4. Emotions et imaginaire
Comme une ritournelle, ce sont toutes les facettes d’une
poésie à fleur de bitume qui, délicatement se révèlent.
Dans ce spectacle sans paroles les fantoches miniatures
tissés de fil de fer pirouettent dans l’espace d’un cirque
proche de l’univers de Calder. Illustration de la ville, Le
Fil d’Ariane effleure des atmosphères insaisissables,
tournées vers l’extérieur, révélant ses passants qu’un
regard distrait n’impressionne plus.
L’ombre est utilisée, afin de mettre en jeu nos
personnages singuliers aux contours proches de la BD
ou du cinéma muet. Utilisant ainsi pour certains
protagonistes la 3D : fil de fer, costume transparent et
volume en papier, le tout articulé et manipulé avec des
tiges. Pour d’autres, nous faisons de simples aplats
peints créant ainsi de petites scènes de vie à la manière
du photographe Robert Doisneau. Dans ce monde
d’ombres, l’on croise furtivement des silhouettes sans
vraiment les connaître. Il y a parfois un petit fil qui réunit
plusieurs parcours de vie ou personnes. Il s’agit d’aller
voir ailleurs, du côté des autres, et d’en rendre compte
comme on rendrait compte d’un tableau vivant.
Petit à petit le spectacle révèle lentement ces
correspondances souterraines, utilisant pour ce faire un
procédé scénographique ingénieux. Une série de panneaux où la ville se révèle en aquarelle, nous
permettant de créer différentes perspectives, du grand angle au plan rapproché. Ainsi le regard suit
les protagonistes tantôt dans le labyrinthe des rues, toits et ruelles, tantôt dans l’intimité d’un porche
ou d’une fenêtre.
On passe du dedans au dehors, du grand au petit, comme par magie nous approchant de
l’atmosphère du film muet. Pour renforcer cet univers subtil et poétique, la musique, devient elle-
même protagoniste et permet ainsi de faire l’impasse sur le texte. Le sens naît en filigrane au travers
du visuel et du sonore nous reconnectant avec nos émotions et notre imaginaire.
L’ombre comme la 3D sert à accentuer, de manière parcimonieuse, le jeu des distances, à décoller
la figure du fond, les personnages du paysage, à dissocier la petitesse de la figure humaine et
l'immensité des lieux, magnifiant là encore la vibration existentielle qui sous-tend Le Fil d’Ariane.
D’où une suite d’images aussi spectaculaires et divertissantes que profondément intimes : c'est dans
cet entre-deux, ce partage de deux sensibilités opposées que ce théâtre d’ombres trouve un
équilibre magique. On imagine assez bien comment le désir de cette pièce a pu naître de cette
simple image d’une fildefériste cycliste en déséquilibre, la légèreté et la pesanteur, la réalisation des
rêves et l'enlisement.
Olivier Perrier
La Famille ferraille.
Le Cirque de Calder.