Profil-recherche 19

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IRSST
Institut de recherche en
santé et en sécurité
du travail du Québec
Profil-recherche 19
Faisabilité de l'évaluation, chez les travailleurs d'abattoirs, des risques
reliés à l'utilisation industrielle des antibiotiques dans l'élevage des
animaux de consommation
Responsable* :
Jean-Claude Panisset, professeur titulaire, Département de médecine du travail et d'hygiène du
milieu, Université de Montréal
Origine et contexte
En 1980, 48% de la production mondiale
d'antibiotiques était destinée aux animaux d'élevage
à titre de stimulants de croissance et d'agents
préventifs. De nombreuses recherches démontrent
que cette consommation massive d'antibiotiques
favorise, chez l'animal, le développement de
souches bactériennes qui résistent aux antibiotiques.
Or, le développement d'une telle résistance peut
causer des problèmes majeurs dans le traitement de
maladies infectieuses. Les chercheurs ont voulu
vérifier si cette résistance pouvait être transmise à
des personnes qui sont souvent en contact avec des
matières
fécales
animales.
Ils
ont
donc
entrepris une étude préliminaire — étude de
faisabilité — dans les abattoirs où l'on retrouve les
travailleurs les plus exposés à ce risque de
contamination.
Méthode de travail
Les chercheurs ont mené une étude auprès de 59
inspecteurs répartis dans neuf abattoirs de porc du
Québec. Les femmes n'ont pas été retenues dans
cet échantillon car elles ne représentent qu'un
faible pourcentage des travailleurs d'abattoirs;
d'autre part, elles prennent des antibiotiques trois
fois plus souvent que les hommes, ce qui aurait pu
biaiser les analyses. Les 50 travailleurs du groupe
témoin ne prenaient aucun antibiotique et n'étaient
Collaborateurs : Pierre Bédard, médecin vétérinaire,
Slobodan Ducic, épidémiologiste, Léo G. Mathieu,
microbiologiste, Gérard Ozanne, microbiologiste
pas exposés à des animaux d'élevage. Des
analyses ont été effectuées sur des spécimens de
selles de porc afin de vérifier si on pouvait y observer
une résistance aux antibiotiques.
Les chercheurs ont soumis ces groupes d'étude
aux mêmes tests. Ils ont d'abord mesuré le degré
de résistance aux antibiotiques en déterminant la
proportion de conformes fécaux résistant à divers
antibiotiques tels que l'ampicilline, la tétracycline,
le Carbadox et le chloramphénicol. Afin de mieux
connaître le type de résistance que l'on retrouve
chez l'animal, ils se sont particulièrement intéressés
aux souches de coliformes qui résistent au
Carbadox, un antibiotique utilisé uniquement chez
l'animal, ce qui en fait un excellent marqueur
épidémiologique.
Ils ont aussi examiné la résistance d'un certain
nombre de ces souches bactériennes à 12
antibiotiques différents, afin de déterminer s'il existe
un profil de résistance spécifique aux porcs et si on
le retrouve chez les travailleurs exposés à ces
animaux.
Un questionnaire remis aux travailleurs a permis d'identifier des éléments extérieurs susceptibles
de modifier les résultats de cette étude
épidémiologique, soit la consommation de denrées
animales, d'antibiotiques ou de fibres alimentaires,
l'exposition à des animaux d'élevage ou à des
personnes consommant des antibiotiques et la
présence
de
certaines
maladies
d'origine
bactérienne.
Résultats
Perspectives ou prolongements
Les résultats obtenus démontrent clairement,
selon les chercheurs, que la flore bactérienne du
porc résiste fortement aux antibiotiques et qu'elle
constitue un réservoir de contaminants potentiels
pour le travailleur. Ils mettent aussi en évidence le
fait que cette résistance peut se transférer aux
groupes les plus exposés, c'est-à-dire aux travailleurs des abattoirs. En effet, les chercheurs ont
constaté que le profil de résistance observé chez
ces travailleurs est identique à celui du porc, pour
certains antibiotiques.
Les chercheurs ont noté que la majorité des
souches bactériennes résistantes au Carbadox
présentent une caractéristique que l'on retrouve
chez les souches pathogènes, soit une agglutination
des globules rouges. Ils ont également observé que
ces bactéries avaient les mêmes caractères de
virulence chez les travailleurs et chez l'animal.
Même si les chercheurs reconnaissent que leur
échantillonnage est très restreint, ils ont noté une
incidence de gastro-entérites et de problèmes
infectieux plus élevée chez les travailleurs des
abattoirs que chez le groupe témoin.
Cette étude a été conduite auprès d'inspecteurs
d'abattoirs dont l'exposition professionnelle ne
représente que 20% de celle des autres travailleurs
qui y œ uvrent. Cette proportion est basée sur une
évaluation approximative du nombre d'heures au
cours desquelles l'inspecteur est en contact étroit
avec les animaux, les carcasses ou les viscères.
Selon les chercheurs, on peut supposer que les
phénomènes observés seraient encore plus
accentués dans une population plus exposée. Pour
vérifier cette hypothèse, ils estiment souhaitable
d'effectuer une étude épidémiologique plus étendue
afin d'évaluer si cette résistance aux antibiotiques
pourrait être transmise à une population élargie.
.
L’IRSST, mai 1984
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