Le cocktail de la floraison

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Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
Le cocktail de la floraison
12/04/08
La floraison est une étape primordiale dans le développement d'une plante. Durant 70 ans, la recherche
de l'élément clé de ce processus a fait l'objet d'une réelle quête du Graal au sein du monde scientifique.
Aujourd'hui, si le florigène est connu, Claire Périlleux et son équipe tentent de décrypter son mode d'action
pour faire la lumière sur les mécanismes de contrôle de la floraison par la photopériode.
«Sur 100 fleurs de blé, seules 40 produiront un
grain». Cette phrase, prononcée par l'un de ses professeurs à l'époque, a résonné dans la tête de Claire
Périlleux. Tellement fort d'ailleurs que c'est sans doute cela qui l'a guidée vers la recherche sur la floraison.
En effet, l'idée a alors tout de suite germé dans l'esprit de la scientifique en herbe : «Si l'on arrivait à obtenir
ne serait-ce 'que' 50% de rendement, quelle révolution pour la culture du blé !». C'est avec la perspective de
répondre à cette question que Claire Périlleux a commencé ses recherches sur la floraison et le rendement
en grains d'une graminée. Petit à petit, elle a ensuite glissé vers une recherche plus fondamentale avec pour
simple mais grande ambition de mieux comprendre le phénomène de la floraison chez diverses espèces de
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 19 April 2017
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plantes. Aujourd'hui le laboratoire de physiologie végétale qu'elle dirige à l'ULg s'applique à étudier le contrôle
de la floraison par la photopériode et la vernalisation notamment chez la moutarde, l'Arabette des Dames,
la tomate et le maïs.
«La floraison est une étape de son développement qu'une plante ne peut pas rater sous peine d'être privée
de descendance», explique Claire Périlleux. «La floraison dépend de facteurs qui présentent une fluctuation
saisonnière. Dans nos régions tempérées, il s'agit principalement de la durée du jour, appelée dans le jargon
scientifique « photopériode », et de la température», poursuit la chercheuse.
On distingue ainsi les plantes dites de jours longs qui fleurissent à la période de l'année où les jours comptent
un grand nombre d'heures de clarté et les plantes de jours courts dont les fleurs sont formées quand le temps
de clarté est réduit. De même, bon nombre de plantes à fleurs ont besoin d'un «coup de froid» pour enclencher
le processus qui mènera à la floraison au printemps suivant. C'est ce qu'on appelle la vernalisation, du latin
«vernum» qui signifie «printemps».
Pour mieux comprendre l'objet des recherches du laboratoire de physiologie végétale, un brin d'histoire sur
l'étude de la floraison s'impose.
La quête du Graal des botanistes
Dans les années 1920, W. Garner et H. Allard, des physiologistes américains, découvrent que le moment
de floraison est contrôlé par la photopériode. De cette constatation naquit la classification des plantes sur
base de leur réponse florale au photopériodisme : les plantes de jours longs (ex : l'Arabette des Dames,
la Moutarde), les plantes de jours courts (ex : les Chrysanthèmes, le Soja) et les plantes indifférentes ou à
floraison autonome (le Tournesol, la Tomate).
Suite à cette découverte, les expériences visant à savoir comment la durée du jour influençait la floraison se
sont multipliées. Les recherches expérimentales des années 30' ont notamment permis de localiser le site de
perception du photopériodisme chez les plantes : les feuilles adultes. De plus, les chercheurs ont également
découvert qu'une greffe de feuille provenant d'une «plante donneur», exposée à des conditions favorables à
la floraison, sur une «plante receveur», maintenue dans des conditions défavorables à sa floraison, induisait
la floraison de cette dernière. «Le monde scientifique avait ainsi démontré que la photopériode n'agit pas
directement sur les bourgeons qui fleurissent mais sur les feuilles, et que celles-ci doivent transmettre un
signal pour déclencher la floraison», précise Claire Périlleux. Mettre la main sur ce fameux signal devint alors
une réelle quête du Graal. Le point de départ de cette quête était de trouver quelle était la nature de ce signal.
La première piste investiguée fut celle de l'hormone florigène. En effet le «comportement» du signal en
question ressemblait fort à celui d'une hormone, fabriquée à un endroit et migrant pour agir ailleurs.
Durant les 70 années qui suivirent, des laboratoires universitaires de biologie végétale et des grands groupes
industriels du monde entier ont alors déployé des efforts considérables pour tenter d'identifier cette hormone
florigène. Mais malgré la récolte et la comparaison des constituants de la sève d'une multitude d'espèces
végétales, rien n'y fit. L'hormone florigène resta introuvable.
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Au cours de ces sept décennies, les méthodes de recherche se sont continuellement perfectionnées. Si cellesci n'ont pas permis de mettre au jour l'hormone florigène, elles ont cependant eu le mérite d'affiner la recherche
sur le contrôle de la floraison. A Liège, l'utilisation de systèmes expérimentaux synchrones à partir des années
60' a permis au Professeur Bernier, alors à la tête du laboratoire de physiologie végétale, de faire fleurir
les plantes à un moment choisi par l'expérimentateur. En effet, celui-ci pouvait ainsi maintenir des plants de
moutarde (espèce de jours longs), par exemple, dans des conditions de jours courts. Lorsque l'expérimentateur
voulait étudier de près les étapes successives menant à la floraison de la moutarde, l'exposition de la plante
à un seul jour long suffisait à enclencher le processus.
La génétique à la rescousse
«A cette époque on recherchait le
signal responsable de la floraison parmi une certaine gamme de substances connues. Les physiologistes
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dosaient des familles de molécules déjà répertoriées», indique Claire Périlleux. C'est à partir des années 1990
que les mécanismes de contrôle de la floraison par la photopériode ont commencé à révéler leurs secrets.
Comment le monde scientifique réussit-il enfin à les faire parler ? Grâce à une nouvelle approche : la génétique.
«Les généticiens ont commencé à étudier des plantes mutées ou génétiquement modifiées chez lesquelles
la floraison ne répondait pas normalement aux facteurs environnementaux. Cette nouvelle approche a été
développée chez l'Arabette des Dames, une espèce modèle dont le génome a été entièrement séquencé.
De nombreux mutants ont été répertoriés et classés par Maarteen Koornneef, un généticien hollandais. Leur
étude a permis l'identification des gènes-clés du processus de floraison et une accélération soudaine de la
connaissance sur les mécanismes du processus», continue Claire Périlleux.
Il y eut alors une première grosse découverte en 2005 : la protéine FT (pour «Flowering Locus T») qui active
la floraison est fabriquée dans les feuilles mais agit dans le bourgeon lors de sa mise à fleurs. D'autres études,
dans l'équipe de l'Anglais George Coupland, avaient précédemment mis en évidence le rôle d'un gène appelé
«Constans» (CO) dans la régulation de la production de la petite protéine florigène uniquement dans la «bonne
photopériode».
Et les autres ingrédients du cocktail ?
Tout récemment, en 2007, une seconde grande découverte frappe le monde des botanistes. Différentes
équipes de scientifiques, dont celle de Coupland, démontrent la migration de la protéine FT des feuilles vers
les bourgeons. Pour traquer le déplacement du florigène, les chercheurs l'ont «attaché» à une protéine verte
fluorescente (Green Fluorescent Protein ou GFP). Cette technique leur a ainsi permis de suivre à l'aide d'un
microscope le parcours du complexe FT/GFP. Résultat : la protéine FT est présente dans le système vasculaire
des feuilles et migre vers le bourgeon ; ce serait donc bien le signal mobile qui déclenche la floraison. Des
travaux sur d'autres espèces de plantes vinrent confirmer le rôle clé de la protéine FT qui semblerait être
universelle.
Ces récentes avancées marquent-elles la fin de la quête du Graal ? Si le florigène a enfin été démasqué, il
reste encore beaucoup de mystères à élucider pour comprendre parfaitement le processus de floraison.
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Le laboratoire de physiologie végétale de l'ULg y travaille : «Nous essayons de recoller les morceaux des
histoires de l'étude de la floraison. De voir quelles sont les interactions entre les hormones intervenant dans ce
processus avec la protéine FT. Notre objectif est de replacer la protéine FT dans un contexte physiologique»,
explique Claire Périlleux. Etudier les relations entre le florigène et le sucre, la nutrition azotée ou encore le
transport des hormones sont donc autant de sujets à l'étude dans l'équipe de Claire Périlleux. «Le nouveau
défi est maintenant d'identifier les partenaires essentiels de la protéine FT pour affiner nos connaissances sur
le contrôle de la floraison par la photopériode», poursuit Claire Périlleux. Pour ce faire, la scientifique a choisi
de travailler sur diverses espèces de plantes cultivées dans des chambres de croissance contrôlées appelées
phytotrons. Un peu à l'image des bancs solaires, ces pièces fermées et aveugles permettent de contrôler tous
les facteurs environnementaux. Les scientifiques peuvent donc y faire varier, un à un ou de façon combinée,
l'humidité, la température et l'éclairement par le biais de tubes au néon. Pouvant ainsi contrôler la floraison
des plantes sélectionnées et «disséquer» chaque étape du mode d'action de la protéine FT, l'équipe de Claire
Périlleux compte bien apporter sa pierre à l'édifice du savoir sur la floraison.
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