CETIM INFOS N° 237 I MARS 2017CETIM INFOS N° 237 I MARS 2017 13
[ Dossier ] décryptage
d’améliorer sa fiabilité, indique Bertrand
Boyer. Nous étudions ainsi l’insert en
polyéthylène double mobilité qui permet
de supprimer la luxation, deuxième
cause de reprise de prothèse. Mais réaliser
un implant sur-mesure coûte cher. Il est
possible de contourner en partie le pro-
blème en proposant des kits modulaires,
le chirurgien construisant la prothèse pen-
dant l’opération. »
Un débouché pour
l’impression 3D
Qui dit sur-mesure dit fabrication addi-
tive. Comme le fait remarquer Thierry
Manceau, directeur général de Wright
Medical France,
« avec l’usinage classique,
nous étions des coupeurs de matière, avec la
fabrication additive, nous devenons créa-
teurs de matière. Nous pouvons réaliser des
designs uniques, des formes géométriques
qu’aucun chirurgien n’aurait jamais osé
imaginer »
.
Lauréat du concours mondial de la
Commission Innovation 2030 de Bpi-
france, One Ortho, qui a intégré depuis
le groupe Menix, a vendu 400 implants
orthopédiques. Son fondateur, Chris-
tophe Alépée, a participé avec cinq
industriels au projet collaboratif Fadi-
perf du Cetim, une plateforme mutua-
lisée pour partager le coût de mise au
point d’une technologie et d’un nouvel
outil industriel. « Nous avons intégré l’im-
pression 3D en investissant dans une
machine installée en salle propre, indique-
t-il.
Trois semaines sont suffisantes pour
réaliser un produit sur-mesure. »
Parmi les fournisseurs historiques de
One Ortho, Marle Finishing réalise
des sets de pose à usage unique en
fabrication additive.
« Pour poser des
modèles standards, les chirurgiens dis-
posent de boîtes à outils avec des guides
de coupe pour recouper l’os et lui donner
la forme de l’implant,
explique Jérôme
Precheur, responsable qualité opéra
-
tionnelle.
La fabrication additive per-
met de produire des guides parfaitement
adaptés à la morphologie du patient en
réduisant le nombre d’étapes prépara-
toires au bloc. »
Le médical figure parmi les principaux
débouchés pour les fabricants d’impri-
mantes 3D. Témoin, le Groupe EOS,
qui a fourni à Oxford Performance
Materials (OPM) une machine pour
fabriquer des implants crâniens à partir
de scanner et d’IRM. En chirurgie
crânienne, la parfaite adaptation de
l’implant à la morphologie du patient
est vitale. Cette technologie apporte
une solution efficace puisque pour la
première fois, l’agence américaine du
médicament a autorisé la mise sur le
marché d’un tel implant en polymère
produit par fabrication additive.
Pour aider le chirurgien à poser l’im-
plant ou la prothèse, c’est l’Internet
des objets qui prend le relais en ren-
dant les instruments intelligents.
In’tech Medical a ainsi conçu Way-
vio, un module électronique installé
dans la poignée de certains instru-
ments tels que des distracteurs, des
compresseurs, des impacteurs, des
limiteurs de couples, etc. Les capteurs
gardent en mémoire les événements
propres aux instruments réutilisables :
stérilisations, déclenchements, chutes,
etc.
« Une sorte de boîte noire qui permet
de connaître l’utilisation réelle de l’instru-
ment,
illustre Patrick Khalifé, respon-
sable Recherche & Développement.
Cela facilite la maintenance et permet de
garantir la précision des instruments »
.
Une réglementation de plus
en plus stricte
D’autres procédés se révèlent égale-
ment intéressants pour la fabrication de
DM. Ainsi, l’usinage par dissolution
ionique (PECM) permet de
« créer des
états de surface très propres au niveau
métallurgique, et des rugosités intéressantes
lorsqu’on recherche des bonnes propriétés
tribologiques »
, indique Stéphane
Vous avez dit pluridisciplinaire ?
Le Centre d’Ingénierie Santé de Mines de
Saint-Étienne développe des simulations numériques
sur les effets thérapeutiques des Dispositifs médicaux (DM)
dans les tissus mous (tout ce qui n’est pas de l’os). Il travaille
ainsi sur des produits tels que les bas de contention, des
ceintures lombaires, des genouillères, des bandages, etc.
Or, dans ce domaine, une approche mono-discipline connaît
vite des limites. « L’approche mécanique n’est pas suffisante
pour prédire l’évolution de tissus vivants comme la paroi
d’une artère, indique Stéphane Avril, le directeur du centre.
Leur comportement est plus compliqué à modéliser qu’un
matériau inerte. Il faut intégrer de la mécanique des fluides,
mais aussi des effets chimiques et biologiques. » Un travail
éminemment pluridisciplinaire.
Guérin, du Cetim. Au-delà des procé-
dés, le Cetim travaille sur toute la
chaîne de valeur du développement
des implants, depuis la caractérisation
des matériaux et la simulation
jusqu’aux essais fonctionnels et aux
procédés de nettoyage.
« Nous aidons les industriels dans leur
démarche de maîtrise de la fiabilité,
ainsi que sur les méthodes de qualifica-
tion pour répondre à une réglementa
-
tion de plus en plus stricte »
, précise
Yanneck Suchier, du Cetim.
Une réglementation que beaucoup
d’industriels considèrent comme un
frein à l’innovation. « Par méconnais-
sance, les organismes certificateurs
voient l’innovation comme un risque
plutôt que comme une opportunité
»,
estime Thierry Manceau. Cette
réglementation contribue, par ail-
leurs, à allonger le temps de mise sur
le marché, alors que l’industrie
cherche justement à réduire ce cycle
pour mieux affronter la concur-
rence.
« Dans notre secteur, l’innova-
tion est une obligation,
conclut
Thierry Manceau.
L’introduction de
la fabrication additive, par exemple, a
changé notre modèle économique.
Nous n’avons plus besoin de stocks.
Autant d’argent qui peut servir à
d’autres choses : travailler sur notre stra-
tégie, innover et développer l’employa-
bilité de nos salariés. »
n
Simulation de la
pose d'un
stent dans
une artère
© DR