gnôrimoi). etc. Le terme même de démocratie se ressent de cette ambiguïté, car il peut vouloir dire aussi bien le régime où la souveraineté appartient à la communauté des citoyens: que le régime où le pouvoir est aux mains de la masse des pauvres. À cette première ambiguïté s 'en aj oute une seconde: quand les auteurs anciens parlent du démos athénien du ..,. et du TV" siècle, il s 'agit à n·en pas douter de la gra nde masse des citoye ns de la ville et de la campagne. mais quand ils évoquent le démos du temps de Solon ou de Pisistrate. DfMOS 206 ou quand il est question dans les poèmes homériques du démosd'Ithaque ou de Schérie, nous ne savons pas exactement ce que recouvre ce terme. Certes, dans l'un et l'autre cas. il s 'agit toujours des petites gens opposés aux puissants. Mais nous ignorons quelles catégories sociales sont incluses dans ce démos " les Ihètes et les artisans en particulier en font-ils partie, ou bien seuls ceux qui vivent des produits de la terre, ou encore ceux qui ont la capacité hoplitique ? À toutes ces questions. il est pratiquement impossible de répondre. Tout au plus doit-on admettre comme vraisemblable que dans nombre de cités grecques le démos ne se composait que des seuls propriétaires fonciers. qu 'à Athènes et peut-être dans d 'autres cités il englobail également les artisans et les petits commerçants. au moins à partir de la fin du vI" siècle. Et que, dans les cités démocratiques, il avait conquis le pouvoir de décision. [) C. Leduc, La ConsllwlIon d'Athènes allrJbuée a Xénophon, Paris. 1976, pp. 119 sqq. r:ir Démocratie. Ecdesia. Ostracisme. Pénètes. Politès. Sololl. Theorikon. Tyrannie.