CE 20 novembre 2013 n° 357915, 8e et 3e s.

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CE 20 novembre 2013 n° 357915, 8e et 3e s.-s., Tastet
MM. Arrighi de Casanova, Prés. - Boutron, Rapp. - Bohnert, R. public - SCP Lyon-Caen, Thiriez, Av.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M me Tastet, qui exerçait l'activité
d'expert-comptable, a, aux termes d'un contrat en date du 31 décembre 2004, cédé son cabinet à la SARL Tastet
Lissarrague et Associés dans laquelle elle détient 45 % du capital et dont elle est co-gérante de droit ; qu'au titre
des bénéfices non commerciaux de l'année 2004, elle a déclaré une plus-value nette à long terme qu'elle a
placée sous le régime d'exonération prévu par les dispositions de l'article 238 quaterdecies du CGI en cas de
cession d'une entreprise individuelle ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration, estimant
que la cession du cabinet était intervenue le 1er janvier 2005, a assujetti Mme Tastet à des impositions
supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à raison de cette plus-value au titre
de l'année 2005, au motif que l'exonération prévue par l'article 238 quaterdecies du CGI ne s'applique pas « aux
cessions intervenues entre le 1er janvier et le 31 décembre 2005 » lorsque « le cédant exerce en droit ou en fait,
directement ou indirectement, la direction effective de la société cessionnaire. » ;
2. Considérant que, pour juger que la cession des éléments incorporels et corporels composant le cabinet de
Mme Tastet devait être regardée comme étant intervenue le 1er janvier 2005, la cour administrative d'appel de
Bordeaux a estimé que la requérante ne produisait aucun élément de nature à contredire les mentions de l'acte
de cession selon lesquelles la SARL Tastet Lissarrague et Associés serait propriétaire du cabinet d'expertisecomptable présentement cédé et en aurait la jouissance à compter du 1 er janvier 2005 ; qu'en statuant ainsi, alors
qu'il ressortait des écritures produites devant les juges du fond que M me Tastet soutenait, d'une part, sans être
contredite, que les négociations sur la chose cédée et sur son prix étaient intervenues avant la fin de l'année
2004, comme en témoignaient notamment la mise en place d'un financement bancaire partiel en septembre 2004
au service de cette opération et les démarches effectuées au cours de l'année 2004 par M. Lissarrague pour
permettre à la SARL Tastet Lissarrague et Associés de reprendre l'activité de Mme Tastet à la fin de l'année 2004,
d'autre part, que l'économie générale de la convention montrait qu'elle avait entendu céder son activité au 31
décembre 2004, la cour a dénaturé les écritures de la requérante ; que Mme Tastet est, par suite, fondée à
demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des
dispositions de l'article L 821-2 du Code de justice administrative ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 1583 du Code civil : « La propriété est acquise de droit à l'acheteur à
l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée et
le prix payé » ; que le transfert de propriété doit être regardé comme ayant lieu à la date à laquelle intervient un
accord sur la chose et le prix sauf lorsque les parties en ont expressément disposé autrement ;
5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que Mme Tastet et la SARL Tastet Lissarrague et Associés
sont entrés en négociation à propos de la cession du cabinet d'expertise comptable de Mme Tastet au cours de
l'année 2004 ; qu'à cet effet et dans ce contexte, un financement bancaire partiel a été obtenu en septembre
2004 et M. Lissarrague a pris les dispositions nécessaires pour que la SARL soit en état de reprendre l'activité de
Mme Tastet à la fin de l'année 2004 ; que ces négociations ont abouti, le 31 décembre 2004, à un accord entre les
parties portant sur la chose cédée et sur son prix au sens des dispositions précitées de l'article 1583 du Code
civil, lequel s'est manifesté par la signature, le même jour, de la convention de cession ; que, d'autre part, il
résulte de l'ensemble des stipulations de cette convention que les parties ont entendu que M me Tastet cède
définitivement son cabinet d'expertise comptable à la date de la convention ; que si une stipulation de cette
convention a prévu que la SARL Tastet Lissarrague et Associés entrerait en jouissance du bien présentement
cédé à compter du 1er janvier 2005, cette stipulation a eu pour seul objet de distinguer la date à laquelle Mme Tastet
cesserait définitivement son activité de celle à laquelle ses successeurs commenceraient la leur ; qu'ainsi, la
vente devait être regardée comme réalisée au 31 décembre 2004 ; que, dès lors, les dispositions de l'article 238
quaterdecies du CGI excluant du bénéfice de l'exonération les cessions intervenues entre le 1er janvier et le 31
décembre 2005 lorsque le cédant exerce en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de
la société cessionnaire n'étaient pas applicables à la cession du cabinet d'expertise-comptable de MmeTastet ;
que, par suite, Mme Tastet est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a rejeté ses
conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions
sociales mises à sa charge au titre de l'année 2005 ;
Décide : 1° Annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel et du jugement du tribunal administratif ; 2°
Décharge.
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