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Pratique
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http://dx.doi.org/10.1016/j.revinf.2016.08.010
La revue de l’infi rmière Octobre 2016 n° 224
Les patients admis dans
l’unité de neurorééduca-
tion aiguë (NRA) du centre
hospitalier universitaire Vaudois
(CHUV) de Lausanne suite à
une lésion cérébrale (trauma-
tisme crânio-cérébral, accident
vasculaire cérébral, hémorragie
cérébrale, etc.) présentent un
tableau clinique complexe dont
la composante principale est un
éveil pathologique de coma. En
état de conscience altérée, le but
de la neuroréhabilitation aiguë
est de leur faire atteindre une
émergence totale de la consci-
ence de soi, de l’environnement,
de soi dans l’environnement et
des autres.
En plus d’un état pauci-rela-
tionnel, un déconditionnement
général est quasi systématique-
ment observé chez ces patients.
Leur autonomie est grandement
entravée. Ils présentent des -
cits sensitifs et moteurs, associés
à des manifestations cognitives.
D’autres symptômes cliniques
peuvent s’ajouter (troubles de
la déglutition, sphinctériens, du
cycle veille-sommeil, crises neu-
rovégétatives etc.) et des pro-
blèmes complexes de médecine
interne.
Neurorééducation
précoce
Dès le stade aigu, la neuroréé-
ducation précoce représente
un effort considérable pour le
patient qui doit suivre un rythme
de thérapies de 300minutes par
jour. La prise en charge interdisci-
plinaire, intensive, alliant soins et
thérapies, nécessite une coordi-
nation rigoureuse dans les inter-
ventions. La défi nition d’objectifs
journaliers et hebdomadaires,
réévalués entre professionnels
pour chaque patient, permet un
ajustement constant en regard de
l’évolution du patient.
La neuroréhabilitation, définie
comme une vision des soins glo-
bale, vise à préserver les fonc-
tions restantes, à maximiser les
résultats fonctionnels et à mini-
miser le handicap du patient
pour lui faire atteindre un degré
d’autonomie maximal.
Des concepts de soins
innovants
Léquipe de l’unité NRA a pris
pour modèles thérapeutiques
des approches neurosensorielles
et neurocomportementales
comme le Bobath, la stimulation
basale® selon Fröhlich, le Facial
Oral Track Therapy® (FOTT), la
verticalisation précoce, l’Outdoor
erapy ainsi que le modèle STIV
de recherche de sens.
Lassimilation de ces différents
concepts a conduit l’équipe
infi rmière à se former. Du cours
magistral à l’enseignement au
chevet du patient, ou aux ateliers
pratiques, la volonté du CHUV
d’off rir une formation continue
à tous les soignants et médecins
a été omniprésente.
Aujourd’hui, l’infirmière,
formée aux principes de
démarche qualité
Charlotte Gilart
de Keranfl ec’ha,*,b
Maître d’enseignement
PHD student
François Décailletc
Infi rmier chef, gestion des fl ux
patients,
a HESAV, Avenue de Beau-
mont 21, 1011 Lausanne,
Suisse
b SPHERE UMR-7000, CNRS-
USPC-Paris VII & IHIUMPS,
Faculté de biologie et de
médecine, Rue du Bugnon 21,
1011 Lausanne, Suisse
c Centre hospitalier
universitaire Vaudois, Rue du
Bugnon 46, 1011 Lausanne,
Suisse.
*
Auteur correspondant.
Adresse e-mail :
charlottedekeranfl [email protected]
(C. Gilart de Keranfl ec’h).
Concepts dynamisant
l’impact clinique
en neuroréhabilitation précoce
Au centre hospitalier universitaire Vaudois de Lausanne, en Suisse, existe une unité de
neurorééducation aiguë. Une équipe interdisciplinaire y soigne des patients cérébro-
lésés après leur transfert du service de réanimation. Dans ce contexte, les infi rmières
fondent leur pratique sur diff érents concepts et techniques pour introduire la
neurorééducation précoce dans chaque soin.
Concepts boosting the clinical impact in early neurological rehabilitation. Vaudois
university hospital in Lausanne, Switzerland, has an acute neurological rehabilitation
unit. An interdisciplinary team cares for patients with brain injuries after their transfer
from intensive care. In this context, nurses base their practice on diff erent concepts and
techniques for introducing early neurological rehabilitation into each care procedure.
Mots clés - coma; désordre de la conscience; infi rmière; neurorééducation; réanimation
Keywords - basal stimulation; coma; neurological rehabilitation; nurse; resuscitation
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Pratique
La revue de l’infi rmière Octobre 2016 n° 224
neurorééducation aiguë, intègre
ces concepts dans chacune de ses
réfl exions, de ses gestes et de ses
transmissions.
Le concept Bobath
L’approche thérapeutique Bobath
vise des patients présentant des
symptômes neurologiques:
troubles du tonus, de l’organi-
sation, de la posture et du mou-
vement, associés ou non à des
troubles sensoriels, cognitifs, et
perceptifs.
Cette approche fonctionnelle
pluri-systémique permet au thé-
rapeute une grande variété d’ac-
tions personnalisées. Le thérapeute
favorise le mouvement dans toutes
ses activités, ce qui permet d’aug-
menter le répertoire d’expériences
sensorimotrices du patient.
La redondance d’expériences
motrices correctes permettra
d’améliorer sa fonctionnalité
dans toutes les activités de la vie
quotidienne.
La stimulation basale®
La stimulation basale® s’adresse
à des personnes dont l’accès à
l’environnement social et maté-
riel se limite à l’espace proximal
du corps. Elle est donc particu-
lièrement adaptée aux patients
cérébro-lésés présentant des
états de conscience altérés. Elle
leur rappelle les expériences et
compétences acquises précoce-
ment dans les domaines de la
communication, de la perception
et du mouvement.
Son concepteur, Andreas
Fröhlich, pense que tout patient
dispose de compétences basales
qu’il s’agit de stimuler dans l’or-
ganisation du développement
actuel de l’individu. Le patient
est amené à retrouver ou recons-
truire des repères dans la percep-
tion de sa propre personne, du
discernement de lautre et de son
environnement.
On agit sur trois niveaux de
stimulation:
la stimulation vestibulaire
(positionnement, équilibre);
la stimulation somatique
(voies sensitives superfi cielles et
proprioceptives);
la stimulation vibratoire (sensi-
bilité profonde : voix des proches,
musique familière).
Le Facial Oral Track
Therapy®
Lorthophoniste Kay Coombes
a mis au point le FOTT, une
approche des patients présen-
tant des déficits neurologiques
graves ayant toujours des réper-
cussions sur la sphère oro-faciale.
Le soignant vise l’amélioration
de quatre grandes fonctions: la
nutrition, l’hygiène buccale, la
communication non-verbale et
la voix. Le soignant donne des
repères qui influencent la pos-
ture, les mouvements et les
sensations.
Chez les patients présentant un
état de conscience altérée (ECA),
la thérapie s’efforce d’abord de
prévenir une désafférentation
sensorielle et de réduire les
réponses défensives propres aux
patients non-stimulés (into-
lérance au touché, retraits et
réfl exe de serrage etc.) tant que
la spirale en cascade de la désaf-
férentation n’est pas enrayée, les
troubles de la déglutition entraî-
nent des troubles respiratoires,
engendrant des difficultés à
manger et à parler.
La verticalisation
précoce
Que ce soit pour les AVC[1] ou
pour les TCC [2], la littérature
est en faveur d’une mobilisa-
tion précoce [3] des patients
cérébro-lésés. Elle diminue les
complications et augmente les
performances physiques et cogni-
tives des patients.
En neurorééducation aiguë, diff é-
rentes techniques (vélo au lit ou
Motomed® et verticalisation par
Erigo®) jouent sur trois aspects: la
mise en charge, les mouvements
cycliques et la verticalisation.
Les mécanismes neurophysio-
logiques impliqués dans la ver-
ticalisation et le stepping sont
nombreux.
La stimulation neurosensorielle
du système aff érentiel a un eff et
positif sur l’état d’éveil, le système
neurovégétatif tout en stimulant
le système vasculaire [4]. Elle
diminue la spasticité, régule le
tonus musculaire et favorise la
récupération motrice[5].
Enfin, elle favorise la plasticité
neuronale [6,7] dans la mesure où
des stimuli intensifs et répétitifs
activent la synthèse des protéines
et la repousse synaptique.
L’outdoor thérapie
et l’hortithérapie
Les thérapies assistées par la
nature désignentune interven-
tion ayant pour but de traiter,
rééduquer des patients présen-
tant un état de santé délétère [8].
Le principe thérapeutique fon-
damental de la thérapie consiste
à faire appel aux plantes, aux
matériaux naturels et/ou à l’en-
vironnement extérieur de plein
air. Elle sadresse aux personnes
ayant des maladies mentales ou
physiques sévères[9]. Elle est par-
ticulièrement appropriée pour les
patients cérébro-lésés.
Cette approche inclut des tech-
niques actives (hortithérapie) ou
passives comme le simple fait de
sortir le patient dehors: outdoor
qui permet de ressentir des per-
ceptions basiques (vent, soleil,
odeurs, sons) en vue de le resituer
dans un environnement porteur
de repères, dans lespace et dans
le temps.
Le contact passif avec la nature
est thérapeutique en lui-même
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Author's Personal Copy
Pratique
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La revue de l’infi rmière Octobre 2016 n° 224
dans la mesure où il offre une
stimulation neurosensorielle
complète et non anxiogène [10].
Depuis les travaux de Ulrich[11],
on sait que la qualité environne-
mentale que peut off rir une infra-
structure de soins a un impact
direct sur la récupération des
patients et sur la qualité des soins
qui leur sont prodigués.
Le modèle STIV
de recherche de sens
Sens, Transcendance, Identité,
Valeur (STIV), autant de concepts
bouleversés par la maladie et le
temps long des prises en charge.
Il a semblé évident à l’Unité NRA
de laisser une large place à la
prise en compte et à l’évaluation
régulière des besoins spirituels
des patients ainsi que de ceux de
leurs familles.
Les soignants, en collaboration
avec l’aumônier qui a introduit
le modèle STIV à l’équipe, éva-
luent la souff rance spirituelle des
patients, adaptent leurs modes
de communication et de relation
en pertinence avec la situation.
Cette collaboration permet à
chacun de travailler sur l’ana-
lyse de ses propres pratiques ou
souffrances eu égard aux situa-
tions complexes et confrontantes
rencontrées.
Conclusion
La neurorééducation aigüe
est une approche nouvelle,
complexe, nécessitant des
compétences interprofession-
nelles. L’impact clinique d’une
telle démarche est constaté par
l’ensemble des soignants.
La création de partenariats,
notamment de recherche, pour
renforcer les projets contribuera
à développer, à l’avenir, cette nou-
velle expertise. Cela suppose une
reconnaissance de la nécessité
de formation continue. Nous
avons la chance au CHUV, que
ce besoin soit pris en compte.
L’investissement de départ a été
rapidement pondéré par le béné-
ce des progrès des patients pris
en charge dans l’unité NRA.
Enfin, en ouvrant un spectre
très large de compétences et
de perspectives, les soins infir-
miers contribuent à apporter aux
patients cérébro-lésés des soins
spécifi ques de qualité.
Un patient de 24 ans arrive en neurorééducation aiguë (NRA)
après un traumatisme cranio-cérébral sévère, suite à une
bagarre (Cotation sur l’échelle de Glasgow: 3/15 sur site).
À sa sortie des soins intensifs, le patient est en état d’éveil
non répondant (Coma Recovery Scale-CRS: 5/23 et Nociception
Coma Scale: 4/12). Il présente une spasticité importante des
membres supérieurs rendant les soins du corps impossibles, un
trismus majeur de la mâchoire (4 sur Modifi ed Ashworth Scale)
empêchant l’ouverture de bouche, des crises neurovégétatives
répétées, et des douleurs importantes (Critical Pain Observation
Tool: 6/8). Le patient bouge peu, ne montre aucune interaction
avec l’environnement.
Dans ce tableau clinique complexe, les objectifs de soins
pour l’infi rmière s’orientent prioritairement vers: une
diminution notoire de la douleur, l’arrêt des crises
neurovégétatives, l’émergence du patient, au moins à un niveau
de conscience lui permettant d’entrer en interaction avec
l’environnement (MCS).
Léquipe le verticalise une fois par jour sur l’Erigo®, des
stimulations oro-faciales selon FOTT® sont réalisées toutes les
deux heures. Elles permettent, après 10 jours, d’obtenir une
ouverture buccale suffi sante pour passer à des soins de bouche
toutes les heures. Les toilettes sont réalisées selon stimulation
basale® (packing dans des serviettes chaudes lors du soin). Les
soins se font avec les proches en favorisant au maximum leur
voix familière pour parler au patient. Le patient bénéfi cie
d’outdoorthérapie 3 fois/semaine. Lors de ces séances il est
stimulé essentiellement aux odeurs auxquelles il est plus réactif
(il vient d’un milieu rural).
Le patient, après 30 jours de prise en charge NRA, est
conscient (CRS 23/23), il est sorti d’amnésie post traumatique
(Wessex Head Injury Matrix: 62/62), remarche, reparle, et peut
manger sous surveillance. Il reste avec des séquelles
comportementales et cognitives signifi catives nécessitant un
transfert en centre de rééducation.
Situation clinique
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas
avoir de liens d’intérêts.
Pour en savoir plus
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Pediatric Rehabilitation 2004;
4(7), 245-60
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